Le problème de concentration dans la Prière

La Prière, ses objectifs et ses significations

Le problème de concentration dans la prière est une préoccupation universelle pour des millions de priants qui y sont confrontés quotidiennement.

Un problème, car la prière rituelle occupe une place primordiale dans le système des rites en Islam et tout Musulman est tenu obligatoirement d'accomplir cette prière cinq fois par jour, sous peine d'être fautif vis-à-vis d'Allah. En effet, selon le Hadith, la prière est le pilier de la Religion, si elle est acceptée, le reste (des actes de piété du croyant) sera accepté, et si elle est rejetée, tout le reste sera rejeté aussi. Or, pour être acceptée, la prière doit remplir un certain nombre de conditions, et entre bien d'autres, elle doit être correctement accomplie selon un ordre prescrit précis. Et on sait que la prière rituelle consiste en une suite de gestes, de mouvements et de positions corporelles pendant lesquels le priant doit prononcer des lectures prescrites. L'acceptation de la prière ou son rejet dépend en partie de l'accomplissement correct et selon l'ordre prescrit de tous les mouvements et lectures que chaque prière requiert. Il suffirait donc que le priant omet ou oublie d'accomplir une séquence de la prière, une lecture, un mouvement prescrit pour que sa prière soit invalidée ou défectueuse. Or de tels oublis sont fréquents chez un bon nombre de priants, vu nos soucis, nos préoccupations et nos stress quotidiens qui nous déconcentrent souvent, et nous font perdre le fil du déroulement de la prière. Il arrive à chacun de nous souvent pendant la prière de penser subitement à un ami qu'on a rencontré ou qu'on va rencontrer, à ce qu'on mange tout à l'heure, à une remarque désobligeante faite par un individu etc... Or ce sont ces idées qui envahissent sans cesse et l'une après l'autre notre esprit qui empêchent celui-ci de se concentrer sur le déroulement correct de la prière.

D'autre part l'esprit est le centre de la pensée et l'entité dans laquelle naissent et passent les idées. Il doit être donc forcément toujours occupé par une pensée, tout comme un corps creux dans l'air ou dans l'eau ne peut rester une seconde inoccupé par l'air ou l'eau qui l'entoure. Or, nous accomplissons très souvent nos prières, dont nous connaissons le moindre et tous les détails par coeur, machinalement et notre esprit se trouve de ce fait par moment inoccupé, ce qui permet aux idées extérieures de s'y introduire pendant ces moments d'inattention et de nous distraire ou de nous déconcentrer. De là nous perdons le fil du déroulement de la prière, et nous savons plus si nous avons déjà accompli deux ou trois rak'ah par exemple.

La preuve de l'importance de ce problème universel qu'est la concentration dans la prière est l'invention aberrante, par quelques esprits mercantiles, d'un instrument ou plutôt d'un gadget avertisseur qui rappelle au priant dans quelle rak'ah de prière il se trouve, afin qu'il ne se trompe pas dans le nombre de rak'ah qu'il a accomplies. Nous disons aberrante, car loin de résoudre le problème de la concentration, elle la supprime, et ce faisant, elle pallie un problème de forme au détriment du fond qu'elle annihile carrément, en vidant la prière de tout son contenu et en la réduisant à quelques gestes corporels creux. Car comme nous allons le voir dans les pages suivantes, la concentration est la première étape vers un état spirituel et de recueillement qui se situe au centre de tous les objectifs de cette obligation grandiose, et sans lequel l'acceptation de la prière est sujette à caution. En laissant à la boussole avertisseuse le soin de nous rappeler les étapes du déroulement de la prière, nous nous perdons même le peu d'effort de concentration que nous déployons pour suivre les différentes séquences de la prière, et par conséquent nous perdons tout espoir de parvenir un jour à cet état de recueillement total, tant souhaité par tous les croyants.

