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L'Art Romanesque dans Les Récits du Coran
(Essai d'études stylistiques des récits coraniques)

Dr Mahmûd Al-BOSTANI Édité et traduit par Abbas Ahmad Al-BOSTANI

Sourate (40): Le Croyant (Al-Mo'min)

Le Récit du Croyant des Gens de Pharaon

A- La Sourate

Au Nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux

1 Ha. Mîm.

2 La Révélation du Livre vient de Dieu, le Tout-Puissant, celui qui sait;

3 celui qui pardonne le péché; celui qui accueille le repentir; celui qui est redoutable dans son châtiment; celui qui est plein de longanimité. Il n'y a de Dieu que Lui! Vers Lui sera le retour.

4 Seuls, les incrédules discutent les Signes de Dieu. Que leur agitation dans ce pays ne te trouble pas!

5 Avant eux, le peuple de Noé et les factieux ensuite, ont crié au mensonge. Les membres de chaque communauté avaient conçu le dessein de s'emparer de leurs prophètes respectifs. Ils ont usé d'arguments faux pour rejeter la Vérité. Je les ai donc saisis. Quel fut alors Mon châtiment!

6 Voilà comment se réalise la Parole de ton Seigneur contre les incrédules: ils seront les hôtes du Feu.

7 Ceux qui portent le Trône et ceux qui se tiennent autour célèbrent les louanges de leur Seigneur. Ils croient en Lui, ils implorent Son pardon pour les croyants: «Notre Seigneur! Tu embrasses toute chose en Ta Miséricorde et en Ta Science: pardonne à ceux qui reviennent repentants vers Toi; à ceux qui suivent Ton chemin! Épargne-leur le châtiment de la Fournaise!

8 Notre Seigneur! Introduis-les dans ces Jardins d'Éden que Tu leur as promis, ainsi qu'à ceux de leurs pères, de leurs épouses et de leurs descendants qui sont justes. Tu es le Tout-Puissant, le Sage!

9 Celui que Tu préserves aujourd'hui des mauvaises actions bénéficie de Ta Miséricorde: Voilà le bonheur sans limites!»

10 On criera aux incrédules: «La haine de Dieu envers vous est plus grande que votre haine envers vous-mêmes, quand vous restiez incrédules alors que vous étiez appelés à la foi».

11 Ils diront: «Notre Seigneur! Tu nous as fait mourir deux fois et deux fois Tu nous as fait revivre. Nous reconnaissons nos péchés; existe-t-il un chemin pour sortir d'ici?».

12 Il en est ainsi, parce que vous êtes restés incrédules lorsque Dieu, l'Unique, était invoqué; mais si des associés Lui sont donnés, vous croyez en eux. -Le Jugement appartient à Dieu, le Très-Haut, le Très-Grand!-

13 C'est Lui qui vous montre Ses Signes et qui fait descendre du ciel de quoi pourvoir à vos besoins. Seul se souvient de Lui celui qui revient repentant vers Lui.

14 Invoquez Dieu en Lui rendant un culte pur en dépit des incrédules.

15 IL est celui qui est élevé aux degrés les plus hauts. Le Trône Lui appartient. L'Esprit qui provient de Son Commandement, IL le lance sur qui IL veut parmi Ses serviteurs avec la mission d'avertir les hommes du Jour de la Rencontre,

16 du Jour où ils comparaîtront. - Rien de ce qui les concerne ne sera caché pour Dieu - «À qui donc la Royauté appartiendra-t-elle en ce Jour ? - À Dieu, l'Unique, le Dominateur

17 Tout homme, ce Jour-là, sera rétribué pour ce qu'il aura accompli. Nulle injustice ne subsistera ce Jour-là: Dieu est prompt dans Ses comptes.

18 Avertis-les du Jour qui approche: Les coeurs seront angoissés jusqu'à serrer les gorges; les injustes ne trouveront aucun ami zélé, aucun intercesseur susceptible d'être écouté.

19 Dieu connaît la perfidie des regards et ce qui est caché dans les coeurs.

20 Dieu juge en toute Justice, tandis que ceux qu'ils invoquent en dehors de Lui, ne jugent rien. - Dieu est celui qui entend et qui voit parfaitement -

21 Ne parcourent-ils pas la terre? Ne voient-ils pas quelle a été la fin de ceux qui vécurent avant eux? Ceux-ci étaient plus redoutables qu'eux par la force, et par les traces qu'ils ont laissées sur la terre. Dieu, cependant, les a saisis à cause de leurs péchés, et ils n'ont pas trouvé de protecteur contre Dieu.

