Auteur: A. ALEM
Nombreux sont les savants musulmans qui ont composé des livres où ils exposent les contradictions, les divergences et les erreurs des textes bibliques. Dans leurs ouvrages ils montrent également que la Bible renferme des allusions, plus ou moins claires, à la prédication du Prophète Mohammad, et ils réfutent les croyances selon lesquelles Jésus serait le fils de Dieu ou Dieu fait homme.
Les plus importants ouvrages sont ceux d’al-Ghazali, « La Réfutation excellente de la divinité de Jésus-Christ d’après les Evangiles », d’al-Qortobi, « al-I’lam bima fi dini-n-Nassara mina-l-Awham » « Publication des erreurs que renferme le Christianisme », d’Ibn Taimiya, « La Réponse parfaite à ceux qui ont altéré la véritable religion du Christ », de Rahmat allah al-Hindi, « Izhar al-Haqq », « faire triompher la Vérité » ( ou « La vérité à faire triompher ») et d’autres.
L’ouvrage de Rahmat allah al-Hindi donne des notices très importants et s’arrête sur de nombreux points qui intéressent notre travail.
Son livre a le mérite de regrouper les thèmes de controverses entre Chrétiens et Musulmans. Cependant, il s’est trop attardé sur des détails, qui sont parfois insignifiants ; ce qui a rendu son livre volumineux et quelquefois ennuyeux.
Par ailleurs, il a négligé ou n’a pas remarqué quelques textes bibliques qui se rapportent à la question du Prophète annoncé par les textes saints. En outre à son époque ( XIXe siècle) des documents, comme ceux de Qumran (découverts entre 1947-1968), n’étaient pas encore découverts.
Notre tâche est d’éviter les détails moins importants, d’inclure d’autres textes concernant le Prophète attendu, aussi bien ceux que contient la Bible ou ceux faisant partie des documents de Qumran, d’examiner ces textes d’une manière plus systématique, plus détallée et plus documentée, d’ajouter des thèmes très importants, comme notre étude historique sur l’évolution du Christianisme et les influences extérieures qu’il a subies.
Cette étude a le mérite, nous semble-t-il, de donner une explication ; si elle n’est pas nouvelle non pour les conclusions, mais pour l’analyse qu’elle propose des faits et la démarche suivie. C’est ainsi que la question de l’Esprit Saint en comparant Coran et Bible. Le résultat auquel nous sommes parvenu, nous semble tout à fait nouveau.
Nous avons composé le véritable portrait de Jésus à partir des Evangiles. Ses qualités sont tirées des textes eux-mêmes. Cette image concorde avec celle esquissée par le Coran qui a le mérite de fournir deux critères en traitant de la personnalité de Jésus : Celui du texte et celui de la raison. Nous-mêmes, nous avions suivi la même démarche qui nous a amené à conclure que Jésus, selon les Evangiles, et selon la raison saine, n’est qu’un être humain, un prophète et messager de Dieu.
Le dogme de la Trinité et d’autres, furent réfutés de la même manière en employant les mêmes critères.
Certains n’hésiteront pas à juger que la partie du livre consacrée aux contradictions, divergences et inexactitudes de la Bible ne présente pas de rapport avec le titre choisi : « Mohammad dans la Bible et Jésus dans le Coran ».
Ainsi, devons-nous préciser que cette partie a été écrite pour montrer au lecteur que les textes bibliques n’ont pas une authenticité absolue et certaine, qu’ils ont subi des remaniements et des altérations, volontairement ou non, et que par conséquent les prophéties concernant le dernier Prophète et les notices relatives à la vie de Jésus et sa mission, ont connu le même sort. Cependant, des prophéties ont pu conserver leur clarté et leur signification bien qu’elles aient été sujettes à des interprétations ternissant cette clarté et désorientant le chercheur. Mais en nous basant sur les données bibliques d’une part, et les faits historiques de l’autre, nous avons pu conserver aux textes, nous semble-t-il, leurs véritables interprétations.
A vrai dire, ce livre veut engager un dialogue avec différentes catégories de gens de différentes confessions.
Toutefois, il est à noter que les révisions des conceptions établies et des dogmes traditionnels ne concernent que la doctrine du Christianisme. On a pu voir et entendre des savants et même des théologiens qui nient la nature ou la filiation divine de Jésus, qui relèvent des contradictions et des invraisemblances dans la Bible, etc.
Par ailleurs, ces faits ont conduit d’autres penseurs et prêtres à étudier les autres religions, notamment l’Islam, où ils ont trouvé des réponses à leurs aspirations et leurs questions, ce qui les a conduit en fin de compte à l’embrasser.
Le Coran dialoguant avec les autres religions, avance des principes pour aboutir à la concordance, comme dans ce verset : « Dis : « O gens du livre, venez-en à un dire qui soit commun entre nous et vous : que nous n’adorions que Dieu, sans rien Lui associer, et que parmi nous nul n’en prenne d’autres pour seigneurs en dehors de Dieu. » Coran, 3 :64.
Ce que demande le Coran c’est de lire attentivement les Ecritures saintes, de comparer et de suivre le résultat de la recherche sincère :
« … Et ne cours pas après ce dont tu n’as science aucune. L’ouie, la vue et le cœur : sur tout cela, en vérité, on sera interrogé.» (Coran, 17 :36).
« Dis : « Oui, je ne vous exhorte qu’à une chose : que pour Dieu vous vous mettiez debout, par deux aussi bien que tout seul, et qu’ensuite vous réfléchissiez. » (34 :46).
Ainsi on doit rejeter les traditions de la société, ses contraintes et ses influences au cours de notre chemin vers la connaissance véritable et la vérité immuable, pour savourer des bienfaits de ce monde : foi, certitude, tranquillité et bonheur, et de l’autre, agrément de Dieu et Paradis.
Cependant, deux catégories de gens ne s’intéressent pas à ce genre de recherche et refusent le dialogue : l’indifférent menant une vie bestiale et le fanatique obtus et ignorant :
« … Ils ont des cœurs avec lesquels ils ne comprennent pas, ils ont des yeux avec lesquels ils ne voient pas, ils ont des oreilles avec lesquelles ils n’entendent pas : voilà ceux qui sont semblables à des bestiaux ou plus égarés encore. Tels sont les inattentifs. » (Coran, 7 :179).
« Or il y en a qui disputent au sujet de Dieu sans savoir, sans direction, sans livre qui éclaire ; ployant de la hanche pour égarer du sentier de Dieu. » ( 22 :8).
Pour ceux-ci le livre n’a aucune valeur et ne mérite pas qu’on s’y attarde, alors que pour les autres auxquels, en effet, cet ouvrage est destiné, il sera un monument précieux. Ils l’accueilleront et le liront attentivement, puis ils donneront leurs points de vue ; critiques et remarques, approbations et désapprobations.
Le dialogue avec ceux-ci produira, vraiment, des fruits délicieux, et c’est ce que nous souhaitons pour ce livre.
Enfin nous tenons à remercier tous les amis qui nous ont aidés à achever ce travail, surtout notre intime ami Tajeddine Kedeha, qui a pris la peine de réviser ce livre et de donner ses critiques et ses remarques fructueuses.
Paris, Juin 1986
Avertissement
Nous signalons ici aux lecteurs musulmans que des textes bibliques, qu’ils trouveront dans ce livre, renferment des déclarations indignes de Dieu, de ses anges, de Jésus et des
autres prophètes. Ils sont reproduits pour convaincre, montrer les erreurs et éclaircir des thèmes obscurs. Croire en ces textes est chose alors aberrante.
