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Problèmes moraux et psychologiques

AVANT PROPOS

Tout homme dans ce monde aspire au bonheur, et à la sérénité et se démène nuit et jour sans relâche pour concrétiser cette aspiration. Dans cette vie qui n’est pas sans rappeler un champ de bataille, il poursuit son effort jusqu’à l’extrémité de sa force, dans l’espoir qu’un jour le bonheur vienne étendre ses ailes protectrices au-dessus de sa tête, et qu’à son ombre, il puisse couler quelque moment de joie loin du vacarme et des soucis.

Mais malheureusement la plupart des individus qui ont apparemment tous les moyens pour vivre dans la satisfaction totale, sont voués à l’agitation et aux tourments pour des raisons obscures. Le bonheur leur apparaît comme une chose impossible, et la vie comme une chute inexorable vers l’anéantissement et le chaos.

Ce tourment et ce sentiment d’échec sont dus au fait que ces gens-là préfèrent l’illusion à la réalité. Et qu’ils ne se servent pas de la lumière de l’intelligence pour dissiper les ténèbres. L’illusion voile leur esprit avec ses faux éclats, et les jette en pâture aux coups du sort.

Leurs vils desseins, leurs désirs immodérés, les conduisent à une impasse dangereuse, à des périls effroyables et annihilateurs.

L’homme, ce phénomène composé de deux forces: mécanique et psychique, est le bien le plus précieux de l’existence.

En plus de sa dimension matérielle dont il partage les contingences avec l’espèce animale, il a aussi des besoins spécifiques dont la concrétisation le mènerait à la phase finale de sa perfection.

Le développement de l’une de ces deux capacités dépendra de sa volonté et de son choix.

Le progrès de la science et de la technologie a radicalement bouleversé le mode de vie.

L’essor des techniques et l’évolution stupéfiante de toutes les disciplines, ont facilité la solution des problèmes, et ont fait de l’ensemble du globe terrestre, depuis les fonds des mers jusqu’à l’espace sidéral, le champ d’exploration de l’homme.

Parallèlement à ce progrès scientifique, et à la préoccupation matérielle croissante, nous assistons à une secousse des bases de la foi et de la piété. Une série de désordres a vu le jour dans les différents organes de la société, et les statistiques relatives à la criminalité, à la délinquance et à la dépravation morale, ont atteint des chiffres alarmants.

Les facteurs de réforme et de changement ont cédé le pas devant cette vague, et ce qui reste de force morale se consume dans l’obéissance au soi impérieux, dans la licence et le vice.

Nous assistons aujourd’hui à la suprématie de l’«avoir» sur l’«être», du bien matériel sur la vertu, le bien tout court.

L’humanité est équipée de la science alors que l’ange gardien de la vertu qui devait la préserver de l’égarement est foulé aux pieds par les forces démoniaques des passions et de la concupiscence, et les sentiments humains ne tarderont pas à connaître le même sort.

Le mensonge, la cupidité, l’hypocrisie, l’iniquité, l’ambition et tous les autres vices qui constituent chacun un frein à l’accomplissement et au bonheur de l’homme, l’enserrent de toutes parts, et polluent son ambiance.

La disparition des liens de l’unité, les inquiétudes individuelles ou sociales, en un mot les causes du malheur et de la souffrance, procèdent de la dégradation des valeurs morales et de la perte du sens de la vertu.

C’est une réalité amère que si l’on ôtait à l’homme d’aujourd’hui son pouvoir sur la matière, il perdrait tout point d’appui dans ce vaste univers, et serait envahi par le spectre du désespoir, perdant toute résistance spirituelle, devant la moindre contrainte.

Les savants moralistes et les psychologues sont persuadés que lorsque les vertus et les qualités morales excellentes se manifestent en l’homme et que ce dernier arrive à créer un équilibre dans son cœur et sa raison, il se réalise dans toute sa plénitude.

Ce sont les potentialités morales et spirituelles qui prémunissent contre le déséquilibre, et élèvent l’homme au sommet de la grandeur, et de la perfection.

Les personnalités qui ont émergé dans les diverses sociétés et dont les noms sont inscrits en lettres d’or dans l’Histoire, ont toutes été d’un caractère moral impeccable.

Une société sans «armement moral» et non régie par les principes humanistes est inapte à se perpétuer et à survivre.

La mort des grandes civilisations, et l’effacement des grandes nations ne sont pas seulement le résultat d’un marasme économique; leur chute a été entraînée et précipitée par la perte de leur énergie spirituelle. Car l’ébranlement des fondations morales est bien plus grave et plus destructeur pour une société, qu’un tremblement de terre.

Les lois et institutions d’origine humaine n’ont jamais pu imprégner les profondeurs de l’âme, ni cimenter les peuples et les différentes races dans une unité durable.

