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Lorsque le récit choisit ces types de démunis qui, bien qu'ils diffèrent dans leurs traits psychologiques, ont en commun la pauvreté, il met en exergue l'importance de l'offre de la nourriture, et sa contribution diverse à toutes les formes de la satisfaction de leurs besoins, avec toute la joie que cela suscite chez chacun des pauvres nourris, ainsi que chez les nourrisseurs eux-mêmes, lorsqu'ils seront récompensés, le Jour Dernier, par la nourriture exquise du Paradis, que le récit s'est évertué de décrire.
En d'autres termes, il faut que le lecteur se rende compte de l'équilibre artistique dans le récit entre la satisfaction alimentaire que les pieux procurent aux affamés, et la diversité de type d'affamés d'une part, et la satisfaction alimentaire que le Ciel procure aux premiers et la variété de sortes de satisfaction qui attend ces héros.
Cet équilibre architectural entre ceux qui nourrissent et ceux qui sont nourris, dans le bas-monde, et la récompense qui attend les premiers dans l'Autre-monde révèle l'un des aspects artistiques que le lecteur de l'oeuvre coranique ne devrait pas manquer de remarquer.
En tout état de cause, lorsque le récit attire notre attention sur l'importance du don alimentaire, il propose un concept particulier à cet acte, à savoir que l'offre de nourriture doit être faite pour l'amour d'Allah et non dans le but de se faire une bonne réputation ou d'obtenir la gratitude des gens.
Tel est le quatrième et dernier des devoirs que le récit a présentés. Mais ce devoir ou cet acte revêt une importance primordiale dans le domaine de l'exercice au détachement de soi-même. Aussi le récit lui a accordé une place particulière et en a fait, le seul critère de la justesse de la conduite tout en lui attribuant le mérite de la récompense du Jour Dernier et lui appliquant le titre de "pieux", auquel ce récit lui a été consacré, comme nous allons le voir bientôt.
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Il y a différents types d'hommes qui font le don de nourriture et qui distribuent de l'argent aux pauvres, mais cet acte en soi n'est pas forcément révélateur d'une conduite saine ou d'une marque d'abnégation chez le "bienfaiteur".
Bien plus, le don de la nourriture et la générosité en général pourraient devenir un indice d'un défaut chez le donateur, lorsque celui-ci vise par son acte de générosité à redorer son image ou à arracher des remerciements. En d'autres termes il recherche, en agissant ainsi, une satisfaction personnelle et ne fait que s'enfoncer dans son égocentrisme.
Un tel "bienfaiteur" ou un tel "donateur généreux", n'est pas dans, le fond différent d'un avare qui refuse de dépenser ce qu'il possède. En effet, l'avare recherche à satisfaire son soi et reste égocentrique en s'efforçant de s'attirer tout ce qui réalise un gain pour lui-même. Or une telle attitude est considérée comme un trait d'aberration.
Celui qui prodigue son argent pour se forger une position sociale ou pour qu'on lui témoigne de la gratitude, est empreint de la même marque d'aberration, car tout comme l'avare, il recherche à satisfaire son moi et agit par intérêt. Tous les deux sont donc égocentriques. La seule différence qui les départage, c'est que le donateur recherche une satisfaction psychologique personnelle alors que l'avare recherche la satisfaction matérielle personnelle.
