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Hormis ces qualités de l’Imam ‘Ali (P) que nous venons de citer et/ou d’illustrer, il est également important de noter sa pudeur exceptionnelle et ses manières fort chevaleresques allant, lors des batailles, jusqu’à tourner le visage devant un ennemi dévêtu, ne jamais poursuivre un fugitif ou encore ne jamais achever un blessé, etc.

Toute sa vie durant, l’Imam ‘Ali (P) eut à faire face à des ennemis de toute nature. Les raisons qui justifiaient ces inimitiés à l’égard de ‘Ali (P ) se nourrissaient toutes si on veut voir dans le terreau de la jalousie (le Prophète sur ordre de Dieu le privilégiait devant tous les autres compagnons), du désir de vengeance et de son corollaire la haine (il avait tué, pour défendre l’Islam, des parents de grands notables de la tribu ennemie des Banou hâchimites que sont les Banou Ummaya).

En effet les privilèges dont jouissait ‘Ali (P) et les motifs de la jalousie et de la haine qu’éprouvaient certains compagnons ou non du Prophète (P) tenaient en ceci:

§ Son père Abu Talib était un des premiers convertis à l’Islam contrairement aux pères d’un grand nombre de compagnons du Prophète et à toutes les tentatives de déformation de l’histoire qui ont voulu faire croire le contraire.

§ L’Imam est le cousin et le gendre du Prophète (P) lequel lui a donné en mariage sa fille unique Fatima Zahra (P) qui était tant convoitée.

§ Les portes des maisons des compagnons qui donnaient sur la Grande Mosquée de Médine furent toutes fermées sur ordre du Prophète (P) à l’exception de sa propre porte et de celle de ‘Ali (P) et son épouse.

§ Ali (P) a porté l’Étendard du Prophète pratiquement lors de toutes les grandes batailles et notamment à Khaybar où tous les autres Compagnons avaient échoué.

§ Il était le plus savant de toute la communauté après le Prophète (P) qui lui reconnaissait d’ailleurs l’immensité de ses connaissances divines qu’il s’était chargé lui-même de lui inculquer. Rappelons que c’est le Prophète (P) qui l’a éduqué et formé.

‘Ali (P) était un homme d’une droiture exceptionnelle et avait un juste franc-parler.

C’est chargé de tous ces «handicaps» que l’Imam ‘Ali (P) se trouva confronté après la mort du Prophète à des gens qui lui en voulaient pour ses origines banu-hâchimites, pour tous ses succès et sa gloire.

Il fut gardé en résidence surveillée pendant tout le règne des trois premiers califes après le Prophète (P), soit environ trente (30) années. Malgré cela il était pendant tout ce temps la référence ultime en matière d’interprétation du Coran, de droit islamique et de connaissance tout court tant pour les gouvernants que pour le peuple.

Après l’assassinat du troisième calife Usman, l’Imam ‘Ali (P) fut élu presque à l’unanimité calife. C’était alors la première fois que l’Imam désigné par Dieu et le calife officiel étaient une seule et même personne. L’Imam est ainsi le premier Imam et le quatrième calife. Son fils Al-Hassan (P) sera lui le deuxième Imam et le cinquième calife.

L’Imam Ali (P) mourut le 21 du mois de Ramadhan de l’an 40 après l’Hégire, mortellement blessé à la tête par un Khârijite (i.e. dissident, contre Ali (P) et contre Mu’âwiyah) du nom de Ibn Muljim alors qu’il dirigeait la prière le 19 Ramadhan au matin.

Avant de mourir il prit le soin de confier son meurtrier à son fils Al-Hassan (P) en lui recommandant de le traiter avec justice. Il leur dit également les noms des trois prochains successeurs: Al-Hassan, Al-Hussein, Zein al-Abédine (P). Cet ordre dans la succession est confirmé dans un hadith où le Prophète dit: «Al Hassan et Al Hossein (P) sont deux Imams qu’ils s’asseyent ou qu’ils se lèvent. » On verra le sens de la cette dernière proposition ci-dessus.

