Back | Index | Next |
Il était inadmissible pour Mu’âwiyah d’entendre le nom du Prophète (P) être proclamé cinq fois par jour dans la formule: «J’atteste que Muhammad (P) est le Messager de Dieu». Alors que, toujours selon lui, Abû Bakr, ‘Umar, Usmân étaient morts leur mémoire enterrée avec chacun d’eux. [77]
C’est ce vilain sentiment de jalousie qui pesa sur Mu’âwiyah au point qu’il ordonna à ses gouverneurs, tout en l’exécutant lui-même, d’injurier l’Imam ‘Ali (P) lors de leurs sermons.
Al-Allamah Abul A’lâ Al-Mawdoudi [78], encore un auteur qui a souvent tenté d’épargner Mu’âwiyah, n’a pu s’empêcher de reconnaître:
«Une autre hérésie hideuse est apparue sous Mu’âwiyah. Celui-ci avec lui et sur ses ordres – ses gouverneurs injuriaient notre maître ‘Ali du haut de leurs chaires. Ce qui est plus grave encore, ils le maudissaient – lui qui était le plus aimé du Prophète parmi ses proches parents, et le plus proche de son noble cœur – du haut de la Chaire de la Mosquée même du Prophète, devant la maison du Prophète et en présence des fils et des plus proches parents de notre maître Ali, lesquels entendaient ces injures.»
«Injurier quelqu’un après sa mort est déjà une chose contraire à l’éthique humaine, et ce, sans compter qu’elle est aussi contraire à la Chari’a. Pis, mêler le Prône de la prière du vendredi à de telles bassesses était du point de vue religieux et moral une action grossière et trop détestable.»
Bien entendu, cette pratique éhontée ne rencontra pas l’accord des musulmans sincères qui ne tardèrent pas à le manifester en venant juste au moment de la prière, après les sermons injuriant contre ‘Ali (P).
La réaction ne tarda pas non plus à se manifester:
D’abord par l’assassinat. C’est dans ce cadre que Hojr Ibn Ady, un des plus valeureux Compagnons du Prophète (P), connu pour sa piété et son ascétisme, fut exécuté avec sept de ses compagnons par Ziad le gouverneur Umayyade de Kûfa et de Basra sur ordre de Mu’âwiyah. Ce dernier renvoya à Ziad un autre des compagnons de Hojr avec une lettre dans laquelle il lui demandait de le tuer de la façon des plus horribles. Ziad ne se fit pas prier deux fois, qui l’enterra tout simplement …vivant!
Rappelons que leur seule faute était d’avoir protesté contre le retard qu’avait observé Ziad sur l’heure de la prière pour la simple raison que ce gouverneur Umayyade tenait d’abord à prendre son plaisir et le temps de Dieu et des musulmans à injurier l’Imam ‘Ali (P).
Ces gens-là, Mu’âwiyah et ses gouverneurs, méritent-ils d’être protégés, encensés, loués? Simple question pour ceux qui l’ont fait mais aussi pour ceux qui continuent de le faire!
Dieu nous a prescrit le bien en acte, en parole et en pensée. Il nous a proscrit le mal dans les mêmes conditions. Ensuite il nous a dotés de la possibilité de faire le bien ou de faire le mal, en somme le libre arbitre. Enfin il nous a dit qu’il y aura le Paradis pour ceux qui auront un bilan positif et l’Enfer pour ceux qui auront un bilan négatif. Alors tâchons d’avoir un bilan positif et pour cela nous ne saurions soutenir ceux qui ont fait ou continuent de faire du mal à leurs proches.
Le règne de Yazîd:
Yazid Ibn Mu’âwiyah Ibn Abû Sofian est né vers l’an 26 A.H. probablement à Médine. Son père Mu’âwiyah lui transmit toute sa haine des Ahlul Bayt que lui-même avait reçue de son père Abû Sofian qui enfin le détenait d’une longue tradition de rivalités entre les clans Hâchimites (famille du Prophète P) et Umayyade pourtant toutes deux issues de la même tribu des Quraych.
