Au nom de Dieu Clément et Miséricordieux

PREFACE

Le présent OUvre concerne l'œuvre essentielle de la sainte religion islamique, puisqu'il traite de la place du «Coran» dans l'univers islamique, qu'est-ce que le Coran et quelle valeur a-t-il auprès des Musulmans? Le Coran est le OUvre universel et éternel. Il est une révélation céleste et non pas un produit de la pensée humaine. Quel est le rapport du Coran avec les sciences, et quelles sont les caractéristiques du Coran?

Nous parlons en réalité d'un livre dont la valeur, le prestige et le caractère sacré n'ont jamais été mis en doute par aucun Musulman, bien que la religion islamique tout comme les autres grandes religions du monde souffre de divisions internes et de nombreux schismes religieux. En Islam on peut recourir à cet ouvrage pour soutenir n’importe quelle thèse.

C'est pourquoi le but de ce livre est de présenter la réalité du Coran conformément à la conception coranique elle-même et non d'après ce que nous en pensons; entre ces deux points de vue, il existe une grande différence.

Autrement dit, si la réalité que nous attribuons à tort ou à raison au Coran est contraire ou contradictoire à ce que dit le Coran lui-même, celle-ci n’aura aucune consistance, et si le Coran la passe sous silence, on ne saurait, eu égard à leurs dissensions, obliger tous les Musulmans à l'accepter. On ne peut tenir compte que d'une réalité définie par le Coran lui-même.

Par conséquent dans cette étude nous aurons à répondre à la question suivante: que dit le Coran à tel sujet? Et non à la question: que disons-nous à propos du Coran, nous qui avons embrassé tel rite, telle doctrine particulière parmi les différents rites islamiques?

PREFACE DE LEDITEUR

Nous avons l'honneur de présenter à nos chers lecteurs francophones la version française d'un important ouvrage, "le Coran dans l'Islam", écrit par l'une des plus hautes sommités islamiques con­temporaines, le célèbre Allamé Sayed Tabatabai, qui vint au monde à Tabriz (Iran) en 1282 de l'Hégire (1903) et décéda à Qom en 1360 (1981).

Allamé Tabatabaï eut une vie très féconde, une vie de recherche et de science durant laquelle il a touché à presque toutes les sciences islamiques: philosophie, métaphysique, fiqh (jurisprudence), commentaire du Coran, Tradition (hadiths), etc., ainsi qu’aux mathématiques et à l'architecture.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont parmi les plus importants, nous citerons:

- "Tafsir al-Mizan" (Commentaire de al-Mizan), qui est un commentaire du Coran en 20 volumes, rédigé en langue arabe. L’auteur déclare lui-même à ce sujet: "Nous commentons le Coran par le Coran et nous expliquons le sens d'un verset

par la justification d'un autre verset...Le Coran, comme il le déclare, explique toute chose. Or, un livre qui explique tout peut également se commen­ter lui-même."

-  "La Prophétie".

-  "Démonstration de l'Essence".

-  "Introduction à la Sagesse".

-  "La perfection de la Sagesse".

-  "Ali et la philosophie divine".

-  "L’Islam et l'Homme contemporain".

-  Le Coran dans l'Islam". Ainsi que beaucoup d'autres ouvrages et traités importants écrits dans le but de défendre l'Islam et de présenter aux cher­cheurs   son   véritable   aspect   philosophique   et doctrinal.

En effet, dans le présent ouvrage, "le Coran dans l'Islam", nous pouvons constater les diffé­rents traits et caractéristiques du Saint Coran, qui est le dernier message divin. Ce Message islamique se distingue, par ses traits particuliers, de tous les autres messages divins et de leurs caractéristiques: c'est ce qui fait de lui un événement unique dans l'historié.

Nous mentionnons ci-dessous, quelques-uns des traits caractéristiques du Coran:

1- Le Coran est resté intact dans le cadre de son texte et n'a jamais fait l'objet d'aucune altéra­tion ni de dénaturation, alors que les autres livres célestes antérieurs ont été altérés et vidés de beau­coup de leur contenu. Dieu a dit à ce propos: "Oui, c'est Nous qui avons fait descendre le Rappel. Cer­tes oui, et c'est Nous qui en sommes gardien". Coran XV, 9.

2- La sauvegarde du Coran, dans son texte etson esprit, signifie que la "Nubuwwa" (la prophé­tie) de Muhammad a conservé son plus importantmoyen de démonstration, car c'est le Coran, ainsique les principes du Message et de la législationqu'il exprime, qui constituait la démonstrationinductive de la "Nubuwwa" de Muhammad et desa mission de Messager. Cette démonstration continue d'être valable tant que le Coran demeure.

En revanche, les missions prophétiques dont la démonstration est liée à des événements surve­nus à un moment précis et rapidement disparus, tels la guérison du muet et du lépreux, sont difficile­ment démontrables, car les événements qui en témoignent ne sont connus que de ceux qui les avaient vécus, et une fois les témoins disparus avec le recul du temps et l'accumulation des siècles, il serait difficile de les vérifier d'une façon concluante à travers la recherche et l'investigation.

Démonstration de l'existence du Créateur à l'étude de l'Univers et à l'approfondissement de ses phéno­mènes et en attirant l'attention de l'Homme sur les avantages et les secrets que peut lui procurer cette étude, mais également parce que l'Homme moderne découvre dans ce Livre (révélé par Dieu à

3- Comme nous venons de le montrer, le reculdu temps n'entame donc pas la preuve fondamen­tale du Message islamique. Mieux, il assigne à cettepreuve de nouvelles dimensions dues à l'évolutiondu savoir humain et à la tendance de l'Homme àétudier l'Univers aux moyens de la science et del'expérience. Cela, non seulement parce que leCoran a précédé cette tendance en liant lui-même ladémonstration de l'existence du Créateur à l'étudede l'Univers et à l'approfondissement de ses phéno­mènes et en attirant l'attention de l'Homme sur lesavantages et les secrets que peut lui procurer cetteétude,   mais   également   parce que   l'Hommemoderne découvre dans ce Livre (révélé par Dieu à

Un homme analphabète il y a des centaines d'an­nées) des indices clairs de ce que la science moderne vient de découvrir.

4-    Ce Message englobait tous les aspects de lavie. C'est pourquoi il a pu les équilibrer, unifierleurs bases et réunir dans une formule complète lamosquée, l'Université, l'usine, la ferme...Grâce àlui, l'Homme ne vivait plus désormais dans un étatde  division  entre  sa  vie  spirituelle  et sa vietemporelle.

5- Ce Message est le seul message divin à avoirété appliqué par le Messager qui en a reçu la révélation­, à enregistrer dans le domaine de l'applicationun succès éblouissant, et à pouvoir transformer lesslogans qu'il a lancés en des vérités de la vie quoti­dienne des hommes.

Nous nous arrêterons ici afin de laisser à nos chers lecteurs le loisir de découvrir eux-mêmes les différents traits et caractéristiques du Sain Coran. Il est à espérer que ce livre sera favorablement accueilli et mis à profit par tous ceux qui aspirent à mieux connaître le Livre de Dieu, Le Coran, der­nier Message divin.

"Dis:" Si les hommes et les djinns s'unissaient pour produire quelque chose de semblable à ce Coran, ils ne produiraient rien qui lui ressemble, même s'ils s'aidaient mutuellement".

(Coran 17:88)

Direction de la Traduction et de la Publication Organisation de la Culture et des Relations Islamiques.

PREMIERE PARTIE

La valeur du Coran auprès des Musulmans

A- Le Coran trace les grandes lignes du programme de la vie humaine.

b - Le Coran est l'acte authentique de la prophétie.

A — Le Coran trace les grandes lignes de la vie humaine.

L'Islam qui assure mieux que toute autre religion le bonheur de la vie humaine, est parvenu aux Musulmans par la voie du Coran; et le contenu religieux de l'Islam qui consiste en un certain nombre de connaissances idéologiques et de lois morales et pratiques, a ses racines essentielles dans le Coran. Dieu Très-Haut dit: «Oui, ce Coran conduit dans une voie plus droite» (Coran, XVII, 9), et encore: «Nous avons fait descendre le Livre sur toi, comme un éclaircissement de toute chose» (Coran, XVI, 89).

Il est clair que nous trouvons les fondements des croyances religieuses, des vertus morales, et les grandes lignes des lois pratiques dans de nombreux versets au Coran que nous n'avons pas besoin de citer ici.

En réfléchissant sur les quelques notions qui suivent, on peut comprendre le vrai sens de cette phrase: «Le Coran concerne le programme de vie de l'humanité».

1 — Dans sa vie, l'homme n'a jamais d'autre but que son propre bonheur et bien-être; le bonheur et le bien-être, c'est la forme idéale de l'existence rêvée par l'homme, telle que la liberté, le confort, l'opulence etc..

Si l'on rencontre quelquefois des hommes qui renoncent à

Leur bonheur et leur bien-être, comme ceux qui mettent fin à leur vie par la suicide ou ceux qui se privent des bienfaits de la vie, on remarque que, pour certaines raisons, ils mettent précisément leur bonheur dans l'idéal qu'ils poursuivent. Celui qui choisit la vie ascétique et se prive des plaisirs matériels, trouve son bonheur dans ce qu'il a choisi.

L'activité de la vie humaine vise donc toujours la conquête du bonheur, que celui-ci soit discerné correctement ou non.

2 - L'activité de la vie humaine ne se réalise jamais sans programme. Ceci est évident, et si quelquefois cela échappe à l'attention, c'est par excès l'évidence, car, d'une part, l'homme agit par sa volonté et son désir, en conséquence de quoi, tant qu'en raison des circonstances du moment, il ne juge pas une œuvre «réalisable» il n'entreprendra pas celle-ci, c'est-à-dire qu'il accomplit toute chose suite à un ordre personnel, et d'autre part, ce qu'il fait, il le fait pour «soi-même», pour satisfaire ses besoins tels qu'il les comprend, en conséquence de quoi il existe un lien direct entre tous ces actes.

Boire et manger; dormir et veiller, s'asseoir et se lever, aller et venir etc., chacun de ces actes exige un lieu et une mesure,chacune est nécessaire ou utile dans telle situation; superflu ou nuisible dans telle autre. Dès lors tout acte est accompli d'après un ordre intérieur dont la généralité est tenue en réserve dans l'intellect humain et dont le détail se réalise selon les cas concrets.

Chaque individu humain ressemble dans l'accomplissement de ses actes personnels à un pays dont l'activité des citoyens est régie par des lois, des traditions et des coutumes déterminées, et dont les forces actives ont le devoir d'accorder d'abord leurs activités aux règles exécutoires et ensuite de les accomplir.

Les activités sociales d'une société ressemblent également à celles de l'individu: elles doivent toujours être gouvernées par certaines règles et certains usages reconnus par la majorité des citoyens, faute de quoi, la société, atteinte par le désordre, se désagrège dans les plus brefs délais.

En définitive, s'il s'agit d'une société religieuse, ce sera l'ordre religieux qui dominera, s'il s'agit d'une société laïque et civilisée, celle-ci conformera ses activités à la loi, et s'il s'agit d'une société non religieuse, non civilisée, barbare, celle-ci suivra les usages introduits et imposés par un gouvernement autocrate et despotique ou encore des coutumes dues à la rencontre et l'interaction de diverses opinions dans la société.

Ainsi l'homme ne peut s'empêcher d'avoir un but dans ses activités personnelles ou sociales et de le poursuivre par des moyens convenables. Il ne peut éviter de mettre en pratique les normes qui constituent son plan d'action.

Confirmant cette opinion, le Coran dit également: «II y a pour chacun une Direction vers laquelle il se trou ne. Cherchez a vous surpasser les uns les autres, dans les bonnes actions afin d'atteindre le but de cette Direction» (Coran, 11, 148).

Fondamentalement, pour le Coran la religion signifie les nonnes de la vie; ni le croyant ni l'infidèle, ni même celui qui nie l'existence du Créateur n'est dépourvu de religion, car la vie humaine ne saurait se passer de norme, que celle-ci provienne de la Prophétie et de la Révélation, ou qu'elle provienne des conventions humaines.

Dieu Très-Haut, décrivant les adversaires de la religion divine, à quelque catégorie qu'ils appartiennent, parle de «ceux qui détournent les hommes de la voie de Dieu (la voie de la vie natu­relle) et qu'ils veulent la rendre tortueuse» (Coran, VII, 45).

3 - La norme de vie la meilleure et la plus ferme est celle vers laquelle l'homme est conduit par création, et non celle qui provient des sentiments individuels ou sociaux. Si nous examinons chaque partie de la création, nous verrons que son être comporte un but, une fin, vers laquelle elle tend dès le premier jour de sa création et qu'elle emprunte le chemin le meilleur et le plus court pour parvenir à cette fin; dans sa structure, elle est pourvue, intérieurement et extérieurement, des moyens propres à atteindre sa fin, moyens qui sont à l'origine de ses diverses activités. Le procédé de la création est le même pour chaque créature, animée ou non.

Prenons à titre d'exemple une pousse de blé: dès son apparition, lorsque, dans son lit de terre, elle germe avec sa pointe verte, elle tend vers la formation d'une plante, le blé, muni de nombreux épis et pourvu de facultés qui lui permettent d'absorber les éléments de la terre et de l'air dans des proportions particulières et ainsi d'intégrer ceux-ci à son propre être qui croit

La Religion en vrai croyant et selon la nature que Dieu a donnéaux hommes, en les créant: II n'y a pas de changement dans lacréation  de  Dieu.  Voici la  Religion  immuable»                   (Coran,

XXX, 30). Et encore: «La Religion, aux yeux de Dieu, est vraiment la Soumission» (Coran, III, 19). Par cela il veut dire:

La religion, la manière de vivre qui plaît à Dieu, c'est de se soumettre à Sa volonté, c'est-à-dire à Sa création qui invite l'homme à observer certaines règles particulières. Il dit: «Le culte de celui qui recherche une religion en dehors de l'Islam (la soumission à la volonté de Dieu) n'est pas accepté» (Coran, 111,85).