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Les Ecritures saintes
Cette introduction mettra l’accent sur des questions générales.
C’est une étude historique et textuelle succincte visant à donner une vue d’ensemble sur les facteurs qui ont contribué à rendre la Bible telle qu’elle est actuellement. Cette étude porte sur l’origine de la Bible, ses auteurs, ses collections, les époques de composition de ses livres et les modes de transmission de ses textes à travers le temps.
Nous essayons d’en résumer les points essentiels en nous référant aux observations, remarques et critiques faites par des théologiens chrétiens. Tels qu’Edmond Jacob, dans son livre « l’Ancien Testament »[1], et Oscar Cullmann, dans le « Nouveau Testament »[2].
Ces deux ouvrages font l’objet d’une étude condensée traitant diverses questions relatives aux deux Ecritures saintes.
Cependant, ces remarques et critiques générales seront illustrées, dans la première partie de ce livre, par des exemples évoquant les contradictions et soulignant les erreurs et les invraisemblances. Ces exemples visent à fournir une image claire, reluisante de détails, en enregistrant, quand il est nécessaire, dans deux colonnes parallèles, les versets concernés ; ceci pour faciliter au lecteur la comparaison entre les textes et lui épargner le recours itératif à la Bible, à moins qu’il veuille s’assurer de l’exactitude de la citation.
En ce qui concerne les erreurs scientifiques de la Bible, nous renvoyons le lecteur à l’étude élaborée par Maurice Bucaille, dans son livre : « La Bible, le Coran et la Science »[3].
De même, nous donnerons une vue brève sur l’histoire de la rédaction du Coran et sa transmission.
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La Bible est constituée de deux collections appelées : Ancien Testament et Nouveau Testament. La première est un héritage commun aux Juifs et aux Chrétiens. Cependant, le Judaïsme a pour livre saint la Bible hébraïque qui comprend 39 livres. Celle-ci diffère de l’Ancien Testament Chrétien. Cette divergence n’apporte guère de changements à la doctrine. Mais le Judaïsme n’accepte aucune révélation postérieure à la Sienne.
Le Christianisme a repris à son compte la Bible hébraïque en y ajoutant quelques autres livres. Mais les écrits publiés relatant la vie et la mission de Jésus n’avaient pas tous obtenu la faveur de l’Eglise. Cette dernière a effectué des coupes extrêmement importantes ; et de la multitude de ces livres elle n’a conservé pour le Nouveau Testament q’un nombre limité d’écrits dont les principaux sont les quatre Evangiles canoniques.
1. Le Canon
Le Canon de l’Ancien Testament ne s’est pas fait en un acte unique, mais il est passé par plusieurs étapes. En effet, sa division tripartite dans la tradition juive : Lois – Prophètes – Ecrits, rend assez exactement compte du processus et des progrès de la canonisation.
Le Pentateuque ou « La Torah », cet ensemble de lois et d’histoires qui est l’expression à la fois historique et typique de l’action de Dieu à l’égard du peuple israélite est le premier groupe de livres qui ait été constitué en recueil.
Si les lois ( la Torah) ont pu être ramenées à Moïse et les traditions diverses du Pentateuque harmonisées parce qu’elles traitent d’un sujet commun ; il était cependant difficile de trouver pour les prophètes un principe d’unification. Chacun avait son individualité bien marquée ; ils ne s’attachaient pas tous aux mêmes traditions, n’annonçaient pas le même message, se contredisaient parfois. Ces messages très différents pouvaient se trouver dans un même livre ; cet ensemble étaient apparemment trop disparate pour former une unité qui put prétendre être normative.
Il semble que ce soit seulement la catastrophe de l’Exil qui ait permis de reconnaître l’autorité des prophètes. Désormais on reconnut que toutes les annonces de châtiment que les contemporains des prophètes avaient écoutées d’un cœur en général léger et indifférent s’étaient accomplies : les prophètes, donc, avaient dit vrai.
Les livres du troisième groupe, les Ketoubim, les Ecrits, n’ont reçu la consécration canonique que grâce à leur fonction liturgique comme les Psaumes, le livre des Lamentations et le livre d’Esther ; ou grâce à leur attribution à un personnage éminent, comme les écrits de sagesse attribués à Salomon ; ou enfin grâce à leur fonction historique, comme les livres de Josué, des Juges, de Samuel, des Chronique et des Rois.
Le Judaïsme palestinien n’ a fixé définitivement son canon q’au synode de Jamnia ( 98 ap. J.-C.).
2. Qui est l’auteur de l’Ancien Testament ?
Un nombre important de lecteurs de l’Ancien Testament, répondant à cette question, vont vous affirmer, en répétant ce qui est écrit dans l’introduction de leur Bible, que ces livres ont tous Dieu pour auteur. Mais lorsqu’on se réfère à des ouvrages écrits par les religieux, qui ne sont pas destinés à la grande vulgarisation, on s’aperçoit que la question de l’authenticité des livres de la Bible est beaucoup plus complexe qu’on avait pu le penser a priori.
Des auteurs éminents, en effet, n’ont pas caché la réalité et ont déclaré que « l’auteur véritable de l’Ancien Testament, c’est le peuple qui y exprime la réalité de son histoire ; il le fait au moyen de toutes les ressources de la parole. » ( E.Jacob, p. 18).
Et si l’on consulte, par exemple, la publication moderne, en fascicules séparés, de la Bible traduite en français sous la direction de l’école biblique de Jérusalem, le ton apparaît très différent et l’on se rend compte que l’Ancien Testament, comme le Nouveau, soulève des problèmes dont les exégètes n’ont pas caché, pour beaucoup, les éléments qui suscitent la controverse.(Cf. Maurice Bucaille, pp. 15-16).
L’Ancien Testament que nous possédons aujourd’hui, est une collection d’ouvrages de longueur très inégales et de genres divers ; écrits pendant plus de neuf siècles en plusieurs langues, à partir de traditions orales. Ils ont été écrits en hébreu et en araméen ; mais « les plus anciens manuscrits bibliques ne peuvent pas être considérés comme l’expression absolument authentique de la langue des auteurs mêmes des livres, encore que la transmission des textes ait été faite avec une remarquable fidélité ». Par ailleurs, « l’hébreu reste la langue sacrée, mais seule une élite était capable de la comprendre (Cf. Néhémie : 13/24). » (E.Jacob, p.8).
Il y avait à l’origine une pluralité de textes et non un texte unique ; vers le IIIe siècle av. J.-C. il y avait au moins trois formes du texte hébreu de la Bible ; le texte massorétique, celui qui a servi, en partie du moins, à la traduction grecque, et le texte du Pentateuque Samaritain. Mais, dès le premier siècle av. J.-C., nous constatons une tendance très nette à mettre fin à la pluralité des traditions textuelles par l’établissement d’un texte normatif, mais il faudra attendre un siècle après J.-C. pour que le texte biblique soit fixé.
Les scribes, qui ont commencé ce travail, ont fait des corrections aux textes en les signalant par des indications marginales ; mais parfois, ils « ont introduit des changements sans prendre la peine de les signaler. » (E. Jacob. p. 11).
Les massorètes, c'est-à-dire, les hommes de la tradition, ont poursuivi le travail des scribes en vue de fixer un texte clair et intangible.