Le règne de Yazid dura trois ans (mais se déroula sur quatre années calendaires incomplètes) et fut marqué par de nombreuses exactions contre la Umma qu’on aurait de nos jours qualifiées de violations des droits de l’homme et même de crimes contre l’humanité. Cependant pour cerner le funeste personnage nous allons résumer son passage au pouvoir dans trois actes majeurs qu’il posa et qui marquèrent définitivement la mémoire collective musulmane.
1. La première année: Yazid tue Al Hussein (P).
2. La deuxième année: Son armée envahit Médine et y fait la razzia.
3. La troisième année: Yazid meurt pendant que son armée brûlait la Kâbah.
Un bref rappel sur l’arrivée de Yazid au pouvoir nous permettra d’éclairer le lecteur sur ces trois points notamment le premier.
En effet, comme nous l’avons déjà vu dans la partie consacrée à Al Hussein (P), Mu’âwiyah avait imposé son pervers de fils, Yazid, aux différents dignitaires de la région - sauf à Médine - en leur demandant de lui prêter allégeance de gré ou de force.
Une fois au pouvoir en remplacement de son père, Yazid demanda à son représentant à Médine, Walid Ibn Oth’ba, de forcer Al Hussein (P) à lui prêter allégeance ou de le tuer s’il refusait. La suite, nous l’avons déjà racontée: Al Hussein (P) émigra tout d’abord vers la Mecque puis vers Kûfa pour finir par être sauvagement assassiné avec sa famille ainsi que de grands Compagnons du Prophète (P) à Karbala. L’exécutant était Ibn Ziad (Gouverneur de Kûfa et chef de l’armée qui exécuta le carnage et qui était dirigée par deux chefs: Hûr Ibn Yazid Ar-riyahi et ‘Umru Ibn Sâ’ad). Le commanditaire de cet abominable massacre était Yazid. Nous avons vu également l’immense joie qu’il manifesta à travers un poème composé expressément lorsqu’il reçut la tête tranchée de Al Hussein (P).
C’était là le premier des trois actes majeurs qui ont marqué le règne de Yazid. Une «prouesse» extraordinaire s’il en est puisqu’il venait de faire exterminer, à l’exception de l’imam Zein El Abédine Ibn Al Hussein (P) et de l’imam Al- Baqir (p) (qui à l’époque n’avait que cinq ans) , la grande majorité de la descendance du Prophète (P). Bien entendu, contrairement à une idée fausse mais très répandue dans certains groupes islamiques, certains fils de Al Hassan (P) ont survécu à ce massacre même si d’autres y sont restés.
Cette «prouesse» de Yazid va provoquer sa deuxième «prouesse». En effet, les habitants de Médine désapprouvèrent tellement la mort atroce de l’Imam Al Hussein (P) qu’ils décidèrent de chasser tous les représentants de Yazid à Médine à commencer par le Gouverneur Al Walid Ibn Oth’ba. Pour les médinois la mort de Al Hossein (P) était la goutte d’eau qui venait de faire déborder le vase de leurs reproches aux hommes de Yazid. Ceux-ci, à l’image de leur chef, étaient de si grands pécheurs endurcis que les médinois disaient qu’ils craignaient que «Dieu fasse pleuvoir des cailloux sur leurs têtes» [79].
Le Gouverneur chassé envoya une lettre à son chef Yazid pour l’informer de l’expulsion de Médine de tous les umayyades.
Yazid désigna un chef de guerre du nom de Muslim (Musrif lui aurait mieux convenu au vu de son pouvoir de destruction). Ce choix reposait essentiellement sur un seul critère: la cruauté. C’est cet homme qui dirigea vers Médine une armée de trente mille soldats.