22 Il en est ainsi, parce qu'ils sont restés incrédules, lorsque leurs prophètes leur ont apporté des preuves décisives. Dieu les a donc saisis: IL est Fort et Redoutable dans Son châtiment!

23 Nous avons envoyé Moïse avec Nos Signes et un pouvoir incontestable

24 à Pharaon, à Haman et à Coré. Ils disent: «C'est un sorcier, un imposteur».

25 Mais quand il leur apporta la Vérité émanant de Nous, ils dirent: «Tuez les fils de ceux qui croient comme lui, et laissez vivre leurs filles». - La ruse des incrédules ne fait que les égarer -

26 Pharaon dit: «Laissez-moi tuer Moïse! Qu'il invoque donc son Seigneur! Je crains qu'il n'altère votre religion et qu'il ne sème la corruption sur la terre».

27 Moïse dit: «Je cherche la protection de mon Seigneur et votre Seigneur contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement».

28 Un homme croyant, qui appartenait au peuple de Pharaon et qui cachait sa foi, dit: «Tuerez-vous un homme parce qu'il a dit: "Mon Seigneur est Dieu!" alors qu'il vous a apporté des preuves évidentes de la part de votre Seigneur? S'il est menteur, son mensonge retombera sur lui; s'il dit la vérité, ce dont il vous menace vous atteindra. - Dieu ne dirige pas celui qui est pervers et menteur -

29 Ô mon peuple! La royauté vous appartient aujourd'hui et vous triomphez sur la terre; mais qui donc nous délivrera de la rigueur de Dieu quand elle nous atteindra?» Pharaon dit: «Je ne vous montre que ce que j'ai vu moi-même. Je ne vous dirige que sur le chemin de la rectitude».

30 Celui qui était croyant dit: «Ô mon peuple! Oui, je crains pour vous un jour semblable à celui des factieux;

31 un sort semblable à celui du peuple de Noé, des 'Ad, des Thamoud et de ceux qui vécurent après eux. - Dieu ne tolère pas l'injustice envers ses serviteurs! -

32 Ô mon peuple! Oui, je crains pour vous le Jour où les hommes s'interpelleront les uns les autres;

33 le Jour où vous vous détournerez. Vous ne trouverez, alors, aucun défenseur contre Dieu. Personne ne dirige celui que Dieu égare».

34 Joseph leur avait autrefois apporté des preuves décisives; vous n'avez pas cessé d'en douter; mais, lorsqu'il eut disparu, vous avez dit: «Dieu n'enverra plus jamais de prophète après lui». - Dieu égare celui qui est pervers et celui qui doute -

35 Ceux qui discutent au sujet des Signes de Dieu sans en avoir reçu mandat, provoquent la grande haine de Dieu et des croyants. - Dieu met un sceau sur le coeur de tout tyran orgueilleux -

36 Pharaon dit: «Ô Haman! Construis-moi une tour pour que j'atteigne les cordes,

37 les cordes célestes et je monterai vers le Dieu de Moïse. Je pense que celui-ci est menteur!». Ainsi, la mauvaise action de Pharaon a été revêtue, à ses propres yeux, d'apparences trompeuses. Il fut écarté du chemin droit; mais la ruse de Pharaon a été anéantie.

38 Celui qui était croyant dit: «Ô mon peuple! Suivez-moi! Je vous dirigerai sur le chemin de la rectitude.

39 Ô mon peuple! La vie de ce monde n'est qu'une jouissance éphémère. La vie future est la demeure de la stabilité.

40 Celui qui commet une mauvaise action ne sera rétribué que par un mal équivalent. Quiconque, homme ou femme, fait le bien en étant croyant ... Voilà ceux qui entreront au Paradis où ils recevront de tout à profusion.

41 Ô mon peuple! Pourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m'appelez au Feu ?

42 Vous m'appelez à l'incrédulité envers Dieu, au polythéisme dont je n'ai aucune connaissance, mais moi, je vous appelle auprès du Tout-Puissant, auprès de celui qui ne cesse de pardonner.

43 Celui auprès duquel vous m'appelez ne peut, sans aucun doute, être invoqué ni en ce monde, ni dans la vie future. Oui, notre retour sera vers Dieu et les pervers deviendront les hôtes du Feu.