Plusieurs ouvrages ont été consacrés rien qu’à la bataille de Khaybar. Il serait donc prétentieux d’avoir ainsi résumé la vie de l’Imam Ali (P) mais il était juste important de vous le présenter de façon brève.

II-3-3 QUI ETAIT AL HASSAN (P) ?

L’Imam Al Hassan (P) est le premier petit-fils du Prophète de par sa mère Fatima mais aussi le fils aîné du Prophète de par son père ‘Ali (P) qui selon Mohammed (P) «est de lui et lui est de ‘Ali». Rappelons à ce propos que lors de l’ordalie (Mubahilah) qui opposa le Prophète aux chrétiens de Najran, Muhammad (P) appela Al Hassan (P) et Al Hussein (P) là où Dieu lui demandait d’appeler ses fils, l’Imam ‘Ali (P) pour «nous-mêmes» et Fatima (P) pour «nos femmes».

Il est né à Médine le 15 du mois de Ramadhan de l’an 3 après l’Hégire alors que le Prophète avait 56 ans.

Ce dernier fut immédiatement averti et se rendit aussitôt auprès de Fatima (P). Il prit l’enfant et l’embrassa puis demanda au père, l’Imam ‘Ali (P), le nom de son enfant. ‘Ali (P) lui répondit de la même manière qu’il venait de répondre quelques instants plus tôt à sa femme lorsqu’elle lui posa la même question : «je ne peux pas devancer le Prophète (P) de Dieu que tu es.». Et le Prophète (P) de lui répondre: « Moi non plus, je ne peux pas devancer Dieu.» C’est alors que l’Ange Jîbril (P) apparut au Prophète (P) pour lui annoncer le nom que Dieu avait donné à l’illustre enfant: Al Hassan (P). Un nom que personne n’avait porté jusque là dans toute l’Arabie.

Dans l’oreille droite du nouveau-né le Saint Prophète récita l’Appel à la prière (Al Azan) puis dans l’oreille gauche l’annonce de la prière (Al iqâma).

Au septième jour de la naissance de Al Hassan (P), le Prophète égorgea un mouton. A la femme qui assista Fatima (P) dans son accouchement il remit une partie du mouton et un dinar pour lui exprimer sa joie et sa reconnaissance. Il fit également raser la tête du divin enfant et donna en aumône la valeur d’un poids d’argent (métal) équivalent à celui des cheveux coupés.

A la place du sang avec lequel les arabes de l’époque enduisaient le corps d’un nouveau-né, le Prophète (P) utilisa les huiles mélangées de Khaloûq et de safran. Puis il circoncit l’enfant.

Al Hassan et son petit- frère Al Hussein (P) – qui naquit un an après lui – grandirent sous l’aile protectrice et l’amour infini du Prophète (P). Un hadith de Abu Huraïra rapporté par l’Imam Ahmad Ibn Hanbal nous raconte cette anecdote:

«Un jour que le Prophète (P) se promenait avec ses deux enfants, un arabe, qui l’observait depuis un bon moment lui fit la remarque suivante:

- ô Prophète (p) de l’Islam, tu ne cesses d’embrasser ces enfants. Je sens que tu les aimes au plus haut point. Et le Prophète de lui répondre:

- Je jure que je les aime et celui qui les aime m’aimera et celui qui les déteste me détestera.»

De même qu’il répondit à un autre qui lui reprochait cette fois ce noble élan:

«Je consacrerais toujours le temps qu’il faut pour donner à ces enfants tout l’amour que je nourris pour eux. Quant à toi ce n’est pas de ma faute si Dieu t’a enlevé du cœur toute affection.»

Même dans la prière – moment de vérité absolue chez le musulman a fortiori chez le Prophète (P) – il lui arrivait que l’un de ces enfants soit sur sa nuque alors qu’il avait le front par terre. Il attendait simplement que l’enfant se dégage pour se soulever.