C'est pourquoi, le récit qui nous occupe ici n'a pas abordé la question de l'offre de la nourriture séparément de son aspect sain; il a présenté le "nourrissement" de l'indigent, de l'orphelin et du captif, associé au monologue intérieur des héros du récit, qui se sont dit, comme s'ils s'adressaient, dans leur for intérieur, aux bénéficiaires, et sans le leur dire ni le leur montrer: «Nous vous nourrissons pour plaire à Dieu Seul; nous n'attendons de vous ni récompense, ni gratitude».[184]
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Le deuxième trait de l'art romanesque qui marque cette partie du récit, c'est le procédé de répétition concernant la crainte qu'inspire, aux pieux, le Compte, le Jour Dernier. Ainsi, après avoir évoqué la nourriture que les héros avaient offerte pour l'amour d'Allah, le récit s'est attaché à prêter immédiatement, à ces derniers, les propos suivants: «Nous redoutons de la part de notre Seigneur un Jour menaçant et catastrophique».[185]
Or on sait que le récit a déjà mentionné, le fait que ces héros redoutaient ce Jour à une autre occasion: «ils tiennent leurs promesses, ils redoutent un Jour dont le mal sera universel».[186]
Cette répétition veut signifier que chacune de leurs actions ou chacun de leurs gestes est associé à la crainte du Compte du Jour Dernier, et confirme par la même occasion que le ""nourrissement"" est un acte accompli uniquement pour satisfaire Allah, et ce à tel point qu'ils craignent en permanence de devoir Lui rendre des comptes pour tout geste dont se dégage la moindre odeur d'égoïsme.
Il y a un troisième trait artistique qui mérite d'être souligné et appelle à la réflexion, à savoir le procédé de dialogue que le récit a utilisé à propos du "nourrissement" pour l'amour d'Allah et rien d'autre.
En effet, le récit a recouru au procédé de narration lorsqu'il a abordé la question de la tenue de la promesse, alors qu'il a présenté celle du "nourrissement" sous forme de dialogue.
Dans le cas du "nourrissement", le récit a relaté la crainte que le Jour du Compte inspire aux pieux: «Ils tiennent leurs promesses et ils craignent un Jour dont le mal sera universel».
Tandis que dans celle du "nourrissement", il a donné la parole aux héros pour qu'ils s'expriment eux-mêmes: «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah Seul; nous n'attendons de vous ni récompense, ni gratitude».[187] «Nous redoutons de la part de notre Seigneur un Jour menaçant et catastrophique».[188]
Ce passage du procédé de narration au procédé de dialogue revêt sans aucun doute une grande importance dans la mesure où il permet de dégager, comme on va le voir, les significations idéologiques que le récit vise. Quelle est cette importance?
D'aucuns pourraient dire, relativement aux héros du récit, que lorsque ceux-ci avaient fait une promesse à Allah, le problème de la tenue de cette promesse restera une affaire entre eux et leur Créateur et ne s'étendra pas à d'autres. Toute l'affaire consiste en un jeûne de trois jours, et il fut accompli convenablement. Ceci ne requiert ni dialogue ni personnages.
En revanche, la question du "nourrissement" a trait à d'autres personnages, "l'indigent", "l'orphelin" et "le captif" à qui le repas est offert, ce qui a nécessité qu'on dise à leur attention, les propos suivants, soit en leur adressant la parole directement, soit en parlant à soi-même silencieusement, soit en formant la parole mentalement: «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah, ... nous redoutons ...».
Les textes de tafsîr jettent sur ce sujet suffisamment de lumière pour permettre de le comprendre clairement. Certains de ces textes affirment que l'un des personnages, l'Imâm 'Alî (p) s'est adressé à Allah dans les termes suivants, après avoir offert le repas: «Ô notre Dieu, remplace notre repas que nous avons manqué par ce qui en est meilleur».
Mais comme on peut le constater, cette affirmation, en supposant que ledit tafsîr soit crédible, relie ce dialogue à Allah et non aux pauvres à qui cet énoncé: «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah ...» est manifestement adressé.
D'autres textes de tafsîr nous donnent une explication plus pertinente en affirmant: «'Alî (p) n'a jamais prononcé ni formé cette parole «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah; nous n'attendons de vous ni récompense, ni gratitude», mais c'est Allah Qui a su que, dans son coeur (esprit ), 'Alî (p) a nourri pour plaire au Ciel, et IL lui a fait savoir ce qu'IL sait de ce qui se passe dans son coeur et qu'il ne prononce pas.
Selon un autre texte exégétique: Par Allah, ils ('Alî, Fâtimah, al-Hassan et al-Hussain) n'ont pas prononcé ces propos. Ils les ont formés dans leurs esprits seulement, mais c'est Allah Qui les a informés de ce qu'ils avaient formé mentalement.