Que faire donc pour garder et développer la concentration dans la prière et éviter d'être distrait par l'intrusion incessante des pensées et des souvenirs qui vaguent dans notre esprit ? La réponse qu'on entend souvent est qu'il n'y a pas un remède miracle à ce phénomène et que chacun à sa propre recette pour essayer de maintenir cette concentration si bien souhaitée par tous et chacun. Voilà quelques propositions à cet égard :

1-Commencer la préparation de la concentration avec les préalables de la prière (le wudhû') en essayant de nous départir de toutes nos préoccupations terrestres et de chasser de notre esprit toutes les pensées ne se rapportant pas à la prière et en récitant des salawât, des tasbih, ou des versets coraniques.

2- On se met à respirer profondément, avant de commencer la prière, ce qui aide à la concentration, comme on le fait lorsqu'on se trouve devant un examinateur et que nous voulons ne rien oublier de ce que nous avons appris par coeur ou de ce que nous aurions à dire.

3-Lorsqu'on s'apprête à commencer la prière, on essaie de s'imaginer dans une situation où on se trouverait devant une personnalité importante à qui on doit exposer nos idées ou nos doléances, ce qui nécessiterait un maximum de concentration, ou devant un examinateur ou un sélectionneur devant lequel le maintien de la présence d'esprit est indispensable.

4- Lorsqu'on commence la prière, on fixe un point par terre ou devant soit et on se concentre sur ce point, pour empêcher notre esprit de se disperser ou de se distraire.

5-On chasse systématiquement toutes les pensées intruses qui pénètrent l'une après l'autre dans notre esprit, ou en d'autres termes on procède à un effort constant de vidage systématique de nos préoccupations terrestres en nous concentrant sur les séquences de la prière.

6-On se concentre sur la signification des mots que nous prononçons et les mouvements que nous effectuons, et chaque fois que nous sommes en train d'accomplir une séquence de la prière nous pensons à la séquence suivante pour ne pas laisser à une pensée intruse de se frayer un chemin vers notre esprit entre les deux séquences. Ou bien lorsque nous prononçons "qul huwa-l-lâhu ahad." par exemple, nous pensons à la suite immédiate de cette lecture, à savoir "Allâhu-ç-çamad" et ainsi de suite. Ou encore, lorsque nous sommes en train d'accomplir la première prosternation de la première rak'ah, nous pensons à la seconde prosternation, et avant la fin de celle-ci nous nous rappelons que nous allons commencer la seconde rak'ah.

En bref, l'essentiel pour le priant est de garder un état de concentration et de conscience dans la prière et chacun peut trouver le moyen le plus approprié pour lui de parvenir à cet état. Mais pour parvenir à cet état de concentration, l'effort soutenu et l'entraînement sont nécessaires.

7-- L'esprit est le centre de la pensée et les idées y naissent perpétuellement. Lorsque nous accomplissons la prière machinalement puisque nous savons par coeur toutes ses parties, notre esprit se trouve donc libre et toutes les pensées surgissent pour occuper l'espace inoccupé ou le vide créé par notre inattention. Il suffit donc que nous l'occupons avec les détails du déroulement de la prière pour faire barrage aux pensées intruses qui risquent de nous déconcentrer et nous faire oublier telle ou telle autre partie de la prière.

8- Le priant peut imaginer qu'il y a derrière lui d'autres priants qui le suivent dans l'accomplissement de la prière et il est obligé donc de garder sa vigilance et son esprit alerte pour ne pas induire en erreur ceux dont il a la responsabilité.

Si le problème de concentration se pose pendant la prière plus qu'ailleurs (lors d'un entretien avec une haute personnalité, un examinateur ou dans des cas semblables), c'est que dans le second cas, on est en présence d'un stimulus matériel ou physique qui maintient l'esprit de l'individu en état d'alerte, alors que dans la prière un tel stimulus n'existe pas, sauf bien entendu pour des adorateurs qui ont atteint un haut degré de spiritualité et qui ressentent très fortement la présence du Créateur devant eux sans Le voir physiquement.