44 Vous vous souviendrez de ce que je vous dis: je confie mon sort à Dieu. Dieu voit parfaitement ses serviteurs».

45 Dieu préserva ce croyant de leurs méchantes ruses, et les gens de Pharaon, IL les enveloppa du châtiment le plus dur:

46 le Feu. Ils y seront exposés, matin et soir, et l'on dira, le Jour où se dressera l'Heure: «Introduisez les gens de Pharaon au sein du châtiment le plus dur».

47 Lorsqu'ils se disputeront dans le Feu, les faibles diront aux orgueilleux: «Nous vous avons suivis; pouvez-vous, maintenant, nous préserver d'une partie de ce Feu?»

48 Les orgueilleux diront: «Nous y sommes plongés». - Dieu juge Ses serviteurs -

49 Ceux qui seront dans le Feu diront aux gardiens de la Géhenne: «Priez votre Seigneur de diminuer d'un jour notre châtiment».

50 Les gardiens diront: «Vos Prophètes ne vous ont-ils pas apporté des preuves décisives?» Ils répondront: «Oui, ils sont venus!» Les gardiens diront: «Invoquez Dieu!» mais la prière des incrédules n'est qu'aberration!

51 Nous secourrons nos prophètes et ceux qui auront cru durant leur vie en ce monde, comme le Jour où les témoins se dresseront:

52 le Jour où les excuses présentées par les injustes leur seront inutiles. Ils seront alors maudits. La pire des demeures leur est destinée.

53 Nous avons donné la Direction à Moise; Nous avons donné en héritage aux fils d'Israël le Livre

54 comme une Direction et un Rappel adressés aux hommes doués d'intelligence.

55 Sois constant! La promesse de Dieu est vraie. Demande pardon pour ton péché. Célèbre, soir et matin, les louanges de ton Seigneur!

56 Ceux qui discutent au sujet des Signes de Dieu sans en avoir reçu mandat, n'ont que de l'orgueil dans leurs coeurs; ils n'atteindront pas leur but. Cherche la Protection de Dieu; IL est celui qui entend et qui voit tout.

57 La Création des cieux et de la terre est quelque chose de plus grand que la création des hommes: mais la plupart d'entre eux ne savent pas.

58 L'aveugle et celui qui voit clair ne sont pas égaux. Ceux qui croient et qui accomplissent des oeuvres bonnes ne peuvent être comparés à celui qui fait le mal. - Petit est le nombre de ceux qui réfléchissent -

59 Oui, sans aucun doute, l'Heure approche; mais la plupart des hommes sont incrédules.

60 Votre Seigneur a dit: «Invoquez-moi et Je vous exaucerai. Ceux qui, par orgueil, refusent de m'adorer entreront bientôt, humiliés, dans la Géhenne».

61 C'est Dieu qui a disposé pour vous la nuit afin que vous vous reposiez, et le jour, pour vous permettre de voir clair. Dieu est le Maître de la grâce envers les hommes; mais la plupart d'entre eux ne sont pas reconnaissants.

62 Tel est Dieu, votre Seigneur, le Créateur de toute chose. Il n'y a de Dieu que Lui. - Comme vous êtes stupides! -

63 C'est ainsi que se détournent ceux qui nient les Signes de Dieu.

64 Dieu est celui qui a établi pour vous la terre comme une demeure stable et le firmament comme un édifice. IL vous a modelés selon une forme harmonieuse. IL vous a accordé d'excellentes nourritures. Tel est Dieu, votre Seigneur! Béni soit Dieu, le Seigneur des mondes!

65 IL est le Vivant! Il n'y a de Dieu que Lui. Invoquez-Le en Lui rendant un culte pur. Louange à Dieu, le Seigneur des mondes.

66 Dis: «Lorsque les preuves décisives me sont venues de la part de mon Seigneur, il m'a été interdit d'adorer ceux que vous invoquez en dehors de Dieu; et il m'a été ordonné de me soumettre au Seigneur des mondes».

67 C'est Lui qui vous a créés de terre, puis d'une goutte de sperme, puis d'un caillot de sang. IL vous a fait ensuite surgir petit enfant pour que vous atteigniez plus tard votre maturité, pour que vous deveniez des vieillards - certains d'entre vous meurent plus tôt - et pour que vous parveniez à un terme fixé. - Peut-être comprendrez-vous? -

68 C'est Lui qui donne la vie et qui fait mourir. Lorsqu'IL décrète une chose, IL lui dit: «Sois!» et elle est.

69 Ne vois-tu pas ceux qui discutent les Signes de Dieu? Ils se sont écartés de Lui.

70 Ceux qui ont traité de mensonge le Livre et les messages de nos prophètes sauront bientôt,

71 lorsque, carcan au cou, ils seront traînés avec des chaînes

72 dans l'eau bouillante, et précipités ensuite dans le Feu.