Mais les plus anciens manuscrits ne donnent que les consonnes du texte, la prononciation des voyelles étant établie par une tradition orale. Dans ce délicat travail de vocalisation, les massorètes se référaient à la tradition et essayèrent de retrouver la manière primitive dont l’hébreu avait été prononcé. Cependant, « on ne peut que s’étonner que ce travail des massorètes ait pu être jugé définitif, infaillible et inspiré et que dans la synagogue aussi bien que dans l’église on traita d’hérétiques ceux qui osaient mettre en doute l’inspiration ou l’origine très ancienne des points et des voyelles. » (E.Jacob, p. 12).
b) Les manuscrits hébreux
Les trois formes du texte de l’Ancien Testament, vues plus haut, n’existaient pas ; si l’on possédait ces manuscrits, des comparaisons seraient possibles et l’on arriverait peut-être à se faire une opinion de ce qu’avait pu être l’original, mais le malheur veut qu’on en ait pas la moindre idée. Mis à part des rouleaux de la grotte de Qumran, datant de l’époque préchrétienne proche de Jésus, un papyrus du Décalogue du IIe siècle après J.-C., présentant des variantes avec le texte classique, et quelques fragments du Ve siècle après J.-C. ( Géniza du Caire) le texte hébreu le plus ancien de la Bible est du IXe siècle après J.-C.
c) Les anciennes versions
En Langue grecque, le début d’une première traduction de l’Ancien Testament datant du IIIe siècle avant J.-C. , serait appelé la Septante ; elle fut entreprise par les juifs d’Alexandrie. C’est sur son texte que s’appuieront les auteurs du Nouveau Testament. Elle fera autorité jusqu’au VIIe siècle après J.-C.
En latin, saint Jérôme aurait fait un texte à partir de documents hébreux dans les premières années du Ve siècle après J.-C. C’est l’édition appelée plus tard Vulgate en raison de sa diffusion universelle après le VIIe siècle de l’ère chrétienne.
Toutes ces versions ont permis aux spécialistes d’aboutir à la confection d’un texte qu’on appelle « moyen », sorte de compromis entre des versions différentes.
« ainsi apparaît considérable la part humaine dans le texte de l’Ancien Testament. On réalise sans peine comment, de version en version, de traduction en traduction, avec toutes les corrections qui en résultent fatalement, le texte original a pu être transformé en plus de deux millénaires. » (M. Bucaille, p.17).
4. Les livres de l’Ancien Testament
a) Le Pentateuque, la Torah
Les cinq premiers livres de l’Ancien Testament sont appelés la Torah, c'est-à-dire, la loi ; ce sont : « la Genèse » où sont relatées les origines du monde et des peuples, les patriarches et les débuts de l’histoire d’Israël. « L’Exode », qui relate le séjour d’Israël en Egypte , la sortie et le séjour au Sinaï. « Le Lévitique » relatant aussi le séjour au Sinaï et l’instauration du code sacerdotale. « Les nombres », la fin du séjour au Sinaï et le début de la marche d’Israël de Sinaï. « Le Deutéronome » où l’on relate l’entrée à la terre promise.
L’authenticité mosaïque du Pentateuque n’a pas de base sérieuse dans le Pentateuque lui-même qui témoigne que « ce ne sont que des morceaux bien délimités qui sont attribués à Moïse : Ex. 17/14, 20/24, 23/33 ; Nbrs 33/2 ; Deut. 31/9. ce n’est qu’à partir du Ier siècle avant J.-C. qu’on rencontre la thèse que le Pentateuque a été écrit par Moïse ; … L’éveil du sens critique qui se manifeste d’abord chez les Juifs et, sous leur influence ensuite, chez les Chrétiens, opposa de sérieux arguments à une mosaïcité globale du Pentateuque. C’est ainsi qu’on reconnut qu’il était impossible d’attribuer à Moïse la notice sur les rois régnant sur Edom avant que régnât un roi sur Israël ( Gen. 36/31) et à fortiori le récit de sa propre mort (Deut. 34, vv. 5-12). » (E. Jacob, pp. 29-30).
On a essayé de découvrir les sources des textes juxtaposés dans le Pentateuque, et après une minutieuse recherche, les savants, en 1854, ont admis quatre sources auxquelles on a donné les noms de : document Yahviste, document élohiste, deutéronome, code sacerdotal.
Le texte dit « Yahviste » du Pentateuque qui va former l’ossature des cinq premiers livres, aurait été rédigé au cours du Xe siècle avant J.-C. Plus tard on ajoutera à ce texte la version dite « élohiste » et la version dite « sacerdotale ».
On a réussi à attribuer à ces quatre documents, des âges approximatifs :
1.Le document Yahviste est situé au IXe siècle avant J.-C. ( rédigé en pays de Juda).
2. Le document élohiste serait un peu plus récent (rédigé en Israël).
Ces deux documents donnent parfois deux versions différentes pour un même événement. La juxtaposition de ces deux traditions différentes avait abouti à des textes quelquefois contradictoires.
3. Le Deutéronome est du VIIIe siècle avant J.-C. pour les uns (E.Jacob), de l’époque de Josias (VIIe siècle av. J.-C.) pour d’autres (R.P. de Vaux).
4.Le Code sacerdotal est de l’époque de l’Exil ou de celle d’après l’exil (VIe siècle av. J.-C.).
Ainsi l’arrangement du texte du Pentateuque s’étale sur une période minimum de trois siècles.
Mais le problème est encore plus complexe. En 1941, A. Lods distingue trois sources dans le document Yahviste, quatre dans l’Elohiste, six dans le Deutéronome, neuf dans le code Sacerdotal, sans compter les additions réparties entre huit rédacteurs.
Bien que la loi ait eu une considération majeure chez les Juifs, elle a subi des variations ; elle est transmise dans l’Ancien Testament selon deux versions : Exode (20 : 1-21) et Deutéronome (5 : 1-30).
« Il est probable, écrit E. Jacob, que ce que l’Ancien Testament raconte au sujet de Moïse et des patriarches ne correspond qu’assez approximativement au déroulement historique des faits, mais les narrateurs ont su, déjà au stade de la transmission orale, mettre en œuvre tant de grâce et d’imagination pour relier entre eux des épisodes très divers qu’ils ont réussi à présenter comme une histoire. » (p. 24).
D’autre part, sur le plan de la critique textuelle, le Pentateuque offre l’exemple le plus évident des remaniements effectués par les hommes, à différentes périodes de l’histoire du peuple juif.
Par ailleurs, sous l’angle de la logique on peut relever dans la Bible un nombre considérable de contradictions et d’invraisemblances.
L’existence de sources différentes qui est à l’origine de la narration d’un même fait sous deux présentations, les remaniements divers, les additions ultérieures au texte lui-même comme les commentaires inclus plus tard dans le récit lors d’une nouvelle copie, sont tous soulignés par certains spécialistes de la critique textuelle.
Nous ne possédons aujourd’hui que ce qu’ont bien voulu nous laisser les hommes qui ont manipulé les textes à leur guise, en fonction des événements ou en fonction des nécessités particulières, à des époque parfois très éloignées les uns des autres.
Ainsi le Pentateuque apparaît formé de traditions diverses, réunies plus ou moins adroitement par des rédacteurs, ayant tantôt juxtaposé leurs compilations, tantôt transformé les récits dans un but de synthèse, mais en laissant cependant apparaître les invraisemblances et les discordances qui ont conduit les spécialistes modernes à la recherche objective des sources (Cf. M. Bucaille).
b) Les grandes œuvres historiques
La constitution définitive du Pentateuque est postérieure à la rédaction des livres qui vont de Josué aux Rois. La tradition juive qui fait des personnages connus comme Samuel, Josué et Jérémie, les auteurs de ces livres ne résiste guère aux arguments d’une critique élémentaire. En effet « c’est un homme – ou une école – fortement pénétré de l’esprit des prophètes qui a donné à ces livres leur forme actuelle. On l’appelle très souvent le deutéronomiste ; vivant pendant l’Exil, probablement en Palestine, son œuvre a consisté dans la réunion des anciennes traditions nationales après la conquête de Canaan en les mettant sous le couvert du Deutéronome. » (E. Jacob, p.44).