Il est instructif à cet égard de jeter un coup d'oeil sur ceux qui pratiquent le yoga, le zen ou la méditation pour développer leur capacité à la concentration qui se situe au coeur de ces pratiques. Pour un débutant qui veut pratiquer la méditation, laquelle consiste schématiquement à essayer de vider l'esprit ou d'en chasser toutes les pensées qui y pénètrent sauf une sur laquelle il se concentre exclusivement, on recommande au néophyte d'allumer une bougie par exemple et de concentrer toute sa pensée sur cette bougie. Une autre méthode d'entraînement à la concentration consiste à se focaliser l'attention sur une activité physiologique machinale, la respiration. Le débutant est appelé à se concentrer sur chaque inspiration et chaque aspiration ou/et à compter mentalement le nombre de secondes que dure chacune d'elles (l'inspiration et l'aspiration).

Ceci n'est qu'un entraînent et un exercice qui vise à maîtriser la concentration. Mais lorsqu'on devient un yogi confirmé ou un maître dans le domaine de la méditation, un tel support extérieur n'a plus de raison d'être. De même, les démarches, les pratiques ou les exercices précités pour le priant sont destinés au commun des mortels d'entre eux, et servent à lui faire acquérir la capacité à la concentration, alors que les mystiques chez qui prévaut le monde spirituel n'ont pas besoin de tels accessoires pour parvenir au sommet du recueillement pendant la prière où ils se trouvent totalement et exclusivement concentrés sur leur bien-aimé Créateur.

Ceci dit, il est intéressant de voir ce que suggère à cet égard un grand savant et maître religieux, Son Éminence Ayatollah Behjat.


On a demandé à son Éminence :

"O votre Éminence ! Malgré notre âge avancé, nous n'avons pas encore éprouvé le plaisir de l'adoration, notamment la douceur de communier avec Allah lors de la prière. À votre avis que devrions-nous faire pour éprouver, ne serait-ce qu'un peu du plaisir que nos Imams infaillibles nous ont promis ?"


Son Éminence acquiesça d'un signe de tête et dit :

"Cher fils ! Effectivement c'est un problème universel. Chacun de nous est confronté à ce mal"

Mais l'interlocuteur n'était pas satisfait de cette réponse et lui demanda de lui donner un conseil plus concret :

"Notre position diffère de celle que vous avez atteinte : vous êtes parvenu au plus haut degré de la spiritualité, alors que nous sommes de simples débutants. Que devrions-nous faire donc ?"


Son Éminence dit :

"Peut-être moi aussi, souhaiterais-je avoir votre position ! "


Non satisfait de cette réponse modeste, l'interlocuteur demanda plus de clarification.

Son Éminence concéda cette réponse :

"Pour avoir la concentration nécessaire dans la Prière, on doit observer

a- certains préparatifs nécessaires avant la Prière et

b- certaine discipline pendant la Prière


Explication:

a- On doit observer la taqwâ (la crainte révérencielle d'Allah) avant la Prière, c'est-à-dire que l'on doit s'abstenir de tout péché qui conduirait noircir la pureté naturelle du Coeur, car "les péchés polluent la pureté du Coeur!" et réduit par conséquence sa luminosité.


b- On doit ériger un haut fil de sécurité autour du cur de telle sorte qu'aucune pensée intruse et distractive ne puisse entrer dans son sanctuaire sacré. La pensée du priant doit être concentrée intensément sur Allah et personne d'autre qu'Allah ne doit y avoir accès.. Et si sa pensée commence à errer, il doit la ramener vers la bonne direction dès qu'il se rend compte de ce début de déviation.

Notre conscience de la Magnificence d'Allah n'est pas suffisante (pour éprouver le plaisir de la communication spirituelle) et a besoin d'être renforcée, ce qui signifie que notre imân (foi) est faible et a besoin d'être consolidé.