Ces deux derniers textes de tafsîr, éclaircissent complètement le sujet, en affirmant que les héros n'ont pas adressé ces paroles aux indigents, ou bien plus, ils ne les ont pas même dits silencieusement à eux-mêmes, mais qu'ils les ont conçus dans leurs esprits, et qu'Allah a su ce qu'ils ont pensé et l'a fait savoir.
La question qui se pose encore est: Quelle est l'explication artistique d'un tel monologue intérieur?
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La valeur de l'art romanesque s'affirme ici clairement, lorsque nous réalisons que le récit décèle de lui-même et sans le concours des textes de tafsîr, ses traits artistiques à travers le mode de présentation des héros et de leur façon de penser, de telle sorte que le lecteur puisse en induire plus d'une signification, même sans avoir recouru à l'exégèse.
Tout lecteur averti que l'expérience lui a appris à apprécier une oeuvre romanesque, peut, sans trop de peine, conclure que nos héros n'ont pas prononcé la parole «Nous vous nourrissons ... etc», «Nous redoutons de la part de notre Seigneur ...», puisque rien dans le récit ne justifierait le contraire.
Ainsi, les trois indigents étaient venus l'un après l'autre et non en même temps, ni ensemble pour qu'on ait pu leur adresser les propos en question à la troisième personne du pluriel; de même, les trois démunis qui ne possédaient pas, de toute évidence, de quoi nourrir les autres, ne se trouvaient donc pas en situation qui permette qu'on leur adresse le prêche contenu dans le monologue.
Pour toutes ces raisons et d'autres, la parole adressée à leur intention ne peut être, sur le plan de la technique romanesque, qu'un monologue intérieur et non un élément de dialogue avec l'indigent, l'orphelin et le captif.
Mais la question qui se pose maintenant est pourquoi le récit a-t-il utilisé ici l'élément de dialogue, et ne l'a pas fait à propos de l'énonciation du thème de la "tenue de la promesse" alors que les deux cas traduisent une même situation: la relation des héros s'est limitée à Allah et à personne d'autre?
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A notre avis, le récit vise à attirer notre attention sur l'importance de l'offre de nourriture ou de toute attitude qui porte intérêt à autrui, par amour pour Allah et non dans l'intention d'attirer pour soi l'estime ou la gratitude. Dès lors un tel acte requiert une formation intérieure ou mentale de l'intention (et non une extériorisation ou une déclaration de cette intention), qui naît et se meut dans le cadre des sentiments.
En outre, lorsque le récit laisse les personnages eux-mêmes présenter dans leur langage leurs sentiments, il crée un grand effet chez lecteur, effet qui le conduit à réformer sa conduite et à vivre avec une telle vérité en se la répétant au fond de lui-même chaque fois qu'il accomplit un acte de bienfaisance envers autrui, en dialoguant avec lui-même: «Je l'ai fait pour Allah» ou en adressant sa pensée, mais sans la traduire en paroles prononcées, aux bénéficiaires de son acte de générosité: «J'ai fait cela pour plaire à Allah et non à vous».
Dans notre vie quotidienne, nous formons mentalement de milliers de pensées sans en parler à personne. Bien plus, la pensée elle-même est un langage non prononcé. L'importance de la transmission des pensées aux autres à travers le monologue intérieur est très familière aux lecteurs du "roman psychologique" moderne, qui s'est développé dans la troisième décennie de notre siècle, et qui accorde une telle importance ou place au monologue intérieur, que celui-ci constitue parfois la quasi-totalité du tissu du roman.
En résumé, lorsque le récit coranique nous a transmis par la bouche des héros une parole qu'ils n'ont pas prononcée, mais qu'ils ont formée mentalement ou conçue sous forme de pensées qu'il a traduite lui-même en langage vivant, il a utilisé les courbes du langage de l'esprit auxquelles nous devons nous arrêter longuement pour découvrir leur importance artistique et comprendre par ce biais les idées que le récit veut nous faire parvenir, concernant la fonction que le Ciel a assignée à l'homme sur la terre, laquelle fonction n'est autre que sa mise à l'épreuve.