Ce livre raconte la conquête du pays de Canaan sous la conduite de Josué et la division du pays entre les diverses tribus. Cependant ce livre contient deux éléments distincts : une partie centrale (chap. 13 à 21) qui reflète une situation bien postérieure au temps de Josué. Et des histoires relatées dans la première partie et où l’on y trouve quelques légendes étiologiques, expliquant tel usage ou tel rite. En outre, il y a des contradictions entre les données archéologiques et quelques textes relatant la destruction de Jéricho et Ay.
Ce livre contient principalement le récit des faits et gestes de ceux qu’on appelle les « juges » dont la fonction consistait beaucoup moins à rendre la justice qu’à délivrer le peuple des ennemis qui le menaçaient à ses frontières.
L’histoire des Juges (2 : 6 – 16 : 31) est précédée d’une double introduction ; la première (1 :1 - 2 :5) qui présente en partie les mêmes événements que ceux du livre de Josué, vise à faire le point avec ce dernier livre, même s’il le contredit sur certains points. La seconde préface (2 : 6 – 3 : 6) introduit l’histoire des juges ; c’est un des morceaux les plus caractéristiques de la théologie deutéronomiste ; on y trouve ce qu’on a appelé le pragmatisme à quatre temps : désobéissance, châtiment, appel à Yahweh, envoi d’un juge. Voilà le schéma qui domine toute l’historiographie de cet ensemble.
Les traditions concernant les Juges étaient parfois contradictoires entre elles, ainsi qu’il ressort du rôle différent joué par Gédéon dans Juges (6-7) d’une part, et dans (8 : 4-21) d’autre part.
Ce recueil est divisé en deux livres par le fait de la traduction grecque. Le souci biographique est dominant, et les personnages importants sont tour à tour Samuel, Saul et David. Le problème le plus épineux dans ce livre c’est qu’il y a au moins trois versions qui racontent de manière assez différente l’accession de Saul à la royauté (cf. 1 Sam. 9 : 1-10 :16 ; 1 Sam. 10 : 17-27 et chap. 11).
La diversité de ces récits s’explique par leur diverse origine.
Le live des Rois peut être divisé, selon la matière traitée, en trois parties d’inégales longueurs : 1) 1 Rois 1-11 ; 2) 1Rois 12- 2 Rois 17 ; 3) 2 Rois 18 – 25. Dans les deux dernières parties les textes sont disposés selon un schéma qui ne correspond que partiellement au déroulement des faits.
1) L’histoire du règne de Salomon ;
2) L’histoire synchronique des deux royaumes jusqu’à la chute de Samarie en 722 av. J.-C. ;
3) L’histoire du royaume de Juda à l’Exil.
Ces livres embrassent la période la plus vaste, puisqu’elle va d’Adam jusqu’aux environs de l’an 300 av. J.-C.
Ces œuvres historiques de synthèse sont celles du Chroniste. Ce dernier mentionne 14 sources auxquelles il affirme être redevable de son information. Mais le livre de Samuel et des rois constituent la source la plus utilisée par le Chroniste.
c) Les Prophètes
*Les prophètes du VIIIe siècle av. J.-C.
1.Amos surgit à un moment où le danger n’est pas encore imminent sur Israël. Farouche défenseur de l’alliance ancestrale avec ses coutumes et ses exigences ; ses attaques et ses paroles de condamnations sont contre la corruption du culte et contre le mépris des règles élémentaires du droit.
2.Osée , contemporain d’Amos, dénonce les mêmes iniquités mais il insiste plus particulièrement sur la corruption religieuse.
3. Esaie (chap. 1-39) a eu une activité très longue. son livre reflète les diverses phases de son activité. Il a été mêlé de très près à l’avance de la puissance assyrienne qui aboutira à l’amputation, puis à l’annexion du royaume du Nord, et enfin à la mise en tutelle de territoire de Juda.
4. Michée, contemporain d’Esaie, a en commun avec ce dernier, la dénonciation du scandale de la richesse, la critique du syncrétisme et da la fausse sécurité religieuse.
*Les prophètes de la fin du royaume de Juda
1. Sophonie (vers 640 av. J.-C.), annonce la catastrophe inéluctable causée par la corruption sociale et religieuse.
2. Jérémie domine cette période tragique, caractérisée au point de vue national par l’avance des armées babyloniennes et au point de vue religieux par l’indifférence et le formalisme. Jérémie annonce la perte du Temple et de la terre au profit de Babylone.
3. Nahum et Habacuc, étaient probablement des contemporains de Jérémie, mais ils ne réagissent pas de la même manière devant les mêmes événements.
4. Joël ; le livre de Joël est une liturgie célébrée lors d’une cérémonie de pénitence.
*Les prophètes de l’Exil
1. Ezéchiel a fait partie du convoi des premiers déportés à Babylone en 597 av. J.-C. Il annonce, dans une première phase, le jugement de Dieu (sur le peuple). Mais après avoir reçu confirmation de la chute définitive de Jérusalem, il se sent appeler à consoler ses frères d’exil et il les prépare à la glorieuse restauration.
Ezéchiel a eu des visions grâce auxquelles il est devenu l’homme de la mystique et du légalisme.
2. Le Second Esaie ou Deutéro-Esaie ( chap. 40-55), surgit à la fin de l’exil. Comme Ezéchiel il se doit de donner une explication de l’exil et annonce le salut incarné dans l’avènement du règne de Dieu.
3. Le livre d’Abdias, reflète la situation de Jérusalem après 586 av. J.-C. où Edom, le peuple frère, s’est livré à des actes odieux sur la ville conquise.
*Les prophètes après l’Exil
1. Aggée et Zacharie (en l’an 520 av. J.-C.) exhortaient le peuple à reconstruire le Temple.
2. Malachie – Ce prophète est en réalité un anonyme, car Malachie est un nom artificiel signifiant « mon messager ». « C’était à l’époque de la domination perse. Par ses discussions, il arrivait à convaincre ses compatriotes de leur infidélité. Et il annonçait que la « rétribution divine viendrait d’une manière aussi soudaine que certaine. ».
3. Le livre de Jonas ; il relate la vie du prophète Jonas fils d’Amittai, dont l’activité prophétique était en dehors d’Israël.
4. L’Apocalypse de Daniel : celui-ci annonce la délivrance proche, pour que leur foi ne défaille point dans l’ultime épreuve. Ce message, il le donne dans des récits et des visions.
Une remarque s’impose après avoir donné une vue brève sur les livres des prophètes ; « une fois constitué, le recueil, ou plutôt le rouleau du prophète, ne constituait pas une grandeur fixe ; il arriva qu’on ajouta aux paroles authentiques des prophètes des oracles… auxquels on voulait conférer une plus grande autorité en les mettant sous le patronage d’un nom illustre. » (E. Jacob, p.66).
d) La Poésie
Les Psaumes sont une collection de chants s’étalant sur une longue période allant de David jusque vers l’époque maccabéenne. Les suscriptions en tête des Psaumes attestent à leur manière la pluralité des époques et des auteurs. Les auteurs des Psaumes sont probablement des prêtres et des lévites de Jérusalem qui les ont composés en vue de la vie liturgique de la communauté, et cela dès les débuts du culte du temple. Mais un grand nombre de Psaumes se présentent comme composés par le roi David.
