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Il ne fait pas de doute que lorsque l'approche de ces vérités "invisibles" relatives à la naissance et à la résurrection de l'homme, est associée à des vérités "visibles", elle concourt à produire l'effet escompté que nous avons souligné plus haut.
L'autre trait de la technique romanesque qu'il est important de signaler réside en ceci que le récit ne présente pas ces vérités par le procédé de "narration" (c'est-à-dire la parole du Ciel), mais à travers un dialogue, le dialogue de Noé avec son peuple.
Mieux, même ce dialogue de Noé avec son peuple, le récit ne l'a pas transcrit directement, mais à travers la plainte de Noé contre son peuple, adressée au Ciel. En d'autres termes, Noé s'adresse à Allah et il Lui raconte qu'il a parlé avec son peuple de cette manière et de cette autre. Autrement dit, c'est Noé lui-même qui transmettait à Allah son histoire (récit) avec son peuple, et c'est le récit coranique qui nous transmet à son tour le récit (l'histoire) de Noé tel qu'il l'avait transmis au Ciel.
Nous nous devons de méditer donc sur ce procédé romanesque réjouissant et original dans sa façon de solliciter la réceptivité du lecteur au message que le récit vise à lui transmettre.
Ainsi, Noé est un narrateur qui raconte au Ciel son histoire avec son peuple: «Il dit: "Mon Seigneur! J'ai appelé mon peuple nuit et jour"; je (leur) ai dit: "Implorez le pardon de votre Seigneur; IL est Celui qui ne cesse de pardonner», et le récit coranique devient à son tour un narrateur qui nous raconte l'histoire de Noé telle qu'il l'a relatée au Ciel ... et ainsi de suite.
Donc nous sommes devant une structure romanesque qui recourt à un procédé littéraire très plaisant lorsqu'il nous invite, nous les récepteurs, à découvrir la méthode de Noé (P) de transmettre son message, en permettant de voir les plus petits détails de sa conduite et de son comportement, détails décrits directement par lui-même, et non relatés par quelqu'un d'autre. Procédé vivant qui stimule la réceptivité du lecteur ou de l'auditeur et le tient en haleine.
Revenons à présent aux péripéties du récit et à leur suite. Après avoir expliqué qu'il avait épuisé vainement trois procédés de persuasion (bâton, carotte et raisonnement) pour ramener son peuple vers le Ciel, Noé continue sa plainte auprès d'Allah contre la rébellion, l'ignorance, la ruse et le polythéisme de ces gens "orgueilleux".
«Noé dit: "Mon Seigneur! Ils m'ont désobéi; ils ont suivi celui dont les richesses et les enfants n'ont fait qu'accroître la perte".
»Ils ont tramé une immense ruse et ils ont dit: "N'abandonnez jamais vos divinités; n'abandonnez ni Wadd, ni Souwâ', ni Yaghout, ni Ya'ouq, ni Naçr".
»Ceux-ci ont pourtant égaré un grand nombre d'hommes».[163]
Là se termine l'histoire de Noé avec son peuple, racontée à travers la plainte qu'il a adressée au Ciel.
Après quoi, le récit emprunte un autre tournant, menant vers la conclusion de la situation et la demande de l'anéantissement des orgueilleux, comme nous le verrons ailleurs.
Mais avant de clore ce chapitre, il est instructif de revenir un instant sur les détails relatifs à la dernière séquence de ses complaintes à propos de la rébellion, l'ignorance et la ruse de son peuple et de sa persistance dans le polythéisme.