La conclusion des versets précités — ainsi que d'autres du même genre — est que Dieu Très-Haut oriente chacune de Ses créatures, y compris l'homme, vers le bonheur et sa fin créée particulière, par voie de création; le vrai chemin pour l'homme dans sa vie c'est le chemin où la création l'appelle et les règles que l'homme doit appliquer dans sa vie privée et sociale, sont celles vers lesquelles la nature humaine le conduit, mais non celles qui lui sont dictées par ses passions et ses désirs charnels.

La religion naturelle exige que les facultés de l'être humain ne soient pas supprimées, mais qu'il soit fait droit à chacune d'entre elles, que les puissances opposées, telles que les diverses facultés affectives déposées en l'homme s'équilibrent et que chacune d'entre elles soit autorisée à agir, dans la mesure qu'elle ne dérange pas les autres.

Enfin la raison doit gouverner l'individu humain et non les passions ou les sentiments contraires au bon sens; le droit et le vrai bien de la communauté doivent dominer la société et non pas les caprices d'un despote, ni même la volonté de la majorité si celle-ci est en conflit avec le droit et le vrai bien de la communauté.

De ce que nous avons dit, on peut tirer une autre conséquence: le domaine de la législation n'appartient qu'à Dieu, et nul autre que Lui n'est digne de légiférer, de déterminer règlements et devoirs, car, comme on vient de le montrer, seuls les préceptes et les lois déterminés par la création peuvent conduire l'homme dans le droit chemin. Autrement dit, il y a des raisons et des motifs internes et externes qui invitent l'homme à leur application de manière contraignante, parce que c'est Dieu qui les veut. Dire que «Dieu veut quelque chose» signifie que Dieu a suscité les causes et les conditions nécessaires à l'accomplis­sement de cette chose. Bien entendu les causes et les conditions sont parfois telles qu'elles provoquent inévitablement l'apparition de certaines choses telles que les événements naturels ordinaires, dans ce cas on appelle la volonté divine, «volonté créatrice».

Quelquefois elles sont telles qu'elles impliquent la libre décision de l'homme, comme pour boire et manger; dans ce cas on appelle la volonté divine, «volonté législatrice». Dieu Très-Haut dit à plusieurs reprises dans le Coran: «Le jugement n'appartient qu'à Dieu» (Coran, XII, 40 et 67).

Après ces considérations, il faut remarquer que, prenant celles-ci en compte lorsqu'il fait remarquer que l'homme a un but (le bonheur) dans sa vie, qu'il doit faire effort pour y arriver et que cet effort ne peut aboutir sans un programme, le Coran nous enseigne également qu'il faut chercher ce programme dans le livre de la nature et de la création, autrement dit dans les enseignements divins.

Tenant compte de cela, le Coran établit le programme de la vie humaine de la manière suivante: Comme base du programme il établit la connaissance de Dieu, et reconnaît dans la croyance en l'Unicité divine le premier fondement de la religion. Puis, de la connaissance de Dieu, le Coran conclut à l'eschatologie (croyance au jour de la Résurrection où la récompense ou la punition seront données en rétribution à l'acte bon ou mauvais): c'est le deuxième principe. Ensuite, de l'eschatologie il conclut à la prophétologie, car la rétribution des œuvres bonnes ou mauvaises ne se réalise pas sans que l'homme n'ait pris connaissance des devoirs de l'obéissance, du péché, du bien et du mal, et cela, grâce à la Révélation et à la Prophétie, comme nous allons l'expliquer: c'est le troisième principe. Les trois principes cités: — la croyance en l'Unicité de Dieu, à la Prophétie et à la Résurrection — consti­tuent les principes de base de la religion islamique.

Puis viennent les principes moraux et les vertus en rapport avec les trois principes énoncés ci-dessus, et dont le véritable croyant doit être qualifié. Ensuite, le Coran établit les lois pratiques qui doivent garantir réellement le véritable bonheur, promouvoir les bonnes mœurs, et avant tout conduire à l'épanouis­sement des croyances véritables et des principes fondamentaux.

Car on ne peut admettre qu'un libertin, un voleur; un traître ou un escroc puisse être en même temps honnête, ou qu'un homme avare  qui refuse aux gens leur juste droit puisse être généreux, ou qu'un homme qui néglige l'adoration de Dieu et ne pense même pas une fois par semaine ou par mois à son Créateur puisse avoir foi en Dieu ou au jour de la Résurrection et être considéré comme un serviteur de Dieu.

Ainsi les bonnes mœurs gardent leur vitalité grâce à une série d'actes et de comportements correspondants; et il en va de même des bonnes mœurs par rapport aux croyances fondamentales. On ne peut, par exemple, s'attendre à trouver chez celui qui ne connaît rien d'autre qu'orgueil, fierté, égoïsme et amour-propre, la foi en Dieu ou l'humilité face à la Seigneurie divine; de même que celui qui durant toute sa vie a tout ignoré de l'équité, de la mansuétude, de la pitié et de l'affection ne saurait croire au jour de la Résurrection et du Jugement.

Dieu Très-Haut a dit à propos du rapport entre les croyances véritables et les bonnes mœurs - qui sont en quelque sorte des croyances -: «La parole excellente monte vers Lui et II élève l'œuvre bonne» (Coran, XXXV, 10).

Et au sujet du rapport entre les croyances et la pratique il dit: «Leurs prophètes leur avaient apporté des preuves évidentes (aux incrédules). Ce n'est pas Dieu qui les a lésés, ils se sont fait tort à eux-mêmes» (Coran, XXX, 10).

Bref, le Coran contient les bases fondamentales de l'Islam qui se regroupent en trois parties générales:

1-    Les   principes   des  croyances islamiques,  dont  les troisprincipes religieux: l'Unicité de Dieu, la prophétie, la résurrectionainsi que des croyances dérivées de celles-ci, telles que la foi en laTable gardée (tabula sécréta), les anges, le Ciel, le trône de Dieu, la création du ciel et de la terre, etc.

2-    Les bonnes mœurs, les conduites vertueuses.

3-    Les préceptes légaux et les lois pratiques de la religion quele Coran a énoncé clairement en leurs lignes générales et dont leProphète vénéré a été chargé d'exprimer le détail; le Prophète àson tour - selon le hadith (tradition) intitulé «Les Deux grandesChoses»   et  que  toutes les sectes musulmanes ont fidèlementtransmis   -  a  établi  les  membres  de  sa  famille   comme  sessuccesseurs et suppléants dans l'explicitation de la Loi (1).

La Parole de Dieu (Kalâm-Allah), ordonne au Prophète de recourir au témoignage de Dieu, c'est-à-dire à l'affirmation du Coran lui-même pour démontrer sa vocation prophétique. Les incrédules disent : «  Tu n’es pas un envoyé ! » Dis : Dieu suffit comme témoin entre moi et vous ; Lui qui possède la Science du Livre » (Coran XIII, 43). Ailleurs, en plus de l’attestation divine, il cite le témoignage des anges : « Dieu témoigne qu’Il a révélé avec Sa science tout ce qu’Il t’a révélé. Les Anges en témoignent…Dieu suffit comme témoin » (Coran, IV, 166).

a- Le Coran est un livre universel

Dans son enseignement, le Coran ne se limite pas à un seul peuple,.tel que le peuple arabe, ou à une seule communauté, telle que la communauté musulmane, mais il s'adresse aussi bien aux non musulmans qu'aux Musulmans. Il s'adresse en effet fréquemment aux incrédules, aux païens, aux "gens du Livre", aux Israéliens, aux Chrétiens, et argumente avec chacun d'eux, les invitant à embrasser ses enseignements véridiques.

Le Coran discute avec chacune de ces communautés et les invite à rejoindre l'Islam, sans jamais mettre comme condition le fait d'être arabe. C'est ainsi qu'il parle des païens - les idolâtres - en ces termes: "Mais s'ils se repentent, s'ils s'acquittent de la prière, s'ils font l'aumône, ils deviennent vos frères en religion" (Coran, sourate l'Immunité, verset 11), et au sujet des "gens du Livre" - les Israélites les Chrétiens, les zoroastriens (qui sont eux aussi au nombre des gens du Livre) - te Coran s'exprime ainsi: "Venez à une parole commune entre nous et vous: nous n'adorons que Dieu; nous ne Lui associons rien; nul parmi nous ne se donne de Seigneur, en dehors de Dieu" (Coran, sourate la Famille de 'Imran, verset 64). Comme on le voit, le Coran n'a jamais dit: "Si les idolâtres arabes se repentent"; il ne dit pas non plus: "Oh! Gens du Livre de la race arabe".

A l'aube de l'Islam, alors que l'appel de l'Islam n'avait pas encore gagné d'autres régions que l'Arabie, le Coran s'adressait évidemment à la communauté arabe, mais à partir de la sixième année de l'Hégire, quand cet appel se répandit en dehors de l'Arabie, il n'y eut plus aucun motif de limitation.

D'ailleurs, d'autres versets encore font allusion à l'universalité de cet appel, tels que les versets: "... Ce Coran m'a été révélé pour que je vous avertisse, vous et ceux auxquels il est parvenu..." (Coran, sourate les Troupeaux, verset 19). "Ceci n'est qu'un Rappel adressé aux mondes" (Coran, Sourate le Calamc. verset 52) "C'est un avertissement pour les mortels" (Coran, sourate Celui qui est revêtu d'un manteau, verset 36).

D'après l'histoire également, certains adeptes des différentes religions tels que les idolâtres, les Juifs, les Chrétiens, et les disciples des autres communautés religieuses comme Salman le Perse, Sahaïb de Byzance et Belal d'Abyssinique ont résolument embrassé l'Islam.

b - Le Coran est un livre total

Le Coran présente la fin dernière de la vie humaine et il exprime celle-ci d'une manière parfaitement achevée, car la fin de la vie humaine, considérée avec réalisme, consiste en l'acquisition d'une vision intégrale du monde et en l'application des principes moraux et des règles pratiques dérivant de cette même vision; or le Coran contient une description parfaite de cette fin.

Le Dieu Très-Haut dit en ce sens: "II (le Coran) guide vers la Vérité et vers un chemin droit" (Coran, sourate aPAhqaf, verset 30). Et ailleurs, après avoir parlé de la Bible et de l'Evangile, il déclare: "Nous t'avons révélé le Livre et la Vérité, pour confirmer ce qui existait du Live, avant lui..." (Coran, sourate la Table servie, verset 48).

Et encore, concernant le fait que le Coran contient en réalité les lois apportées par les prophètes antérieurs, il dit: "II a établi pour vous, en fait d'obligation religieuse, ce qu'il avait prescrit à Noé; ce que Nous te révélons et ce que Nous avions prescrit à Abraham, à Moïse et à Jésus..." (Coran, sourate la Délibération, verset 13). En un mot, il déclare: "Nous t'avons envoyé le Livre pour expliquer toute chose..." (Coran, sourate les Abeilles, verset 89).

La signification des versets que nous venons de citer, c'est que le Coran comprend en réalité le sens de tous les Livres révélé set même plus, que coût ce que l'homme doit croire et pratiquer pour parvenir au bonheur se trouve intégralement et parfaitement exprimé dans ce Livre.

c - Le Coran est un livre éternel

Ce que nous avons dit plus haut suffit à prouver cette assertion, car la validité et la vérité de ce qui est affirmé d'une chose de manière absolue ne saurait être limitée dans le temps et l'espace; or, le Coran s'affirme comme intégral et parfait et il n'existe rien au-delà de la perfection. Le Très-Haut a dit: "Voici, vraiment, une Parole décisive, et non pas un discours frivole" (Coran, sourate l'Astre nocturne, verset 14).

De même, les connaissances de foi sont la pure vérité et la réalité absolue, alors que les principes moraux et les règles

Pratiques enseignées par le Coran sont authentiquement dérivés de ces mêmes vérités stables ; de telles choses ne sauraient être abrogées ou supprimées avec le temps. Le Très-Haut dit : «  Nous avons fait descendre ceci (le Coran) avec la Vérité ; il est descendu avec la Vérité » (Coran sourate le Voyage Nocturne, verset 105), ce qui signifie que, pas plus lors de sa révélation dans le temps, que dans sa subsistance éternelle, il ne n’est éloigné de la vérité.

Il dit encore : «  Qu’y a-t-il en dehors de la Vérité, sinon l’erreur ? »  (Coran, sourate Jonas, verset 32). Autrement dit, si vous vous détournez de la Vérité, il ne vous reste que l’erreur.

  Et ailleurs, Il déclare de manière générale au sujet de Son Livre :

« …Voici un Livre précieux. L’erreur ne s’y glisse de nulle part » (Coran, Sourate les Versets clairement exposés, verset 42).

   Le Coran est un livre précieux qui rejette vivement toute critique, l’erreur ne lui vient de nulle part- c’est-à-dire ni du présent, ni de l’avenir- ce Livre n’est pas et ne sera pas périssable, ni abrogeable.

   On a souvent discuté l’éternité des préceptes coraniques, et de fait cela peut se discuter ; cela dépasse toute fois le propos du présent ouvrage, qui concerne la réalité du Coran aux yeux des Musulmans, telle que le Coran lui-même l’exprime.

d- Le Coran est autonome dans sa signification

   Le Coran, qui est une sorte de discours, révèle son intention, comme le fait tout autre discours ordinaire, en livrant son sens. Il n’est jamais obscur dans sa signification, il n’y a aucune raison extérieure qui attribue au Coran une autre signification que son sens littéral dans la langue arabe.

   Le Coran n’est pas obscur dans sa signification car tout un chacun qui connaît le vocabulaire arabe comprend aisément le sens des phrases et des versets coraniques, tout comme il comprend le sens de tout autre discours arabe.