La résistance des médinois ne fut hélas que de courte durée. Au moins quatre mille compagnons, descendants de compagnons et leurs femmes furent humiliés, torturés, violés, massacrés. Une véritable razzia ponctuée de sataniques scènes d’orgies.
Cette bataille, fort célèbre dans le monde islamique, est plus connue sous le nom de Wakh’atou Hârâ (la bataille de Hârâ).
C’était là la deuxième «prouesse» de Yazid. Cela se passa lors de la deuxième année de son règne.
Yazid fut très satisfait du résultat qu’il venait d’obtenir à Médine et demanda à Muslim alias Musrif de faire un détour du côté de la Mecque pour donner la même leçon de soumission à Ibn Zubair. Ce dernier avait pris les rênes du commandement après le départ de Al Hossein (P) pour Kûfa en Irak.
Cependant la colère de Dieu descendit sur Muslim alias Musrif sur sa route vers la Mecque. Il mourut. Cela n’empêcha pas son armée de continuer sa marche sous le commandement de son second désigné au départ de Damas par Yazid.
Des combats farouches opposèrent l’armée du fils du Compagnon du Prophète, Ibn Zubair, à l’armée de Yazid. Ceci dura des mois.
Les soldats de Yazid assiégèrent la Kâbah, le plus grand symbole de l’Islam. C’est lorsque les soldats de Yazid mirent le feu à la Kâbah après l’avoir cassée sur plusieurs parties et qu’elle s’enflammait comme un torchon imbibé d’essence que la nouvelle de la mort de Yazid parvint à son armée. C’était là la troisième et dernière «prouesse» de Yazid. De celle-ci il ne sut se tirer.
C’était dans la première moitié du mois de Rabi –Al-Awal de l’an 64 A.H.
Le repli ne fit point l’objet d’un débat. L’armée de Yazid qui venait de perdre son chef battit en retraite en toute vitesse, permettant à Ibn Zubair de devenir le maître de l’Arabie partout sauf dans les bastions imprenables de la Syrie et plus tard de l’Egypte. Ces deux provinces restèrent sous la dominance des umayyades.
Ibn Zubair sera tué en l’an 73 par l’armée de Abdul Mâlik Ibn Marwâne. Son corps nu sera ensuite suspendu à une corde et exposé pendant plusieurs jours.
La dynastie des Umayyades après Mu’âwiyah et Yazid:
Après la mort de Mu’âwiyah en l’an 60 A.H., son fils Yazid resta au pouvoir jusqu’au début de l’année 64 A.H.
Mu’âwiyah Ibn Yazidsuccéda à son père à l’âge de 21 ans pour une durée de 40 jours, deux mois ou 3 mois selon les versions.
Marwâne, ex-gouverneur d’Egypte, prit Damas puis initia une attaque en règle contre Ibn Zubair qui gouvernait alors la Mecque.
Son fils, Abdul Mâlik Ibn Marwâne acheva le travail de son père mort entre temps. Il encercla Ibn Zubair à la Mecque en l’an 73 A.H. et le tua.
Après Abdul Mâlik Ibn Marwan, vinrent dans l’ordre:
Walid Ibn Abdul Mâlik,
· Suleyman Ibn Abdul Mâlik,
· ‘Umar Ibn Abdul Aziz. Il fut le seul à avoir reconnu que leur dynastie avait usurpé le pouvoir des mains des descendants du Prophète (P) et à avoir décidé de le leur rendre… sans être passé à l’acte toutefois. Il leva l’ordre donné aux Imams des mosquées d’insulter obligatoirement la famille du Prophète (p) (l’Imam ‘Ali en tête) lors du sermon (Khutba) de la prière du Vendredi.
· Yazid Ibn Abdul Mâlik,
· Hichâm Ibn Abdul-Mâlik,
· Al Walid Ibn Yazid Ibn Abdul Mâlik,
· Yazid al-Nâqis (ou encore Abû Khalîd Ibn Abdul Mâlik),
· Ibrahim Ibn Walid Ibn Abdul Mâlik,
· Marwâne Himâr, dernier Calife Umayyade.