Les deux frères tirèrent de leur proximité avec le Prophète (p) une éducation sans faille sous-tendue par une instruction tout aussi vaste que dense embrassant tous les domaines de la Connaissance. Cela se passa ainsi jusqu’à la disparition du Prophète (P) à l’âge de 8 ans pour Al Hassan (P) et 7 ans pour Al Hussein (P). C’est alors que l’Imam ‘Ali (P) prit la relève auprès de ses illustres enfants.

Al Hassan (P) ressemblait beaucoup au Prophète (P) tant au plan physique que moral. Il était très actif auprès du Prophète (P) et plus tard auprès de son père l’Imam ‘Ali (P). Ceci contrairement à ce que l’on a pensé de lui et que certains ouvrages et autres traditions ont pu le soutenir lui prêtant des attitudes de personnage débonnaire, sans forte personnalité.

Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler le rôle de preux défenseur qu’il joua en compagnie de son frère Al Hossein (P) devant la porte du Palais de Usmân quant ce dernier se trouva menacé par une foule de musulmans révoltés ayant à leur tête Mohammed fils de Abu Bakr. Un second exemple parmi d’autres est sa grande capacité mobilisatrice et de combattant lors des deux campagnes [30] que mena son père contre les armées de Moâwiyah et de Aïcha en vue des batailles respectives de Jamal et de Cifayin.

L’Imam Al Hassan (P), digne fils de l’Imam ‘Ali (P), était un guerrier redoutable mais également un fin stratège. Il savait que le grand dessein de Moâwiyah, après la mort de l’Imam ‘Ali, était l’extermination de tous les descendants du Prophète (P). Il s’arma de cette certitude mais aussi de la Parole de son Père le Prophète (P) de l’Islam qui avait prédit que Al Hassan (P) et Al Hussein (P) étaient tous deux Imams qu’ils soient «assis» ou «debouts». En effet, pour sauver la descendance du Prophète (P) et tous les musulmans véridiques qui leur étaient restés fidèles de l’infâme dessein de Moâwiyah, il fut amené à se faire violence en acceptant, à travers la négociation avec Moâwiyah, d’être l’Imam des deux qui était «assis». Ses forces militaires réduites et l’héritage affaibli dont il disposait ne lui permettaient pas de s’opposer à Moâwiyah qui avait acheté avec l’argent de Beytul-mâl (ou encore Trésor Public) de nombreux notables et chefs de guerres de la région. Cette situation ajoutée à la révolte des Khârijîtes contre tous les dirigeants (‘Ali et Moâwiyah), à la dislocation de l’armée de l’Imam ‘Ali (P) à la suite des batailles de Cifayin, Jamal et Nahrawân, à la forte affliction causée par la mort de son père ‘Ali (P), tout cela mis ensemble justifiait amplement le choix hautement stratégique et combien sage de l’Imam Al Hassan (P) qui décida donc de négocier, répétons-le, malgré lui.

Le traité qu’il signa avec Moâwiyah stipulait clairement qu’aucun Calife ne pouvait avoir autorité sur lui Al Hassan (P), ensuite que les partisans de l’Imam ‘Ali (P) ne pouvaient faire l’objet d’une chasse aux sorcières et encore moins persécutés, que les injures et calomnies proférées jusque-là sur la descendance du Prophète (P) dans les mosquées et autres lieux publics étaient immédiatement proscrites.

Certains musulmans protestèrent tandis que l’Imam Al Hussein (P), lui, accepta comme toujours les décisions de son frère qui, selon sa conception se devait «d’être assis» en ce moment et qu’au moment opportun il devra, lui Al Hussein (P) «rester debout».

Moâwiyah ne respecta pas ses engagements. Il fit même pire en envoyant une femme du nom de Ja’âda, fille de la sœur de Abu Bakr, pour empoisonner l’Imam Al Hassan (P). Il lui promit de la marier à son fils Yazid, de lui offrir son poids en or, etc. Évidemment une fois la tâche accomplie, comme à son habitude, il ne tint aucune de ces promesses.