Récapitulons pour mieux comprendre ce qui vient d'être avancé. Nous avons déjà dit que lorsque les "Pieux" ou les héros d'Ahl-ul-Bayt (p) ont nourri l'indigent, l'orphelin et le captif, en disant: «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah; nous n'attendons de vous ni récompense, ni gratitude. Nous redoutons de la part de notre Seigneur un Jour menaçant et catastrophique»,[189] ils n'ont pas prononcé ces paroles, selon les textes de tafsîr, mais que c'est Allah Qui a su ce qu'ils ont pensé, et que c'est le récit qui a transcrit leur pensée sous cette forme langagière.
Il nous appartient, maintenant après avoir expliqué brièvement quelques données de ce genre de monologue intérieur, de l'étudier, d'une façon plus exhaustive, en raison de l'importance de ce procédé littéraire auquel a recouru le récit coranique, procédé dont les subtilités artistiques avaient échappé aux anciens rhétoriciens et critiques à cause de la limite des connaissances scientifiques de leur époque.
Les critiques modernes se sont rendus compte (en raison du développement des connaissances psychologiques dès le début du 20e siècle) de l'importance et des secrets des activités de l'esprit ainsi que de la façon de leur organisation et de leur soumission tantôt à la conscience tantôt à l'inconscience, à travers ce qu'on appelle en terminologie psychologique, l'association d'idées. Ils ont en outre perçu la nature des idées et leur lien avec le langage exprimé ou non exprimé, c'est-à-dire les idées qui prennent forme dans l'esprit sans qu'elles soient transférées vers l'appareil phonatoire.
Il est évident que la transmission des idées - telles qu'elles sont élaborées dans l'esprit - aux autres est une opération difficile à réaliser avec précision en raison du chaos du processus de la pensée et sa non-soumission à un ordre uniforme ou monotone, car l'homme peut penser à la troisième personne (il, elle), puis changer subitement pour élaborer sa pensée à la deuxième personne (tu, vous), et passer sans délai à la première personne (je, nous), et ainsi de suite.
Le processus de l'association d'idées que certains romanciers modernes ont essayé de traduire en oeuvre romanesque à travers le monologue intérieur prolongé et dépouillé d'une suite logique est sans doute l'une des tentatives de la traduction du processus de la pensée, avec son déplacement d'un pronom personnel à l'autre, et ses sauts d'un sujet à l'autre qu'impose le mécanisme de cette association d'idées, mais s'avère être, en fin de compte, sans aucun doute très utile pour la découverte des tréfonds de l'homme, de la nature de ses sentiments, surtout lorsqu'on sait qu'aucun autre moyen n'est possible pour faire cette élucidation, tant que l'homme continue de penser avec un langage non exprimé par la parole.
Ce qui nous importe ici, c'est d'attirer l'attention sur le fait que si le récit coranique nous a présenté les pensées des héros (c'est-à-dire l'énoncé «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah; nous n'attendons de vous ni récompense ni gratitude»), sous une forme non prononcée, c'est parce que ce procédé est une vérité psychologique qui renferme des secrets qu'il est nécessaire de faire connaître afin de nous en servir dans notre conduite.
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Un individu pourrait bien parler à lui-même en se disant (mais sans le prononcer): «J'ai nourri ce pauvre pour la Face d'Allah». Il pourrait aussi destiner la parole suivante (mais sans la prononcer ou sans qu'on l'entende) à un pauvre: «Je t'ai nourri pour plaire à Allah».
Il pourrait également penser d'une façon vague et imprécise à un sujet spécifique "l'offre de nourriture au pauvre pour la Face d'Allah", sans que cette pensée soit conçue sous forme d'un vocabulaire déterminé, mais plutôt en termes de concepts - tels ceux qui passent par sa tête tout au long de son éveil et de son état de conscience, à propos de ce qui se passe autour de lui.