Quelques observations d’ordre généalogique sur cette dynastie, s’imposent:
─ Le premier régnant, Mu’âwiyah, est fils de Abû Sofian qui lui-même est suffisamment connu pour avoir été un grand ennemi de l’Islam et un pourfendeur du Prophète (p) devant l’Eternel.
─ Le second, Yazid, est fils du premier. C’est tout dire sinon qu’il a fait pire que son père…et encore(!)
─ Le troisième, un autre Mu’âwiyah, est le fils de Yazid. Il ne fit ni du bien ni du mal pour avoir régné moins de trois mois.
─ Le quatrième, Marwâne, est le fils de Haqâm qui fut chassé de Médine et maudit ainsi que toute sa descendance par le Prophète (P).
─ Les autres sont des descendants de Marwâne, donc maudits comme ce dernier par l’Illustre Envoyé de Dieu.
Cette dynastie régna durant quatre vingt trois (83) ans et fit un mal incommensurable à l’Islam et à la Umma.
Le règne des Abbassides suivit celui des Umayyades et le dépassa en terreur, horreurs, cruautés, écarts vis à vis des enseignements du Prophète (p). Bref, les Abbassides plongèrent la Umma, davantage encore que les Umayyades, dans les ténèbres de la mécréance, de l’ignorance et de l’obscurantisme.
Plus d’un siècle après la disparition du Prophète de l’Islam (p), il n’existait aucune autre école (Madzhab) d’interprétation du Coran et de définition de la jurisprudence que celle des Ahlul Bayt (P); c’est-à-dire celle initiée par le Prophète (P) et perpétuée par l’Imam ‘Ali (P), les onze Imams issus de cette lignée et toutes les autres illustres lumières de la galaxie des Ahlul Bayt (P) et de leurs adeptes. C’est donc la première des écoles de l’islam.
C’est seulement avec l’usure du temps et la séparation de plus en plus marquée par les guerres et l’ignorance des dirigeants temporels, entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, que d’autres écoles ont été créées.
C’est ainsi qu’aujourd’hui les sunnites s’alignent généralement derrière l’une des quatre grandes écoles qui sont les écoles hanafite (Abu Hanifa Nou’mân), châfiite (Imam Shâfi’î), mâlikite (Imam Mâlik Ibn Anas) et hanbalite (Imam Ahmad Ibn Hanbal). Disons-le tout de suite: aucun de ces quatre Imams n’a proclamé sa scission de la direction principale, unique et originelle de l’Islam. Aucun d’entre eux n’a non plus reconnu ou accepté d’être l’initiateur d’un courant particulier d’interprétation du Coran et de la Sunna quand bien même certains de leurs enseignements s’écartaient très nettement des enseignements originels. Et même mieux, Abu Hanifa et Shâfi’î ont reconnu dans des textes incontestables et connus [80] de tout le monde musulman, s’être trompés en certains points. Ils ont également toujours reconnu que ceux qui connaissaient le mieux le Coran et ses méandres les moins explicites étaient les descendants de la Sainte lignée des Ahlul Bayt (P). Malheureusement, au moment où ils se corrigeaient leurs enseignements étaient déjà dispersés dans toutes les régions du monde musulman. De ce fait les erreurs étaient à tel point répandues que les contradictions semaient le doute dans la tête des disciples quand elles ne les mettaient pas tout simplement en conflit.
