Certaines personnes ont le don de
communiquer avec le monde invisible, soit par le moyen d'une grande faculté
intuitive, soit par la grâce divine qui les illumine sans effort de leur part.
Ils accèdent ainsi à certains mystères ou réalités cachées au commun des gens.
Le type de connaissances auxquelles ces personnes parviennent, est inaccessible
aux moyens habituels de la connaissance ordinaire. Expérience, argumentation,
raisonnement, théorie, etc...
Ce type de connaissance est dit
suprasensible, et ne peut par conséquent s'expliquer dans un cadre matériel ou
matérialiste.
Mais son existence n'est plus contestée. Il est cependant le seul moyen de
connaître l'Absolu, et le réel.
Nous donnons ici, à titre d'exemple, le témoignage d'un grand savant moderne,
prix Nobel de Médecine, le Docteur Alexis Carrel.
"L'existence de la clairvoyance
et de la télépathie est une donnée immédiate de l'observation. Les clairvoyants
saisissent, sans l'intermédiaire des organes des sens, les pensées d'une autre
personne. Ils perçoivent aussi des évènements plus ou moins éloignés dans
l'espace et le temps.
Cette faculté est exceptionnelle. Elle ne se développe que chez un très petit
nombre d'individus. Mais elle existe à l'état rudimentaire chez beaucoup de
gens, Elle s'exerce sans effort et de façon spontanée. Elle paraît très simple
à ceux qui la possèdent Elle leur donne de certaines choses, une connaissance
plus sûre que celle qu'ils obtiennent par les organes des sens.
Il leur est aussi facile de voir les pensées d'une personne que d'analyser
l'expression de son visage. Mais, voir et sentir sont des mots qui n'expriment
pas exactement ce qui se passe dans leur conscience. Ils ne regardent pas, ils
ne cherchent pas. Ils savent.
La lecture des pensées et des
sentiments paraît être apparentée à la fois à l'inspiration scientifique,
esthétique et religieuse, et aux phénomènes de télépathie.
Dans beaucoup de cas, une communication s'établit, au moment de la mort ou d'un
grand danger, entre un individu et un autre. Le mourant, ou la victime de
l'accident, même quand cet accident n'est pas suivi de mort, apparaît un
instant sous son aspect habituel à un ami. Souvent le personnage hallucinatoire
reste silencieux. Parfois il parle, et annonce sa mort.
Plus rarement, le clairvoyant voit, à une grande distance, une scène, un
individu, un paysage, qu'il décrit minutieusement et exactement. De nombreuses
personnes, qui ne possèdent pas d'ordinaire le don de la clairvoyance, ont une
ou deux fois dans le cours de leur vie, l'expérience d'une communication
télépathique.
C'est ainsi que la connaissance du
monde extérieur nous parvient quelquefois par des voies différentes des organes
sensoriels. Il est sûr que la pensée peut se communiquer directement d'un être
humain à un autre, même à grande distance.
Ces faits, qui sont du ressort de la nouvelle science de la métapsychique,
doivent être acceptés tels qu'ils sont. Ils font partie de la réalité. Ils
expriment un aspect mal connu de l'être humain. Ils expliquent peut-être
l'extraordinaire lucidité que possèdent certains hommes."
L'âme humaine est donc dotée d'un moyen de communication avec l'extérieur qui
est autre que les organes de la perception sensible, et autre que la raison
discursive.
Il est prouvé que dans le rêve,
l'homme est capable d'entrer en contact avec un monde autre, et d'en acquérir
certaines informations.
Il n'est pas interdit de penser que ses capacités intuitives lui permettent
d'exercer ce pouvoir à l'état de veille. C'est une porte sur l'invisible que
Dieu ouvre à ceux des hommes et des femmes qu'Il juge dignes de connaître
certains secrets et certaines réalités cachées des mondes qui nous gouvernent
Si donc il est permis à des hommes ordinaires de posséder de tels pouvoirs, pourquoi des hommes parfaits comme les prophètes et les saints, qui sont dotés de plus grandes capacités spirituelles, ne seraient-ils pas en mesure d'entretenir des rapports plus constants et plus profonds avec le monde invisible et suprasensible; ces hommes, ne l'oublions pas, reçoivent directement une grâce et un enseignement de la part de Dieu, et jouissent d'une âme limpide et d'une conscience pure qui leur permettent de sonder certains mystères.