C’est ainsi que l’Imam Al Hassan (P) devint martyr à Médine le 28 du mois Safar de l’an 50 après l’Hégire. Il fut enterré à Baqia (Médine) loin de son grand-père le Prophète (P) de l’Islam. Et comme tous les Imams de la Sainte Lignée il prit le soin avant de mourir de désigner l’Imam Al Hussein (P) comme son successeur désigné par Dieu et tel que le lui ont indiqué ses prédécesseurs, le Prophète Muhammad (P) et l’Imam ‘Ali (P).

Nous n’avons retracé là qu’une infime partie de la vie de l’Imam Al Hassan (P) qui pourrait faire l’objet de plusieurs livres. Son importance dans l’histoire de la succession méritait cependant qu’on fasse ce petit détour.

II-3-4 QUI ETAIT AL HUSSEIN (P) ?

Al Hossein naquit le troisième jour du mois de Châ’abâne de l’an 4 après l’Hégire.

Dés sa naissance, une dame du nom de Assmâ porta l’enfant au Prophète (P). Ce dernier le regarda longuement puis se mit à pleurer. Devant la dame interloquée et suppliant le Prophète (P) de lui expliquer la raison d’un tel épanchement, ce dernier lui révéla que l’enfant qu’elle venait de lui mettre entre les bras allait être un martyr de l’Islam. Al Hussein (P), disait le Prophète (P) sera tué par des dissidents ignobles et dévergondés en faveur desquels, assura-t-il, il n’intercédera point.

Al Hussein (P) reçut du Prophète (P) les mêmes sacrements que ceux reçus par son frère à sa naissance (l’azan et l’iqâma dans les oreilles, le rasage, le don d’une certaine quantité d’argent, etc.).

Comme son frère Al Hassan (P), Al Hussein (P) bénéficia auprès du Prophète (P) d’une éducation très riche et sans faille, sous-tendue par une instruction tout aussi vaste que dense embrassant tous les domaines de la Connaissance. Il grandit dans le même amour infini du Prophète (P).

A l’âge de 7 ans il perdit son père le Prophète de l’Islam (P) mais retrouva cet autre illustre père qu’était l’Imam ‘Ali (P). Ce dernier prit donc en charge de continuer à parfaire l’éducation de ses enfants Al Hassan (P) et Al Hussein (P) qui, ne n’oublie pas, étaient désignés par Dieu pour être des Imams comme l’avait déjà annoncé le Prophète (P).

C’est ainsi que le père (‘Ali) et les deux enfants (Al Hassan et Al Hussein) furent éduqués par la même personne: le Prophète (P) à la fois cousin et beau-père pour l’un mais aussi père et grand-père pour les autres. Dieu assurait ainsi la pérennité de Ses Enseignements à travers une Sainte Lignée, celle des Descendants du Prophète (P) dont l’éducation était l’œuvre de Dieu Lui-même à travers les mains du Prophète Mohammad (P) , le meilleur de tous les êtres que Dieu a créés.

Après la mort de l’Imam ‘Ali (P) et l’empoisonnement de l’Imam Al Hassan (P), il revint à l’Imam Al Hussein (P), à l’âge de trente ans, de prendre la lourde responsabilité de conduire la Umma sur le chemin de la Perfection.

L’héritage était encore une fois très lourd à porter. En effet Moâwiyah avait imposé Yazid son fils aux différents dignitaires de la région - sauf à Médine - en leur demandant de lui prêter allégeance de gré ou de force. Or l’histoire nous apprend que Yazid était une personne sans scrupule qui n’avait que trois passions: l’alcool, la femme et la chasse. D’ailleurs l’annonce de la mort de son père le trouva en pleine séance de chasse.

Dés son accession au pouvoir en remplacement de son père, Yazid demanda à son représentant à Médine, Walid Ibn Oth’ba, de dire à Al Hussein (P) de lui prêter allégeance. Et au cas où il refuserait l’ordre était donné à Walid de lui trancher la tête et de la lui envoyer.