Le premier des initiateurs de ces quatre écoles, Abu Hanifa Nou’mân, naquit en 80 A.H. et mourut en 150 A.H. Il était un grand érudit qui avait beaucoup appris et écrit sur l’Islam. Avant d’aller à la rencontre de l’Imam Jâ’far Çâdiq (P), il avait reçu de Mansour le Calife abbasside de l’époque, l’ordre de préparer les quarante questions de jurisprudence les plus corsées qui soient afin de pouvoir mettre à l’épreuve le descendant du Prophète (P). L’échec de Jâ’far (P) aurait permis à Mansour de pouvoir l’attaquer en tant qu’imposteur ou mystificateur et donc de réaliser son rêve de l’anéantir. Rappelons que Jâ’far Çâdiq (P) est le sixième de la liste des douze Imams Ahlul Bayt (p). Il œuvra beaucoup à l’organisation et à la divulgation des enseignements des Ahlul Bayt.
Malheureusement pour Mansour, Jâ’far (P) répondit à toutes les questions de Abu Hanifa Nou’mân avec une grande aisance, une justesse et une éloquence qui éblouirent ce dernier [81]. Lorsqu’on lui posa la question de savoir qui était le plus instruit en matière islamique, l’initiateur de l’école Hanafite répondra [82]:
«Je n’ai jamais vu quelqu’un de plus érudit dans la connaissance de l’Islam que l’Imam Jâ’far Çâdiq».
Bien après les deux années qu’il passa en tant que disciple à s’abreuver à la source du savoir qu’était Jâ’far Çâdiq (P), il ajoutera:
«Si ce n’était deux ans Nou’mân serait détruit» [83] reconnaissant ainsi que ces deux années passées à acquérir des connaissances islamiques auprès de l’Imam Jâ’far (P) lui ont permis de rectifier bien des erreurs précédemment acquises comme justes.
Quant à l’Imam Mâlik, il a dit [84] de Jâ’far Çâdiq (P):
«Un œil n’a jamais vu, une oreille n’a jamais entendu, un cœur n’a jamais ressenti quelqu’un de meilleur que l’Imam Jâ’far Çâdiq en vertu, en connaissance, en piété et en modestie.»
Muhammad Ibn Tal’ha le Shâfi’îte raconte dans son Matalibu souhal: l’Imam Ahmad Ibn Hanbal a dit:
«Ne sont jamais descendues sur un compagnon du Prophète (P) autant de vertus et de qualités que sur l’Imam ‘Ali». C’est là une reconnaissance explicite de la justesse de l’école des Ahlul Bayt (p).
Dans son Assawâhiq, Ibn Hajar nous transmet plusieurs témoignages de l’Imam Châfi’i portant sur les qualités d’érudition, de droiture, de générosité d’âme et de bien d’autres vertus. Nous en retiendrons deux poèmes:
«Ya ahla beyti rassoulilahi houbou koumou
Fardoun mina lahi fil khurhani anzalahou»
«Kafâkoum mine azimil fakhri anâ koumou
Malam you sali alleykoum lâ salâta lahou»
Ce qui signifie:
«Ô descendants de la famille de l’Envoyé de Dieu
Vous aimer, c’est une obligation venant de Dieu
C’est dans le Coran qu’Il l’a fait descendre.»
«Il vous suffit comme une grande fierté, vous,
Que celui qui ne prie pas sur vous voit sa prière invalidée.»
Il tirait cette affirmation d’un verset du Coran où Dieu, après avoir dit que Lui et Ses Anges prient sur le Prophète (P), demande aux croyants d’en faire autant:
«Certes, Allah et Ses Anges prient sur le Prophète; ô vous qui croyez priez sur lui et adressez (lui) vos salutations.» (Al-‘Ahzâb33: 56)
Or le Prophète (P) a demandé aux musulmans de ne pas prier sur lui une prière stérile, en précisant que quiconque priait sur lui devrait le faire également sur sa descendance:
«Ne priez pas sur moi une prière stérile, c’est-à-dire une prière qui s’arrête à moi seul sans s’étendre à ma descendance».