La question qui se pose maintenant est: les héros d'Ahl-ul-Bayt (p) «en nourrissant les pauvres» et en formant alors leur pensée à la deuxième personne (vous): «Nous vous nourrissons» pour plaire à Dieu; nous n'attendons de vous ni récompense ni gratitude», leur pensée était-elle porteuse d'une signification particulière pour que le récit la mette en exergue de sorte que le lecteur la perçoive clairement et s'en serve pour façonner et corriger sa conduite chaque fois qu'il accomplit un acte d'adoration?
Il est indubitable que les personnes visées par le pronom personnel "vous", en l'occurrence, "l'indigent", "l'orphelin" et "le captif" n'ont pas entendu les propos conçus à leur adresse mais non traduits en parole prononcée, ce qui signifie par conséquent que le fait de penser dans un langage au vocatif revêt une importance certaine, dans un tel cas, sur le plan de la qualité de l'acte d'adoration chez l'homme.
A notre avis, l'importance artistique d'un tel monologue intérieur adressé aux "pauvres" tient au fait que lorsque les héros qui sont soucieux d'aider ces derniers (les pauvres), s'adressent à eux (mentalement seulement), c'est pour exprimer leur souci d'aider autrui, mais que, étant donné qu'ils ne recherchent ni la gratitude des pauvres ni aucune considération mondaine, ils ne traduisent pas leur souci de bienfaisance en langage parlé, mais se contentent de s'adresser à eux par la pensée.
Or, il n'y a aucun doute qu'une telle noble attitude revêt une grande importance. Elle révèle la tendance philan-thropique de l'homme, montre le souci des pieux d'aider les autres et de subvenir à leurs besoins, à un tel degré que ce souci occupe une surface d'autant plus grande de leur pensée qu'il risque de déborder et de se trouver sur le point de s'exprimer en paroles adressées directement aux autres et traduisant un amour altruiste exubérant.
Mais étant donné que leur amour d'autrui émane de leur amour pour Allah, ils le gardent pour eux-mêmes, et ne le déclarent pas aux autres; il ne s'exprime que sous forme de monologue intérieur ou au niveau de la pensée.
Telle est donc la subtilité artistique du recours à ce monologue intérieur que le récit a prêté à ses héros pieux pour nous conduire, nous les lecteurs, à revoir notre attitude et à la calquer sur celle de ces héros, lorsque nous apportons notre aide aux autres et à pourvoir à leurs besoins, et dans tous nos actes d'adoration. Car, autre-ment, tout acte d'adoration qui s'associerait au désir d'obtention d'un témoignage de reconnaissance ou d'un acquis personnel, la considération sociale, par exemple, perdra tout son effet auprès d'Allah.
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Là, le récit touche à sa fin, pour ce qui concerne les héros qui y évoluaient. Il a commencé par la présentation des Pieux et du milieu (le Paradis) qui leur est préparé: «Les Pieux boiront à une coupe dont le mélange sera de camphre. Les serviteurs d'Allah boiront à des sources qu'ils feront jaillir à leur convenance».[190] Puis, il a quitté le Paradis et sa boisson avec ses coupes et ses sources, pour ramener les péripéties vers la vie ici-bas, où il nous a décrit par un procédé romanesque original que nous avons déjà expliqué, l'aspect de la conduite des héros, pour lequel le titre de pieux leur fut décerné et cette position enviable de Paradis leur fut accordée.
Maintenant le récit retourne au milieu du Paradis pour en poursuivre la description:
«Mais Dieu les a protégés du malheur de ce Jour. IL leur fera rencontrer la fraîcheur et la joie.
»IL les a récompensés pour leur patience en leur donnant un Jardin et des vêtements de soie».[191]
Nous nous rappelons que les héros avaient fait part de leur crainte: «Nous craignons de la part de notre Seigneur un Jour menaçant et catastrophique».