73 On leur dira: «Où sont donc ceux que vous avez associés à Dieu?»

74 Ils répondront: «Ils se sont écartés de nous, ou, plutôt, nous n'invoquions auparavant que le néant». - Voilà comment Dieu égare les incrédules! -

75 Il en est ainsi pour vous, parce que vous vous réjouissiez sans raison sur la terre, et parce que vous étiez orgueilleux.

76 Franchissez les portes de la Géhenne pour y demeurer immortels. Combien est détestable le séjour des orgueilleux!

77 Sois constant! Oui, la promesse de Dieu est vraie. Soit que Nous te montrions une partie de ce dont Nous les menaçons, soit que Nous te fassions mourir auparavant, ils seront ramenés vers Nous.

78 Nous avons envoyé des prophètes avant toi. Il en est parmi eux dont Nous t'avons raconté l'histoire, et d'autres, dont Nous ne t'avons pas raconté l'histoire. Nul prophète n'est venu avec un Signe sans la permission de Dieu. Quand l'Ordre de Dieu vient, tout est décrété selon la Vérité. Ceux qui profèrent des mensonges sont alors perdus.

79 Dieu est celui qui a créé pour vous les animaux, afin que certains d'entre eux vous servent de montures, et d'autres de nourriture.

80 Afin, aussi, que vous y trouviez des produits utiles, et que, grâce à eux, vous puissiez satisfaire les désirs de vos coeurs. Ils vous servent, ainsi que les bateaux, de moyens de transport.

81 Dieu vous montre Ses Signes. Quels sont donc les Signes de Dieu que vous nierez?

82 Ne parcourent-ils pas la terre? N'ont-ils pas considéré quelle a été la fin de ceux qui vécurent avant eux? Ceux-ci étaient cependant plus nombreux et plus redoutables qu'eux, par la force et par les traces qu'ils ont laissées sur la terre. Mais ce qu'ils avaient acquis ne leur a servi à rien.

83 Quand leurs prophètes leur apportaient des preuves décisives, ils se réjouissaient de la science qu'ils détenaient; mais ils furent enveloppés par ce dont ils se moquaient.

84 Lorsqu'ils virent ensuite Notre violence, ils dirent: «Nous croyons en Dieu, l'Unique. Nous ne croyons pas à ceux que nous Lui avons associés».

85 Mais leur foi ne leur a servi à rien, après qu'ils eurent constaté Notre rigueur. C'est là, depuis longtemps, la façon d'agir de Dieu envers Ses serviteurs. - Les incrédules ont alors tout perdu -

* * *

Cette Sourate de 85 versets est souvent nommée Sourate Ghâfir (L'Indulgent), attribut divin par lequel débute le troisième verset. Elle fait partie des sept Sourates[1] dites les Hawâmîm, parce qu'elles commencent par les initiales H (Hâ') M (Mîm)[2]. Les interprétations de ces initiales sont nombreuses et divergentes.

Certains commentateurs du Coran (comme al-Qaradhî) avancent que ces initiales (H. M.) signifient: «Je jure par Hilmihi (Son Indulgence) et Molkihi (Son Royaume) qu'IL ne soumettra pas à la Torture quiconque se protège par Lui et dit sincèrement et du fond du coeur: ach-hadu anlâ ilâha illallâh (j'atteste qu'il n'y a de Dieu qu'Allah)».

D'autres (tel 'Atâ' al-Khorâsânî) affirment qu'elles constituent l'ouvrant des Noms d'Allah: «Halîm (Clément), Hamîd (Digne de louanges), Hakîm (Sage ), Hayy (Toujours Vivant), Hannân (Très-Compatissant), Malik (Roi), Majîd (Glorieux), Mobdi' (Prévenant), Mo'îd (Celui qui ressuscitera Ses créatures)».

D'autres encore, tel al-Kalabî, interprètent ces initiales comme désignant l'expression: «Allah a décrété ce qui est (qadhâ mâ howa kâ'inun)».