Walid convoqua Al Hussein (P) une nuit pour lui faire part des ordres qu’il avait reçus de Yazid. Al Hussein (P) demanda d’abord de réserver sa réponse pour le lendemain en plein jour vu l’importance de la question. Puis en réponse à l’énervement de Marwâne Ibn Hakâm – qui conseilla à Walid de ne pas laisser Al Hussein (P) sortir de là-bas vivant sans avoir atteint son objectif – Al Hussein (P) dévoila tout ce qu’il pensait en son for intérieur. Il dit:«Quelqu’un comme moi ne prête pas allégeance à quelqu’un comme Yazidcar nous sommes la Maison de la Révélation, la Source de la Connaissance,...».

Sorti de ces lieux, Al Hussein (P) qui savait alors que sa vie et celle des membres de sa famille et de ses partisans étaient menacées, décida d’émigrer vers la Mecque. La ville sainte était en effet le seul endroit où les arabes, même avant l’avènement de l’Islam, évitaient toujours de verser le sang.

Une fois arrivé à la Mecque, Al Hussein (P) envoya son cousin Muslim Ibn ‘Aqîl, comme messager en Irak, plus précisément à Koûfa, pour vérifier si l’état des consciences dans cette contrée lui était encore favorable. Rappelons que la ville de Koûfa était la base de son père ‘Ali (P).

Plusieurs milliers de lettres lui parvinrent de Kûfa, l’invitant à venir s’y établir. Ibn Ziad, le représentant de Yazid à Koûfa, ayant appris que Muslim Ibn ‘Aqil avait été envoyé en éclaireur en Irak, le fit tuer avec son hôte Hâni Ibn Urwa ainsi que d’autres partisans. Après avoir commis un tel forfait, Ibn Ziad ferma les portes de la ville. Il interdit mais aussi découragea toute velléité de révolte en faisant croire aux populations que l’armée de Yazid avait encerclé la ville et était prête à réprimer dans le sang les désobéissants. Tout ceci afin d’éviter que l’assassinat de Muslim ne s’ébruitât; ainsi pour Al Hussein (P), la ville de Kûfa était toujours prête à le recevoir.

Conforté par les nouvelles qu’il avait reçues de Kûfa, Al Hussein (P) se mit en route pour cette ville en compagnie de sa famille, de tous ses partisans et des membres de leur famille.

Arrivé à Karbala, il rencontra l’armée envoyée par Ibn Ziad et dirigée par Hûr Ibn Yazid Ar-riyahi et ‘Umru Ibn Sâ’ad.

Ils furent encerclés par cette armée plusieurs jours durant. Toutes leurs provisions étaient déjà épuisées et donc les hommes affamés et assoiffés, lorsque le 10 du mois lunaire de Muharram, Ibn Sa’ad et ses soldats s’abattirent sur le fils du Prophète (P) et les membres de sa famille. Ils furent tous massacrés avec une extrême cruauté. Les chevaux de l’ennemi piétinèrent le cadavre décapité de Al Hussein (P) tandis que les femmes, attachées derrière les chevaux étaient violemment traînées et humiliées à travers plusieurs villes. Un seul fils adulte d’Al Hussein (P) échappa à l’horrible tuerie: Ali Ibn Al Hussein (P) plus connu sous le nom de Zein El-Abédine, qui était malade.

Zeynab (P), la sœur de Al Hussein (P), fut horrifiée et pleine de compassion et de tristesse en voyant la tête décapitée de son frère suspendue à la pointe d’une lance. Elle fit un poème fort poignant que nous préférons vous transcrire en arabe avant de tenter de le traduire:

«mâza takhûlûna iza khâlâ nabi yulakum

mâza fa altum wa antum akhîrul umamî

bi hit’ratî wa bi hah li bâ’da muf takhadî

mine hum ussâra wa mine hum daraju bidami

mâkâna hâza jazâ’i iz nassakhtu lakum

antukh li fûnî bi su’ine fî dzawî rahîmi

înî la afchâ aleykum an yukhmala bikum

mis’lal azâbi lezi yakh ti alal ûmami.“

Que direz-vous lorsque le Prophète (P) vous demandera,

Vous le peuple qu’il a laissé derrière lui,

Qu’avez-vous fait de ma descendance et de ma famille après ma mort?