En effet, c'est après avoir énuméré au Ciel tous ses efforts en vue de faire entendre raison à son peuple ingrat, que Noé a dit: «Mon Seigneur! Ils m'ont désobéi», ce qui signifie que les trois procédés qu'il avait suivis s'étaient avérés infructueux. Et là, Noé (P) tient à présenter d'autres réactions négatives de son peuple à son appel pieux, comme s'il voulait mieux montrer qu'il n'y avait vraiment plus rien à faire avec ce peuple désespérément irrécupérable. Et comme nous l'avons vu, ces réactions sont variées: «Ils ont suivi celui dont les richesses et les enfants n'ont fait qu'accroître la perte»[164], «ils ont tramé une grande ruse»[165] et «ils ont dit (aux autres): N'abandonnez jamais vos divinités...»[166] etc.
1 Dis: «IL m'a été révélé qu'un groupe de Djinns écoutaient; ils dirent ensuite: "Oui, nous avons entendu un Coran merveilleux!
2 il guide vers la voie droite; nous y avons cru et nous n'associerons jamais personne à notre Seigneur"».
3 Notre Seigneur, en vérité, - que Sa grandeur soit exaltée - ne s'est donné ni compagne, ni enfant!
4 Celui qui, parmi nous, est insensé disait des extravagances au sujet de Dieu.
5 Nous pensions que ni les hommes, ni les Djinns ne proféraient un mensonge contre Dieu,
6 mais il y avait des mâles parmi les humains qui cherchaient la protection des mâles parmi les Djinns, et ceux-ci augmentaient la folie des hommes;
7 ils pensaient alors, comme vous, que Dieu ne ressusciterait jamais personne.
8 «Nous avions frôlé le ciel et nous l'avions trouvé rempli de gardiens redoutables et de dards flamboyants.
9 Nous étions assis sur des sièges pour écouter; mais uiconque écoute rencontre aussitôt un dard flamboyant aux aguets.
10 Nous ne savions pas si un mal est voulu pour ceux qui sont sur la terre, ou si leur Seigneur veut qu'ils se maintiennent sur la voie droite.
11 Certains d'entre nous sont justes tandis que d'autres ne le sont pas; nous suivons des chemins différents.
12 Nous savions que nous ne pourrions pas affaiblir la puissance de Dieu sur la terre, et que nous ne pourrions y échapper par la fuite.
13 Nous avons cru en la Direction, lorsque nous l'avons entendue. Quiconque croit en son Seigneur ne craint plus ni dommage, ni affront.
14 Il y parmi nous des soumis et, parmi nous, des révoltés. Ceux qui sont soumis ont choisi la voie droite.
15 Quant aux révoltés, ils serviront de combustible à la Géhenne».
16 S'ils se maintenaient sur la voie droite, nous les abreuverions d'une eau abondante pour les éprouver.
17 Dieu conduira vers un châtiment de plus en plus fort quiconque se détourne du Rappel de son Seigneur.
18 Les Mosquées appartiennent à Dieu: n'invoquez donc personne à côté de Dieu.
19 Quand le Serviteur de Dieu s'est levé pour L'invoquer, peu s'en fallut qu'ils ne se pressent en foule autour de lui.
20 Dis: «Je n'invoque que mon Seigneur et je ne Lui associe personne».
21 Dis: «Je ne détiens pour vous ni mal, ni direction droite».
22 Dis: «Nul ne me protège contre Dieu; je ne trouverai pas de refuge en dehors de Lui
23 sauf en transmettant une communication et des messages de Dieu». Le Feu de la Géhenne est destiné à ceux qui désobéissent à Dieu et à son Prophète. Ils y demeureront à tout jamais immortels!
24 Quand ils verront enfin la réalisation de ce qui leur a été promis, ils sauront qui est le plus faible en secours et l'inférieur en nombre.
25 Dis: «Je ne sais si ce qui vous est promis est proche, ou bien si mon Seigneur lui assignera un délai».
26 IL connaît parfaitement le mystère; mais IL ne montre à personne le secret de Son mystère,
7 sauf à celui qu'IL agrée comme prophète. IL le fait accompagner de gardiens placés devant et derrière lui,
28 afin de savoir si les prophètes transmettent les messages de leur Seigneur. Sa Science s'étend à tout ce qui les concerne. Il fait le compte exact de toute chose.