       De plus nous rencontrons de nombreux versets coraniques qui

s adressent à un groupe particulier tel que les juifs, les croyants et les incrédules et parfois le monde en général, pour leur signifier quelque chose, discuter avec eux ou riposter en exigeant d'eux, s'ils doutent que le Coran soit la Parole de Dieu,d'apporter un livre semblable à

ce dernier; il serait évidemment absurde de s'adresser aux hommes en mots inintelligibles, de même qu'on ne saurait admettre qu'il soit exigé d'apporter quelque chose de semblable à un livre dénué de sens.

Le Très-Haut déclare encore: "Ne vont-ils pas méditer le Coran? Ou bien les cœurs de certains d'entre eux sont-ils verrouillés?" (Coran, sourate Mohammad, verset 24), et ailleurs: "Ne méditent-ils pas sur le Coran? Si celui-ci venait d'un autre que Dieu, ils y trouveraient de nombreuses contradictions" (Coran, sourate les Femmes, verset 84).

Des versets affirment clairement que le Coran admet la réflexion en vue de le comprendre et de résoudre les divergences entre certains versets, telles qu'elles apparaissent à un premier regard superficiel. Il est évident que si les versets coraniques ne révélaient pas leur sens, il serait vain de les méditer ou de tenter de résoudre leurs divergences apparentes.

Quant à mettre en cause la valeur probante des prétentions exotériques du Coran, il n'y a aucun argument externe qui le permette, car un tel argument n'existe pas.

Certes, certains ont dit que pour comprendre le sens voulu par le Coran, il faut se référer exclusivement aux explications du Prophète ou à celles des membres de sa famille.

Mais on ne saurait admettre cela, car la validité des explications du Prophète et des Saints Imams de sa famille doit à son tour être dégagée du Coran; comment peut-on alors imaginer que la validité des arguments coraniques puisse dépendre de leurs explications, alors que pour établir le principe de la mission prophétique et de l'Imamat on doit recourir au même Coran, lequel est l'acte authentique de la prophétie.

Ce   que   nous   venons   de   dire   n'est  assurément  pas  en contradiction avec la mission qui incombe au Prophète et aux membres de sa famille d'expliquer le détail des règles et de la loi divines, qui ne se dégagent pas clairement du texte coranique lui-même.

Ils avaient aussi l'autorité pour enseigner les connaissances contenues dans le Livre Sacré, ainsi qu'il ressort des versets suivants: "Nous avons envoyé les prophètes avec des preuves irréfutables et les Ecritures" (Coran, sourate les Abeilles, verset 44).

"Prenez ce que le Prophète vous donne, et abstenez-vous de ce qu'il vous interdit" (Coran, sourate le Rassemblement, verset 7); "Nous n'avons envoyé un Prophète que pour qu'il soit obéi..." (Coran, sourate les Femmes, verset 64); «C'est Lui qui envoyé aux infidèles un Prophète pris parmi eux qui leur communique Ses versets,qui les purifie, qui leur enseigne le Livre et la sagesse...» (Coran, sourate le Vendredi, verset 2).

D'après les versets que nous venons de citer, le Prophète est l'interprète du détail et aussi de l'ensemble de la Loi divine, il est le divin maître du Coran. Suivant un récit traditionnel fréquemment rapporté, connu sous le titre "Les deux grandes choses", le Prophète a élu les Saints Imams de sa famille comme successeurs pour continuer sa mission de commentateur du Coran. Cela n'est pas incompatible avec le fait que d'autres, en recourant à un sens des choses apprises de maîtres authentiques, peuvent également comprendre la signification exotérique des versets coraniques.

e - Le Coran a un sens exotérique et un sens ésotérique

Le Très-Haut déclare dans Sa parole: "Adorez Dieu! Ne Lui associez rien!" (Coran, sourate les Femmes, verset 36). Dans son sens exotérique ce verset interdit l'adoration des idoles, ainsi que le déclare le Tout-puissant: "Evitez la souillure des idoles; évitez les paroles fausses" (Coran, sourate le Pèlerinage, verset 30). Mais à la réflexion on se rend compte que l'idolâtrie a été interdite du fait qu'elle implique humilité et obéissance à l'égard d'un être autre que Dieu, alors que seul le Seigneur adorable n'a point les caractères d'une idole. C'est ainsi que le Très-Haut appelle l'obéissance à Satan, une adoration: "O fils d'Adam! Ne vous ai-Je pas engagés à ne pas adorer le Démon - il est votre ennemi déclaré- " (Coran, sourate Ya.Sin, verset 60).

Par un autre raisonnement on s'aperçoit qu'il n'y a pas de différence pour l'homme entre se soumettre à un semblable et se soumettre à toute autre chose, et puisqu'il ne faut obéir à rien d'autre que Dieu, il faut se garder de servir ses propres passions face au Créateur; c'est pourquoi le Seigneur dit: "N'as-tu pas vu celui qui prend sa passion pour une divinité?" (Coran, sourate Celle qui est agenouillée, verset 23).

Une méditation plus approfondie fera apparaître que l'homme ne doit prêter attention à rien d'autre que Dieu, car ce serait accorder de l'indépendance à un être qui n'est pas Dieu; et se prosterner devant une créature, ce serait lui accorder foi et adoration. Le Tout-puissant affirme: "Nous avons destiné à la Géhenne un grand nombre de djinns et d'hommes... Voilà ceux qui sont insouciants" (Coran, sourate al'Araf, verset 179).

Comme on le voit, le verset "ne reconnaissez pas de semblables pour Dieu" veut dire à première vue que l'homme doit se garder d'adorer des idoles, mais en scrutant plus loin nous comprenons que l'homme ne doit adorer personne en dehors de Dieu; et à un degré plus profond de réflexion, il apparaît que l'homme doit se garder de suivre ses propres désirs; et finalement on arrive à l'idée qu'il ne faut pas se laisser distraire de Dieu et prêter attention à quoique ce soit en dehors de Lui.

On peut dégager de la sorte un sens simple et élémentaire d'un verset et en tirer un sens plus profond, et ainsi de suite, à travers tout le Coran. En méditant cela, nous comprenons le sens de la parole bien connue de Prophète, conservée dans les recueils de Hadiths (récits traditionnels) et les commentaires du Coran:«Certes le Coran a un exotérisme et un ésotérisme, cet ésotérisme renferme à son tour un autre ésotérisme jusqu'à soixante-dix ésotérismes» (Tafsir-e-Sâfi, un commentaire du Coran, préface 8ème, et Safinat-al-Béhâr, Article "l'ésotérisme").

D'après ce qu'on vient de dire, le Coran a un sens exotérique et un sens ésotérique (en d'autres termes, un dedans et un dehors), qui tous deux sont voulus par le Coran. Le sens exotérique ne nie pas le sens ésotérique, pas plus que le sens ésotérique n'altère le sens exotérique.

f - Pourquoi le Coran s'exprime-t-il à la fois de la manière exotérique et de manière ésotérique?

1 - L'homme dans sa vie primitive, qui n'est que temporelle et provisoire, ressemble à une bulle apparue à la surface d'une mer immense, en proie aux flots de cette mer et aux prises avec la matière, dans toutes ses activités.

Ses sens extérieurs et intérieurs sont entièrement tournés vers la matière et les choses matérielles, et même ses pensées sont toutes liées aux données des sens: manger, boire, s'asseoir, se lever, parler, entendre, aller, venir, bouger se reposer; bref toutes les activités de la vie s'appliquent à la matière, de sorte que l'homme ne pense qu'à elle.

Et si quelquefois l'homme forme certains concepts tels que l'amitié, l'inimitié, le courage moral, la dignité du rang etc.… Le plus souvent il en conçoit le sens d'après des modèles matériels. C'est ainsi qu'il se représente la douceur de la victoire en la comparant au sucre, l'attrait de l'amitié en le comparant à l'attraction magnétique, la magnanimité en la comparant à la hauteur d'un lieu ou l'élévation d'une étoile, ou encore la dignité en la comparant à la hauteur d'une montagne ou de quelque chose de semblable.

D'autre part, les esprits diffèrent quant à leur capacité de concevoir les choses abstraites dépassant les limites de la matière. Certains sont absolument incapables de se représenter des choses abstraites; d'autres en sont plus ou moins capables, et ainsi de suite jusqu'aux esprits qui saisissent avec la plus grande aisance les abstractions les plus élevées.

En tout état de cause, plus un esprit est apte à saisir des concepts immatériels plus sa dépendance par rapport au monde matériel et à ses apparences trompeuses est réduite. Et de même, plus cette dépendance est réduite, plus son aptitude à comprendre des concepts immatériels se développe; cela n'empêche pas tous les hommes, eu égard à la nature humaine qui est la leur, d'être capables de comprendre de tels concepts, et, s'ils ne détruisent pas en eux cette aptitude d'être éducables en ce sens.

2 - De ce que l'on vient de dire il ressort que l'homme, au risque d'aboutir à un résultat inverse, ne peut pas imposer à ceux qui lui sont inférieurs, les connaissances propres à son rang, en particulier s'il s'agit d'idées qui appartiennent à un niveau plus haut que la matérialité: on ne peut les imposer à l'esprit du vulgaire, lequel ne peut comprendre ce qui dépasse les sens et le monde sensible; ce serait manquer totalement le but.

A titre d'exemple, nous pouvons mentionner ici la religion des idolâtres hindous. Si l'on médite attentivement les Upanisads indiennes du Veda sous tous leurs aspects et en expliquant les diverses parties des unes par les autres, on s'aperçoit qu'elles ne visent   pas   autre   chose   que   le   monothéisme.   Mais   lorsque

Malheureusement le Veda s'exprime à découvert et veut mettre le monothéisme des Upanisads à la portée du vulgaire, il ne parle plus que d'idolâtrie et de dieux multiples.

Il faut donc de toute façon voiler les mystères métaphysiques aux esprits mondains.

3 - Alors que certains adeptes des religions autres que l'Islam sont privés des avantages de la religion, telles que les femmes chez les Hindous, les Juifs et les Chrétiens,ou le commun du peuple à qui est interdite la connaissance des Livres sacrés, chez les idolâtres hindous et les Chrétiens,l'Islam, au contraire, ne prive personne des privilèges de la religion: tous ses adeptes, le commun aussi bien que les blancs, peuvent jouir en toute égalité des biens de la religion, comme le Très-Haut l'a dit: "... Je ne laisse pas perdre l'action de celui qui, parmi vous, homme ou femme, agit bien. Vous dépendez les uns des autres" (Coran, sourate la Famille de 'Imaran, verset 193), et ailleurs: "O vous, les hommes! Nous vous avons créé d'un mâle et d'une femelle. Nous vous avons constitués en peuples et en tribus pour que vous vous connaissiez entre vous. Le plus noble d'entre vous, auprès de Dieu, est le plus pieux d'entre vous" (Coran, sourate les Appartements privés, verset 13).

Ces prémisses énoncées, nous reconnaissons que le Coran, bien que, dans son enseignement, celui-ci tienne compte de la nature humaine et considère tout individu humain de par sa nature même, comme éducable et perfectible, le Coran, donc, a propagé son enseignement dans l'humanité entière.

Les esprits étant fort différents dans leur capacité de compréhension des choses spirituelles, et, comme on vient de le dire, la transmission des connaissances supérieures n'allant pas sans danger, le Coran a adapté son enseignement aux esprits les plus simples, c'est-à-dire l'esprit du commun du peuple, et s'est exprimé dans le langage le plus simple.

Bien entendu une telle méthode a pour résultat que les connaissances spirituelles supérieures sont exprimées dans un langage simple et populaire et que la forme extérieure des mots formule des sujets et des devoirs qui se situent au rang des sens et du sensible; ainsi les concepts spirituels sont voilés derrière les apparences, et ne se manifestent aux différents esprits qu'en proportion de leur aptitude: chacun les saisit selon sa capacité de compréhension.

Le Très-Haut a dit dans Sa parole: "Oui, Nous en avons fait un Coran arabe!... Il existe auprès de Nous, sublime et sage, dans la Mère du Livre" (Coran, sourate l'Ornement, versets 2-3).

Il cite encore un autre exemple à propos du vrai et du faux, et de la capacité de compréhension des esprits: "II fait descendre une eau du ciel. Elle coule dans les vallées à la mesure de leur capacité..." (Coran, sourate le Tonnerre, verset 18).

Le Prophète vénéré dit dans un hadith célèbre: "Nous autres, les prophètes, nous parlons aux gens en proportion de leur intelligence".

Une autre conclusion que l'on peut tirer de cette méthode c'est que les expressions coraniques, eu égard à leur sens ésotérique, apparaissent comme autant de paraboles: par rapport aux connaissances transcendantes incommensurablement supérieures à l'esprit du commun, elles sont des paraboles visant à mettre ces connaissances à la portée des esprits. "Voilà des exemples que Nous proposons aux hommes, mais ceux qui savent sont seuls à les comprendre" (Coran, sourate l'Araignée, verset 42).

Le Coran cite de nombreux exemples, mais les versets rapportés ci-dessus et tous les versets semblables sont catégoriques. Par conséquent, il faut dire que toutes les expressions coraniques ont valeur de parabole par rapport aux connaissances supérieures que le Coran a véritablement en vue.

g - Le Coran contient des versets "clairs" et des versets "ambigus"

Le Très-Haut dit dans Sa parole: "Voici un Livre dont les versets ont été confirmés, puis expliqués de la part d'un Sage parfaitement informé" (Coran, sourate Houd, verset 1). "Dieu a fait descendre le plus beau des récits: un Livre dont les parties se ressemblent et se répètent. La peau de ceux qui redoutent leur Seigneur en frisonne..." (Coran, sourate les Groupes, verset 23).