Quelques mesures pratiques dont :

"Lorsqu'on commence la prière on doit focaliser notre attention sur la signification de la sourate al-Hamd et de la sourate complémentaire afin de maintenir le contact avec le Créateur"


L'un des facteurs qui aide à la concentration est l'exercice du contrôle sur les organes de nos sens (les yeux, les oreilles, la langue etc) tout au long de la journée, étant donné que la concentration ne peut être obtenue qu'à travers sous des conditions préliminaires spécifiques dont la surveillance étroite de nos organes sensoriels


A la question : "Que devrions-nous faire en vue d'obtenir l'état d'obéissance totale aux Commandements d'Allah »? et surtout pour être au nombre de ceux qu'Il désigne dans les versets coraniques suivants (Sourate al-Mu'minûn : 1-2/23) : «Bienheureux sont certes les croyants, ceux qui sont humble dans leur Salât (Prière) » ? Comment un croyant peut-il atteindre cet heureux état d'humilité » ?

Son Éminence répond :

"Au début de la prière on doit demander sincèrement l'intercession de l'Imam du Temps, al-Hujjat-ibn-Hassan (l'Imam al Mahdi) (Qu'Allah hâte sa réapparition et qu'Il nous place parmi ses partisans) et accomplir la prière selon sa forme requise »

Comment obtenir la présence d'esprit pendant la prière et comment contrôler nos pensées et nos sentiments ?

Son Éminence répond :

"Au Nom du Très-Haut. Du moment où votre attention est concentrée sur Allah, ne la laissez pas disparaître "


Comme on peut le remarquer dans ces échanges entre un commun des mortels et un grand Savant, ce qu'on cherche dans la prière ce n'est pas seulement comment accomplir la prière correctement pour s'acquitter d'une obligation pour être quitte devant Allah, mais aussi, et c'est la préoccupation ou le désir ardent de beaucoup de croyants, comment atteindre tous les objectifs sublimes liés à cette législation divine. Expliquons-nous, lorsqu'Allah nous ordonne de faire quelque chose, c'est sûrement parce que ce quelque chose nous est bénéfique, lors même que nous ne saurions pas quel est son intérêt ou son avantage pour nous, de même que lorsqu'Il nous interdit de faire quelque chose, c'est parce que ce quelque chose nous est nuisible, lors même que nous ignorerions quelle est sa nuisance. Nous accomplissons donc le premier et nous nous abstenons du second respectivement pour obéir à Allah et pour ne pas subir Sa colère. Mais lorsque Allah nous demande de lui obéir et de nous acquitter d'une obligation qu'Il nous impose, Il nous promet également une récompense spirituelle liée à cette obéissance. Donc en accomplissant la prière, non seulement nous cherchons à nous soustraire au châtiment d'Allah, mais nous aspirons aussi à obtenir la récompense spirituelle qui découle de l'acquittement de ladite obligation. Et s'il suffit un minimum - l'accomplissement correct de la prière- pour que nous puissions estimer nous être acquitté de cette obligation (la prière), l'effort pour la perfection est nécessaire pour pouvoir espérer l'obtention de la récompense spirituelle de la Prière. C'est dire que plus nous essayons d'accomplir la prière de la façon la plus parfaite possible, plus nous pourrons espérer avoir le mérite d'une grande récompense spirituelle, et tirer les plus d'avantages possibles que présente cet accomplissement. Ainsi, lorsque le hadith nous parle d'une "Prière acceptée ou agréée par Allah", il faudrait comprendre le terme "acceptation" dans un double sens, au sens propre et au sens figuré. Au sens propre, lorsqu'on accomplit la prière correctement et conformément aux règles prescrites, notre prière est valide, et nous pouvons estimer avoir obéi à Allah, nous être acquitté de notre obligation, être en règle avec Allah et rien de plus. Au sens figuré, lorsque "l'acceptation" est synonyme du mérite de la récompense spirituelle, dû aux efforts de perfectionnement dans l'accomplissement de la prière ou l'acquittement de l'obligation. Dans le premier cas, la concentration est requise pour l'accomplissement correcte de la prière, et dans le second, outre la concentration, la présence de coeur et d'esprit, le recueillement, la conscience d'être en présence d'Allah etc. sont nécessaires. En un mot, l'idéal pour tout croyant pieux est non seulement de s'acquitter correctement de son obligation, en l'occurrence, la Prière, mais aussi avec le plus grand recueillement possible pour espérer atteindre au plus grand nombre des avantages infinis de cet acte de piété sur lequel le Créateur, le Prophète (P) et les Imams ont tellement insisté.