La Sourate traite de l'orgueil des mécréants et de leur argumentation fallacieuse en vue de récuser la Vérité à laquelle ils sont appelés. Aussi reproduit-elle à plusieurs reprises leurs raisonnements capiteux (versets 35, 56, 69) et s'applique-t-elle à montrer la futilité de cet orgueil déplacé et de cette attitude polémique négative, en leur rappelant la punition sévère qu'Allah a administrée aux nations passées qui avaient démenti la Vérité, et en leur exposant le sort horrible qui les attend, à leur tour, dans l'Au-delà.

Et en réfutant les faux arguments des incroyants par les preuves solides de l'Unicité d'Allah, la Sourate demande au Prophète et à ses adeptes de s'armer de patience devant leurs contradicteurs et leur promet une victoire évidente.

Sur le plan stylistique les orientalistes distinguent, selon Jaques Berque, dans cette Sourate «deux séquences (versets 1-56 et 57-85), la seconde étant d'allure et d'assonance différentes de la première. Les aphorismes qui s'en détachent reprennent pourtant les idées de la première partie, non qu'on ne puisse reconnaître en celle-ci deux morceaux d'une vingtaine de versets chacun». A noter aussi la fréquence de la forme internée dans cette Sourate, et des aphorismes où «chaque argument d'évidence est suivi d'un constat désabusé» (versets 57, 58, 59, 61)[3].

Les mérites de la récitation de cette sourate:

La Tradition souligne les mérites de la récitation des Hawâmîm, en général, et la Sourate du Croyant en particulier. En effet, selon Abû Burayrah al-Aslamî, le Prophète (P) dit: «Quiconque aimerait jouir des Jardins du Paradis, qu'il récite les Hawâmîm pendant la prière de la nuit».

Et d'après le témoignage d'Anas Ibn Mâlik, le Messager d'Allah (P) déclara: «Les Hawâmîm constituent la belle façade du Coran».

Pour sa part, Obay Ibn Ka'ab a témoigné que le Prophète (P) dit: «Tous les Prophètes, tous les amis et tous les croyants, sans exception, prieront et imploreront le Pardon divin pour quiconque récite la Sourate Hâ'Mîm, le Croyant».

Quant à l'Imâm al-Sâdiq (p), cité par Abû Baçîr, il dit à ce propos: «Les Hawâmîm sont les bouquets odorants du Coran. Remerciez Allah et louez-Le donc en les apprenant par coeur en les récitant. Que le croyant récite les Hawâmîm, et un parfum plus agréable que celui du musc et de l'ambre s'exhale de sa bouche. Allah couvrira de Sa Miséricorde celui qui les lit et récite, ainsi que ses voisins, ses amis, ses connaissances, son entourage et ses proches; et le Jour de la Résurrection, le Trône, la Chaise et les Anges rapprochés d'Allah imploreront le Pardon pour lui».[4]

* * *

B- Le Récit

La Sourate de "Croyant" renferme une série de récits qui gravitent autour des Âle Pharaon. Ces récits ou contes divers sont liés par un même fil qui les unit de telle sorte qu'on peut les considérer comme un seul récit sur la vie linéaire de ce peuple (les Âle Pharaon) depuis l'arrivée de Moïse (P) parmi eux, en passant par leur périssement, jusqu'à leur demeure finale le Jour dernier, le Barzakh, puis l'Enfer.

La construction ou la structure architecturale de ce récit repose sur la description de vies ou de milieux divers: le milieu de la vie terrestre, d'abord, le milieu du Barzakh ou du tombeau ensuite, et le milieu infernal enfin. Tous ces milieux mettent en scène la conduite des Âle Pharaon, sous une forme romanesque réjouissante dans laquelle sont enchevêtrés ces divers milieux à travers un enchaînement objectif du temps où se mêlent futur, présent et passé.

Ceci concerne le milieu du récit.

Quant aux personnages ou héros, le récit pullule de personnages secondaires tels Moïse (P), Pharaon, Hâmân, Qâroun. En outre les Âle Pharaon eux-mêmes représentent un personnage collectif principal dans le récit. D'un autre côté, le récit évoque le personnage de Joseph (Yousuf) aussi, dans un contexte particulier, comme nous allons le remarquer.

Mais le rôle principal qui domine le récit c'est celui du héros, le Croyant d'Âle Pharaon, comme le titre du récit le laisse deviner.