Etant donné que le savoir humain est limité, que sa connaissance des liens des phénomènes de la nature est incomplète et qu’il est s ans cesse sous l’influence de multiples paramètres imprévisibles, les lois et les institutions en question, fruit de la pensée positive, se sont révélées impuissantes à réunir les conditions pluridimensionnelles du bonheur de l’homme.

Elles sont empreintes d’un caractère transitoire, et varient au rythme des changements affectant la forme et le fond de la société.

Ces malheurs et ces différents méfaits qui s’étendent de nos jours à l’humanité entière ne sont en réalité que le reflet de l’insuffisance des lois et institutions existantes.

Cependant la doctrine des Prophètes qui a jailli des sources sublimes de l’inspiration, et de l’éclat de la Révélation et de l’illumination, et qui repose sur la science infinie du Créateur, est à l’abri de la tempête du changement et de l’altération.

Grâce à sa connaissance parfaite des secrets de la création et des réalités de l’existence, cette école présente à l’humanité un plan infaillible pour la perfection, l’édification et l’amendement de soi. Le rôle des enseignements divins, les résultats éclatants et l’impact rapide, profond et décisif de cette force religieuse dans l’organisation sociale est indéniable.

Tant qu’au sein des masses populaires, une disponibilité au bien et une répugnance au mal, ne se fera pas jour, tant que chacun ne se pliera pas à la volonté générale, et tant que le sens de la responsabilité ne sera pas ancré en chacun, toute entreprise de réforme restera ineffective.

Pour fonder une civilisation parfaite, et susciter une ambiance de sécurité et de plaisir, il n’est pas d’autre voie que d’équiper les hommes en capital immatériel.

Outre qu’il est un moyen de s’assurer le succès dans l’au-delà, l’éternel Islam, instauré par la plus grande et la plus vertueuse personnalité de l’Histoire, sur la base de la foi et de la piété, est aussi garant de la prospérité et du repos dans ce monde.

L’appel de l’Islam a pour principe, de promouvoir les hommes par l’inculcation d’une série de croyances pures et de traits éminents, qui d’après lui, sont à même de conférer la qualité d’homme authentique.

L’Islam est contre l’immolation des dons pour la satisfaction des désirs et du soi impérieux. Il combat sévèrement ceux qui souillent l’honneur de l’humanité, et troublent la confiance et l’entente collective.

Une société qui règle les rapports entre ses individus, sur la base des principes islamiques, voit régner la pureté, le calme et la sincérité dans toutes ses affaires.

La loi y est la même pour tous.

En s’inspirant de tels facteurs de communion spirituelle, de pareils enseignements et projets d’accomplissement, on pourrait provoquer une réforme universelle dans les habitudes et l’éducation. Cette réforme répondrait à l’aspiration de tous les hommes, de jouir d’un calme permanent.

Dans ce livre que le cher lecteur a sous les yeux, une série de sujets moraux ont été étudiés, une partie en est consacrée à l’examen des enseignements précieux de l’Ethique islamique.

Bien que chaque livre traitant de morale, chaque ouvrage consacré à la sagesse pratique et tout l’héritage des grands hommes constitue un trésor inestimable, nous avons jugé qu’il n’était pas sans intérêt d’aborder le même sujet sous un angle plus concret, et avec un style plus facile à comprendre par un plus grand nombre.

Car les ouvrages anciens ne sont pas en règle générale à la portée du lecteur moyen, et leur aspect académique et théorique en restreint la lecture aux spécialistes.

L’auteur s’est attaché à traiter les sujets de la morale de façon accessible, sans recourir à une terminologie spécialisée ou à des concepts hermétiques pour le lecteur moyen. Il établit à chaque fois qu’il le juge nécessaire, un lien entre le problème moral et son pendant psychologique ou pédagogique, par une analyse scientifique, exposant les thèses des penseurs occidentaux et les confrontant avec les textes religieux et traditionnels, et les paroles des Imams qui ont précédé de plus de 13 siècles, celles des savants modernes.

Il est à propos que j’ajoute ici un point pour rappeler qu’une partie de ce livre avait été publiée séparément dans la revue «Maktabé Islam» (La doctrine de l’Islam) paraissant à Ghom.

Nous formons le vœux que Dieu nous accorde l’aptitude de nous conformer aux recommandations, exhortations et orientations des grands hommes de l’Islam et des savants en science morale, et que nous frayions ainsi la voie à notre propre réforme, à notre libération du joug des instincts destructifs pour vivre paisiblement dans la félicité.