Ce pouvoir que possèdent les Imams ne
leur a pas été prêté par la légende. De nombreuses traditions des Imams
rapportent que ces derniers non seulement reconnaissaient en bénéficier, comme
condition indispensable à l'exercice de leur mission, mais aussi indiquaient
les voies à suivre par les hommes pour espérer pouvoir acquérir une science
plus immédiate des mystères du monde et de Dieu.
Ils affirment que cette connaissance, de nature intuitive, est distincte de la
révélation -propre aux prophètes- qui se fait par l'intermédiaire d'un ange
dont ils entendent la voix.
Mais bien que l'intermédiaire soit différent, l'Imam perçoit un élargissement
de son champ de connaissance, et un approfondissement de sa compréhension.
La relation de l'Imam avec le monde invisible n'est pas totale et n'est pas illimitée. Elle est conditionnée par la grâce divine, et ne permet jamais l'accès à toutes les connaissances et à tous les mystères. Il n'y a jamais par conséquent de saisie de l'invisible dans son intégralité. Mais en tant que manifestation des attributs divins, ils sont capables de recevoir pleinement le flux de la connaissance émanant de Dieu, ce qui leur permet d'accéder aux mystères.
Leur connaissance du monde
suprasensible ne dépend pas de leur volonté propre : ils sont entièrement
soumis à la volonté de Dieu. C'est ce qui explique les traditions dans
lesquelles les Imams affirment ne pas connaître l'invisible. En effet, ils ne
connaissent rien par eux-mêmes sinon avec la permission de Dieu et par Sa
grâce.
L'Imam Mohammad al-Bâqer fut interrogé par un de ses compagnons au sujet du
verset coranique :
"Le Connaisseur de l'Invisible. Et il ne révèle son mystère à
personne."
L'Imam se hâta de lire le verset
suivant :
"excepté le prophète qu'il aura agréé." Puis il ajouta :
"Par Dieu, Mohammad était agréé." Quant à la parole divine :
"Le connaisseur de l'Invisible", elle signifie que Dieu connaît ce
qui échappe à Ses créatures en matière de ce qu'Il leur prédestine, de ce qu'Il
leur prescrit dans Sa science, avant même de les créer, et avant même d'informer
de son intention les anges chargés de l'exécuter. C'est une science qui Lui est
propre, qu'Il ne partage avec personne. Il la fait exécuter s'Il le veut, ou la
suspend s'Il le veut. La science que Dieu a fait transmettre à Son Envoyé, puis
à nous les Imams, est celle qui se rapporte à des évènements que Dieu a
prescrits et dont il a ordonné l'exécution."
Le Coran affirme explicitement que
Dieu informe certains élus parmi ses créatures de choses se rapportant à
l'Invisible, à différentes époques. C'est le cas des prophètes et des Imams.
Cela ne veut pas dire que les prophètes et les Imams se comportent dans leur
vie extérieure comme s'ils avaient en permanence l'accès à l'Invisible.
Ils sont -et Dieu l'a voulu ainsi- des hommes vivant parmi d'autres hommes; et
ils se doivent agir et déterminer leur décision conformément au sens commun, de
façon à ne pas se montrer comme des hommes surnaturels; et ils doivent aussi
consulter leurs compagnons. Leur existence doit être en tout point régie par le
savoir ordinaire, leur libre-arbitre. Ils sont comme tous les hommes, des êtres
responsables devant Dieu, tenus de suivre aussi bien la lettre que l'esprit des
obligations religieuses. Ils s'y sont d'ailleurs si bien conformés que beaucoup
de leurs contemporains les ont comparés aux autres hommes éminents en science,
de leur époque.
Il faut ici attirer l'attention sur
un autre point, à savoir que la connaissance par les Imams d'un évènement qui
ne s'est pas encore produit n'a pas d'effet sur le cours de cet évènement, ni
sur le cours de la vie en général.