Évidemment ce haut degré de détachement des préoccupations terrestres et la concentration totale sur la présence d'Allah devant le priant est souvent le propre des Prophètes, des Imams et des adorateurs vertueux; mais ce degré de spiritualité est ardemment désiré et prisé par tous les croyants, car après tout la raison d'être de la Prière et son objectif final est justement d'amener le croyant à ce stade, étant donné que le but de la création de l'homme est de lui permettre d'oeuvrer en vue d'atteindre à la perfection.

Ce bref exposé sur le double sens de l'acceptation de la prière devrait nous permettre de mieux comprendre les différents versets coraniques ou hadiths du Prophète et des Imams, ainsi que des ulémas qui évoquent souvent les conditions requises d'une prière agréée, ou la signification profonde de cette obligation centrale en Islam, comme on le constatera dans les pages suivantes qui montrent que "la Prière représente chez le Musulman le degré le plus élevé de conscience et de réflexion sur la Vérité et sans cette conscience, on ne doit pas s'attendre à ce qu'elle (la Prière) produise l'effet escompté.(1) :


La Prière, sa signification et les exigences de son accomplissement

1-La Prière, la Conscience et la Quiétude

Le Noble Prophète (P) au Compagnon auguste, Abû Tharr al-Ghifârî :

«Ô Abû Tharr! Deux rak'ah de Prière accomplies dans la sérénité valent mieux que l'accomplissement des Prières toute la nuit avec un coeur distrait».(2)

Ici nous comprenons que ce qui importe dans la pratique de l'adoration c'est la sérénité contemplative, la conscience de l'acte dans un climat de tranquillité de l'esprit, et non la quantité non accompagnée d'une élévation qualitative, car négliger celle-ci pourrait conduire à la non-acceptation de la Prière, cette négligence étant assimilée à une attitude de mépris envers elle.

Le Saint Prophète (P) a dit, en effet:

«Quiconque accomplit sa prière à la légère n'est pas de moi, Par Dieu, il ne me rencontrera pas auprès du Bassin (au Paradis)».

Selon l'Imam al-Sâdiq (p):

«Par Allah, il arrive qu'un individu fasse la prière pendant cinquante ans sans qu'Allah accepte une seule de ses prières. Par Allah, si vous faisiez la prière pour un voisin ou un ami, il n'accepterait pas votre prière, si elle est faite à la légère. Or Allah Qui n'accepte que ce qui est Beau, comment pourrait-IL accepter un acte accompli avec dédain?!»(3)


Selon l'Imam al-Bâqer (p):

«Un jour, alors que le Prophète (P) était assis dans la mosquée, un homme entra et se mit à prier, mais sans terminer complètement l'acte d'Agenouillement (rukû') et l'acte de Prosternation (sujûd). Le Prophète dit alors: C'est comme le becquetage du corbeau! Si cet homme meurt avec cette façon de prier, il mourra dans une religion autre que la mienne».


Selon le Prophète (P):

«La Prière est comme la balance: qui donne le plein poids, aura le plein poids».

Selon l'Imam al-Sâdiq (p):

«Lorsque vous accomplissez une Prière obligatoire, accomplissez-la à l'heure prescrite, et comme quelqu'un qui fait ses adieux, craignant qu'il ne revienne jamais. Puis, concentrez votre regard sur l'emplacement où vous posez votre front pendant la prosternation. Car si vous saviez qui se trouve à votre gauche et à votre droite, vous accompliriez bien mieux votre Prière. Et sachez que vous êtes entre les mains de Celui Qui vous voit et Que vous ne voyez pas».

L'Imam al-Bâqer (p) dit:

«La moitié, le tiers, le quart ou le cinquième de la Prière, selon le cas, est accepté. N'est acceptée de sa Prière que la partie accomplie de tout son coeur».(4)

De là on comprend pourquoi l'interdiction de l'alcool en Islam a débuté par l'interdiction faite aux ivrognes d'accomplir la prière en état d'ivresse, car il leur manque l'état de conscience requis lors de l'accomplissement de la prière.