* * *
Cette sourate traite, comme son titre l'indique, d'un genre de créatures invisibles à nos sens, les djinns. Tout en nous informant qu'il y a parmi les djinns, comme chez les humains, des croyants et des incroyants, elle raconte surtout l'histoire d'un groupe de ces êtres invisibles, qui ont cru à notre Prophète Mohammad (P), au Noble Coran et à la Résurrection.
Les versets 1-19 sur les 28 que comprend la sourate nous apprennent beaucoup de choses sur le monde des djinns et rectifient maintes croyances les concernant. La partie suivante de cette sourate fait référence au monothéisme et à la résurrection. La dernière partie traite du Mystère dont on ne connaît que ce qu'Allah le permet.
On peut résumer les circonstances de la révélation de la Sourate al-Djinn (vraisemblablement identiques à celle de la Sourate 46, Al-Ahqâf) comme suit:
1-Venant de la Mecque, le Prophète Mohammad (P) s'était rendu à Souq Akkadh à Taëf pour appeler les gens à l'Islam. S'étant buté au refus de ses interlocuteurs de répondre à son appel, il passa, lors de son voyage de retour, une nuit dans une vallée dénommée "La Vallée des Djinns" en lisant le Coran. Là un groupe de djinns après avoir écouté sa récitation, et cru en sa Prophétie se mirent à inviter les leurs à faire de même.
2- Selon "Sahîh al-Bokhârî" et "Sahîh Muslim" citant Ibn 'Abbas: alors que le Prophète (P) récitait le Coran pendant la Prière de l'Aube, des Djinn, qui recherchaient la cause de l'interruption des nouvelles venant du Ciel, l'ont écouté et se sont dit: «Voilà ce qui s'est interposé entre nous et les nouvelles du Ciel». Après quoi, ils retournèrent vers les leurs pour leur communiquer ce qu'ils venaient d'entendre.
3- Après le décès de son oncle et protecteur, Abû Tâlib, la situation du Prophète était devenue très critique à la Mecque. Il s'était résolu donc à partir pour Tâëf dans l'espoir d'y trouver des partisans. Mais, les habitants de cette ville qui se sont montrés très hostiles à son Message, l'ont traité de menteur, persécuté et bombardé de pierres avec un tel acharnement que ses pieds se mirent à saigner. Aussi s'est-il réfugié dans un hameau, pour se remettre de sa fatigue et se reposer. Là, le serviteur du propriétaire de ce lieudit, l'ayant vu, s'est converti à sa religion. En retournant la nuit vers la Mecque, le Prophète (P) s'est arrêté à Nakhlah pour accomplir la Prière de l'Aube. Quelques djinns originaires de Naçîbayn ou du Yémen, qui passaient par là l'entendirent réciter sa Prière et crurent en son Message.[167]
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Les héros ou les personnages constituent un élément vital dans une oeuvre romanesque. Ils fournissent à celle-ci le mouvement qui tient le lecteur en haleine, étant donné que toute péripétie et toute situation sont obligatoirement liées aux personnages.
L'intérêt et la vivacité du récit augmentent lorsqu'il y a diversité de héros - surtout si cette diversité comprend des héros d'une race ou d'un genre inhabituellement différent, tels que les anges, les djinns ou les oiseaux par exemple.
Dans d'autres récits coraniques, les "anges" par exemple, partagent avec les humains les rôles du récit. De même les djinns et les oiseaux jouent aux côtés des personnages humains des rôles dans les récits de "Sulaymân" (Salomon).
Dans le présent récit, les djinns sont des héros à part entière et jouent un rôle spécifique fait à leur mesure et indépendamment de tous autres héros de race différente.
La vitalité de tels héros ne tient pas au simple fait qu'ils représentent un élément invisible par exemple, ou un élément d'étrangeté, mais réside en ceci qu'ils partagent avec les humains la même nature de préoccupations, d'ambitions et de mouvement dans l'existence en général.