Parmi eux des prisonniers de guerre et des corps baignant dans leur sang

Lorsque Yazid reçut la tête tranchée de Al Hussein (P), il fit un poème dans lequel il dit:

«La tribu des Hâchimites (celle du Prophète) s’est amusée avec le pouvoir. Il n’y a eu ni nouvelles, ni révélations venues de Dieu. Je regrette que mes ancêtres morts à Badr ne soient pas présents en ce jour de gloire.»

La nouvelle de la mort de Al Hossein (P) se répandit à la vitesse du son. Et ses ennemis de répandre des commentaires dénués de tout fondement sur le martyr. Reprochant à Al Hussein (P), auprès de qui voulait les entendre, de s’être intéressé à la politique au détriment de la religion en allant jusqu’en Irak pour former une armée et combattre Yazid.

Cependant la sœur de Al Hussein (P), Zeynab (P), mena tout le long du parcours sur lequel on les traîna, elle et ses sœurs, une campagne d’explication des nobles desseins de Al Hussein (P). Elle le fit dans de mémorables discours qu’on peut trouver notamment dans plusieurs ouvrages.

L’œuvre magnifique et surtout le sens du sacrifice du frère de Al Hassan (P), fils de Ali (P) et de Fatima (P) et petit-fils du Prophète (P), sont restés si longtemps mal compris et expressément déformés par les Omeyyades que certaines traditions qui nous sont parvenues le présentèrent tel que le décrivirent ses assassins.

Or donc Al Hussein (P) n’était allé à Kûfa que dans le but de préserver ses partisans et surtout le lourd héritage qu’il avait reçu de son frère. Les preuves en sont nombreuses:

- Il est parti avec les femmes et les enfants donc il n’avait nullement l’intention d’attaquer qui que ce soit.

- Ses partisans de Kûfa l’avaient invité avec beaucoup d’insistance à venir rester auprès d’eux afin de continuer l’œuvre de ses prédécesseurs: le Prophète (P), Ali (P) et Al Hassan (P). A ce propos, des personnes qu’il avait rencontrées alors qu’il était presque arrivé à destination lui dirent ceci: «Le cœur des gens de Kûfa est avec toi mais leurs sabres sont sur toi.». Hélas il était trop tard.

- Sachant qu’il était l’Imam qui devait rester «debout» et confirmant en cela la prédiction du Prophète (P), il n’avait aucune autre alternative que celle d’agir. Car sa mort est une action posée contre les ennemis de l’Islam, une preuve d’amour pour ses partisans et surtout pour la cause de l’Islam. En effet elle provoqua au sein de la Umma une réelle prise de conscience du poids de la charge (Al Amana), et mit à nu toutes les déviations et autres perversions des Ommeyades. Cela eut pour conséquence la renaissance de l’Islam vrai et donc sa conservation à travers la Sainte Lignée du Prophète (P) qui se perpétua avec Zein El Abédine (P) que Dieu avait miraculeusement protégé du massacre de Karbala.

Sous la tente où Zein El Abédine (P) était alité, Al Hussein (P) lui avait légué le pouvoir qu’il détenait et lui avait transmis, comme l’ont fait ses prédécesseurs, la liste des Imams qui auront à lui succéder.

II-3-5 QUI ÉTAIT ZEIN EL ABEDINE (P):

Le quatrième Imam est Ali fils de Al Hussein (P) et de Châh Zanân, fille de Yazdagard. Il est né à Médine le 15 du mois lunaire de Jumâd al ‘ûla, en l’an 36 après l’Hégire.

Seul rescapé de la tuerie de Karbala parmi les hommes de la famille de Al Hussein (P), il bénéficia d’une éducation faite de rigueur, de sagesse et d’une connaissance très approfondie du Saint Coran et des Hadiths du Prophète de l’Islam (P) tant auprès de son père que de la sœur de ce dernier, Zeynab (P).