"C'est Lui qui a fait descendre sur toi le Livre. On y trouve des versets clairs - la Mère du Livre - et d'autres obscurs. Ceux dont les coeurs penchent vers l'erreur, s'attachent à ce qui est obscur, car ils recherchent la discorde et ils sont avides d'interprétations; mais nul autre que Dieu ne connaît l'interprétation du Livre. Ceux qui sont enracinés dans la Science disent:

"Nous y croyons! Tout vient de notre Seigneur!" (Coran, sourate la Famille de 'lmran, verset 7).

Comme il apparaît, le premier verset considère tout le Coran comme "'clair"; il entend par cela la fermeté, la valeur inaltérable de ce livre. Le second verset par contre, déclare l'ensemble du Coran comme analogique; et, bien sûr, ce qu'il envisage ici, c'est l'égalité des versets coraniques dans la beauté du style, la délicatesse du ton, l'extraordinaire puissance d'expression qui animent tout le Coran.

Le troisième verset, que nous considérons dans le présent chapitre, divise le Coran en deux parties, à savoir les versets "clairs" et les versets "ambigus'"'; il s'ensuit dans l'ensemble que:

1 - Le verset clair, c'est celui dont le sens est évident et certain etne saurait prêter à erreur; alors que le verset ambigu est le contraire.

2 - Tout croyant, tout homme fidèle à sa foi a le devoir de croireaux versets clairs et de les mettre en pratique; il doit aussi croire auxversets ambigus mais il doit se garder de les mettre en pratique. Seulsles hommes au cœur  égaré et à la pensée dévoyée mettent en pratiqueles versets ambigus dans le but de tromper les gens et de transgresserl'interprétation juste du Coran.

Le sens des versets "clairs" et celui des versets "ambigus" d'après les exégètes et les docteurs de la religion

II y a d'étonnantes dissensions entre les théologiens islamiques au sujet du sens à donner aux versets clairs et aux versets ambigus du Coran. Nous pouvons trouver plus ou moins vingt opinions à ce sujet.

Il est incontestable que les exégètes du Coran depuis l'aube de l'Islam, considèrent comme "clairs" les versets dont la signification est évidente et sans équivoque. Il faut croire fermement en de tels versets et les mettre en pratique; tandis que les versets ambigus sont ceux dont le sens apparent n'est pas le sens visé; leur véritable signification, leur sens caché nul ne le sait que Dieu seul; jamais l'homme ne pourra y avoir accès. Il est nécessaire de prêter foi en de tels versets, sans toutefois les mettre en pratique.

Cette thèse est répandue aussi bien chez les théologiens sunnites que chi'ites. Mais ces derniers estiment que le Prophète et également les Imams, membres de sa famille, sont en mesure de

Connaître le sens caché des versets ambigus; mais le commun des croyants, privé de cette connaissance, doit s'en référer à Dieu, au Prophète et aux Saints Imams.

Cette doctrine, quoique soutenue par la plupart des théologiens et exégètes, ne concorde pas, à plusieurs points de vue avec le texte du verset suivant: "C'est Lui qui a fait descendre sur toi le Livre. On y trouve des versets clairs - la Mère du Livre - et d'autres obscurs... ", Car tout d'abord on ne connaît dans le Coran aucun verset dont on ne puisse absolument pas découvrir le sens. De plus le Coran se définit lui-même comme lumière, guide, explication; ce sont là des attribues qui vont à rencontre de l'équivocité et de l'ambiguïté.

D'ailleurs le verset: «Ne méditent-ils pas sur le Coran? Si celui-ci venait d'un autre que Dieu, ils y trouveraient de nombreuses contradictions» (Coran, sourate les Femmes, verset 82) conseille de méditer le Coran pour écarter toute dissension; alors qu'on ne peut, par définition, écarter toute divergence dans l'interprétation des versets ambigus au moyen de la réflexion.

On pourrait dire qu'on entend par versets ambigus les lettres isolées mises au commencement de certaines sourates telles que alef-lâm-mîm, alef-râ, hâ-mîm, dont on ne saurait comprendre le véritable sens.

Mais il faut remarquer que le verset en question oppose les versets ambigus aux versets clairs, ce qui suppose qu'il s'agit de mots, dont le sens peut être ambigu, alors que les lettres isolées du début de certaines sourates ne forment pas de mots.

En outre, ce verset déclare apparemment que certains égarés font mauvais emploi des versets ambigus dans le but de fourvoyer les hommes. Or en Islam, on n'a jamais entendu ni vu quelqu'un abuser des lettres isolées du Coran ni de leur interprétation allégorique; ou s'ils l'ont fait, ils ont abusé de tout le Coran, et non seulement des lettres en question.

Certains ont dit que le sens spirituel des versets ambigus fait allusion à une légende fort connue, suivant laquelle les Juifs voulaient conclure des lettres isolées la durée de l'Islam; le Prophète récitant le début des sourates les unes après les autres déjoua leur plan.

Cette interprétation est illogique, car à supposer que cette

Histoire soit vraie, les Juifs ont dû dire quelque chose à quoi le Prophète a riposté sur le champ; ce n'est pas là un événement d'importance qui vaille la peine qu'un verset coranique y fasse allusion.

Par ailleurs, le mot des Juifs n'avait pas de conséquence grave, étant donné qu'une religion vraie peut être provisoire, et peut donc être abrogée sans perdre sa vérité, comme ce fut le cas pour les cultes révélés d'avant l'Islam, lesquels étaient légitimes.

Deuxièmement, cette interprétation exige que le mot "sens spirituel", dans le verset tant discuté, signifie "non apparent, implicite, caché", uniquement applicable aux versets allégoriques; ces deux assertions ne sont pas exactes. Et nous expliquerons dans notre prochaine discussion sur le sens littéral (Tanzil) et le sens spirituel (Ta'vi/), que tout d'abord "le sens spirituel l'exégèse symbolique", selon le Coran, n'est pas quelque chose comme le sens ou la signification qu'un mot peut rendre dans sa littéralité; en outre tous les versets coraniques, tant explicites qu'allégoriques et ambigus, ont un sens spirituel, et non pas seulement les versets allégoriques.

Troisièmement, dans le verset en discussion, le terme "les versets clairs", est expliqué par la proposition "O sont les archétypes du Livre", ce qui signifie que les versets explicites contiennent les questions majeures du Livre, dont les autres versets ne sont que les ramifications. Ceci exige que le sens des versets allégoriques se rapporte nécessairement aux versets explicites. Autrement dit, pour expliquer les versets allégoriques on les rapporte aux versets explicites, grâce auxquels on en comprend le véritable sens.

Par conséquent, il n'y a dans le Coran aucun verset dont on ne puisse comprendre le véritable sens. Les versets coraniques sont donc soit directement explicites soit médiatement explicites,  tels que les versets ambigus. Quant aux lettres isolées du commencement de certaines sourates, elles n'ont aucun sens verbal, et de ce fait, elles ne sont ni explicites ni allégoriques.

Tout cela ressort du verset suivant: "Ne méditent-ils pas sur le Coran? Leurs cœurs sont-ils fermés et cadenassés!" et aussi: "Ne méditent-ils pas sur le Coran? Si celui-ci venait d'un autre que Dieu, ils y trouveraient de nombreuses contradictions" (Coran, sourate les Femmes, verset 82).

i - La méthode des membres de la famille du Prophète pour expliquer l'explicite et l'allégorique dans le Coran

Ce que l'on peut conclure des paroles des Saints Imams, membres de la famille du Prophète, c'est qu’il n’y a pas dans le Coran de verset allégorique dont on ne puisse dégager aucun sens. Au contraire, tout verset, même s'il n'a pas de sens, pris isolément, prend un sens par la médiation d'autres versets, ce qui consiste à éclairer—l'allégorique par l'explicite. Ainsi, le verset: "Le Miséricordieux se tient en majesté sur le Trône" (Coran, sourate Ta.Ha, verset 5), et le verset: "Quand ton Seigneur viendra..." (Coran, sourate l'Aube, verset 22), indiquent en apparence la matérialité, la corporéité, tandis qu'en se référant à un autre verset: "... Rien n'est semblable à Lui..." (Coran, sourate la Délibération, verset 11) on comprend que "se tenir sur" et "venir", pour Dieu Très-Haut, ne signifie en aucune façon s'installer dans un lieu, ou se déplacer de lieu en lieu.

Le Prophète, décrivant le Coran, a dit: "Dieu n'a pas fait descendre Son Livre pour que certains de ses passages contredisent (es autres, mais à l'inverse. 11 l'a révélé tel que certains fragments confirment les autres; donc ce que vous en comprenez, pratiquez-le, ce qui vous semble obscur, contentez-vous d'y croire".

Le Prince' des Croyants, Imam Ali, à son tour, dit: "Certains passages (du Coran) rendent témoignage à d'autres passages, les uns expliquent les autres". Le sixième Imam déclare: "L'explicite, c'est ce qu'on peut mettre en pratique, l'allégorique c'est ce qui confond l'ignorant". De cette tradition on peut conclure que l'explicite et l'allégorique sont relatifs; un verset explicite peut être allégorique pour certains et non pour d'autres.

On raconte que le huitième Imam a dit: "Qui rapporte les versets allégoriques du Coran à ses versets explicites, est conduit par le droit chemin". Puis, il ajouta: "II y a certainement dans nos traditions, des aspects allégoriques, pareils a ceux du Coran; reportez-les donc aux passages explicites, mais- ne suivez pas l'allégoriques, sinon vous vous égarerez".

Comme nous venons de le voir, les traditions, en particulier cette dernière, montrent clairement que le verset allégorique est celui qui ne manifeste pas son sens, pris isolément, mais que l'on comprend, en le référant aux versets explicites. Ce n'est donc pas un verset dont on ne pourrait aucunement atteindre le sens.

j - Le Coran renferme un sens spirituel (Ta'vil) et un sens explicite (Tanzit)

L'expression "le sens spirituel" est employée dans trois versets coraniques:

1  - Le verset sur l'explicite et l'allégorique, cité précédemment:"C'est Lui qui a fait descendre sur toi le Livre. On y trouve desversets clairs - la Mère du Livre - et d'autres obscurs. Ceux dont lescœurs penchent vers l'erreur s'attachent à ce qui est obscur, car ilsrecherchent la discorde et ils sont avides d'interprétations; mais nulautre  que  Dieu  ne connaît  l'interprétation du  Livre" (Coran, sourate la Famille de 'Imran, verset 7).

2  - Le verset: "Oui, Nous leur avons apporté un Livre et Nousl'avons expliqué pour le faire bien comprendre: c'est une Directionet une Miséricorde pour un peuple qui croit. Qu'attendent-ils sinonson accomplissement? Le jour où viendra son accomplissementceux qui avaient auparavant oublié le Livre diront: "Les prophètesde  notre Seigneur nous ont déjà apporté la Vérité..." (Coran, sourate al 'Araf, versets 52-53).

3  - "Ils ont traité de mensonge ce qu'ils ne comprennent pas et ce dont l'explication ne leur est pas parvenue. Ceux qui vécurent avant eux criaient au mensonge de la même façon. Considère quelle a été la fin des injustes" (Coran, sourate Jonas, verset 39).

En tout cas "Ta'vil (l'interprétation, l'exégèse spirituelle) est dérivé du mot "avva/" et signifie le retour. On entend par "Ta'vil" ce à quoi le verset se rapporte; par "Tanzil" (l'explication explicite), au contraire, on entend le sens clair, évident et littéral du verset,

k - Le sens de "Ta'vil chez les exégètes et les théologiens.

Les théologiens sont extrêmement divisés sur le sens à donner au "Ta'vil; nous pourrions citer plus de dix opinions différentes. Mais les plus connues sont au nombre de deux:

1 - L'opinion des anciens pour qui le "Ta'vil" était synonyme d'exégèse; ainsi tous les versets coraniques donnent lieu au "Ta'vil". Mais d'après le verset "nul autre que Dieu ne sait le sens spirituel

(Ta'vil)", personne en dehors de Dieu n'atteint le sens caché, surtout celui des versets allégoriques.

C'est pour cela quo nombre des anciens commentateurs ont dit que les versets allégoriques ne sont que les lettres isolées du début de certaines sourates, car dans le Coran, il n'y a de verset dont le sens reste pour tous inaccessible que les lettres isolées en question. Mais nous avons vu, dans les paragraphes ci-dessus, la fausseté de cette opinion.

Quoiqu'il en soit, comme le Coran n'attribue la connaissance du sens spirituel qu'à Dieu, et qu'il n'y a dans le Coran aucun verset dont le "77/'r/V", c'est-à-dire la signification ne soit accessible à tous, et qu'on ne peut considérer les lettres isolées comme étant des versets allégoriques, cette thèse est considérée comme nulle chez les exégètes récents.

2 - L'opinion des modernes,à savoir que le "Ta’vil"est un sens autre que le sens apparent du discours, et qu'en conséquence tous les versets coraniques n'ont pas de ' Ta'vil, de sens spirituel, si ce n'est les versets allégoriques dont nul autre que le Tout-puissant ne pénètre le sens, tels les versets qui attribuent à Dieu la corporéité, le mouvement local, le fait de s'asseoir, d'être satisfait ou courroucé, le regret, et les autres caractéristiques de la matérialité de même que les versets qui imputent le péché aux envoyés de Dieu, aux prophètes et aux saints infaillibles.

Cette doctrine jouit d'une telle vogue que le mot "Ta’vil", dans le sens de "contraire aux apparences", est devenu une seconde vérité, et que recourir au sens spirituel des versets coraniques est devenu une méthode courante, dans les contra verses théologiques qui négligent le sens apparent des mots et entendent ceux-ci dans leur sens caché; bien que cette méthode ne soit pas, en elle-même, exempte de toute contradiction.