L'importance du rôle de ce héros tient à l'importance de la méthode d'action missionnaire du Croyant d'Âle (du peuple) Pharaon, que le récit nous présente. Cette méthode d'action, ainsi que celle de la confrontation directe choisie par un autre héros, Moïse, constituent deux modes d'action dictés aux héros mujâhid par la nature du climat politique. A travers les champs de bataille dans lesquels les deux héros sont engagés, l'un est amené à choisir un combat secret, l'autre une action ouverte et publique.

Quant aux autres ingrédients du récit, constitués de péripéties et de situations diverses, ils sont agencés à leur tour selon un ordre architectural plaisant dont nous parlerons en détails, ainsi que de tous les autres éléments romanesques, plus loin.

* * *

Le récit commence par le personnage de Moïse (P) lors de sa confrontation franche avec Pharaon, Hâmân et Qâroun:

«Nous avons envoyé Moïse avec nos Signes et un pouvoir incontestable à Pharaon, à Hâmân et à Qâroun (Coré).

»Ils dirent: "C'est un sorcier, un imposteur".

»Mais quand il leur apporta la Vérité émanant de Nous, ils dirent: "Tuez les fils de ceux qui croient comme lui, et laissez vivre leurs filles".

»La ruse des incrédules ne fait que les égarer».[5]

Telle est la première parole du récit: le Ciel envoie Moïse à Pharaon, Hâmân et Qâroun.

Il s'agit de savoir maintenant quels sont les rôles joués par chacun de ces trois personnages?

En ce qui concerne Pharaon, il est le chef des tyrans et sa position dans les péripéties se passe par conséquent de commentaire. Quant à Hâmân, il est son ministre, et il occupe une position risible, comme nous allons le constater. Pour ce qui concerne Qâroun, le trésorier de Pharaon, il n'occupe pas une position dans ce récit, mais d'autres textes coraniques l'ont dépeint ailleurs, dans un autre récit que nous avons déjà abordé.

Est-ce que cela signifie (du point de vue purement romanesque) que le récit ne cherche pas à déterminer les rôles ou les fonctions que ces trois personnages y jouent, mais vise à mettre en scène les idoles qui occupent une position sociale dans le milieu où se meuvent les Âle Pharaon dans leur relation avec Moïse, et ce abstraction faite du mouvement effectif déterminé pour telle ou telle autre idole?

La réponse est très probablement positive, étant donné que les grandes idoles ont leur influence sociale dans le cadre de la place qu'elles occupent dans l'esprit de la populace, et que Satan a réussi à ensorceler celle-ci, malgré les preuves et les arguments irréfutables que Moïse a fournis à cette populace dont fait partie Qâroun qui représente l'une des figures de proue alliées aux Âle Pharaon autour desquels se déroulent les péripéties du récit.  

* * *

La réaction de ces idoles au message que leur avait présenté Moïse consistait à le traiter de sorcier et de menteur.

Toutefois, le récit a enjambé la chaîne chronologique pour anticiper sur des péripéties futures, avant de retourner de nouveau au présent pour suivre le déroulement des événements selon leur ordre chronologique normal.

Le laps de temps futur que le récit a anticipé concerne les réactions suscitées par Moïse chez la populace en question, et exprimées comme suit:

«Tuez les fils de ceux qui croient comme lui, et laissez vivre leurs filles».[6]

De ce dialogue on peut inférer - suivant le procédé romanesque emprunté par le récit - que le message de Moïse invitant les gens à Allah a fait ses effets, puisque beaucoup y ont cru, ce qui a poussé Pharaon et sa clique à réclamer l'assassinat des croyants et la violation de leurs femmes, comme le font les tyrans de notre époque contemporaine.

Toutefois, le récit a commenté cette réaction par ces propos: «La ruse des incrédules ne fait que les égarer»[7], ce qui signifie, du point de vue romanesque, que les péripéties suivantes révéleront que les tyrans seront voués à la défaite.

De là, le récit retourne vers l'enchaînement chronologique des péripéties, après avoir abordé une période future où il montre que le public - nombreux ou peu nombreux - a répondu positivement à l'Appel du Ciel et que la fin catastrophique des tyrans s'est bel et bien précisée.