Le livre de Job est avec les Psaumes celui des écrits de l’Ancien Testament où la piété apparaît sous sa forme la plus pure.
L’époque de la composition de ce livre est tellement débattue par les savants, qu’il est difficile de donner une précision là-dessus. Certains parlent de 500 av. J.-C., d’autres de 400 av. J.-C.
Attribué à Jérémie, ce livre reflète les malheurs liés à la chute de Jérusalem. Mais le nom de Jérémie n’y est jamais cité, et la théologie qui s’en dégage est très différente de celle de Jérémie.
Les lamentations sont l’écho de la situation malheureuse où vivaient les Israélites restés dans le pays, en ruine après la chute de Jérusalem en 587 av. J.-C.
Enfin l’attitude qui se dégage de ces chants est plutôt celle de la repentance.
L’attribution de ce livre à Salomon vient de ce qu’il y est expressément nommé : 1 : 5 ; 3 : 7 ; 8 : 11. Cependant, le Cantique est assez éloigné de l’époque salomonienne.
e) La littérature de Sagesse
Recueil ouvert pendant longtemps, les Proverbes se sont enrichis de diverses productions, qui, grâce à un thème général, ont pu s’abriter dans un livre unique. Ce livre se présente comme une composition salomonienne, mais, bien qu’à l’origine une collection de paroles puisse être celle de Salomon, il est difficile, voire vain d’essayer de retrouver ce qui est authentiquement salomonien.
« Ce livre a été et reste l’objet de contestation. Les Juifs ont discuté sur sa légitimité dans le Canon, car ce livre paraissait contredire tout l’enseignement traditionnel de la loi, des prophètes et mêmes des sages. Aujourd’hui encore s’affrontent ceux qui y voient les réflexions d’un sceptique, plus ou moins apparenté aux Epicuriens ou aux Stoïciens, et ceux qui y lisent le témoignage d’un authentique croyant. » (E. Jacob, p. 102).
Ce livre est d’une historicité douteuse. Beaucoup de données concernant les personnages de ce livre ne concordent pas avec celles de l’histoire. Ainsi, le roi Perse n’avait pas d’épouse appelée Vasthi ou Esther ; Mardochée le cousin d’Esther ne devait pas être vivant à l’époque de ce roi, etc.
Afin de susciter une descendance à son mari défunt, Ruth épousa un proche parent de son mari, Booz, et devint ainsi l’arrière-grand-mère de David.
La pointe du livre réside dans le lien de Ruth la Moabite avec David. Cette ouverture des Juifs sur les étrangers, qui n’eut lieu qu’à l’époque salomonienne, pourrait être la cause de la composition du livre de Ruth donnant ainsi à cette communauté vocation universelle.
Après cette vue d’ensemble des livres de l’Ancien testament nous concluons par cette remarque intéressante d’Edmond Jacob : « Les laborieuses discussions autour de la constitution du canon nous invitent à ne pas envisager l’autorité de la Bible sous l’angle de son inspiration littérale. » (p. 121).
En effet , cet assemblage, extrêmement disparate par le contenu, s’étalant sur une période de sept siècles au moins, provenant de sources variées et amalgamées à l’intérieur d’un même ouvrage, va parvenir à constituer le livre de la Révélation judéo-chrétienne. A vrai dire, l’amalgame ne date pas du Christianisme, mais du Judaïsme lui-même.
Pourtant, pendant longtemps on n’osa pas mettre en doute l’authenticité de ces livres malgré leurs discordances, leurs contradictions et leurs inexactitudes, et il a fallu attendre l’époque moderne pour qu’un examen critique de ces textes soit entrepris.
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Dans tout le Nouveau Testament, vingt-sept livres ont pris une place privilégiée. A l’époque où ils ont été composés, ils n’étaient pas encore considérés comme écritures saintes. L’écriture sainte, pour les auteurs du Nouveau Testament, était l’Ancien Testament. Lorsqu’il introduisent des citations par la formule : « Afin que fût accompli ce qui a été écrit », ils ne se réfèrent qu’à l’Ancien Testament.
Ces livres « ont été imposés aux premières générations chrétiennes… et ont été peu à peu réuni, classés en un recueil et considérés comme écriture sainte. » (Oscar Cullmann, le Nouveau Testament, P.U.F. Que sais-je ? p.6).
Vers le milieu du IIe siècle, les quatre Evangiles n’étaient pas encore les seuls à faire autorité. D’autres Evangiles que l’on appela plus tard « apocryphes », s’étaient déjà répandus, et leur nombre allait croissant. Peu à peu, les quatre Evangiles furent retenus et revêtus d’une autorité normative avant tous les autres écrits du Nouveau Testament.
Quant aux épîtres de Paul, la première citation d’un passage paulinien, considéré comme Ecriture sainte, se trouve vers 150 dans l’épître de Polycarpe XII, 1.
Vers 170, les premiers recueils pauliniens comptent tantôt 10 épîtres tantôt 13.
Peu à peu, d’autres écrits, les Actes des Apôtres, les épîtres catholiques et l’Apocalypse sont parvenus à la dignité canonique.
Il semble que le Canon du Nouveau Testament ait été formé par addition en même temps que par élimination. L’élaboration du Canon du Nouveau Testament a donc été le fruit d’un processus qui s’est échelonné sur plusieurs siècles.
Il est à noter, toutefois, que le concept de « Canon » est issu directement de celui d’apôtre ; car dans certains cas, pour faire entrer dans le Canon un livre n’ayant pas pour auteur un apôtre, on a dû établir, après coup, une relation entre lui et un apôtre.
Cependant, le premier Canon a été l’œuvre de Marcion vers 150 ; ce dernier n’a reconnu comme Ecriture sainte que l’Evangile de Luc et 10 épîtres pauliniennes.
Après des étapes où l’on a fait des éliminations et des additions, le Canon du Nouveau Testament, vers l’an 200, se rapproche déjà beaucoup du Canon actuel. Cependant les discussions continuèrent encore longtemps à propos de la canonicité de l’épître aux Hébreux et à propos de l’Apocalypse.
2. Les documents de Base
Le lecteur qui feuillette les pages du Nouveau testament dans une des éditions modernes de la Bible y trouve un texte clair, tant du point de vue de la typographie que du point de vue du style. Sans doute il lui sera difficile de se rendre compte de la diversité et de la complexité des documents qui sont à la base du texte imprimé, et de mesurer les énormes difficultés que l’on a rencontrées dans la mise à jour, le déchiffrage et l’appréciation de ces documents de base.
« Nous n’avons pas de document original du Nouveau testament , écrit O. Cullmann, mais seulement des copies. Les manuscrits complets les plus anciens que nous possédions ne remontant pas au-delà du IVe siècle : des fragments plus anciens mis à part, trois cents ans environ séparent donc la rédaction originale du texte sacré.
Un tel laps de temps pourrait nous faire douter de la stricte authenticité de ces textes. En effet de copie en copie, des déformations ont pu s’introduire et des erreurs s’imposer. »(Op. cit. p.7).
a) Les manuscrits
Les manuscrits sont des papyri ou des parchemins. Un papyrus est constitué par des tranches de moelle de papyrus. Un parchemin est une peau traité et découpée en feuillets.
Les papyri sont pour la plupart du IIIe siècle. Par contre les parchemins portant des textes du Nouveau Testament ne datent que du IVe siècle au plus tôt.
Tous ces documents sont écrits en grec, mais dans un grec qui n’est plus le grec classique.