Et voilà que le Ciel les rassure: «Mais Dieu les a protégés du malheur de ce Jour».
Mieux, voilà que le Ciel les récompense aussi pour avoir agi par amour pour Allah: «IL leur fera rencontrer la fraîcheur et la joie», et poursuit la description du Paradis par lequel ils ont été récompensés: «IL les récompensera pour leur patience en leur donnant un Jardin et des vêtements de soie».
Puis le Ciel continue à exposer les détails pittoresques du confort et du luxe du Paradis par lequel il les a récompensés:
«Là, accoudés sur des lits d'apparat, ils n'auront à subir ni soleil ardent ni froid glacial,
»Ses ombrages seront à proximité et ses fruits inclinés très bas, pour être cueillis.
»On fera circuler parmi eux des vaisseaux d'argent et des coupes de cristal,
»de cristal; d'argent et remplies jusqu'au bord.
»Ils boiront une coupe dont le mélange sera de gingembre puisé à une source nommée là-bas: "Salsabîl".
»Des éphèbes immortels circuleront autour d'eux. Tu les compareras, quand tu les verras, à des perles détachées.
»Quand tu regarderas là-bas, tu verras un déclic et un faste royal.
»Ils porteront des vêtements verts, de satin et de brocart. Ils seront parés de bracelets d'argent. Leur Seigneur les abreuvera d'une boisson très pure.
»"Cela vous est accordé comme une récompense. Votre zèle a été reconnu!"»[192]
Avant de traiter de ces détails du milieu paradisiaque, il faudrait attirer l'attention sur les descriptions et scènes consacrées à tous les instruments de la boisson et qu'on ne retrouve, nulle part ailleurs que dans ce récit en particulier, ce qui permet de déduire que cette particularité se rapporte à la nature de la conduite des pieux (les héros de ce monde), aux données du monologue intérieur conçu par les héros en proclamant dans leur tréfonds: «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah, nous n'attendons de vous ni récompense ni gratitude. Nous craignons de la part de la part de notre Seigneur un Jour menaçant et catastrophique ...».
Ce monologue dont nous avons expliqué la valeur artistique (du fait qu'il décèle les secrets du processus de la pensée) a trait aux petits détails de la description propre, à ce récit, ce qui peut nous servir de modèle à suivre et nous amener à réformer notre conduite vis-à-vis de notre tâche de lieutenance sur cette terre, comme Allah nous l'a demandé.
Nous avons dit que la Sourate "Al-Insân" (L'Homme) ou le récit des "Pieux" qu'elle renferme, demeure de tous les récits coraniques celui qui comprend la plus importante description du Paradis, des détails pittoresques de ses bienfaits et de son bien-être: les boissons, les mets, les demeures, les vêtements.
Le lecteur n'a pas besoin de faire un grand effort de réflexion pour comprendre la raison de ces détails descriptifs du milieu paradisiaque qui caractérisent ce récit, étant donné que celui-ci met en scène des "pieux" qui ont offert leurs repas à l'indigent, à l'orphelin et au captif, et préféré la faim et la soif pour eux-mêmes afin d'apaiser la faim des autres, et que subséquemment (à leur endurance et à leur privation) Allah les a récompensés par leur rassasiement dans l'autre monde, de telle sorte que la grandeur de la récompense (rendue par la densité et la richesse de la description) corresponde à la grandeur du mérite de l'acte d'abnégation et d'altruisme des héros.
Pour que le lecteur réalise clairement la richesse et l'opulence des bienfaits qui ont été préparés pour les pieux, il est nécessaire d'en examiner les détails plus exhaustivement:
Le récit a exposé six besoins relatifs aux pulsions vitales (biologiques) de l'homme. Les uns sont essentiels (selon notre critère humain), d'autres secondaires. Ces besoins sont:
1- L'eau; 2- La nourriture; 3- Le logement; 4- Le vêtement; 5- Les services; 6- La beauté (l'esthétique) (par "beauté" nous entendons le sens esthétique chez l'homme concernant les paysages de la nature et les articles de bien-être dont il se sert pour satisfaire ses différents besoins).