C'est aussi pour la même raison que l'Islam fustige ceux qui font montre de paresse lorsqu'ils s'apprêtent à accomplir la prière, car l'état de paresse ne concorde pas avec l'état de conscience et de sérénité requis.

C'est pourquoi enfin la tranquillité de l'esprit a été posée comme la condition préalable à l'accomplissement de la Prière, comme en témoigne le verset coranique:

«Acquittez-vous de la Prière quand vous êtes dans la tranquillité».(5)

Donc la conscience dans un climat de tranquillité est très nécessaire pour que la Prière produise l'effet souhaité. C'est pourquoi, beaucoup de hadith affirme qu'une heure de réflexion d'un savant conscient vaut mieux que des années d'adoration d'un adorateur inconscient.

En posant la condition de la conscience, de la compréhension et de la réflexion dans la prière, l'Islam veut l'enraciner chez le Musulman afin qu'il soit toujours alerte, actif, se maintenant toujours sur le Droit Chemin, évitant de trébucher sur l'ignorance, et d'oublier la promesse qu'il a faite à Allah.


Donc la répétition de la Prière (cinq fois par jour tout au long de l'année) ne fait que confirmer la continuité de la conscience, et refixer les concepts qu'elle exprime. De là, la Prière est le meilleur rappel, fait à l'homme pour qu'il demeure conscient et applique ou observe la signification de ses actes de Prière:

«Acquitte-toi de la Prière: la Prière éloigne l'homme de la turpitude et des actions blâmables. L'invocation du Nom de Dieu est ce qu'il y a de plus grand. Dieu sait parfaitement ce que vous faites».(6)


Et selon les Imâms d'Ahl-ul-Bayt, parlant de l'utilité de la Prière:

«La raison de la Prière! Elle est la reconnaissance de la Seigneurie d'Allah (IL est Très-Haut et Exalté) et la continuation de Son évocation jour et nuit, afin que le serviteur n'oublie pas son Maître, son Régulateur et son Créateur, pour devenir insolent et tyran. Donc le fait d'invoquer son Seigneur et de se mettre débout devant Lui pour accomplir l'Office, servirait de barrage devant les péchés et d'empêcheur de toutes sortes de perversion».(7)

Et:

«Allah aime que les serviteurs commencent toute action tout d'abord par Lui obéir et L'adorer, car ce faisant, ils ne L'oublieront pas ni ne L'ignoreront, ce qui leur évite d'avoir les coeurs endurcis».(8)


Maintenant passons aux choses que la Prière incarne et rappelle.


Et l'Imam al-Baqer (p) (le 5e Imam) dit:

«Quiconque boit de l'alcool et s'enivre, sa Prière ne sera pas acceptée pendant quarante jours».(9) Et selon un autre hadith: «Celui qui outrepasse les droits des autres, sa prière ne sera pas acceptée».(10)

Enfin, c'est sans doute parce que la Prière développe chez le priant l'élément de l'auto comptabilité ou de l'auto surveillance, qu'on dit qu'elle «éloigne la turpitude et les actions blâmables» (Inna-ç-çalâta tanhâ 'an-il fah-châ'i wal-munkar).(11)

2-La Prière et la Sécurité intérieure

Les jeunes gens qui grandissent au sein de la civilisation matérialiste souffrent énormément du problème de l'angoisse et du stresse. Aussi le seul moyen de se soustraire à cet état de malaise, c'est de s'engager dans les groupuscules anarchistes, les sectes suicidaires, le naturisme, ou de noyer leur angoisse dans la drogue.

Sans doute le facteur le plus important de cet état de stress et d'angoisse est-il la perte de la tranquillité spirituelle et la peur de l'inconnu qui habitent l'homme.

En Islam le problème est éradiqué. Le problème du stress n'existe que dans les sociétés qui se sont écartées de l'Islam ou s'en sont éloignées.