A présent, on sait donc que tous les initiateurs des quatre écoles sunnites ont fait les louanges des Ahlul Bayt (p) et de la pureté de leurs enseignements à la source desquels ils se sont d’ailleurs bien abreuvés. Car Abu Hanifa Nou’mân (80 – 150 A.H.) fut un disciple de l’Imam Jâ’far Çâdiq (P). De plus l’Imam Mâlik (95 – 179 A.H.) apprit beaucoup auprès de l’Imam Jâ’far Çâdiq (P) mais aussi auprès de Abu Hanifa tandis que l’Imam Shâfi’î Ibn Anas (150 – 204 A.H.) en fit de même auprès de Mâlik. Enfin l’Imam Ahmad Ibn Hanbal (164 – 241 A.H.) suivit les enseignements de l’Imam Shâfi’î. Quand à Al Ash’arî, autre fondateur d’école connu, il naquit seulement en 250 A.H., et mourut peu après 300 A.H.
Tout ceci montre bien que rien, absolument rien ne devrait pouvoir justifier les écarts dans les enseignements de ces différentes écoles et encore moins les divergences menant même quelques fois à des conflits physiques entre des disciples d’écoles différentes. Car tous les musulmans ont une seule et même source: le Coran et la Sunna du Prophète (p) telle que conservée et enseignée par sa sainte descendance.
Cependant quelques circonstances atténuantes existent pour expliquer sans forcément justifier les différents écarts d’interprétations prônés par les différents chefs d’écoles:
Premièrement, ils ont souvent cru devoir adapter les enseignements originels du Prophète (P) aux populations auxquelles ils avaient affaire. Ainsi certaines conditions ont été durcies et des facilités accordées par Dieu enlevées. Vice versa dans d’autres cas plus rares. Quand on sait que quelques fois les chefs de ces écoles ont reconnu s’être trompés en certains points l’on comprend plus aisément que les musulmans étaient fortement exposés à la division.
Deuxièmement, il fut des moments sous les Umayyades et les Abbassides où la dissimulation fut le seul moyen, pour les vrais savants, d’échapper à la cruauté des souverains. Par ces moments-là, ils ont donc été obligés d’interpréter et de trancher selon la volonté des dirigeants.
Ce qui est certain c’est que tous ces chefs des quatre écoles se refèrent essentiellement aux sources des Ahlul Bayt (P). Pour s’en faire une idée, il suffit de lire dans le célébrissime recueil de Correspondances [85] entre Sheikh Salim Al-Bishrî (Sheikh d’Al-Azhar) et l’Imam Sharafeddine Al-‘Amilî (grand maître de l’école des Ahl Bayt), une liste de cent références.
Peut-on dés lors refusé de suivre les Ahl Bayt (P)?
Puisse que la source originelle vaut mieux que les sources secondaires surtout lorsque la première ne tarit jamais et reste accessible.
Les premières percées de l’Islam en Afrique sous le règne des Umeyyades:
L’Egypte faisait partie de l’Empire islamique pratiquement depuis l’aube de l’Islam. Donc nous allons nous intéresser à la pénétration de l’Islam en Afrique du Nord et de l’Ouest.
Ces deux régions de l’Afrique connaîtront l’Islam la première fois à travers des expéditions Umayyades. Ceci explique sans doute pourquoi dans ces régions les thèses Umayyades et plus tard Abbassides sont davantage connus et estimées que les enseignements des Ahlul Bayt (P) quoique ces derniers aient laissé quelques traces sensibles.
C’est en effet vers l’an 50 A.H. que Mu’âwiyah envoya Oghbatâ Ibn Nâfih Al-Fakhri le Gouverneur de Barikha en Egypte, à la tête d’une armée de vingt cinq mille (ou dix mille selon une autre version) hommes pour aller à la conquête de l’Afrique du Nord. Il traversa Trabluss, dans la Libye actuelle, et rentra en Tunisie où il créa la ville de Khayrawân dont il fit sa base. Il y fit construire la grande Mosquée de Khayrawân, Masjîdul Jâmiha.
De Khayrawân, il évolua vers Tânja au Maroc. Le commerce transsaharien aidant, l’Islam se propagea petit à petit vers l’Afrique de l’Ouest par Chinguitti, Tombouctou, etc.