Cependant, tous ces manuscrits sont assez difficiles à lire. Aucun espace n’existe entre les mots, les phrases et les paragraphes ; et nous n’y trouvons ni accent ni signe de ponctuation.
Ces textes présentent entre eux des variantes. Celles-ci résultent tantôt de fautes involontaires, tantôt de corrections volontaires : « ou bien le copiste s’est permis de corriger le texte selon ses idées personnelles, ou bien il cherche à harmoniser le texte qu’il copie avec un texte parallèle… pour en réduire, plus ou moins adroitement les divergences. » (O. Cullmann, op. cit. p. 9).
Enfin, il est à souligner qu’un copiste postérieur remarquant une note à la marge, écrite par son prédécesseur, croit nécessaire de réintroduire cette annotation marginale au sein du texte pensant qu’elle avait été oubliée au passage. Et c’est ainsi que le nouveau texte devient parfois encore plus obscur.
b) Les traductions
Vient ensuite un second groupe de documents, constitué par les anciennes traductions. Elles présentent le grand intérêt d’être plus anciennes que les manuscrits grecs que nous possédons. Certaines, qui datent du IIe siècle, ont été faites sur des manuscrits aujourd’hui perdus et plus anciens que ceux que nous venons de mentionner. Il est tout à fait plausible que les textes des manuscrits sauvegardés du IVe siècle sont faits à partir de ces traductions. Si cette hypothèse est exacte, l’appréciation de la valeur scientifique de ces traductions, qui seraient les documents de base du Nouveau Testament, serait exclue ; en effet, la compétence de ceux qui auraient pu entreprendre ce travail et leur sincérité nous sont inconnues.
c) Les citations
Un troisième groupe de documents est formé par les citations du texte du Nouveau Testament que l’on trouve éparses dans les écrits des Pères de l’Eglise.
3. Les Ecrits du Nouveau Testament
Les épîtres pauliniennes ont été rédigées avant les Evangiles. Ceci renforce l’hypothèse selon laquelle une influence importante de Paul fut exercée sur les auteurs des Evangiles.
Mais puisque les Evangiles sont mis à la tête du Nouveau Testament, nous sommes appelés à suivre cet ordre.
Les quatre Evangiles, qui ont été retenus, posent quant à leur pluralité un double problème :
a) Un problème d’ordre théologique, ressenti dès l’Antiquité : pourquoi faut-il quatre témoignages sur les mêmes faits ? Ne peut-on pas harmoniser les quatre récits sur la vie de Jésus pour les fondre en un seul ? En effet, ces tentatives furent faites, dès les origines du Christianisme, pour réduire cette pluralité. Nous citons comme exemple la tentative de Talien et celle de Marcion. Mais l’Eglise a refusé ces tentatives d’unification artificielle en gardant les quatre Evangiles côte à côte.
b) Cette pluralité pose également un problème littéraire. Les trois premiers Evangiles, Matthieu, Marc, et Luc, présentent entre eux une certaine unité par rapport au quatrième de Jean, bien qu’il existe entre eux des divergences patentes.
La cause de cette discordance entre les trois synoptiques (les trois premiers) provient du fait que « Chaque évangéliste… n’avait à sa disposition que des récits et des paroles isolés de Jésus qui furent transmis par la tradition orale ; il pouvait donc bâtir le plan qu’il voulait. » (O. Cullmann, p.18).
Pour résoudre le problème de ces divergences figurant au sein de ces trois évangiles, on a donné plusieurs hypothèses :
1. Hypothèse de l’utilisation : elle consiste à supposer que le premier évangile écrit serait celui de Matthieu, Marc aurait résumé Matthieu, et Luc se serait servi de l’un et de l’autre.
2. Hypothèse de l’Evangile primitif – Selon cette hypothèse, les trois premiers évangiles remonteraient à une source commune d’origine araméenne que nous n’avons plus, et chacun des trois aurait utilisé cette source à sa façon.
3. Hypothèse des récits écrits séparément – De petits morceaux auraient été composés tout d’abord : récits de miracles, recueils de paroles de Jésus etc. Chacun des évangélistes aurait, plus tard, combiné à sa façon ces divers éléments.
4. Hypothèse de la tradition Orale – La tradition orale se serait fixée de bonne heure, et les évangélistes se seraient bornés à puiser dans cette tradition commune. Ce qu’ils auraient fait, chacun à sa manière.
5. Hypothèse des deux sources – C’est une combinaison de l’hypothèse de l’utilisation et de celle de l’Evangile primitif perdu : Matthieu et Luc auraient utilisé, indépendamment, Marc qui serait donc le plus ancien des trois, et une source commune, aujourd’hui perdue. Mais l’évangile de Marc, utilisé par les deux autres, était-il celui d’aujourd’hui ? D’autre part, la source commune a-t-elle été vraiment unique ?
Mais il faut tenir compte du fait que l’Evangile a existé pendant des dizaines d’années presque exclusivement sous forme orale. Les Evangiles synoptiques ne sont donc que les porte-paroles de la communauté chrétienne primitive qui a fixé la tradition orale.
La tradition orale a transmis des récits isolés et des paroles plus ou moins authentiques. Les évangélistes ont donc tissé des liens entre ces paroles et ces récits ; mais « chacun à sa façon, chacun avec sa personnalité propre et ses préoccupations théologiques particulières. » (O. Cullmann, p. 20).
1. L’Evangile selon Matthieu
L’auteur du premier évangile est un Juif, converti au Christianisme, et il vit dans une communauté judéo-chrétienne. Mais où situer cette communauté ? Faute de témoignages et de preuves décisifs, on a proposé Jérusalem, la Galilée, Antioche, Alexandrie, ou une des grandes villes du littoral phénicien de Syrie, ou encore une cité aux confins de la Palestine du Nord et de la Syrie comme Césarée de Philippe ou Damas. Il est actuellement impossible de se prononcer.
De même, la date de la composition de cet évangile est imprécise. On la situe en général entre les années 70 et 80.
Mais qui est l’auteur de cet évangile ?
« La tradition, et non le texte lui-même qui n’en souffle mot, a attribué cet évangile à Matthieu, le « percepteur » dont la conversion est racontée IX, 9 … et qui devient l’un des 12 apôtres … Mais rien ne permet de confirmer cette tradition qui soulève des difficultés, surtout si nous admettons que l’auteur a utilisé l’Evangile de Marc, qui n’était pas disciple de Jésus. » (O. Cullmann, pp. 23-24).
2. L’Evangile selon Marc
Nous ne savons pas qui est exactement Marc. Etait-il juif ou non ? La tradition voulait qu’il soit l’auteur du second évangile.
Cependant, on reconnaît aisément dans cet évangile une profonde influence de la pensée de l’apôtre Paul suggérée également par le livre des Actes des Apôtres qui fait de Marc le collaborateur de Paul dans ses tournées missionnaires.
La date de la rédaction de cet évangile n’est pas également précise.
3. L’Evangile selon Luc
Le texte du troisième évangile ne dit pas le nom de son auteur. Cependant, il est attribué, à partir du IIe siècle, à un certain Luc. Nous connaissons un Luc qui a été compagnon de Paul. Toutefois, il est impossible d’infirmer ou de confirmer cette tradition par la langue ou le style de l’évangile.
L’auteur a utilisé trois sources : plusieurs récits composés avant lui, des renseignements recueillis auprès des témoins oculaires, et la tradition orale des prédications apostoliques.