C'est la foi consciente du Musulman qui le met à l'abri de ce phénomène qui fait des ravages dans les sociétés occidentales. Le fait que le Musulman consacre quelques minutes, plusieurs fois par jour, pour méditer et parler avec le Maître du Mystère, lui fait oublier tous les soucis mondains et tous les problèmes quotidiens, car il sait qu'il a affaire là au Tout-Puissant qui a entre les mains la clé de tout ce qui pourrait l'angoisser, et que sa pensée ou son souci se dirige vers un monde infiniment et incomparablement plus important que le monde actuel, à savoir la vie éternelle.

La prière lorsqu'elle est accomplie correctement représente le plus haut degré de l'invocation d'Allah et le meilleur refuge pour le Musulman: «N'est-ce pas par l'évocation d'Allah que se tranquillisent les coeurs».(12)

L'Imam al-Sâdiq (p) le 6e Imam d'Ahl-ul-Bayt, dit:

«Lorsque l'Imam Ali (p) se sentait terrifié par quelque chose, il se réfugiait dans la Prière».

Et:

«Qu'est-ce qui vous empêche de faire le wudhû' et d'entrer à la Mosquée pour accomplir deux rak'ah (unité) de Prière chaque fois que vous avez une affliction?! N'avez-vous pas entendu Allah dire: Cherchez secours dans l'endurance et la Prière...(13)».(14)

Bien d'autres hadiths projettent la lumière sur les vertus de la Prière et montrent combien Allah entoure de Sa Miséricorde le priant. Selon un hadith du Prophète (P): «Lorsque le serviteur se met à Prier, Allah - IL est Puissant et Exalté - le regarde et la Miséricorde le couvre depuis sa tête jusqu'à l'horizon du Ciel, et il est entouré des anges jusqu'à l'horizon du Ciel. De plus Allah affecte un ange qui se tient au-dessus de sa tête et lui dit: «O toi, qui pries! Si tu savais Qui te regarde et à Qui tu t'adresses, tu ne tournerais jamais ton regard et tu ne bougerais jamais de ta place».(15)

Notons enfin que la différence est grande et évidente entre la Prière du Musulman et celle des gens qui se réfugient dans des sectes inspirées du bouddhisme. Certes tous deux vivent dans un monde spirituel, mais alors que le premier (le Musulman) vit consciemment, et transcende avec la vérité que confirme sa nature innée, le second s'absente dans un rêve et dès qu'il se réveille, il revit sa réalité amère.

* * *

3-La Prière s'adapte à Toutes les Formes de la Vie humaine

De même que tous les rites ou actes d'adoration islamiques se caractérisent par leur universalité, c'est-à-dire leur adaptation à toutes époques et à toutes sociétés, de même la Prière est adaptable à tous les états et changements de la vie de l'homme: dans l'aisance comme dans la difficulté, dans la tension comme dans la détente. Le Musulman a l'obligation de l'accomplir chaque matin, chaque midi, chaque après-midi, chaque crépuscule et chaque nuit. En aucun cas le Musulman n'en est dispensé. De même le Musulman est tenu d'accomplir d'autres prières périodiques: la Prière hebdomadaire (du Vendredi), la Prière annuelle (de la Fête de Ramadhan et de la Fête du Sacrifice) ainsi que les prières ponctuelles, telles celles de l'éclipse solaire ou lunaire, du tremblement de terre etc.

Ce large éventail d'occasions auxquelles le Musulman est tenu d'accomplir la Salât (Prière) montre l'importance primordiale que le Ciel attache à cet acte d'adoration par le fait qu'  tient à ce que l'homme demeure en contact permanent avec Allah, tantôt pour Le remercier des Cadeaux de la Fête, tantôt pour s'y protéger contre la colère du tremblement de terre.

En tout état de cause les bienfaits de la Prière sont tellement nombreux qu'il faudrait des centaines de pages pour les exposer exhaustivement, mais ils sont d'autre part tellement évidents que les priants conscients et avertis peuvent les ressentir à tout moment.

