Il fut un temps dans L''histoire religieuse de L'humanité où 1a science était l'affaire des prêtres qui en faisaient un domaine réservé exclusivement à leur caste. Plus tard, les sages de la Grèce antique l'inclurent dans la philosophie. Sa vulgarisation, sans garantie morale, leur paraissant dangereuse, ils énoncèrent comme principe préventif : "science sans conscience n'est que ruine de l'âme". L'attitude des doctrines monothéistes vis à vis de la science n'a ensuite été ni identique, ni invariable. Dans la mesure où les découvertes scientifiques mettaient en cause leur dogmatisme, les dirigeants de certaines religions n'ont pas manqué de s'alarmer et de s'en prendre aux savants, voire de les massacrer à l'occasion. Tel n'a jamais été le cas de l'Islam qui, n'ayant pas de clergé structuré, a toujours glorifié la science et honoré ses détenteurs.
"Ceux qui savent sont-ils à mettre sur le même pied d' égalité que ceux qui ne savent pas ?" (S. XXXIX, 9. "Az Zumar" (les groupes "Hel Yestaoui Ladhina Ya 'Lamuna Wal- Ladhin Lâ Ya 'Lamûna" ).
L'Islam accorde à la science et aux savants une place privilégiée en incitant sur plus de 750 versets du Coran (selon Jawhâri Tantâwi) à la réflexion, à l'observation et à la connaissance par l'intelligence et la raison. Coran S. 111-190 : "En vérité, dans la création des cieux et de la Terre, dans l' alternance de la Nuit et du Jour il y a certes des signes pour ceux qui sont doués d'intelligence." Science et connaissance sont donc des exigences de la Foi. Le Coran enseigne que Dieu a établi Adam comme son Vicaire (Khalifa) sur Terre, et le Coran: S.ll Versets 30-34, nous dit que Dieu le pourvut de la science des Noms de tous les êtres et de toutes les choses que Dieu a crées, capacité que n'avaient pas les Anges.
Il est ainsi prescrit au musulman de faire confiance à la science positive, de ne jamais voir dans ses progrès une menace pour sa foi. D'où l' obligation pour tout théologien de l'Islam de suivre en toute objectivité et probité intellectuelle la marche du savoir humain. Il ne s'agit point, au demeurant pour lui, de faire de la théologie une branche des spéculations scientifiques, mais d'avoir, s'il veut s'occuper de théologie, une base scientifique suffisante pour être au courant du mouvement intellectuel qui parcourt le monde. Car c'est là son devoir en tant que docteur et "successeur des Prophètes" ( 'Inna-l-ulamâ 'a warathatu-I-Anbiya) (Cf., Al Bukhârî, Bâb-l-'Ilm ; Abû Dâwud, id. ; Ibn Mâjah, Muqaddima, etc). Il s'agit donc de concilier la religion, dont l' enseignement repose sur des dogmes intangibles, et des actes de Foi comme "don total" avec la science, dont les acquits relèvent de l' expérimentation vérifiable et des conjectures de la démonstration rationnelle ou philosophique.
Les temps modernes ont fait apparaître de plus en plus aux savants de l'Islam la nécessité d'allier Science et Foi, et non dans une dogmatique théologique et technique figées par les chaînes de l'imitation qui sont les signes avérés de la stagnation intellectuelle. Citons dans ce domaine le Professeur Mohamed Arkoun : "La pensée religieuse ne peut plus rester le monopole des théologiens", mais fournir toujours des réponses vivantes aux questions vivantes et évolutives de notre temps. Le mouvement étant le signe de la vie (biologique). L'Islam reste et doit rester une spiritualité vivante pour tous les temps, tous les lieux et dans tous les domaines
Cette exigence de la Foi permanente et éclairée par la connaissance est particulièrement nécessaire devant les débordements scientifiques et techniques étonnants où la pensée-religieuse est sans cesse sollicitée en vue d'un Jjtihad permanent. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine des sciences médicales et biotechnologiques où une véritable Bioéthique religieuse vient de naître - et où l'Islam tend à fournir des réponses humanistes, se fondant sur le respect de la dignité de la Personne Humaine, sur le respect du sacré de la vie et du devenir de l'espèce humaine, faisant de la religion une source inépuisable de vérités éternelles, et une responsabilité directe de l'Homme (cf. Bans Jonas : "l'Ethique -Responsabilité" ).
Aujourd'hui la pensée religieuse de l'Islam ne peut plus ignorer les mouvements des idées du monde, ni ceux de la pensée moderne, notamment en matière de nouveaux droits de l 'homme et de la place légitime de la femme dans la société.
Elle le peut d'autant moins que le progrès scientifique et technique appelle à un renouveau permanent de la considération de l'exacte nature biologique et spirituelle de l'être humain et de sa responsabilité vis à vis de lui-même et de la préservation de sa propre espèce.
Encore faut-il que ce renouveau éthique et spirituel de la pensée religieuse soit partagé par les masses musulmanes elles-mêmes, empêchées de s'ouvrir à tout progrès spirituel par une "pensée unique" limitée bien souvent à une exégèse étroitement littéraliste et stagnante de la jurisprudence.
D'où l'importance de l'éducation et de la formation du musulman, futur citoyen d'un monde à venir, où la Foi tout en gardant sa primauté dans le rapport de transcendance avec Dieu et avec les hommes devra s'épanouir à la lumière de la science, et non se réfugier dans une attitude frileuse ou craintive devant tout progrès.
Après tout, la science a pour éthique la Tolérance et l'Humilité devant la Vérité. Cette éthique, bien loin de contrarier la Foi ne peut que la renforcer et épanouir 1'humanité devant Dieu Tout Puissant.