Lorsque le récit coranique nous présente des vérités et des héros non humains, il ne cherche pas à nous distraire ou à nous amuser, mais vise par ce procédé à nous sensibiliser, nous les humains, à la vérité de notre fonction d'adoration d'Allah sur la terre, à nous faire profiter des expériences des autres, seraient-ils d'un genre non humain, pour corriger et réformer notre conduite.
Les djinns sont des créatures invisibles qui ont leur milieu particulier que le Ciel leur a adapté. De même, tout comme les humains et toutes les autres créatures, ils n'ont pas été créés par pure gratuité, mais pour accomplir des tâches déterminées.
En tout état de cause le récit dont nous traitons ici vise à nous présenter certaines vérités relatives aux djinns et la relation de ceux-ci avec les êtres humains dans la mesure où les deux genres ont pour point commun l'accomplissement de la tâche d'adoration, chacun dans son milieu propre: les djinns dans leur milieu particulier et les hommes sur la terre. Il a pour but, surtout de nous faire tirer la leçon de l'expérience des héros non humains, pour que nous puissions mieux nous acquitter du devoir d'adoration pour l'accomplissement duquel nous avons été créés.
Quelle est donc cette expérience que les héros-djinns veulent bien nous présenter?
La réponse se dégage facilement du récit. Il s'agit de la foi des djinns en le Message de l'Islam. Certes, on pourrait croire de prime abord que l'Islam est un message adressé exclusivement aux êtres humains puisque ses protagonistes sont d'une part la personne envoyée, "Le Messager (P)" et d'autre part, les destinataires du Message: l'humanité. Mais cette croyance s'estompe lorsque le récit nous raconte l'histoire de héros extraterrestres faits d'une substance ignée spécifique (invisible) qui ont un langage propre incompréhensible pour les êtres humains ordinaires, un milieu extraterrestre. Pourtant ils traitent avec le Message du Coran.
L'expérience vécue par ces personnages pas comme les autres, est exposée de la façon suivante par le récit:
«Un groupe de Djinns écoutaient.
»Ils ont dit: "Nous avons entendu un Coran merveilleux».[168]
Il ne faut pas passer rapidement sur ce début du récit, apparemment sans grand intérêt. On doit s'y arrêter longuement, car il s'agit d'un récit qui expose les faits selon un procédé littéraire bien particulier, ce qui permet de penser que son début présenté de cette façon particulière et non autrement recèle une signification déterminée. Mais avant de développer ce sujet, nous devons savoir que ce récit est élaboré selon une structure architecturale spécifique.
Il est notoire dans la littérature romanesque que la présentation des faits se fait selon des procédés divers: narration, relation et dialogue, seulement dialogue; celui-ci peut être un vrai dialogue (entre les parties ou plus) ou un monologue et un monologue intérieur, ou même un monologue collectif ambigu etc.
Dans ce récit, c'est le dialogue qui constitue les fils tissu de la trame. C'est un dialogue qui n'est pas suivi de commentaire, mais un dialogue linéaire collectif et équivoque où les héros-djinn parlent à eux-mêmes, où avec les leurs, comme nous le révèle le début du récit, lorsqu'il nous a transmis une partie de leur conversation comme suit:
«Nous avons entendu un Coran merveilleux».
L'importance de cette conversation ou dialogue réside en ceci qu'il s'agit d'une conversation unilatérale, et non un dialogue entre deux parties, l'une interroge, l'autre répond, ou l'une parle l'autre commente, ou encore, l'une fait un discours à l'intention d'un autre ou d'un groupe d'auditeurs.
On peut même imaginer que cette forme de dialogue correspondrait à ce qui se passerait chez nous, nous les humains, lorsqu'une nouvelle grave ou importante nous parvient et que chacun de nous accourt voir son ami ou ses amis pour la leur transmettre.