Une anecdote pour tenter d’illustrer ne serait – ce qu’un pan de sa sagesse: Un jour une personne insulta l’Imam. Ce dernier l’écouta silencieusement. Quelques temps après l’Imam se rendit chez elle. Il récita ce verset coranique:

«…pour ceux qui maîtrisent leurcolère; pour ceux qui pardonnent aux gens: Allah aime ceux qui font le bien.» (Al Imran, 3 : 134)

Puis s‘adressant à cette personne il lui dit:«Ô frère! tu nous as offensés et dit ce que tu penses. Si ce que tu as dit est vrai, qu’Allah me pardonne, et si ce que tu as dit n’était pas vrai, qu’Allah te pardonne.».

Il doit son surnom de «Perle des adorateurs» (Zein El Abédine) à sa très grande piété et ses nombreuses prières, invocations et autres marques de dévotion surérogatoires. Il était d’ailleurs connu également comme Zoul thafâna c’est-à-dire quelqu’un dont la peau des genoux s’est endurcie à force de travail, en fait à force de se prosterner. Il est à noter que ce surnom comme le surnom des autres imams lui fut donné par le prophète lui-même: Jabir ibn Abdallah Al Ansari rapporte: «un jour j’étais assis avec le Prophète et il jouait avec Al Hussein (P), il (P) me dit: Un fils naîtra de cet enfant qui se nommera Ali (p) et au jour du jugement un annonceur criera ou est le seigneur des adorateurs (sayyid al sajjidîn) et ce fils se lèvera . De ce fils naîtra un Muhammad (p) si tu le rencontre salue le de ma part».

Sa générosité légendaire au bénéfice des pauvres et des indigents ne fut entièrement découverte qu’après sa mort tellement il fut discret dans ses largesses.

Il eut à former beaucoup de docteurs en matière de connaissance du Coran et de l’Islam.

Il est mort empoisonné le 25 du mois lunaire Muharram en l’an 95 après l’Hégire à l’âge de 57 ans. Il fut inhumé à Baqî à Médine. Et à l’instar de tous ses prédécesseurs, il désigna, avant de mourir, son successeur: son fils Muhammad Al Bâqir (p).

II-3-6 QUI ETAIT MUHAMMAD AL BÂQIR (P):

Le cinquième Imam est Mohammed surnommé Al Bâqir (P). Son père est l’Imam Ali fils de Al Hussein (P), plus connu sous le nom de Zein El Abédine (P). Sa mère est Fatima (P), fille de l’Imam Al Hassan (P).

Il est né le lundi 1er Rajab de l’an 57 de l’Hégire. Son père et sa mère étaient respectivement le petit-fils et la petite-fille de l’Imam Ali Ibn Abi Talib (P) donc du Prophète (P). Ainsi, il était le premier à être descendant de l’Imam ‘Ali (P) des deux côtés en plus d’être totalement imprégné de l’environnement éducationnel du Prophète de l’Islam (P).

Il eut également le malheur de vivre à l’âge de quatre ans le massacre de Karbala où fut martyrisé son grand-père Al Hussein (P).

Citons pour mieux cerner son caractère quelques passages du «Guide islamique des enfants» de Abbas Ahmad Al Bostani (pages 30 et 31).

« Il fut un homme de beaucoup de qualités de grandeur, de révérence et de piété. Il était la quintessence du savoir, de la courtoisie et des dispositions au bien. Il fut dévot, humble et généreux.

Les récits ci-après sont révélateurs de la qualité de son caractère:

Un jour, un chrétien insulta l’Imam en le traitant de Baqar (une vache). L’Imam lui répondit: «Je suis Al Bâqir (celui qui exhume la connaissance)». Le chrétien rétorqua: «Tu es le fils d’une cuisinière». L’Imam répondit:«C’était son travail». Le chrétien, injurieux, répliqua: «Tu es le fils d’une mère barbare». L’Imam lui dit: «Si tu as dit la vérité qu’Allah lui pardonne, et si tu as menti, qu’Allah te pardonne».