Cette opinion, quoique couramment admise, n'est pas juste, et ne saurait s'appliquer aux versets coraniques, car:

1 - Un verset de la sourate al'Araf: "Qu'attendent-ils sinon son caché?" (Coran, verset 53), et un verset de la sourate Jonas: "Ils ont traité de mensonge ce qu'ils ne comprennent pas et ce dont l'explication ne leur est pas parvenue" (Coran, verset 39), cités au chapitre précédent, indiquent que le Coran tout entier a un sens spirituel, allégorique, et non seulement les versets ambigus, tel que l'estime cette opinion.

2  - Cette opinion suppose qu'il y a dans le Coran des versetsdont le véritable sens est ambigu et incompréhensible aux hommes, et que nul autre que Dieu ne le pénètre. Un tel discours, impuissant àtransmettre le sens voulu, ne saurait être considéré comme éloquent, et à plus forte raison, il ne saurait être apte à inviter ses adversaires àrivaliser avec lui, ou à affirmer sa supériorité.

3  - Cette opinion contredit l'argumentation du Coran, card'après le verset: "Ne méditent-ils pas le Coran? Si, celui-ci venaitd'un   autre   que   Dieu,   ils   y   trouveraient   de   nombreusescontradictions", l'une des preuves qui démontre que le Coran n'estpas une parole humaine, consiste à montrer qu'entre ses versets (malgré la différence considérable de temps et des conditions derévélation) il n'y a nulle contradiction de sens ou de signification, etque toute antinomie apparaissant au premier regard s'élimined'elle-même par la réflexion.

Si l'on admet qu'un nombre considérable de versets ambigus est en contradiction avec les versets clairs et que pour écarter cette antinomie on doit leur attribuer un sens caché que nul ne connaît sauf Dieu, une telle solution ne prouve nullement que le Coran ne soit pas une œuvre humaine.

Il en va de même, si l'on résout les contradictions en renonçant au sens apparent de tout verset dont le contenu paraît contraire aux versets explicites (selon l'opinion en question) et en cherchant un sens caché, contraire au sens apparent; car, de cette manière, l'on peut résoudre toute contradiction, même d'un discours humain.

4-11 n'y a aucune raison de penser que le "Ta'vil" dans le verset parlant de "l'explicite et de l'allégorique" signifie un sens contraire aux apparences; dans les autres versets qui parlent du "Ta’vil", ce n'est pas non plus ce qui est entendu. Par exemple, en trois endroits de l'histoire de Joseph, on appelle " Ta’vil ", l'interprétation du songe. Or, il est bien entendu que l'interprétation des rêves n'est pas une interprétation contraire à leur apparence, mais concerne une vérité objective, extra mentale, qui est vue en songe sous une forme particulière. Par exemple, Joseph avait vu son père, sa mère et ses frères se prosterner sous la forme du soleil, de la lune et des étoiles. Le roi d'Egypte avait vu la famine de sept ans sous forme de sept vaches maigres engloutissant sept vaches grasses, ainsi que sept épis verts et sept épis séchés.

De même que les compagnons de captivité de Joseph avaient vu l'échanson royal sous forme d'une grappe de raisin pressé, d'une corbeille et d'oiseaux picorant le pain de la corbeille.

Un autre exemple est la légende de Moïse et de Khezr, où celui-ci perce la coque d'un bateau, puis tue un jeune garçon, et enfin redresse un mur écroulé. Moise à chaque fois proteste et Khezr lui répond en expliquant le sens véritable de ces actions accomplies sur ordre divin, en les "interprétant". Il est clair que le sens authentique de ces actions, leur "esprit", c'est cela qui est appelé le "7Vv/7", et non un sens contraire aux apparences.

De même Dieu Très-Haut déclare, à propos des mesures: "Donnez une juste mesure, quand vous mesurez; pesez avec la balance la plus exacte. C'est un bien, et le résultat en est excellent" (Coran, sourate le Voyage Nocturne, verset 35). Il est clair que le "7V v/7" de la "mesure" vise une situation économique particulière concernant le marché et les transactions répondant aux besoins de la vie quotidienne, le "7Vv//" n'est donc pas quelque chose de contraire aux apparences, mais c'est une réalité extérieure, objective et spirituelle, insufflée dans le corps de la mesure et ayant trait à l'exactitude ou l'inexactitude de celle-ci.

Autre part, il déclare: "O vous qui croyez! Obéissez à Dieu! Obéissez au Prophète et à ceux d'entre vous qui détiennent l'autorité. Portez vos différends devant Dieu et devant Son Prophète; - si vous croyez en Dieu et au Jour dernier- c'est mieux ainsi; c'est le meilleur arrangement" (Coran, sourate les Femmes, verset 59).

Il va sans dire que l'on entend ici par "Ta'vil" du verset: "Portez vos différends devant Dieu et devant Son Prophète", le maintien de l'unité de la communauté et du respect des liens spirituels à l'intérieur de celle-ci; ce qui est une autre réalité, mais non pas un sens contraire à l'apparence du verset en question.

Il en va de même pour les autres cas où le mot "7Vv/7" est employé dans le Coran: ils totalisent en tout, avec ceux que nous venons de citer, 16 cas. Nulle part, on ne peut prendre ce terme au sens de "contraire au sens apparent". Il a en fait une autre signification (que nous allons expliquer dans le prochain chapitre) laquelle peut s'appliquer au cas du verset concernant "le sens explicite et le sens allégorique".

1 - Quel est le sens du "Ta'viF’’ selon le Coran?

Des chapitres précédents où nous avons parlé longuement des versets qui parlent de "Ta'vil", nous pouvons conclure que le sens spirituel (Ta'vil) n'est pas un sens signifié par un mot; cela est clair pour les rêves racontés dans la sourate Joseph: il n'y a pas de mot, ni de terme qui explique ces rêves, même par un sens contraire à l'apparence.

De même, dans le récit concernant Moïse et Khezr, les mots n'indiquent pas le sens caché que celui-ci révéla au premier. Ainsi encore dans le verset: "Donnez une juste mesure, quand vous mesurez; pesez avec la balance la plus exacte...", la lettre de ces deux phrases ne se réfère pas aux conditions économiques particulières qui en sont le "Ta'vil".

Ou encore dans le verset: "O vous qui croyez!... Portez vos différends devant Dieu et devant Son Prophète; - si vous croyez en Dieu et au Jour dernier", les mots ne renvoient pas au "Ta'vil", à savoir l'unité islamique; il en va de même pour les autres versets.

En ce qui concerne les rêves, le " Ta’vil est une réalité extérieure apparue sous une forme particulière au rêveur; pareillement dans le récit de Moïse et de Khezr, l'explication (Ta'vil) donnée par Khezr, est la réalité à laquelle prenaient leur source les actes qu'il avait accomplis: ceux-ci contenaient d'une certaine manière leur interprétation (Ta'vil). Et dans le verset touchant les mesures, l'explication (Ta'vil) est une vérité, un conseil général sur lequel s'appuie l'ordre impaire dans le verset, ordre qui réalise en quelque sorte le conseil lui-même; de même dans le verset qui conseille de "porter les différends devant Dieu et Son apôtre".

Par conséquent le "Ta'vil" de chaque chose est la réalité dont elle dépend et qu'elle réalise en quelque sorte, en la contenant et la signifiant, tout comme l'interprète est l'interprétation vivante, la manifestation de celle-ci dépendant de celui-là.

Cela s'applique aussi au Coran, car ce Livre sacré à son origine dans un certain nombre de vérités spirituelles qui sont exemptes de toute matière, de toute opacité corporelle, au-dessus des sens et au sensible, bien au-delà de la limitation des mots qui proviennent de notre existence matérielle.

Ces vérités spirituelles débordent, dans leur réalité, la capacité d'expression des mots. Tout ce que l'Invisible a fait, c'est de prévenir l'humanité de se disposer à la béatitude en restant fidèle aux croyances authentiques et aux actes de vertu, béatitude que l'on ne peut posséder que par la vision directe et évidente. Ce n'est qu'au jour de la Résurrection et de la rencontre avec Dieu, que ces réalités apparaîtront dans toute leur clarté et leur évidence comme le disent les deux versets des sourates, ale Araf et Jonas.

C'est à ce fait que Dieu Très-Haut fait allusion, disant: "Par le Livre clair! Oui. Nous en avons fait un Coran arabe! - Peut-être comprendrez-vous! - II existe auprès de Nous, sublime et sage, dans la Mère du Livre" (Coran, sourate l'Ornement, versets 2 et 4).

La conformité de ce verset avec le "Ta'vil" au sens où nous en avons parlé, est évident; en particulier du fait qu'il y est dit: "Peut-être comprendrez-vous!" La connaissance de l'interprétation spirituelle {Ta'vil), tel que le verset concernant le sens évident et le sens allégorique l'affirme, est le propre de Dieu, et c'est pour cela que dans ce même verset, blâmant ceux qui dévient du droit chemin. Dieu dit qu'ils cherchent la provocation en recourant à l'interprétation allégorique mais II n'a pas dit qu'ils la trouvent.

Dès lors, l'explication spirituelle (Ta'vil) du Coran est une réalité ou un ensemble de réalités gardées dans l'exemplaire céleste, auprès de Dieu, et qui appartiennent au monde invisible.

Ailleurs il est dit en des termes presque identiques: "Non!...j'en jure par les couchers des étoiles: - et c'est là un serment solennel, si seulement vous saviez! - Voici, en vérité, un noble Coran, contenu dans un Livre caché. Ceux qui sont purs peuvent seuls le toucher. C'est une Révélation du Seigneur des mondes" (Coran, sourate Celle qui est inéluctable, versets 75-80).

Il est clair que les versets vénérés affirment l'existence de deux statuts pour le Coran, celui d'un livre préservé de tout contact humain, et celui d'un livre révélé, compréhensible aux hommes.

Dans ces versets, outre ce que nous avons dit précédemment il importe de remarquer la formule d'exception: "Ceux qui sont purs peuvent seuls le toucher". Il en résulte qu'il y a des hommes capables d'accéder à la vérité au sens spirituel (Ta'vil) du Coran; cela ne contredit point la négation contenue dans le verset: "Nul ne connaît le sens caché du Coran sauf Dieu", car, en associant ces deux versets, on conclura que le Tout-puissant est seul à connaître ces réalités, que nul autre que Lui ne les connaît, sauf avec Son autorisation et grâce à Son instruction".

Il en va de même de la science des Mystères, que de nombreux versets attribuent à Dieu seul, mais qu'un verset accorde également à ceux qui ont obtenu le consentement de Dieu: "...II (Dieu) connaît parfaitement le mystère, mais II ne montre à personne le secret de Son mystère sauf à celui qu'il agrée comme Prophète" (Coran, sourate les Djinns, verset 27).

Oui, d'après ces versets, ceux qui sont purifiés ont accès à la réalité du Coran; en rapprochant ces versets, du verset suivant: "Obéissez à Dieu et à Son Prophète... Dieu veut seulement éloigner de vous la souillure et vous purifier totalement" (Coran, sourate les Factions, verset 33) - verset qui selon de nombreuses traditions a été révélé à propos de la Famille du Prophète. On conclura que le Prophète et sa Famille comptent parmi les "purifiés" et connaissent le sens spirituel, le " Ta’vil’’ du Coran.

m - Le Coran contient des versets abrogeant et des versets abrogés

Parmi les versets coraniques qui expriment un commandement, ou un précepte il y en a qui, une fois révélée, ont remplacé des versets précédemment en vigueur et ont mis fin à leur validité. Les versets anciens sont appelés abrogés et les nouveaux, abrogeant. Par exemple, au début de la mission du Prophète, les Musulmans avaient l'ordre de vivre en paix avec "les gens du Livre" (juifs, chrétiens): «... Pardonnez et oubliez jusqu'à ce que Dieu vienne avec Son jugement - Dieu est puissant sur toute chose -...»

(Coran sourate la Vache, verset 109)Quelque temps après, le verset de la "guerre" fut révélé, mettant fin aux relations pacifiques: "Combattez ceux qui ne croient pas en Dieu et au Jour dernier; ceux qui ne déclarent pas illicite ce que Dieu et Son Prophète ont déclare illicite; ceux qui, parmi les gens du Livre, ne pratiquent pas la vraie* Religion" (Coran, sourate l'Immunité, verset 29).

Bien entendu l'abrogation que nous connaissons dans les affaires humaines consiste en ce que l'on abroge un précepte pour le remplacer  par  un  autre  lorsque  le  premier,  après  avoir  été promulgué et mis en vigueur, se révèle inadéquat par suite d'une erreur commise par nous.

Ce type d'abrogation qui implique erreur et ignorance, ne saurait être attribué à Dieu, dont l'Essence très Pure est exempte de tels défauts; il n'existe donc pas, non plus, dans le Coran, dont les versets n'admettent nulle contradiction entre eux.

L'abrogation, dans le Coran, signifie la fin de la validité du décret abrogé, c'est-à-dire que la convenance de ce décret était passagère et provisoire, en conséquence de quoi l'effet de cette convenance - qui est le décret lui-même - était lui aussi limité et momentané. Après quelque temps, une seconde disposition est apparue déclarant terminée le temps de validité du commandement précédent, et comme le Coran a été révélé durant vingt-trois ans graduellement, il est tout à fait concevable qu'il contienne de telles dispositions.

Evidemment, décréter un ordre provisoire, là où un décret perpétuel ne convient pas encore, et lui substituer ensuite un ordre permanent, quand les conditions ont changé, ne présente aucune difficulté. Dans le Coran, l'abrogation est prise en ce sens.