Il est évident qu'au-delà de ces six besoins, il n'y en a pas d'autres (sauf le besoin sexuel) dans le cadre du milieu où l'homme de ce bas-monde ou celui de l'autre monde vivent. Notons au passage que le récit a mis l'accent sur certains besoins plus que sur d'autres et que cette insistance a une explication artistique que nous devons connaître, après qu'on aura compris la raison du soulignement de la diversité du bien-être et de son lien avec la conduite terrestre des héros, conduite à travers laquelle ils ont enduré les difficultés de la vie, et pour laquelle ils ont été récompensés par les merveilles du bien-être paradisiaque. De même, on peut remarquer aussi l'absence de l'élément "femme" parmi lesdits besoins, et on doit en rechercher et connaître la raison.
* * *
Voici quelques exemples de ces six besoins :
1- L'Eau
- «Les pieux boiront à une coupe dont le mélange sera de camphre. Les serviteurs de Dieu boiront à des sources qu'ils feront jaillir à leur convenance».[193]
- «On fera circuler parmi eux des vaisseaux d'argent et des coupes ...».[194]
- «Ils boiront une coupe dont le mélange sera de gingembre».[195]
- «Puisée à une source nommée là-bas "Salsabîl"».[196]
- «Leur Seigneur les abreuvera d'une boisson très pure».[197]
2- La Nourriture
- «Ses ombrages seront à proximité et ses fruits inclinés très bas pour être cueillis».[198]
3- Le Logement
- «Là, accoudés sur des lits d'apparat, ils n'auront à subir ni soleil ardent, ni froid glacial».[199]
- «Quand tu regarderas là-bas tu verras un délice et un faste royal».[200]
4- Le Vêtement
- «Ils porteront des vêtements verts, de satin et de brocart. Ils seront parés de bracelets d'argent».[201]
5- Les Services
- «Des éphèbes immortels circuleront autour d'eux. Tu les compareras, quand tu les verras, à des perles détachées».[202]
6- Le Besoin Esthétique
Ce besoin comprend la variété et la diversité des moyens de satisfaction de chacun des besoins énumérés, comme la variété des ustensiles utilisés pour s'abreuver : coupes, carafes etc. ; la variété des vêtements: satin, brocart, bracelets, etc.
La première remarque qu'appelle ce qui précède est que l'eau (et les ustensiles dans lesquels elle est servie) constitue un élément dominant tous les autres besoins, et ce autant par la profusion des détails la concernant que par la diversité des ustensiles utilisés dans sa consommation, que par la variété de l'eau elle-même, que par sa place dans l'ordre de la présentation des besoins mis en exergue.
La motivation artistique de cette dominance tient, comme nous l'avons déjà signalé brièvement au passage, au fait que la pulsion de la soif chez l'être humain est considérée comme la plus pressante de toutes les autres pulsions vitales, telles que la faim, le sexe, la beauté etc. De là donc l'importance de la place réservée par le récit à l'eau, à la variété de ses ustensiles et à la mention de tous les détails qui lui sont attachés.
Cette dominance apparaît clairement lorsque nous constatons que la variété concerne tout d'abord la qualité de l'eau: elle est tantôt mélangée au camphre, tantôt au gingembre, et tantôt elle est "Salsabîl".
La variété concerne ensuite ses instruments: "vaisseaux", "coupes", "calices", et la matière de ces instruments: "verre", "argent".
La variété concerne aussi son apparence: elle est présentée comme des "sources" que l'on fait jaillir à sa convenance.
La variété concerne enfin sa valeur: «boisson très pure».
Donc, il y a une eau qui incarne «une boisson pure», que «l'on fait jaillir à sa convenance», qui «coule comme un "Salsabîl"», qui est «mélangée au camphre et au gingembre», et servie dans «des vaisseaux», «des coupes», «un calice», «verres» lesquels sont tous en argent transparent qui permet de voir leur contenu de l'extérieur.
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