Il est naturel que, lorsqu'un groupe de djinns ont écouté le Coran disent à leurs amis: «Nous avons écouté un Coran merveilleux», leurs interlocuteurs commentent cette nouvelle - bonne ou mauvaise soit-elle.
Cependant le récit ne nous fait pas part de tels commentaires qui seraient faits par ceux qui sont censés être les interlocuteurs des djinns qui ont reçu la nouvelle.
La raison (artistique) en est que le récit cherche à faire connaître, avant tout et surtout, la réaction des djinns à la découverte du Coran, à savoir leur acceptation, de bon gré, du Message du Ciel, comme le suite du récit nous le montrera ultérieurement.
* * *
Quand le récit débute comme ceci: «Un groupe de djinn écoutaient; ils dirent ensuite: Nous avons entendu un Coran merveilleux», plusieurs cas de figure frappent l'imagination du lecteur, lequel pourrait se poser diverses questions:
- Est-ce que le Prophète (P) a lu le Coran aux djinns de la même façon qu'il l'avait fait avec les humains?
- Ou bien, les djinns ont-ils pu écouter le Coran lorsque le Prophète le lisait aux humains?
- Le Coran a-t-il été lu dans la langue des djinns? Ceux-ci ont-ils donc une langue qui leur soit propre? Si non, comprennent-ils alors la langue arabe?
- Est-ce qu'un groupe de djinns seulement, à l'exclusion d'autres, ont eu l'occasion d'écouter le Coran? Pourquoi?
Ces interrogations que le début romanesque suscite chez un lecteur attentif qui cherche à comprendre ce qu'il lit, ne trouvent pas de réponse dans le récit lui-même, lequel nous laisse le soin d'échafauder ces différentes hypothèses et de chercher la réponse aux différents cas de figure qui s'imposent.
On peut déduire facilement que le récit, en tant que procédé littéraire, ne cherche pas à nous faire connaître la langue des djinns, si une telle langue existait, ni à définir la nature de la relation sociale entre ces derniers et les humains, et par conséquent la façon dont leur est communiqué le savoir (le Message); mais il veut souligner à notre attention leur réaction à la découverte du Message de l'Islam.
Dès lors les détails relatifs à leur langue et à leur mode de perception de la connaissance ne sont plus nécessaires. Notons au passage, à ce propos, que même les textes de l'exégèse (tafsîr) ne projettent pas de lumière sur cet aspect du sujet. En effet, certains de ces textes nient que le Prophète ait lu le Coran aux djinns directement, et affirment qu'un groupe de ceux-ci ont pu l'entendre indirectement.
D'autres textes avancent que le héros des djinns était venu le voir et repartit pour lire aux siens le Coran qu'il avait appris. D'autres encore, disent que le Prophète (P) avait rencontré sept ou neuf héros des djinns et qu'il les a envoyés à leurs congénères leur communiquer le Coran.
Mais comme nous l'avons dit, ce qui importe, sur le plan artistique, ce n'est pas le nombre des djinns ni le groupe auxquels ils appartiennent, ni la façon dont ils ont écouté le Coran, mais c'est le fait d'avoir écouté le texte coranique et réalisé l'importance du Message envoyé par le Ciel au Prophète (P), ce qui les a rendus émerveillés et les a amenés à réagir ainsi: «Nous avons écouté un Coran merveilleux!».
Ce qui importe encore plus, ils ont compris les détails de la situation nouvelle et sa relation avec leur attitude passée et future, comme ils nous le font savoir eux-mêmes à travers leur dialogue multilatéral ou le long discours qu'ils ont tenu à l'adresse des leurs.
Cependant, les héros des djinns qui avaient pu écouter le Coran lors de sa révélation et qui l'ont commenté par: «Nous avons écouté un Coran merveilleux», semblent constituer un groupe particulier se distinguant par une conscience ou une position sociale différente de celle de leurs congénères, comme cela se passe dans la société humaine par exemple.