Ayant constaté cette bonté chez l’Imam, le chrétien se convertit à l’Islam.

Jabir Ibn Abdullah Al Ansari, un compagnon du noble Prophète raconta: «Un jour j’étais avec le Prophète (P), qui gardait son petit-fils Hussein (P) sur ses genoux et jouait avec lui. Le Prophète me dit alors: «O Jabir! Ce fils des miens engendrera un fils ayant pour nom ‘Ali qui à son tour engendrera un fils appelé Muhammad. O Jabir! Lorsque tu le rencontreras, transmets-lui mes salutations. Après quoi tu ne vivras plus longtemps.»

L’Imam Al Bâqir (P) était un océan de connaissances et pouvait répondre à toute question sans hésitation. Ibn Ata Al Makki dit à ce propos: «Je n’ai jamais vu de grands savants se sentir aussi inférieurs devant quelqu’un, qu’ils le sont devant Muhammad Al Bâqir (P). Ainsi j’ai assisté à son entretien avec Hakim Ibn Utayba: celui-ci était comme un enfant face à son instituteur».

Muhammad, fils de Muslim relate: «jamais une question ne m’est venue à l’esprit sans que je manque de la poser à l’Imam Muhammad Al Bâqir (P), jusqu’à ce que le nombre de questions que je lui ai posées ait atteint 30 000.»

A Médine où il était la référence ultime en matière de Connaissance, il arrivait que les gens évitassent de le rencontrer de peur de subir des représailles des dirigeants Ommeyades de l’époque. ‘Umar Ibn Abdel ‘Aziz, après s’être rendu compte de l’affaiblissement de la dynastie Ommeyyade à la suite de multiples coups portés par les révoltes des populations, décida d’interdire les injures qui étaient proférées tous les vendredi à l’encontre des descendants du Prophète(P) depuis l’Imam ‘Ali (P). Egalement il prit la décision de rendre aux descendants du Prophète le champ de dattiers connu sous le nom de Fadâk que Fatima Zahra (P), qui l’avait hérité de son père le Prophète (P), avait réclamé à Abû Baker pendant son règne.

De telles décisions encouragèrent les Musulmans de l’époque à rendre visite à l’Imam Al Bâqir (P) sans plus aucune crainte. Cette ère fut appelée pour sa fécondité Al Asr Azahab ou l’époque d’Or.

L’Imam Muhammad Al Bâqir (P) se rappelait toujours Allah. Son fils, l’Imam Ja’far Al Çadiq (P) raconta: «Mon père se rappelait Allah à tout moment; partout où je l’accompagnais, je le voyais évoquer Allah; même lorsqu’il conversait avec les gens, il gardait Allah dans la mémoire; il accomplissait la prière de Tahajjud (surérogatoire de minuit) régulièrement, était dévoué à l’adoration d’Allah, et pleurait d’amour d’Allah.

Jusqu’au règne de l’Ommeyyade ‘Abdul Malick Ibn Marwan, la monnaie utilisée par les musulmans était la monnaie byzantine. Un conflit éclata, et l’empereur byzantin voulut utiliser l’arme économique, et envoya un ultimatum après quoi les musulmans seraient privés de la monnaie byzantine. Embarrassé et craignant le pire, le calife demanda conseil à tous les notables mais la situation étant tellement imprévisible ils se déclarèrent tous dépourvus de solutions. C’est alors que l’imam Bâqir (P) voyant que la réputation de l’islam allait être atteinte et que l’état islamique risquait d’être déstabilisé par ses ennemis , conseilla au calife de collecter suffisamment d’or et d’argent de toutes les provinces islamiques afin de frapper une monnaie islamique pour remplacer la monnaie byzantine. Il (P) indiqua le poids adéquat et les inscriptions qu’il fallait mettre sur la nouvelle monnaie.

 
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