Seyed Mojtaba Moussavi Lari.
Ghom
Farvardin 1345-Mars 1966

Le mauvais caractère

- La valeur de l’amitié et de l’affection
- Le mauvais caractère est répugnant.
- Le Prophète de Dieu, modèle et guide

L’amour est l’un des sentiments naturels de l’homme. C’est ainsi que nous constatons en ce dernier, l’existence d’une force secrète l’incitant à s’attacher aux autres. On ne peut combattre cette tendance naturelle, et il est impérieux que ce besoin inné soit satisfait. Tout individu s’emploie de ce fait à établir des relations fraternelles avec ses semblables pour susciter leur affection et se lier avec eux.

L’amitié est source de sérénité et l’une des meilleures jouissances spirituelles, qui, une fois née se renforce et s’épanouit de jour en jour, et qu’aucune autre chose n’égale en prix.

La douleur de la solitude et de l’exil, et l’éloignement des chers sont le pire des tourments.

Si l’affection n’unissait pas les cœurs des hommes, ils seraient livrés à l’inquiétude et au tourment, et leur existence deviendrait infernale. C’est ce qui a fait dire à un savant que le secret du bonheur réside en des rapports avec autrui régis par la fraternité et non l’inimitié, et quiconque se montre incapable de vivre dans l’amour de ses semblables ne peut pas vivre sans souci et agitation.

Les relations des individus, qui sont fondées sur les sentiments et l’amitié réelle sont à tous points de vue les meilleures pour la société.

La meilleure union de deux âmes est celle qui procède de leur attraction réciproque par l’amour, sur lequel s’édifie le bonheur complet.

Pour assurer la permanence des liens de l’amitié, il faut écarter les facteurs de division, et s’empresser de répondre aux bons sentiments des autres.

La plus précieuse des amitiés est sans doute celle qui n’est pas tributaire des intérêts personnels, celle dans laquelle le sentiment de fraternité demeure vivace, et qui peut satisfaire l’âme éprise de chaleur et d’amitié.

Une amitié fidèle doit rester invulnérable aux coups du sort, et doit demeurer constante en toutes circonstances, prête à apporter soutien au cœur de l’ami en proie à l’anxiété, et y déverser espoir et sérénité.

On ne peut compter sur l’amitié des autres ni vivre à l’ombre de leur affection, si notre cœur n’est pas débordant d’amour à leur égard. Un sage a dit:

«Notre vie est semblable à une région montagneuse où l’homme entend se répercuter les échos de son appel. Celui dont le cœur est plein d’amour pour autrui, ne peut recevoir qu’amitié et fidélité.»

Notre vie matérielle est certes fondée sur l’échange et nous ne pouvons dire qu’il devrait en être de même pour notre vie spirituelle. Mais comment pourrait-on attendre d’autrui qu’il témoigne de fidélité à notre égard quand nous sommes nous-mêmes inconstants? Comment exiger d’eux un amour sans faille alors que le nôtre est fragile?

La fréquentation de nos semblables serait source de souffrance et d’amertume, si elle était dépourvue d’amour réciproque. Si le spectre de l’ostentation faisait planer son ombre sur les cœurs et sur l’existence des hommes, si l’obséquiosité tenait lieu de sincérité et de pureté, et si encore l’amitié authentique était sacrifiée à l’autel de la société, les sentiments s’affaibliraient et la société en question perdrait l’esprit de solidarité.

Sans doute, dans vos relations sociales, vous est-il arrivé de rencontrer des personnes chez lesquelles vous n’avez décelé, nul sentiment d’amitié et nulle affection, mais qui ont pu se donner l’apparence du contraire. Et très souvent, il vous a été donné de percer le masque de leur hypocrisie et d’en voir toute la laideur.

L’une des conditions du bonheur, et qui est aussi une des voies de l’édification de l’esprit est d’établir des relations amicales avec les hommes de bien. A leur côté, les esprits s’épanouissent et s’élèvent vers les hauts sommets de la piété et de la vertu. Il importe par conséquent de faire preuve de perspicacité dans le choix de ses amis, et ce serait une erreur que de se lier avec une personne dont on n’est pas assuré de la pureté et de l’intégrité.

Le mauvais caractère est répugnant:

Il existe des défauts moraux et des habitudes inconvenantes qui secouent gravement les fondements de l’amour au point d’en rompre les attaches. L’homme doté d’un mauvais caractère, et qui se montre asocial voit se dresser entre lui-même et les autres un mur qui le rend aveugle à la lumière de l’amour.

Le mauvais caractère réduit la valeur de l’homme, et détruit son bonheur et sa paix intérieure.

Tout le monde fuit l’homme ayant mauvais caractère car on souffre toujours de la présence d’un être au caractère incompatible avec le nôtre, et qui ne nous est d’aucun apport moral.

Sans son mauvais caractère, un tel homme aurait pu jouir de nombreuses possibilités présentes en lui pour progresser dans la vie.