Autrement, pourquoi est-ce seulement ce groupe qui avait-il eu l'occasion d'écouter le Coran et de comprendre le Message du Ciel, pour accourir par la suite vers les leurs en vue de leur transmettre cet événement grandiose?
Il est vraisemblable que l'environnement des djinns est similaire à celui des humains, quant à la nature de leur constitution psychologique et intellectuelle, et surtout de leur position philosophique vis-à-vis de l'Univers et de son Créateur... C'est du moins ce que les héros des djinns nous révèlent eux-mêmes. Ecoutons-les donc alors qu'ils poursuivent leur discours à l'adresse des autres djinns:
«Nous avons écouté un Coran merveilleux.
»Il guide vers la voie droite; nous y avons cru et nous n'associerons jamais personne à notre Seigneur.
» Notre Seigneur, en vérité - que Sa Grandeur soit exaltée - ne s'est donné ni compagne, ni enfant».[169]
Jusqu'ici, le discours tenu par ce groupe distingué de djinns à l'attention du public des djinns, se rapporte au thème de l'Unicité et du refus de l'association de quiconque à Allah.
Or, il ne fait pas de doute que le fait d'évoquer l'unicité et le refus de l'associationnisme laisse entrevoir l'existence d'un élément de scepticisme dans l'esprit de certains djinns, tout comme cela existe dans l'esprit de quelques éléments inconscients parmi les humains.
Mais la distinction entre deux types de public: le public monothéiste et le public sceptique, se précise d'une façon plus générale, lorsque ce groupe distingué de djinns annonce la source de l'engendrement de l'élément de scepticisme dans l'esprit des djinns, à savoir le Satan.
Ce groupe de djinns conscients, poursuivant leur discours nous informent à ce propos:
«Celui qui, parmi nous, est insensé disait des extravagances au sujet de Dieu».[170]
Ce qualificatif "insensé" a une grande signification artistique et idéologique. Son importance tient au fait que ce mot est émis par un groupe appartenant au genre de "djinn" et connaissant parfaitement leur chef, puisqu'ils l'ont qualifié d'insensé.
Il va de soi que le mot insensé n'honore nullement celui qu'il est qualifié, car le fait d'être insensé relève d'une forme de débilité.
Or rien n'est plus démoralisant ni plus amer que le fait que le chef qui a pu induire en erreur un groupe de djinns se voit traité d'insensé par ses adeptes, alors même qu'il avait cru avoir réussi à les égarer.
Mais l'importance du qualificatif "insensé" ne se limite pas à son impact négatif sur la personnalité du Satan, elle s'affirme aussi par l'impact qu'il laisse également sur le lecteur ou l'auditeur lui-même.
En effet, lorsque ce dernier se rend compte que l'élément de scepticisme qu'a insufflé le Satan, a pour source un être insensé et souffrant de débilité mentale, il n'attache aucun crédit aux idées et aux insinuations d'une telle personnalité perverse, étant donné que l'esprit est normalement réceptif aux idées émises par une source saine.
C'est exactement ce qui s'est passé avec cette élite consciente de djinns qui, dès lors qu'ils se sont rendus compte du caractère insensé du Satan, ont rejeté ses idées et se sont acheminés vers la foi en Allah et en le Message de l'Islam.
* * *
Poursuivons encore le discours de l'élite des djinns prononcé à l'adresse de son public. Ayant mis l'accent sur le caractère insensé du Satan, elle dit: «Nous pensions que ni les hommes, ni les djinns ne proféraient un mensonge contre Dieu».[171]
Là une nouvelle situation se révèle. Car jusqu'à présent, les djinns n'ont parlé que du Satan, l'insensé, mais ici, ils évoquent les humains aussi et leur attribuent un qualificatif partageant le qualificatif des djinns, à savoir: le fait de proférer des mensonges contre Allah.
La question qui se pose maintenant est pourquoi les héros des djinns ont-ils inséré l'élément "humain" dans cette partie de leur discours, alors qu'ils parlent de leur expérience propre?