Bien entendu, d’autres arabes musulmans isolés ou en groupes et même d’autres corps expéditionnaires islamiques visiteront plus tard ces régions d’Afrique. Nous ne saurons cependant nous étendre davantage sur ces événements sauf pour ce qui est de certains descendants du Prophète (P) que nous connaissons particulièrement bien pour être nous-mêmes issus de cette branche généalogique.
L’entrée en Afrique des descendants du Prophète (p):
Le siège des Abbassides était resté à Bagdad tout comme sous les Umayyades. Le Calife, Haroun Rachid, avait son représentant à Médine. Ce dernier surveillait pour lui les faits et gestes des descendants du Prophète (p) qui y étaient restés.
Et comme à l’époque des Umayyades, les habitants de Médine s’opposaient aux déviations des nouveaux dirigeants qui occupaient toujours pour eux une place qui appartenait à l’illustre famille du Prophète (P).
C’était pour les soumettre que le Calife Haroun envoya une armée à Médine à la demande de son représentant en ce lieu.
Une armée médinoise fut montée pour la circonstance et dirigée par Abdallah al Kâmil (i.e. «le parfait» pour son savoir et sa droiture) Ibn Al Hassan al Mouçâna Ibn Al Hassan Ibn Ali Ibn Abi Talib.
La bataille qui eut lieu (dite bataille de Faqîne, tout près de Médine) fut un carnage. L’armée médinoise de Abdallah fut décimée et son chef capturé. Il sera ensuite emprisonné à Bagdad puis, pour finir, empoisonné parce que devenu entre temps trop encombrant.
Cependant trois illustres rescapés de cette tuerie marqueront par la suite l’histoire de l’Islam: Muhammad, Yahya et Idriss, tous des enfants de Abdallah donc des descendants du Prophète (p). Mohamed prit la direction de l’Est et Idriss celle de l’Ouest.
Nous allons suivre Idriss. Il était encadré dans son voyage par un disciple de son père du nom de Rachid. Ce dernier était un berbère originaire du Maroc et était allé à Médine pour y acquérir des connaissances auprès de Abdallah, le père de Idriss.
Rachid avait une grande connaissance de la traversée de l’Egypte pour arriver au Maroc. Il eut dans cette épreuve l’assistance discrète mais efficace du représentant abbasside en Egypte qui avait, en cachette s’entend, beaucoup de sympathie pour les descendants du Prophète. Ce chef abbasside les aida donc à traverser l’Egypte. Idriss se faisait passer pour un esclave de Rachid et même, devant des inconnus il travaillait réellement pour son maître circonstanciel afin de lever tout éventuel soupçon.
Quand ils arrivèrent à Zarhouni dans l’actuel Maroc (le pays berbère de Rachid), Rachid présenta à son peuple l’arrière petit-fils du Prophète (P), Idriss Ibn Abdallah Ibn Al Hassan al Mouçâna Ibn Al Hassan Ibn Ali Ibn Abi Talib.
Idriss réunissait toutes les qualités d’un Ahlul Bayt (P): la connaissance du Coran et des enseignements de l’Ecole des Ahlul Bayt (p), le savoir, le courage, la droiture, la piété, la dextérité d’un grand cavalier – cette dernière qualité était essentielle à l’époque pour une raison évidente: le djihad.
Rachid proposa donc à son peuple de tirer sa part de bénédictions d’un tel sujet. Les berbères ne décidèrent rein de moins que d’en faire leur chef et guide. Ils lui offrirent en mariage la fille d’un de leurs chefs.
C’est ainsi que Idriss posa les fondements du premier gouvernement chiite en terre d’Afrique et même dans le monde. En effet il a eu toute la latitude – à travers les moyens, le temps et les hommes nécessaires – d’organiser un tel gouvernement.