Si l’on veut établir des liens avec nos semblables, nous devons au préalable acquérir certaines connaissances de l’art du savoir-vivre avec autrui, puis tacher de les mettre en application, sans quoi l’on demeurerait toujours en marge de la société.

Faire preuve d’un bon caractère est la première condition du bonheur parmi les hommes; il est un facteur de l’accomplissement de la personnalité car il permet à l’homme de tirer profit de toutes ses qualités potentielles, et possède un impact profond sur la vie sociale; aucune autre qualité humaine n’égale le bon caractère en force d’attraction des autres et potentialité affective.

L’homme doté d’une telle qualité sublime ne présente jamais aux autres un visage renfrogné trahissant ses difficultés, mais s’efforce en permanence de créer autour de lui une ambiance de joie et de travail qui atténue les peines des gens, tout en conservant le calme en dépit des peines de la vie, et parvient grâce à ce calme au succès et à surmonter tout obstacle.

Le bon caractère est le facteur ayant l’impact le plus déterminant et le plus puissant sur la réussite sociale des individus. Inutile de dire que la promotion d’une société commerciale par exemple dépend en grande partie du bon caractère ses employés.

Le directeur d’une entreprise quelconque, s’il jouit d’un bon caractère, attirerait une bonne clientèle pour peu qu’il déploie une activité suffisante.

Hafiz de Chirâz, le grand poète iranien dit en substance:

«Oppose-leur ton bon caractère et tu en feras des amis, l’homme intelligent ne chasse que par ce moyen.»

La gentillesse est la clef de l’attirance, et le mauvais caractère n’entraîne que l’antipathie. En examinant plus attentivement nos relations, nous voyons pourquoi certains de nos amis nous sont plus intimes que d’autres.

Un intellectuel occidental relate son expérience personnelle à ce sujet:

«J’avais décidé de vérifier en moi- même le pouvoir de la gaieté et de la bonne humeur, alors que je me trouvais depuis quelque temps, abattu et triste. J’avais remarqué souvent que la douceur et le dynamisme des gens que je rencontrais se transmettaient à moi, et je me suis demandé si je pouvais moi-même avoir par mon comportement une telle influence sur les autres. Je ne cessais de me répéter cette résolution de garder toujours une apparence souriante, et je m’efforçais de me persuader que j’étais un homme très chanceux. Comme fruit de cette auto- suggestion, je ressentais un soulagement, et j’étais envahi d’une joie profonde comme s’il me poussait des ailes, et tout autour de moi me paraissait baignant dans la félicité et l’optimisme.»

Et quand il m’arrivait de rencontrer des visages marqués par les tourments et l’agitation intérieure, j’étais navré de ne pouvoir leur communiquer une parcelle de la lumière qui inondait mon cœur...

J’entrai une fois dans le bureau où je travaillais, et saluai le comptable avec un empressement dont je n’aurais jamais fait preuve avant ma décision, quand bien même il m’aurait sauvé la vie. Le comptable ne put se retenir de se montrer à son tour chaleureux et affectueux, ce qui confirmait mon attente.

Le chef de la société commerciale qui m'employait était un de ces hommes qui se dévouent à leur tâche sans même jeter un seul regard à ce qui se passe autour d’eux. Il était d’un caractère dur. Il me réprimanda ce jour-là au sujet de mon travail d’un ton tel que je n’aurais jamais supporté, car j’avais les nerfs à fleur de peau, et des réactions violentes. Mais puisque j’étais résolu à garder mon calme, je lui répondis si poliment qu’il changea d’humeur.

Cet événement était le second de la journée où j’ai tâché de garder une apparence gaie jusqu’au soir.

J’adoptai la même attitude au sein de la famille chez qui j’étais en pension. Le résultat en fut que je constatais des signes d’affection et de bonté dans les visages où ne se lisaient auparavant que froideur et indifférence.

Après de nombreuses expériences, je découvris que je pouvais me redonner de l’enthousiasme et le communiquer aussi à mon entourage.

Vous aussi, si vous adoptez la même attitude, vous verrez s’épanouir devant vous les visages, comme éclatent les bourgeons au printemps, vous ne saurez plus compter vos amis, et la paix et l’entente régneront entre vous.»

Personne ne nie l’influence de cette qualité, même quand il s’agit de s’attirer les sympathies de l’ennemi. La douce parole a des pouvoirs magiques, tant elle envoute les autres. La politesse et le respect dans la parole jouent aussi un rôle important dans la maîtrise de l’ennemi.

Un écrivain occidental dit:

«Toutes les portes s’ouvrent devant l’indulgent alors que les hommes au caractère grossier et rude sont contraints de les forcer comme des malfaiteurs. Le mieux est de faire les choses avec respect, politesse, et considération.»

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