A notre avis, lorsque le récit évoque cette séquence et d'autres relatives aux humains, il visait ceux-ci également dans la mesure où il s'agit d'une affaire qui se rapporte à l'expérience de l'homme aussi, puisque c'est ce dernier qui se trouve le lecteur du récit qui met en scène une expérience de djinns.
Proférer des mensonges contre Allah constitue un crime ou un délit rationnel évident. Car Allah est une Vérité qui impose Son Existence et une évidence qui se passe d'argument. Pourquoi dès lors y aurait-il des djinns et des humains qui la renieraient?
Les héros des djinns ont donc tout à fait raison de croire qu'il n'est pas possible qu'un djinn ou un humain invente des mensonges contre Dieu.
De la même façon, l'élément "humain" s'impose à l'esprit des djinns conscients, dans la mesure où il essaie, par son ignorance ou par la déformation de son esprit, de nier la Vérité d'Allah.
Si l'élite consciente des djinns a inséré l'élément humain dans la partie précédente de son discours, pour la raison que nous venons d'expliquer, elle va l'insérer de nouveau dans la séquence suivante de ce discours, à travers une autre expérience qu'elle nous relate:
«Il y avait des mâles parmi les humains qui cherchaient la protection des mâles parmi les djinns, et ceux-ci augmentaient la folie des hommes; ils pensaient alors, comme vous, que Dieu ne ressusciterait personne».[172]
Dans ces séquences du discours des djinns il y a deux vérités liées aux humains et à leur relation avec les djinns: la première est que certains humains se protégeaient par les djinns, protection qui aboutit à l'aggravation de leur folie. La seconde est le partage par les humains du scepticisme des djinns quant au Jour Dernier.
Il est indéniable que cette dernière vérité, le scepticisme relatif au Jour Dernier, est liée au scepticisme vis-à-vis de l'Unicité aussi, comme nous l'avons déjà souligné. Mais en fait, elle reste liée aussi à la question du recours à la protection des djinns, point sur lequel nous devons nous arrêter en raison de son importance majeure pour le lien existant entre l'élément "djinn" et l'élément "humain".
La question qui se pose, sur le plan romanesque est de savoir pourquoi les héros des djinns qui ont tenu leur discours au public des djinns ont soulevé l'affaire du recours des humains aux mâles des djinns?
Est-ce parce que les djinns posséderaient des forces dont les humains sont privés? Est-ce que leur forme invisible aurait un lien avec ce trait distinctif? Y aurait-il des expériences humaines dans ce domaine, qui auraient conduit les djinns à les exposer de la sorte? Puis, quel rapport y a-t-il entre l'échec des expériences des humains lors de leur recours à la protection des djinns, et la nouvelle position annoncée par les héros des djinns après avoir écouté le Coran et eu foi en l'Islam?
Ces interrogations requièrent des réponses précises dans la mesure où elles ont trait aux expériences des humains pour qui ce récit a été transmis.
Le lecteur (ou l'auditeur) s'imagine que lorsque les héros des djinns parlent à leur public, des mâles parmi les humains qui cherchent la protection des mâles parmi les djinns, c'est tout d'abord pour attirer l'attention de ce public sur le fait que cette protection que les humains cherchent auprès des djinns tient à la nature particulière de ces derniers: des forces invisibles qui évoquent tout ce qui est étrange et étonnant pour les humains, qui se déplacent librement non seulement dans un milieu grand comme l'espace qui sépare le Ciel de la Terre, mais également dans le milieu terrestre, qui ont le pouvoir d'exercer une influence sur les êtres humains; et c'est ensuite pour faire comprendre à leur public que cette protection (recherchée par les humains auprès des djinns) est un acte condamnable: la preuve en est que les djinns n'ont fait qu'augmenter la folie, les péchés et la faiblesse des hommes qui avaient cherché leur protection.
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