4. L’Evangile selon Jean
L’auteur du quatrième évangile n’est pas forcément Jean fils de Zébédée, l’un des 12 apôtres. Certains critiques ont attribué le quatrième évangile à Jean l’Ancien qui serait distinct du fils de Zébédée.
Par ailleurs, l’identification de l’auteur à partir du texte lui-même est absolument difficile. Cependant, il est à noter que dès la fin du IIe siècle, l’authenticité johannique de cet évangile a été mise en doute.
On attribue habituellement une date assez tardive à la rédaction de cet évangile. On la situe dans les dernières années du Ier siècle.
Son origine pouvait être soit d’Ephèse, soit d’Antioche, soit encore de transjordanie. « Son style et sa langue … portent la marque d’une double influence, hellénistique et judaïque. » (O. Cullmann, p. 40).
Par ailleurs, l’Evangile johannique diverge d’avec les synoptiques, non seulement par le cadre chronologique et le cadre géographique qu’il donne au récit de la vie de Jésus, mais d’une manière générale par des traditions particulières et surtout par des perspectives théologiques différentes.
5. Les Actes des Apôtres
Le contenu de ce livre ne correspond pas à son titre, car il ne s’agit pas de tous les apôtres, mais seulement de Pierre et de Paul.
Dans son intention comme dans sa forme littéraire, cet écrit n’est pas différent des évangiles.
Son auteur est le même que celui de l’évangile selon Luc. Le vocabulaire, la langue, le style et les idées théologiques sont les mêmes.
Il existe quelques divergences entre cet écrit et ceux de Paul.
Quant à la date de la rédaction de ce livre, elle est située entre 80 et 90.
6. Les Epîtres de Paul
On a attribué à Paul 13 épîtres. Mais l’authenticité paulinienne des épîtres pastorales (1 Timothée, 2 Timothée, et l’épître à Tite) a été mise en doute. (Cf. O. Cullmann, p. 78).
Bien qu’il existât déjà du vivant de Paul des lettres qui lui étaient faussement attribuées, l’authenticité de la plupart de ses lettres n’a pas, à quelques exceptions près, été contestée.
7. Les Epîtres catholiques
On englobe sous ce titre sept écrits : l’épître de Jacques, la première et la deuxième épîtres de Pierre, la première, la deuxième et le troisième épîtres de Jean et l’épître de Jude.
L’ensemble du texte de l’épître de Jacques apparaît moralisant, judaïsant et sans aucune note chrétienne. On suppose qu’elle a été adoptée par un Chrétien qui l’aurait christianisée en y insérant par deux fois le nom de Jésus. Mais l’auteur est probablement judéo-chrétien. L’identification de son auteur est difficile.
L’épître de Pierre pose beaucoup de problèmes quant à son auteur. Cette épître est rédigée dans un très bon grec. On constate une grande parenté entre les idées de cette épître et la théologie paulinienne. On relève l’absence de souvenirs personnels concernant Jésus, ce qui est surprenant chez cet homme qui a vécu dans l’intimité de Jésus. On cherche, en vain, dans cette épître des notions centrales de l’enseignement de Jésus.
L’identification de l’auteur de l’épître de Jude est difficile. Cependant, cette épître a une particularité qu’il faut noter. Elle cite, à plusieurs reprises, des livres apocryphes du Judaïsme et surtout le « livre d’Enoch ».
La date de la rédaction de la deuxième épître de Pierre est située après 90. il est donc impossible qu’elle ait pour auteur Pierre qui, selon la tradition, serait mort vers 64 ou 67 à Rome.
Les trois épîtres de Jean sont exprimées dans un style liturgique. La majorité des critiques pense que ces trois épîtres sont du même auteur et que, si celui-ci n’est pas l’auteur du quatrième évangile, il appartient en tout cas au même milieu spirituel.
8. L’Apocalypse de Jean
La présence légitime de l’Apocalypse dans le Canon a été contestée pour la première fois vers la fin du IIe siècle, et elle le sera surtout en Orient à partir du milieu du IIIe siècle. L’Apocalypse fut considérée comme un livre inspiré vers 150.
L’auteur de cet écrit n’est pas Jean l’Apôtre, fils de Zébédée. Quant à la date, l’épître a été écrite en 96 d’après le témoignage d’Irénée au IIe siècle.
Conclusion
Bien que cette étude sur le Nouveau Testament fut brève et succincte, elle a pu, néanmoins, esquisser les trais généraux concernant les problèmes fondamentaux relatifs à la « révélation » chrétienne.
Les écrits du Nouveau Testament nous renseignent, avant tout, en parlant de Jésus, sur la mentalité des auteurs, porte-parole de la tradition des communautés chrétiennes auxquelles ils appartenaient, en particulier sur les luttes entre judéo-chrétiens et Paul. Les travaux des exégètes chrétiens très éminents le prouvent.
Cependant, les défauts que contiennent les écrits du Nouveau Testament ne mettent pas en doute l’existence de la mission de Jésus : les doutes planent seulement sur son déroulement.
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LE CORAN [4]
Le Coran (en arabe al-Qur’ân, lecture, la lecture par excellence) est le livre saint des musulmans, qui le considèrent comme la « parole incréée de Dieu ». C’est le « Seigneur des mondes » qui la révèle à son envoyé de choix, au Prophète Mohammad, afin que celui-ci la communique à son peuple. Mohammad n’est qu’un simple agent de transmission, qui n’y ajoute rien de sa part, n’en supprime non plus quoi que soit, de son gré.
Le Coran ne fut pas révélé tout à la fois, mais en fragments pendant vingt-trois ans (609-632). Chaque révélation à l’occasion même où l’on en avait besoin, et pour toucher un problème concret.
Le Coran se divise en 114 chapitres de dimensions très variées. Les chapitres eux-mêmes n’étaient pas toujours révélés en entier, parfois plusieurs sourates (chapitres) furent à la fois objet de révélations fragmentaires, on les codifiait selon les directives du Prophète lui-même. Ce travail de compilation dura toute la vie missionnaire du Prophète, et le tout date de l’époque du Prophète lui-même : après sa mort la révélation cesse, et la communauté n’avait aucun droit d’ajouter ou de supprimer.
Le Coran ne ressemble ni à l’Evangile, ni à aucun des livres de l’Ancien Testament. A tout détour de la vie du Prophète, la révélation surgit, s’impose, il faut sur-le champ la communiquer, car c’est l’heure voulue par Dieu, pour la promulgation de telle loi, pour le rappel de telle histoire ancienne, pour telle exhortation, telle prière, et le Prophète ne doit ni devancer ni retarder cette heure, ni prendre le temps de revoir le message reçu pour en faire une œuvre littéraire.
Les versets se terminent par la rime ou l’assonance. C’est pourquoi il ne faut pas songer à lire le Coran comme on lit la Genèse, ni même comme on pourrait lire Isaïe ou Jérémie. Chaque parole dite vous concerne au moment même où vous la lisez. Il faut l’entendre, avec l’ouïe, et s’arrêter au bout de la phrase, ou de la proposition, là où le chant liturgique s’allonge et s’attarde sur la dernière syllabe, afin de laisser la pensée prendre le tournant de la proposition suivante.
Le Coran ne fut pas rédigé tout à la fois, pour être présenté ensuite au peuple. Il est une collection de messages reçus à intervalles. Il y a des passages dont le Prophète devait se servir pour haranguer l’auditoire, afin de l’inviter à réfléchir et reconsidérer son attitude religieuse. Il y en a d’autres qui furent destinés à trancher des problèmes concrets, ou des litiges précis. Le Coran est un guide à l’homme dans la totalité de sa vie, temporelle aussi bien que spirituelle, individuelle et collective, à toutes les catégories d’hommes, dans tous les pays, et pour toujours ! Depuis le chef du gouvernement et le commandant jusqu’au simple citoyen et à l’homme de la rue, tout y trouve ce qui le concerne.