Cette connaissance ne les rend pas responsables non plus de l'évènement en
question, pas plus qu'elle n'enlève leur liberté aux personnes impliquées
directement dans l'évènement. Les Imams ne sont responsables que des actes
qu'ils commettent dans le cadre de l'existence ordinaire.
Al-Koleyni rapporte qu'un homme
originaire de Perse interrogea l'Imam Moussa al-Kâzim, disant :
"Connaissez-vous l’Invisible ?" L'Imam répondit : "La
science nous est dispensée, et par elle nous connaissons. Et quand elle nous
est retenue, nous ne connaissons pas." Il dit aussi : "Dieu Tout
puissant a révélé son mystère à Gabriel; Gabriel l'a révélé à Mohammad, et
Mohammad l'a révélé à celui que Dieu a voulu."
De même al-Saffâr a rapporté dans son livre Basâ'ir al-Darajât qu'un homme
nommé Abdul rahman interrogea l'Imam al-Bâqer au sujet de la signification du
verset coranique qui suit :
"Et ainsi Nous fîmes voir à Abraham le Royaume des Cieux et de la
Terre, et afin qu’il soit au nombre de ceux qui ont la certitude."
L'Imam lui répondit :
"Dieu a mis à nu pour Abraham les cieux et la Terre Afin qu'il les voie
avec tout ce qu'elles ont au-dedans. Il y vit le trône et celui qui y est
assis. Il en fit de même avec l'Envoyé de Dieu."
Al-Koleyni rapporte pour sa part, la même tradition selon une autre chaîne de
transmetteurs, dans laquelle l'Imam déclare avoir eu aussi le privilège de la
vision du dévoilement des cieux et de la terre. Il mentionne aussi plusieurs traditions
où les Imams déclarent être eux-mêmes les dépositaires de la science divine, et
ses garants.
L'Imam Ja'far al-Sâdeq a déclaré
détenir un savoir supérieur à celui de khezr et de Moïse, car ils n'avaient pas
la science des évènements à venir jusqu'à la fin du monde.
Selon une autre tradition, l'Imam Ja'far al-Sâdeq explique cela en disant que
Dieu qui a fait des Imams ses preuves vis-à-vis des hommes ne peut pas en même
temps les tenir dans l'ignorance au sujet des cieux et de la Terre.
Plusieurs traditions sont aussi rapportées suivant lesquelles l'Imam Ali a
affirmé détenir le savoir de tout ce qui concerne les évènements à venir
jusqu'à la fin du monde.
Ibn abi al-Hadid, auteur sunnite,
rapporte qu'en affirmant connaître les évènements futurs, l'Imam Ali ne
prétendait pas être un dieu, ni un prophète. "C'est l'Envoyé de Dieu qui
m'a informé de cette science."
Les recueils de traditions et les livres historiques font état de nombreuses
Occasions où les Imams ont prédit des évènements en général, ou concernant
leurs compagnons.
Un des exemples les plus célèbres est la prédiction que fit l'Imam Ali à son
compagnon Maytham al-Tammâr, dans laquelle il lui révéla toutes les conditions
dans lesquelles al-Tammâr allait mourir.
Des années plus tard, longtemps après
la mort de l'Imam Ali, Ibn Ziyâd -un des principaux responsables du drame de
Karbala où l'Imam Hossein, sa famille ainsi que ses compagnons furent
assassinés-, fit prisonnier al-Tammâr. Celui-ci informa son bourreau de
conditions dans lesquelles Ali lui avait prédit de mourir.
Ibn Ziyâd, ennemi de Ali, jura qu'il allait tout faire pour qu'il en aille
autrement, pour démentir la prédiction de Ali. Mais il ne put pas mettre sa
volonté à exécution; et les choses se passèrent exactement comme l'Imam les
avait prédites.
On peut se référer aux ouvrages comme al-Ossoul min al-Kâfi de Koleyni, au Commentaire du Nahj al-Balâgha d'Ibn abi al-Hadid, et au Maqâtil al-Talibiyyin d'Abu-l-Faraj al-Aspahâni, pour de nombreux autres cas illustrant la science des Imams, cas rapportés par des témoins qui ne peuvent être suspectés de mensonges tous en même temps.