Le Très-Haut a déclaré: ''Lorsque Nous changeons un verset contre un autre verset - Dieu sait ce qu'Il révèle- ils disent: «Tu n'est qu'un faussaire!» Non!... Mais la plupart d'entre eux ne savent pas. Dis: «L'Esprit de sainteté l'a fait descendre avec la Vérité de la part de ton Seigneur comme une Direction et une bonne nouvelle pour les Musulmans (soumis), afin d'affermir les croyants» (Coran, sourate les Abeilles, verset 101-102).

n - La validité et la continuité de l'application des décrets dans le Coran

Du fait qu'il est un Livre universel et éternel, le Coran s'applique aussi bien aux contemporains de sa révélation qu'aux autres, aussi bien à l'avenir et au passé qu'au présent. Les versets, par exemple, qui imposent aux gens de l'époque où ils sont révélés, certains devoirs, sont nécessairement applicables aux croyants d'une époque postérieure, s'ils se trouvent dans des conditions identiques. De même les versets qui louent des gens pour certaines qualités, ou qui en  blâment  d'autres,  qui  promettent  le  bonheur aux uns et provoquent la crainte des autres, sont valides pour tous les temps et tous les lieux.

Ainsi la validité d'aucun verset n'est limitée à la circonstance qui a valu la "descente" de ce verset: un verset révélé au sujet d'une personne particulière, ou de certaines personnes, ne reste pas figé à cette occasion unique, mais il s'applique à tout individu, à toute situation semblable à celle de sa révélation, et c'est cette universalité que l'on appelle "la continuité de l'application" des versets coraniques.

Notre cinquième Imam, a dit dans une tradition: "Si un verset révélé à un peuple mourait avec ce peuple, il ne restait plus rien du Coran; mais au contraire, le Coran tout entier restera valide, tant que les cieux et la terre existeront; il est un signe pour chaque peuple qui le lira et en fera bon ou mauvais usage".

D'après certaines traditions, le fond du Coran, c'est-à-dire l'extension de sa validité aux cas survenus par l'analyse, est considéré comme faisant partie de son application universelle.

o - L'interprétation du Coran, sa genèse et son évolution

L'explication et le commentaire du lexique coranique ont commencé dès le temps de la révélation du Coran. Le Saint Prophète, lui-même, a enseigné et expliqué la signification des versets. C'est ainsi que le Très-Haut déclare: " ...Nous avons fait descendre sur toi le Rappel pour que tu exposes clairement aux hommes ce qu’on fait descendre vers eux. Peut-être réfléchiront-ils! -" (Coran, sourate les Abeilles, verset 44).

Ou encore: "C'est Lui qui a envoyé aux infidèles un Prophète, pris parmi eux, qui leur communique Ses versets, qui les purifie, qui leur enseigne le Livre et la Sagesse" (Coran, sourate le Vendredi, verset 2).

Au temps même du Prophète et sur son conseil, certains se consacraient à la lecture, à la conservation et à la mémorisation du Coran; on les appelait les récitants du Coran. Après la mort du Prophète, ses Compagnons, et par la suite les autres Musulmans se livrèrent à l'interprétation du Coran, laquelle se poursuit encore aujourd'hui.

p - L'exégèse et les différentes catégories d'exégètes

Après la mort du Prophète, un certain nombre de ses Compagnons tels Abi Ibn Ka'ab, Abdullah ibn Mas'oud, Djâbir Ibn Abdullah, Abou Sa'ld Kha dari, Abdullah ibn Zubair, Abdullah Ibn 'Omar, Abou Horayrah, Abou Moussa et le plus connu de tous, Abdullah Ibn Abbâs s'adonnèrent à l'interprétation du Coran.

Leur méthode d'interprétation consistait parfois à transmettre sous forme de traditions à chaînes continues de transmetteurs, ce qu'ils avaient entendu dire par le Prophète, concernant la signification des versets coraniques. Pour la totalité du Coran, ces traditions sont au nombre d'environ deux cent quarante. Beaucoup d'entre elles ont une chaîne de transmetteurs douteuse et le texte de certaines est inadmissible.

Il arrive même quelquefois que l'interprétation des versets soit donnée sans qu'il soit fait référence au Prophète.

Du fait que les Compagnons ont appris la science du Coran du Prophète lui-même et qu'il est inconcevable que ceux-ci aient proféré quelque chose de leur propre autorité, les exégètes sunnites récents considèrent ces traditions comme faisant partie des interprétations authentiques dues au Prophète.

Mais il n'y a pas de raison décisive pour admettre cela, d'autant plus que beaucoup de ces traditions se rapportent aux motifs, aux circonstances de la révélation des versets et leur histoire. De plus, on trouve parmi ces traditions rapportées par les Compagnons du Prophète, un grand nombre de paroles de savants juifs qui avaient embrassé l'Islam, tels Ka'ab al Akbar et d'autres, or ces paroles sont dépourvues de toute chaîne de transmetteurs.

Par ailleurs, Ibn Abbâs recourait le plus souvent à la poésie pour expliquer le sens des versets. Par exemple, dans la tradition attribuée à Ibn Abbâs en réponse aux questions de Nafé Ibn Azragh, à environ deux cents questions de ce dernier, Ibn Abbâs répond par des vers arabes. Soyoûti, dans son «Itqan», rapporte cent quatre-vingt dix questions de ce genre. Dans ces conditions, on ne peut considérer les traditions rapportées par les Compagnons (exégètes) comme authentiquement prophétiques et dépourvues d'interprétation personnelle de leur part. Quoiqu'il en soit, on a considéré les Compagnons (exégètes) du Prophète comme les exégètes de la première catégorie.

La deuxième categorie se compose des disciples des Compagnons (Tâbé'ines) tels que Modjâhid, Sa'id Ibn Djobayr, Akramah, Zahhâk, Hassan Bassri, Atâ Ibn Abi Rébâh, Atâ Ibn Abi Moslem, Aboul Alyah, Mohammad Ibn Ka'ab Ghorzi, Ghatâdah, Atyyah, Zayd Ibn Aslam et Tavous de Yemen.

La troisième catégorie est constituée des disciples de la deuxième catégorie, tels que Rabi' ibn Anas, Abdor Rahman Ibn Zayd Ibn Aslam, Abou Saleh Kaibi, et leurs homologues. La méthode des disciples des Compagnons consistait soit à rapporter une explication de versets sous forme de tradition provenant du Prophète ou d'un de ses Compagnons, soit à proposer le sens des versets comme une simple opinion, sans l'attribuer à personne. Les exégètes récents ont également pris de telles opinions pour des traditions prophétiques, et les appellent des traditions dépourvues de noms de transmetteurs. On appelle "anciens exégètes" ces différentes catégories d'exégètes.

La quatrième catégorie se compose des auteurs de commentaires, tels que Sofyân Ibn Oyayniah, Vaki' Ibn Djarrâh, Cho'abat Ibn Hadjdjadj, Abd Ibn Hamid et des autres. Ibn Djarir Tabari, auteur d'un commentaire célèbre, fait également partie de ce groupe.

Leur méthode consistait à insérer les traditions des Compagnons du Prophète et de leurs disciples dans leurs propres commentaires, en tant que traditions transmises par une chaîne continue de transmetteurs, tout en s'abstenant de donner leur avis personnel, à l'exception de Ibn Djarir Tabari qui exprime de temps en temps ses préférences quant aux diverses versions d'une tradition. La catégorie des exégètes récents commence par ce groupe.

La cinquième catégorie se compose de ceux qui insèrent les traditions dans leurs œuvres sans citer la chaîne de transmetteurs; ils se contentent de rapporter les dits eux-mêmes.

Certains théologiens estiment que l'anarchie de l'exégèse a commencé par là. Dans ces commentaires on a attribué un grand nombre de paroles aux Compagnons du Prophète et à leurs disciples, sans se soucier de leur authenticité, ni de la validité des chaînes de transmetteurs. H en a résulté un grand désordre qui a ébranlé la solidité des traditions.

Mais quiconque étudie attentivement les traditions, comportant une chaîne complète de transmetteurs, ne saurait nier qu'il existe de nombreuses contradictions entre les différentes versions d'une tradition attribuée à un même Compagnon ou à l'un des disciples des Compagnons. On trouve parmi ces traditions, nombre d'histoires et de récits qui sont certainement faux et falsifiés. Les récits des motifs et des circonstances de la révélation des versets, les récits concernant les versets abrogés ou abrogeant et qui sont en contradiction avec le contexte de ces versets ne sont pas si peu nombreux que l'on puisse passer outre. C'est pourquoi l'Imam Ahmad Han bal (qui vivait avant l'avènement de cette dernière catégorie d'exégète) estime qu'il y a trois choses sans fondement: le récit des guerres saintes, les traditions se rapportant aux guerriers et celles concernant l'exégèse coranique. Quant à l'Imam Chafé'i, il estime qu'on a pu prouver l'authenticité de seulement une centaine de traditions d'Ibn Abbâs.

La sixième catégorie est composée d'exégètes postérieurs à la naissance et au développement de ces sciences islamiques. Chacun d'eux commente le Coran selon sa spécialité: le grammairien selon le point de vue grammatical, tels Zodjâdj, Vahédi, Abi Hayyan qui ont discuté la désinence casuelle des mots; le rhétoricien du point de vue de l'éloquence, tel Zamakhchari, dans son "Kachchaf; le théologien scolastique du point de vue théologique, tel Fakhr Râzi dans son "Grand Commentaire"* le théosophe du point de vue mystique, tels Ibn Arabi. et Abd al Razzâgh de Kâchan dans leurs commentaires;le traditionniste du point de vue des traditions,tel Thaâlahi dans son commentaire; le juriste du point de vue de la jurisprudence, tel Ghartabi dans son commentaire. Certains ont composé des commentaires mixtes, recourant à différentes sciences, comme le commentaire "Rouhal Bayân" (L'esprit de l'expression), et "Rouhal-Maâni" (l'esprit des significations) et le commentaire de Neychâbouri.

Le service rendu par cette catégorie d'exégètes est d'avoir débarrassé l'exégèse de l'inertie dont elle souffrait dans les cinq catégories précédentes, et de l'avoir fait entrer dans une phase de discussion et de spéculation, quoique tout lecteur objectif se rende aisément compte de ce que dans la plupart des commentaires de cette catégorie, on a surchargé le Coran de théories scientifiques sans chercher à saisir le contenu des versets à partir du Coran lui-même.

q - La méthode et les différentes catégories d'exégètes chi'ites

Les catégories d'exégètes que nous venons de mentionner étaient des sunnites. Leur méthode employée dès le début dans l'exégèse, consistait à mélanger la tradition prophétique avec les dits des Compagnons et des disciples des Compagnons. Ce qui était considéré comme un effort d'interprétation des textes. Il en résulta une altération des traditions et une apparition au grand jour de contradictions, lesquelles préparèrent le terrain aux opinions de la sixième catégorie d'exégètes.

La méthode chi'ite d'exégèse du Coran est différente, en sorte que la classification des exégètes se présente, elle aussi, de manière différente.

Le chiisme, s'appuyant sur le texte même du Coran, considère les propos du Prophète comme décisifs pour l'interprétation du Coran, mais, à la différence des autres Musulmans, il n'attribue pas de valeur catégorique aux dits des Compagnons ou des disciples des Compagnons, sauf s'ils transmettent leurs traditions venant du Prophète. Font exception, les dits des membres de la Famille du Prophète, (ces dits se placent après les dits du Prophète), qui jouissent de la même valeur que les traditions du Prophète lui-même. Ces deux types de traditions sont qualifiés par celui-ci des "deux grandes choses".

C'est pour cela que les Chi'ites, dans leur exégèse du Livre révélé, ne recourent qu'aux seules traditions prophétiques et à celles provenant des membres de sa Famille; moyennant quoi, ils classent leurs exégètes de la manière suivante:

Une première catégorie comporte ceux qui ont enregistré les commentaires scripturaires du Prophète, et des membres de sa Famille, et les ont conservés et transmis en désordre, tels que Zorârah, Mohammad Ibn Moslem, Ma'rouf, Djorir et d'autres.

Une seconde catégorie est composée des premiers commentateurs tels que Farât Ibn Ibrahim Abou Hamzah (1)

Thamâli (2), Ayyachi (3), Ali Ibn Ibrahim de Qom (4) et Noamani (5). Leur méthode, semblable à celle de la quatrième catégorie des exégètes sunnites, consiste à enregistrer les récits transmis par la première catégorie, avec leurs chaînes de transmetteurs, en s'abstenant de toute interférence personnelle.

Comme la période de contact direct avec les Saints Imams se prolongea durant à peu près 300 ans, ces deux catégories n'étaient naturellement pas distinctes l'une de l'autre. Ceux qui citaient les traditions sans rapporter le nom des transmetteurs étaient peu nombreux. Nous pouvons citer, à titre d'exemple, le commentaire d'Ayyachi, dont l'un des disciples a supprimé les chaînes de transmetteurs, et qui est connu, sous cette forme, sous le nom de "Commentaire d'Ayyachi".

Une troisième catégorie est constituée de savants tels que Seyyed Razi (6) qui fit un commentaire littéraire, Cheikh Toussi (7), auteur d'un commentaire théologique intitulé "Tebyan", Sadr al-Motaalléhine (8) de Chiraz, auteur d'un commentaire philosophique, Meybodi Gounâbâdi*(9), auteur d'un commentaire mystique, Cheikh Abd-Ali de Hovèyz, Seyyed Hâchem de,Bahreyn, Feyz de Kachân, auteurs des commentaires intitulés"Nour-al~ Thaghaleyn"(la lumière des deux grandes choses) Borhan,et Safi,et d autres savants qui utilisent certaines sciences dans leurs commentaires, tels que Cheikh Tabarsi qui, dans son Madjma* al-Bayân met en lexicologie, en grammaire, en lecture, en théologie et en tradition.

r - Comment le Coran se prête-t-il au commentaire?

La réponse à cette question se dégage des chapitres précédents: d'une part le Coran est un livre universel et éternel qui s'adresse à tout le monde, invite tous les hommes à poursuivre ses idéaux et à discuter ses enseignements, tout en se considérant comme la lumière et l'explication de toute chose. Une telle œuvre, dès lors, se suffit à elle-même pour s'expliquer.