Il convient de souligner que le Coran ne demande pas que l’on croie pour croire, mais il répète sans cesse : réfléchissez, méditez, raisonnez, pensez, cherchez, et cela, même en matière de foi comme l’existence de Dieu transcendant et inconnaissable, l’Au-delà et la Résurrection.
Le thème central est évidemment le monothéisme pur : la foi en un Dieu sans associés, ni icône, ni autres représentations matérielles de la Divinité.
Histoire de la rédaction du Coran
La toute première révélation, comportant les cinq premiers versets de la sourate 95, eut pour thème l’éloge de la plume comme moyen de connaissance humaine. De là le souci du Prophète pour la conservation du Coran par écrit.
Et, en effet, la sourate 80 parle, aux versets 11-16, des copies écrits du Coran.
Les sources sont d’accord pour dire que toutes les fois qu’un fragment du Coran était révélé, le Prophète appelait un de ses compagnons lettrés, et le lui dictait, tout en précisant la place exacte du nouveau fragment dans l’ensemble déjà reçu. Les récits précisent qu’après la dictée, Mohammad demandait au scribe de lui dire ce qu’il avait noté, pour pouvoir corriger les déficiences s’il y en avait.
Un autre célèbre récit nous dit que le Prophète récitait chaque année au mois de Ramadan, devant Gabriel, tout le Coran (révélé jusqu’alors), que le Ramadan qui précéda sa mort Gabriel le lui fit réciter par deux foix. Ce récit implique tout au moins que lors du saint mois du jeûne, le Prophète s’occupait chaque année de la révision du texte tout entier. On sait que dès l’époque du Prophète, les Musulmans prirent l’habitude de veiller, le mois de Ramadan, par des offices surérogatoires, en récitant le Coran tout entier.
Les Musulmans de la Mecque pré hégirienne, puis ceux de Médine se servaient de différents objets pour copier pour eux le texte du Coran : morceaux du parchemin et de cuir tanné, tablettes de bois, omoplates de chameaux, espèces de pierres blanches assez tendres pour que l’on y puisse graver facilement le texte, nervures médianes des dattiers, morceaux de poteries brisées, et ainsi de suite. On pense que l’emploi d’os et de pierres était motivé par le souci de la conservation : une chose gravée risquait moins l’effacement qu’une chose écrite. De même le parchemin et le cuir était plus solides que le papyrus, on la notait provisoirement sur de menus objets, en attendant l’achèvement de la sourate, pour la copier ensuite sur des matériaux plus convenables.
Mais simultanément Mohammad insistait pour que l’on apprît par cœur le texte, afin de pouvoir le réciter lors des offices liturgiques. Là aussi il n’était pas obligatoire de se remémorer le texte tout entier : les uns apprenaient certaines sourates, d’autres certaines autres, mais quelques-uns la totalité des sourates.
C’est par cette double méthode que Mohammad voulut assurer la conservation de l’intégrité du texte du Coran : par écrit et par mémoire. Les fautes de graphie pouvaient être rectifiées par le texte appris par cœur, et les déficiences de la mémoire par référence au texte écrit. Cette lecture ou récitation pieuse se pratiquait toute la vie ; elle se perpétua de génération en génération, jusqu’à nos jours.
Peu de temps après la mort du Prophète (632), son successeur Abu Bakr, premier calife de l’Islam, demanda à l’ancien premier scribe de Mohammad, Zaid ibn Thabit de préparer une copie, ce qu’il fait.
Les sources sont unanimes pour dire qu’Abu Bakr ordonna à Zaid de ne point se fier uniquement à la mémoire, mais de chercher pour chaque verset deux témoins, copies écrites chez deux personnes.
A la lecture des divers écrits, on a cette impression que ce que Zaid cherchait ce n’était pas seulement des fragments écrits du Coran, mais des rédactions de première main, sous la dictée personnelle du Prophète. Le 2e calife, Omar (634), conserva la copie qu’il donna à sa mort à sa fille Hafsa, veuve du Prophète.
Le troisième calife de l’Islam, Uthman, qui exerça son califat de 644 à 655, chargea une commission d’experts de pratiquer la grande recension qui porte son nom. Les membres de la commission étaient quatre parmi lesquels Zaid ibn Thabit. La commission consulta des Musulmans qui connaissaient le texte par cœur. La critique de l’authenticité du texte s’opéra d’une manière extrêmement rigoureuse. Après la réalisation de cette nouvelle édition, le calife Uthman la collationna avec celle faite au temps d’Abu Bakr, mais n’y trouva aucune différence.
La transmission et la conservation du texte
Contrairement à certaines autres communautés de l’antiquité, qui restreignaient la connaissance du livre religieux à une classe, à un clan, Mohammad préféra, en suivant les directives coraniques, de répandre cette connaissance dans toutes les couches de la communauté. Nous avons vu qu’il employa la double méthode écrit mémoire. En outre, lui et ses successeurs du pouvoir attachaient la plus grande importance à la connaissance coranique pour tout emploi public et administratif, et prirent les dispositions nécessaires pour son enseignement.
Dès l’époque du Prophète, on ajouta une méthode additionnelle pour conserver l’intégrité du texte : savoir lire et posséder une copie du Coran ne suffisait pas ; par contre il fallait l’étudier auprès des maîtres attitrés et obtenir un certificat de l’authenticité de la copie, tout comme de la connaissance de la part de l’élève. Cette méthode a subsisté jusqu’à nos jours.
Il est émouvant de constater que du Maroc à la Malaisie, de Tachkent à Ceylan, des millions d’exemplaires manuscrits ou imprimés existent qui n’offrent d’autres variantes que des fautes de copistes. Il y a également des centaines de milliers de Hafiz (sachant le Coran par cœur) toujours identiques, entre eux et avec le texte écrit.
Il est à signaler que le Coran n’est pas en vers, mais qu’il possède mélodie, rythme et même rimes comme les poèmes. Il n’est pas en vers : ses lignes (versets) comportent parfois un seul mot, parfois plusieurs et jusqu’à toute une page. Il est d’un genre qui n’est ni prose ni poème, mais qui réunit les avantages des deux.
Le Prophète a insisté qu’on n'abandonne pas la lecture du Coran, non plus qu’on le lise machinalement sans méditer ou réfléchir sur les points qui y sont traités. Ainsi qu’il a dit qu’il faut compléter la lecture du Coran au moins une fois par mois.
Ainsi, une authenticité indiscutable donne au texte coranique une place à part parmi les livres de la révélation, place qu’il ne partage ni avec l’Ancien ni avec le Nouveau Testament. Les remaniements, qui sont parmi les causes de leurs erreurs et de leurs contradictions, qu’avaient subies les livres de la Révélation Judéo-chrétienne, avant de nous parvenir dans l’état où ils se trouvent aujourd’hui, ne furent pas connus par le Coran pour la simple raison qu’il a été fixé du temps même du Prophète, comme nous l’avons vu, par les deux méthodes possibles : l’écriture et la mémoire.
[1]Que sais-je ? PUF- Paris 1967.
[2]Que sais-je ? PUF- Paris 1981.
[3]Editions Seghers, Paris 1979.
[4]Pour plus de détails nous renvoyons le lecteur à l’introduction de la traduction du Coran faite par M. Hamidullah, à laquelle nous nous référons.