Il y’eut cependant une faille de taille: il ne disposait pas d’Ulémas (i.e savants) formés aux enseignements de l’Ecole des Ahlul Bayt (p) pour transmettre ce savoir aux populations de l’intérieur du pays. Il fut donc placé dans l’obligation de recruter des Ulémas des autres Ecoles, en particulier de l’Ecole Malikite donc sunnite.
Cette faille contribuera pour une grande part à fragiliser plus tard l’Etat qu’avait créé Idriss. Durant de longues années cet Etat fut florissant et son peuple épanoui. Cette réussite légendaire porte jusqu’à ce jour une place importante dans l’histoire du Grand Maghreb.
Haroun Rachid, le chef des Abbassides, apprit depuis son scintillant palais de Bagdad le succès de Idriss et en fut profondément attristé au point de perdre le sommeil pendant de longues nuits. Il finit par trouver un moyen de mettre un terme à sa souffrance. Faute de ne pouvoir envoyer une armée au Maghreb à cause de la trop grande distance qui le séparait de cette région, il trouva en la personne d’un arabe du Hidjâz l’homme qu’il lui fallait.
Ce hidjâzi, à qui il promit entre autres merveilles le poste de Gouverneur, devait se rendre à Zarhouni afin d’empoisonner Idriss.
L’homme s’appelait Souleymane Ibn Jarîr et était plus connu sous le nom de Châmâkh. Il est arrivé au Maroc en Walilée (ville se situant près de Zarhouni) en 172 A.H. et mourut en 177 A.H.
Dés son arrivée à Zarhouni, il réussit à se faire adopter par Idriss. L’accent hidjâzi de son hôte enchantait tout naturellement Idriss et atténuait un petit peu la nostalgie qu’il nourrissait pour son terroir d’origine.
Le comportement un peu trop attachant de Châmâkh éveillait en Rachid de la méfiance et des soupçons fondés sur son expérience et les pratiques malignes des gens de cette époque. Il évitait ainsi toujours de laisser cet homme seul en compagnie de son protégé, Idriss.
L’histoire lui donnera malheureusement raison. Châmâkh réussit un jour, en effet, à tromper la vigilance de Rachid et mit du poison dans le verre de boisson qu’il tendit à Idriss. Après ce forfait il s’enfuit de la ville en compagnie de quelques complices venus avec lui. Ils prirent la direction de Khayrawân (actuelle Tunisie) non sans se faire rattraper par la garde de Idriss. Blessé, Châmâkh réussit tout de même à rejoindre le Hidjâz.
Le «trône» du descendant du Prophète était alors vide. Le peuple berbère de Rachid était devenu orphelin. Mais puisque l’épouse de Idriss était en état de grossesse depuis sept mois, le sage Rachid leur proposa alors d’attendre les deux mois qui restaient pour savoir si l’enfant qu’elle attendait était un garçon ou non. Dans le premier cas il serait leur futur chef. Dans le cas contraire, le peuple se choisira un chef parmi les berbères.
Les notables réunis pour la circonstance lui proposèrent d’être en attendant le chef intérimaire.
Deux mois plus tard, la veuve de Idriss mit au monde un garçon. On lui donna le nom de son père décédé: Idriss. Pour le distinguer de son père Idriss Al Akbar (le grand), on le surnomma Idriss Al Açghâr (le petit).
Rachid lui donna une éducation exemplaire d’Ahlul Bayt jusqu’à l’âge de onze ans. Idriss Al Açghâr était particulièrement brillant sur le plan intellectuel. Ses qualités morales et physiques n’en étaient pas moins extraordinaires.
C’est ainsi qu’à onze ans on lui confia l’avenir de tout un peuple. Il devint chef, avec à ses côtés le vieux Rachid.
Son intelligence, son savoir, son savoir-faire, sa foi, son intégrité mais aussi les circonstances l’aideront à faire pour l’Etat dont il avait la charge bien plus que ce que son défunt père avait fait.
Back | Index | Next |