Peut-être le meilleur moyen de conclure ce bref exposé sur les effets de la Prière est-il ce testament de l'Imam Ali (p) à ses Compagnons:

«Recommandez-vous mutuellement la Prière, préservez-la, accomplissez-en autant que vous pouvez, et approchez-vous d'Allah par elle, car Certes, oui, la Prière demeure, pour les Croyants une prescription à temps marqués.(16) N'avez-vous entendu des habitants de l'Enfer répondre à la question: Qu'est-ce qui vous a amenés au Saqar?(17); Nous n'étions pas de ceux qui Prient.(18) La Prière fait tomber les péchés comme tombent les feuilles des arbres. Le Saint Prophète l'a comparée à une source thermale située à la porte (la maison) de l'homme: il s'y lave cinq fois par jour. Comment une malpropreté pourrait-elle dès lors rester sur lui!? Les hommes pieux que ni l'ornement de la jouissance (de ce monde), ni l'amour des êtres qui leur sont les plus chers, leurs enfants, ni les attraits irrésistibles des biens matériels ne sauraient les distraire de la Prière, en savent eux les mérites et les vertus. Allah, qu'IL soit Glorifié dit à ce propos: «Des gens que ni le négoce ni troc ne distraient du Rappel d'Allah et de l'accomplissement de la Prière et de l'acquittement de la Zakat...».(19)

Le Messager d'Allah (P) priait jusqu'à l'épuisement depuis qu'on lui avait annoncé qu'il aurait le Paradis comme demeure éternelle, dans le verset suivant: «Commande à ta famille la Prière, et accomplis-la toi-même avec persévérance...».(20) C'est ce qu'il faisait assidûment».(21)

4-Les Prières Surérogatoires (Recommandées: Nawâfil) et l'Esprit de Volontariat

Jusqu'à présent, il était question des Prières obligatoires. Quant aux Prières recommandées, elles sont innombrables et il est difficile d'en délimiter les horaires ou les occasions de les accomplir. Elles jouent des rôles secondaires, renforcent et prolongent les effets des Prières obligatoires. Elles ont des significations spécifiques qu'il est difficile de les énumérer. Mais on peut dire en résumé qu'elles développent chez l'homme l'esprit de volontariat et le désir de perfectionnement. Lorsqu'on accomplit des prières surérogatoires, on a tendance à dépasser le stade de l'acquittement des obligations et des devoirs pour rechercher à s'approcher de plus en plus d'Allah, et s'engager dans la voie de la sublimation et de la transcendance, et de «la rivalité dans l'accomplissement de bonnes oeuvres».(22) «Et concourez au Pardon de votre Seigneur, et à un Jardin (Paradis) large comme les Cieux et la terre, préparé pour les pieux».(23)


*******************************  Notes  *******************************

1. Voir : Sayyed Mohammad Bâqer al-Sadr :"Le Sustème des Rites en Islam"

2. Wasâ'il al-Chî'ah, tome. III, p. 54

3. Wasâ'il al-Chî'ah, tome. III, pp. 15-16

4. Al-Wasâ'il al-Chî'ah, tome III, p. 52

5. Sourate al-Nisâ', 4: 103

6. Sourate al-'Ankabut, 29: 45

7. Wasâ'il al-Chî'ah, tome. III, p. 4

8. 'Uyûn akhbâr al-Redhâ, tome. X, p. 108

9. Al-Khiçâl, p. 534

10. Al-Khiçâl, p. 242

11. Sourate al-'Ankabût, 29: 45

12. Sourate al-Ra'd, 13: 28

13. Sourate al-Baqarah, 2: 45

14. Wasâ'il al-Chî'ah, tome. III, p. 263

15. Wasâ'il al-Chî'ah, tome. III, p. 21

16. Sourate al-Nisâ', 4: 103

17. Sourate al-Modathir, 74: 42

18. Sourate al-Modathir, 74: 43

19. Sourate al-Nour, 24: 37

20. Sourate Tâhâ, 20: 132

21. Nahj al-Balâghah, Prône No. 199

22. Sourate al-Baqarah, 2: 148

23. Sourate Âle 'Imrân, 3: 133