Soutenant d'être la Parole Divine, le Coran déclare être homogène et dénué de toute contradiction, et assure que l'on petit résoudre toute contradiction apparente d'un passage en méditant sur le reste du Livre. S'il n'était pas la Parole du Très-Haut, il n'en serait pas ainsi.

Si une parole avait besoin d'autre chose qu'elle-même pour s'expliquer, elle ne serait pas parfaite.

Si un adversaire y trouvait une contradiction incapable d'être résolue par le Coran lui-même, mais seulement par une voie externe. Par exemple la parole du Prophète, lequel l'expliquerait sans s'appuyer sur des versets coraniques, et que cet adversaire ne croyait pas en la sincérité et la véridicité du Prophète, il ne saurait être convaincu. Autrement dit, une explication venant du Prophète, qui ne s'appuierait pas sur des citations coraniques, ne serait acceptable que pour celui qui croit en sa mission prophétique et son infaillibilité. Le verset: "Ne méditent-ils pas sur le Coran? Si celui-ci venait d'un autre que Dieu, ils y trouveraient de nombreuses contradictions?" (Coran, sourate les Femmes, verset 82), s'adresse aux adversaires et à ceux qui ne croient pas en la mission prophétique ni en l'impeccabilité du Prophète, à ceux pour qui la parole du Prophète n'est acceptable que si elle prend à témoin le Coran.

D'autre part, le Coran accorde aux explications du Prophète, et le Prophète à son tour accorde aux commentaires des gens de sa Famille une autorité décisive.

De ces deux prémisses, il résulte que dans le Coran, certains versets expliquent et commentent certains autres, et que le Prophète et les membres de sa Famille sont, par rapport au Coran, comme des maîtres sincères et véridiques qui ne se trompent jamais dans leur enseignement. Ce qu'ils expliquent ne saurait, par conséquent, pas être en contradiction avec ce qui résulte de la comparaison des versets coraniques entre eux.

s - Conclusion

II ressort de ce qui précède que la véritable commentaire du Coran est celui qui résulte de la réflexion sur les versets eux-mêmes et fait appel, pour expliquer un verset, aux autres versets concernés.

Autrement dit, il existe trois manières d'interpréter les versets coraniques:

1 - L'explication d'un verset isolé à l'aide de certaines données scientifiques ou non scientifiques que nous pouvons avoir à notre disposition.

2- L’interprétation d’un verset à l’aide d’une tradition transmise par l’un des Saints Immaculés et relative au dit verset.

3- Le commentaire d’un verset par la réflexion et le recours à l’ensemble des versets parallèles et, si possible, à une tradition.

 La troisième voie est la méthode définie au paragraphe précédent. C’est celle recommandée par le Prophète et les membres de sa Famille eux-mêmes dans leur enseignement, ainsi que le dit le Prophète : «  Certes, il (Coran) a été révélé de telle sorte que certains passages en confirment d’autres » ; et le Principe des Croyants (Imam Ali) déclare de son côté : «  Certains fragments du Coran en expliquent d’autres et certains de ses parties attestent le vérité d’autres parties »

Il est évident, d’après ce que l’on vient de dire, que cette méthode diffère de celle qu’interdit la célèbre tradition du Prophète : «  Qui interprète le Coran arbitrairement, Dieu, certes, préparera son demeure dans l’enfer », car selon la première méthode, on explique le Coran par le Coran, et non d’après l’opinion subjective du commentateur.

 La première méthode ne mérite pas confiance. Elle relève en fait de l’interprétation arbitraire, sauf au cas où elle s’accorderait avec le sens obtenu par la troisième voie.

 La seconde méthode est celle des exégètes des premiers temps de l’Islam. Elle a été employée durant des siècles (ainsi que nous l’avons dit plus haut), et est toujours en honneur chez les littéralistes, tant sunnites que shiites.

  C’est une méthode trop limitée face aux besoins illimités de notre connaissance, car nous nous posons des centaines et des milliers de questions, scientifiques ou non, concernant les six mille et quelque centaines de versets coraniques. Où pourrions-nous trouver une réponse à ces difficultés, une solution à tous les problèmes ?

Faut-il se référer aux traditions ? Celles que l’on peut appeler prophétiques, transmises par les sunnites n’atteignent pas le nombre de 250, et encore certaines d'entre elles sont-elles de faibles valeurs ou inauthentiques. 

Celles transmises par les membres de la Famille du Prophète et recueillies par les Chi'ites bien qu'atteignant le nombre de plusieurs milliers, parmi lesquels un nombre considérable sont authentiques, ne sauraient non plus suffire pour répondre aux innombrables questions.

En outre, il existe de nombreux versets coraniques, pour lesquels ni Chi'ites ni Sunnites n'ont rapporté la moindre tradition.

Doit-on se référer aux versets en question pour résoudre .les difficultés? Ce serait recourir à un procédé prohibé.

Faut-il alors éviter absolument toute réflexion, et renoncer à répondre aux besoins d'explication? Mais que signifierait en ce cas le verset 89 de la Sourate "les Abeilles" qui affirme on ne peut plus clairement: "... Nous avons fait descendre le Livre sur toi, comme un éclaircissement de toute chose, une Direction, une Miséricorde..."? Et encore: "Ne méditent-ils pas sur le Coran?" (Coran, sourate les Femmes, verset 82), le verset 22 de la Sourate Mohammad, ou les versets suivants: "Voici un Livre béni: Nous l'avons fait descendre sur toi afin que les hommes méditent ses versets, et que réfléchissent ceux qui sont doués d'intelligence" (Coran, sourate Cad, verset 22); "N'ont-ils pas médité la Parole? Ce qui n'avait pas été accordé à leurs ancêtres les plus éloignés ne leur est-il pas parvenu"? (Coran, sourate les Croyants, verset 68).

Qu'adviendrait-il des traditions authentiques remontant au Prophète et aux Saints Imams recommandant à la communauté islamique de se référer au Coran pour résoudre ses problèmes?

Une position aussi négative rendrait simplement sans objet l'approfondissement du sens du Coran, dont de nombreux versets font cependant un devoir générai.

D'autre part, les traditions prophétiques sunnites, ainsi que les traditions chi'ites à chaînes continues remontant au Prophète et aux Saints Imams, recommandent aux croyants de confronter les récits traditionnels avec le Coran. D'après ces récits, toute tradition doit être en accord avec le Coran, sinon, il faut la rejeter.

Bien entendu le contenu de ces traditions n'est acceptable que s'il s'accorde avec la teneur de certains versets coraniques qui en sont l'explication. Si on ne pouvait comprendre le sens précis d'un verset qu'en recourant à une tradition - qui en serait l'interprétation - alors la confrontation des traditions avec le Coran serait sans signification.

De telles traditions sont la meilleure preuve de ce que les versets coraniques,  comme tout  autre  discours,  ont  une signification intrinsèque indépendante des traditions.

Ainsi, de ce que nous avons dit jusqu'à présent, il ressort que l'exégète a le devoir de méditer sur les traditions du Prophète et des Saints Imams, qui concernent l'exégèse, et de s'initier à leur méthode d'interprétation et ensuite, en obéissance aux injonctions du Coran et des traditions, de se mettre à l'exégèse du Coran, en adoptant seulement les traditions qui sont en parfait accord avec les versets étudiés.

t - Un exemple de commentaire du Coran par le Coran

Le Très-Haut, dans plusieurs passages de Son Livre révélé, déclare: "Dieu est le Créateur de toute chose" (Coran, sourate Les Groupes, verset 62). Cette idée est répétée à quatre endroits différents dans le Coran. D'après elle, tout ce que l'on peut imaginer, dans l'univers crée, est une créature de Dieu, qui lui donne l'existence.

On ne doit bien entendu pas oublier que dans des centaines de versets, le Coran admet la causalité, le rapport de cause à effet, et attribue l'action de tout sujet au sujet lui-même, comme le fait de brûler pour le feu, de faire croître les plantes pour la terre, de pleuvoir pour le ciel. Le Coran considère l'homme comme l'auteur de ses actes volontaires. Dès lors l'agent de tout acte est évidemment ce ou celui dont l'acte émane, mais c'est Dieu seul qui donne l'existence à la fois à l'agent et à son acte.

Après ces considérations générales, le Tout-puissant, embrassant la création toute entière, déclare: "...Celui (Dieu) qui a bien fait tout ce qu'il a créé..." (Coran, sourate La Prosternation, verset 7). On conclura de ce verset, en le joignant au verset précédent, que la beauté et la création progressent conjointement; tout ce qui existe, dans le monde de l'existence, est beau et n'a d'autre attribut que la beauté.

Mais il faut encore tenir compte de ce que le Coran, dans de nombreux versets, considère le bien comme opposé au mal, l'avantage comme opposé au désavantage, le beau comme opposé au laid; il tient pour abominables une multitude d'actions, de conduites et de phénomènes, mais tous ces maux, ces laideurs, ces inconvénients, n'apparaissent tels que par comparaison: leur être n'est que relatif et analogue.

Par exemple, le serpent ou le scorpion sont nuisibles, mais seulement par rapport à l'homme et aux animaux qui souffrent de leurs morsures, et non pas pour la terre ou la pierre. Le goût amer et l'odeur des cadavres sont exécrables, mais seulement pour le goût ou l'adorât humain, non pas pour tous. Certaines attitudes sont répréhensibles, mais seulement en égard à l'ordre social humain et non pas par rapport aux autres ordres.

Si l’on fait abstraction de la relativité et de l'analogie, ne fût-ce qu'un court instant, alors tout paraîtra beau, harmonieux, admirable dans son existence. Alors la beauté merveilleuse de l'univers dépassera toute expression et toute description, car la description et l'expression aussi font parties des beautés du monde de l'existence.

Le verset cité plus haut, tend à vrai dire à détourner les humains du beau et du laid relatifs et analogues, pour les orienter vers la beauté pure et absolue; il entend doter les intelligences d'une vision générale et universelle.

Une fois ceci admis, nous rencontrerons des centaines de versets coraniques qui définissent les êtres du monde soit un à un, soit par ensemble, ainsi que les ordres particuliers ou généraux qui règnent sur eux, comme des symboles ou des signes du Très-Haut, et les considèrent, par où qu'on les pense, comme la manifestation de Dieu.

A partir des deux versets cités plus haut, nous comprenons que cette beauté merveilleuse, qui embrasse l'univers tout entier, n'est autre que la divine beauté que l'on contemple dans les signes célestes et terrestres et que chaque partie du monde est une ouverture sur l'espace bienfaisant et infini, qui la transcende, alors qu'elle-même ne possède rien en propre.

C'est pourquoi, dans d'autres versets, le Coran attribue toute beauté et toute perfection à la divinité, déclarant: "II est le Dieu vivant et unique..." (Coran, sourate Le Croyant, verset 65); "La puissance, en totalité, appartient à Dieu..." (Coran, Les Femmes, 139); "II est savant et puissant", "II est auditant et voyant", "Dieu! Il n'y a de dieu que Lui! Les noms les plus beaux Lui appartiennent!" (Coran, Tâhâ, 7). D'après ces versets toute beauté qui se manifeste dans le monde de l'existence, a son archétype réel auprès du

Seigneur, tandis que dans les créatures, elle n'est que figurée et empruntée.

Insistant sur cette idée, le Coran explicite ailleurs ce fait que la beauté et la perfection sont limitées et finies en toute créature, et qu'elles ne sont illimitées et infinies que chez le seul Créateur: "Oui, Nous avons créé toute chose d'après un décret" (Coran, La Lune, 49); et: "II n'y a rien dont les trésors ne soient pas auprès de Nous; Nous ne les faisons descendre que d'après une mesure déterminée" (Coran, Al Hijr, 21).

L'homme, en reconnaissant cette vérité coranique, se trouve tout à coup en présence d'une perfection et d'une beauté infinies qui l’entoure de toute part, sans le moindre manque. Alors, oubliant toute perfection et toute beauté, jusqu'à son propre "moi", qui est lui aussi un signe parmi d'autres, il s'éprend du seul Dieu: "... Les croyants sont les plus zélés dans l'amour de Dieu..." (Coran, La Vache, 160).

Ici il abandonne sa volonté propre et indépendante et se livre au Dieu Très-Haut, comme l'exige tout véritable amour. Il se confie à l'Autorité absolue du Seigneur; c'est ainsi que Dieu déclare: "Dieu est le Maître des croyants" (Coran, La Famille d'Imran, 68). Comme II Ta promis, Dieu Lui-même guide le croyant: "Dieu est le Maître des croyants: II les fait sortir des ténèbres vers la Lumière" (Coran, La Vache, 258).

De plus, suivant le verset 122 de la sourate Les Troupeaux: "Celui qui était mort, que Nous avons ressuscité et à qui Nous avons remis une lumière, pour se diriger au milieu des hommes..." et le verset 22 de la sourate La Discussion: "Dieu a inscrit la foi dans leurs cœurs, et II les a fortifiés par un Esprit émanant de Lui...".

Le Seigneur leur accorde un autre esprit, une autre vie, une lumière - la faculté de voir les vraies réalités - pour qu'ils discernent la voie d'une vie heureuse dans la société.

Dans un autre verset. II précise la manière d'acquérir cette lumière, en disant: "... Craignez Dieu! Croyez en Son Prophète pour que Dieu vous donne une double part de Sa miséricorde, et la Lumière pour vous conduire..." (Coran, Le Fer, 28).

Dans d'autres versets, Dieu commande de croire au Prophète en Lui obéissant: "Dis: Suivez-moi, si vous aimez Dieu; Dieu vous aimera et vous pardonnera vos péchés..." (Coran, La Famille d'Imran, 31).