Donc le récit revient de nouveau pour décrire les réactions engendrées par l'Appel à Allah, suivant l'ordre chronologique des péripéties qui ont commencé par cette réaction du tyran Pharaon:

«Pharaon dit: "Laissez-moi tuer Moïse! Qu'il invoque donc son Seigneur! Je crains qu'il n'altère votre religion et qu'il ne sème la corruption sur la terre"».[8]

Cette logique ridicule est l'un des outils de propagande auxquels recourent les tyrans à toutes époques et partout. Nous entendons par «cette logique ridicule», ce qu'on appelle dans la terminologie de la psychologie collective, la «projection» des traits de caractères négatifs qui sont propres aux corrupteurs sur les réformateurs. Ainsi, le corrompu, le vilain, l'avide, le mesquin etc. a tendance à projeter sur autrui le défaut qu'il porte afin d'une part que toute valeur morale saine s'écroule (au cas où les autres sont conscients de la mesquinerie d'un tel procédé de propagande), et que, d'autre part toutes les vérités soient altérées ou déformées, et ce pour pouvoir préserver son pouvoir (au cas où les autres sont inconscients de la vraie situation).

Pharaon, lequel est le chef des corrupteurs sur la terre, à son époque, accuse (comme le font les tyrans de l'époque contemporaine) Moïse de corruption et affecte sa crainte de voir altérer la religion du peuple. Il s'est imaginé que ce stratagème psychologique suffirait à tromper la lie du peuple et à susciter une réaction douloureuse chez les gens conscients qui répugnent vraiment à l'altération des vérités.

Mais ce qui lui a échappé, c'est que le Ciel est à l'affût de toute ruse à laquelle font appel les corrupteurs sur terre et que la fin des tyrans serait toujours impitoyable, et semblable à celle de Pharaon et des siens, péris noyés et complètement anéantis.

Donc, Pharaon, le tyran de son époque, a suggéré l'assassinat de Moïse afin de préserver son trône qu'il a essayé de renforcer en trompant les ignorants et en nuisant aux gens instruits par le recours à la désinformation: «Je crains qu'il n'altère votre religion et qu'il ne sème la corruption sur la terre».[9]

Toutefois, il semble que sa proposition de tuer Moïse se soit heurtée à l'opposition de certains de ses conseillers, comme nous le dévoilera le récit plus tard, selon un procédé romanesque indirect.

Mais avant de disparaître de la scène des péripéties de ce récit, Moïse nous a fourni à ce propos, un élément important pour la suite des événements (que le texte romanesque révélera) lorsqu'il a commenté les réactions suscitées par son appel à Allah, dans les termes suivants:

«Je cherche la protection de mon Seigneur et votre Seigneur contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement».[10]

Là se termine le rôle de Moïse - ou disons plutôt sa position fonctionnelle - dans le récit pour céder la place à un nouveau héros, lequel exerce d'innombrables sortes d'activités qui occupent une grande partie de la surface du récit, ou qui influent considérablement sur son mouvement.

Ce nouveau héros commence à assumer l'opposition à partir du moment où Pharaon s'est mis à penser à l'assassinat de Moïse; et depuis qu'il est apparu sur la scène des événements, l'opposition à Pharaon a revêtu une forme flagrante et ouverte, et d'autant plus importante que ledit héros n'était autre que le trésorier ou le cousin (maternel) de Pharaon, et que l'importance de son engagement dans l'opposition n'était pas sans conséquence sur la décision ou le projet de l'assassinat de Moïse.

* * *

Comme nous l'avons dit, Moïse, avant de disparaître du théâtre des événements, a déclaré: «Je cherche la protection de mon Seigneur et de votre Seigneur contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement».[11]

Et comme nous l'avons noté également, cette déclaration projettera une lumière sur le futur des événements et notamment sur la personnalité du Pharaon, marquée par l'orgueil et le refus de se rendre à l'évidence, comme nous le montreront ses agissements ridicules à ce propos.

Il est indubitable que lorsque Moïse a commencé à se mouvoir vers Pharaon et son peuple, son mouvement a été accompagné de plus d'une situation sur lesquelles le récit se tut. Mais le nouveau héros (le Croyant d'Âle Pharaon, dont nous aborderons les détails de la personnalité sous peu) dévoile un aspect des mouvements de Moïse (P). Cette façon de tisser le récit révèle certaines caractéristiques techniques que celui-ci a adoptées dans la construction des péripéties et des personnages.

En effet, le récit s'est contenté d'aborder du personnage de Moïse, le fait qu'il s'était présenté aux Âle Pharaon avec «des Signes et un Pouvoir incontestable»[12] et qu'il avait cherché refuge auprès d'Allah contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement.

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