Il parle encore de cette soumission au Prophète, dans un autre verset: "Ceux qui suivent l'Envoyé, le Prophète gentil, que ces gens-là trouvent mentionné chez eux dans la Tora et l'Evangile. Ceux qui auront cru en lui; ceux qui l'auront soutenu; ceux qui auront suivi la lumière descendue avec lui: voilà ceux qui seront heureux! Il leur ordonne ce qui est convenable; il leur interdit ce qui est blâmable; il déclare licites, pour eux, les excellentes nourritures; il déclare illicite, pour eux, ce qui est détestable; il ôte les liens et les carcans qui pesaient sur eux" (Coran, Al 'Araf, 157).

Nous trouvons un autre verset encore plus explicite au sujet de l'obéissance, lequel interprète le verset que nous venons de citer: "Acquitte-toi des obligations de la Religion en vrai croyant et selon la nature que Dieu a donnée aux hommes en les créant. Il n'y a pas de changement dans la création de Dieu. Voici la Religion immuable" (Coran, Les Romains, 30).

D'après ce verset, le projet intégral de l'Islam ne consiste en rien d'autre que l'accomplissement des vœux de la création. En d'autres termes, il est l'ensemble des règles et des lois vers lesquelles la création et la nature humaine orientent l'homme. C'est la vie purifiée de toute souillure de l'homme naturel, tel que Dieu le déclare autre part: "Par l'âme et celui qui l'a perfectionnée. Et qui lui a donné le penchant au bien et au mal; celui qui l'a purifiée jouit déjà de la féliciter; celui qui l'a obscurcie est déjà la victime du malheur"

Le Coran est l'unique Livre révélé qui: 1 - considère la vie heureuse de l'homme comme identique à la vie pure et simple de l'homme selon la nature; 2 - à l'inverse de la plupart, voire de toutes les autres voies, qui dissocient la vie religieuse de l'homme de sa vie ordinaire, identifie la vie religieuse à la vie ordinaire, intervient à tous les plans de la vie individuelle et sociale de l'homme, enseigne des préceptes conformes à une conception réaliste (vision du monde, connaissance de Dieu), confie les individus au monde et le monde aux individus et tous deux à Dieu.

Le Coran mentionne de nombreux effets, tant extérieurs que spirituels, pour les saints et les hommes de Dieu, du fait de leur conviction religieuse. Mais ce n'est pas le lieu d'aborder cela ici.

U – La valeur de preuve d’autorité des paroles du Prophète et des Saints Imams

   Selon le Coran lui-même, les paroles du Prophète et des vénérables membres de sa famille, comme nous l’avons dit plus haut, ont une valeur de preuve et d’autorité pour l’interprétation des versets coraniques.

   Cette autorité est évidente en ce qui concerne les propos oraux et directs du Prophète et des Saints Imams, de même qu’en ce qui concerne les récits authentiques qui rapportent leurs paroles.

   Mais la valeur d’une tradition incertaine, c’est-à-dire remontant à un seul transmetteur, et dont l’autorité est discutée parmi les Musulmans, dépend de l’appréciation de l’exégète.

   Chez les Sunnites, on tient généralement compte des traditions remontant à un seul transmetteur, et qu’on appelle «  authentiques ».

Mais chez les chiites, ce qui est à peu près admis dans la science de logique de Fiqh, c’est que la tradition remontant à un seul, si elle provient de source sûre, a l’autorité d’une preuve en ce qui concerne les préceptes légaux, en dehors de quoi elle n’est pas valide.

 Pour cette question, il faut se référer à la science de logique de Fiqf.

Remarque :

 Du fait que l’exégèse concerne le sens des versets, une discussion ne sera dite exégétique que si elle concerne le sens des versets. Mais une discussion sur le vocabulaire, la lecture ou la rhétorique ne concerne pas l’exégèse coranique.

TROISIEME PARTIE La Révélation du Coran •

A)- L'opinion publique des Musulmans concernant la Révélation du Coran.

B)- L'avis des auteurs contemporains concernant la Révélation et la Prophétie.

C)- Que dit le Coran à ce sujet?

1  - La parole divine.

2  - Gabriel et le Saint Esprit.

3  - Les anges et les démons.

4  - L'appel de la conscience.

5  - A propos de la seconde explication.

D)- Que dit le Coran concernant le sens de fa Révélation et de la Prophétie?

1  - Tendance vers une fin, en général, et chez l'homme.

2  - Privilège de l'homme sur le chemin de la vie.

3  - En quel sens l'espèce humaine est-elle sociale?

4  - L'apparition des conflits et la nécessité d'une loi.

5  - La raison ne suffit pas pour orienter l'homme vers la loi.

6  - Seule la Révélation est apte à diriger l'homme.

7  - Objection et réponse.

8  - La Révélation est préservée de toute erreur.

9  - Nous ne connaissons pas la réalité de la Révélation.

10 - La modalité de la Révélation du Coran.

A - L'opinion publique des Musulmans concernant la Révélation du Coran

Plus que tout autre Livre révélé, tel que la Bible ou l'Evangile, le Coran parle de la Révélation, de Celui qui l'a faite, de celui qui l'a reçue, et même des circonstances de la Révélation.

L'opinion publique des Musulmans - qui à son origine dans la lettre du Coran - concernant la Révélation coranique, c'est que le Coran et, dans sa littéralité, la Parole divine, transmise au Prophète par l'intermédiaire d'un Archange, d'un être céleste.

Cet Archange est Gabriel, le Saint Esprit. Il a adressé la Parole divine au Prophète progressivement, durant 23 ans, et l'a chargé de réciter ces versets, littéralement, aux hommes, de leur apprendre leur signification, et de leur enseigner les croyances et les règles sociales, les lois communes et les devoirs individuels édictés par le Coran.

Cette mission divine s'appelle la Prophétie.

Le Prophète a accompli sa mission, sans rien changer à son objet, sans rien y ajouter ou y soustraire.

B - L'avis des auteurs contemporains concernant la Révélation et la Prophétie

La plupart des auteurs contemporains, spécialistes en religions, ont l'opinion suivante, concernant la Révélation et la Prophétie:

Le' Prophète était un génie social qui s'était levé pour sauver le genre humain de la dégénérescence et de la barbarie, dans le but d'instaurer une société civilisée et libre, et de guider les hommes vers des idéaux purs et salutaires, présentés sous forme d'une religion intégrale et totale.

Ils disent qu'il avait l'esprit honnête, aux intentions élevées, qu'il vivait dans un milieu d'obscurantisme et d'ignorance où ne régnaient que le despotisme, l'oppression et l'anarchie et où l'on ne rencontrait qu'égoïsme, vol et barbarie.

Il souffrait sans cesse de cette situation désastreuse, et de temps en temps, lassé, se retirait du monde pour se réfugier durant quelques jours dans /a solitude d'une grotte située dans la montagne dite Tohâmah; il y contemplait le ciel, les astres, la terre, la montagne, la mer, le désert et toutes ces excellentes choses mises par la création à la disposition de l'homme.

Il souffrait de ce que tant d'ignorance eût envahi l'humanité et rabaissé sa vie faite de bonheur, au rang des bêtes féroces.

Jusqu'à l'âge d'environ quarante ans, le Prophète cultivait ces tristes pensées. C'est alors qu'il réussit à mettre sur pieds un projet destiné à sauver le genre humain de cette situation déplorable d'égarement, de libertinage et d'égoïsme. Ce projet, c'était l'Islam, le régime le plus progressiste, dans les conditions d'alors.

Le Prophète considérait ses idéaux élevés comme une parole divine révélée, il pensait que Dieu Très-Haut lui parlait à travers sa conscience pure; il appela Esprit Saint, Gabriel et Ange de la Révélation sa propre âme bienveillante dont émanaient les idées qui s'établissaient dans son cœur paisible.

D'une manière générale, il appelait "anges" les forces qui, dans le monde de la nature, poussent l'homme vers le bien ou un quelconque bonheur, et il appelait "démons" et "djinns" les forces qui le poussent au mal et au malheur. Et il appelait prophétie et mission le devoir qui s'imposait à lui par la voix de sa conscience et selon lequel il devait s'insurger et inviter les hommes à la conversion.

Bien sûr, cette explication est celle de ceux qui reconnaissent un Dieu à l'origine du monde existant, et qui attribuent sincèrement une valeur au système religieux islamique. Quant à ceux qui nient l'existence d'un créateur, ils considèrent la Prophétie, la Révélation, les devoirs sacrés, la récompense et le châtiment, le Paradis et l'Enfer comme une politique religieuse, comme le produit d'un mensonge de pur intérêt.

Ils prétendent que les prophètes étaient des réformateurs qui établirent des règles pour réformer la société humaine, sous la forme d'une religion. Et comme les gens des siècles passés étaient noyés dans l'obscurantisme, l'ignorance et les superstitions, les prophètes conservaient dans leur système religieux des croyances superstitieuses relatives à l'origine et à la fin de l'homme et du monde.

C- Que dit le Coran à ce sujet?

Ceux qui expliquent la Révélation ou la Prophétie de la première manière, sont des savants adonnés aux sciences naturelles de la matière qui considèrent tout le domaine de l'existence comme étant gouverné par les seules lois de la nature et voient la racine dernière des choses dans la seule nature. Ils prennent par conséquent les religions pour de purs phénomènes sociaux et les jugent d'après les normes dégagées des autres phénomènes sociaux. C'est ainsi que si un génie social tel que Cyrus, Darius ou Alexandre se prétend susciter par Dieu et considère son œuvre comme une mission céleste et ses ordres comme autant de décrets divins, ces mêmes savants n'auront d'autre explication que celle que nous venons de discuter.

Nous n'avons pas l'intention ici de démontrer l'existence du monde métaphysique, ou de répondre à ces savants que chaque science possède son propre domaine sur lequel seul elle est habilitée à juger, ou que les sciences matérielles qui traitent des propriétés de la matière n'ont aucun droit à juger du monde transcendant la matière, que ce soit pour le prouver ou pour le nier.

Ce que nous disons c'est que de toute manière les raisons apportées par les savants doivent être conformes aux déclarations du Coran qui est à l'origine de la mission prophétique et de tous ces jugements. Mais le texte même du Coran contredit explicitement ces raisons. Nous allons donc les comparer une à une avec les versets coraniques.

1 - La parole divine

D'après l'explication donnée plus haut, le Prophète aurait appelé paroles divines les pensées élevées qui surgissaient dans son esprit, c'est-à-dire que ces pensées, comme toutes les autres, naissaient de son cerveau, la seule différence étant que les premières, du fait de leur caractère élevé et saint, étaient attribuées à Dieu, en sorte que ces idées naturelles du Prophète recevaient un caractère sacré du fait de leur attribution à Dieu. Mais le Coran, dans de nombreux versets en réponse à ses adversaires, nie catégoriquement l'attribution de la lettre de son texte au Prophète ou à un homme quelconque. Le Coran affirme que si sa parole est parole humaine, les hommes n'ont qu'à produire un discours semblable, dans chacun des domaines traités par le Coran, que ce soient les croyances, la morale, les préceptes, les histoires des prophètes, la sagesse, ou la prédication, et qu'ils demandent pour se faire l'aide de qui ils voudront.

S'ils échouent, qu'ils sachent alors que le Coran est la parole de Dieu et non pas de l'homme, et que "si les hommes et les Djinns s'unissaient pour produire quelque chose de semblable à ce Coran, ils ne produiraient rien qui lui ressemble, même s'ils s'aidaient mutuellement" (Coran, Le Voyage nocturne, 88).

Ailleurs le Coran déclare: "Si vous êtes dans le doute au sujet de ce que Nous avons révélé à Notre serviteur (le Prophète), apportez-Nous une sourate semblable à ceci, appelez vos témoins autres que Dieu, si vous êtes véridiques" (Coran, II, 23).

Il dit encore: "Ne méditent-ils pas sur le Coran? Si celui-ci venait d'un autre que Dieu, ils y trouveraient de nombreuses contradictions" (Coran, IV, 82).

Bien entendu ces affirmations contredisent une simple attribution divine, elles attestent au contraire que le Coran est la pure Parole divine.

En outre le Coran établit dans des centaines de versets la vérité de miracles inexplicables par l'ordre normal de la nature. C'est par ces miracles que les prophètes attestent l'authenticité de leur mission. Si la prophétie était simplement en les pensées élevées de l'homme, il serait inutile de produire des preuves ou de recourir aux miracles.

Certains auteurs expliquent ces miracles de manière risible mais tout lecteur qui examine leur explication, reconnaîtra sans hésiter que le sens du Coran est autre chose que ce que prétendent ces savants.

Ici, nous n'avons pas en vue d'établir la possibilité des miracles, ces "ruptures de l'habitude" divine, ni de démontrer l'authenticité des citations coraniques; ce qui nous intéresse c'est que le Coran attribue explicitement des miracles aux anciens prophètes tels que Salih, Abraham, Moise ou Jésus et que les histoires qu'il raconte à leur sujet ne peuvent être considérées que comme  des miracles. Or, pour appuyer la voix de la conscience, on n'a pas besoin de recourir aux miracles.

2 - Le Saint Esprit, Gabriel

D'après l'explication proposée plus haut, le Prophète appelait "Esprit Saint" sa propre âme, pure et pleine de bienveillance, et "Révélation", ce que celle-ci lui suggérait. Mais le Coran n'appuie pas cette opinion, car il appelle l'inspirateur des versets "Gabriel", et selon l'explication proposée, une telle dénomination serait sans fondement.

Le Très-Haut déclare: "Dis: qui est l'ennemi de Gabriel?-C'est lui qui a t'ait descendre sur ton cœur avec la permission de Dieu le Livre", qui confirme ce qui était avant lui: Direction et bonne nouvelle pour les croyants - "Celui qui est l'ennemi de Dieu, de Ses anges, de Ses prophètes, de Gabriel et de Mikaël". Dieu est l'ennemi des incrédules" (Coran, II, 87-88).

Ce verset est une réponse aux Juifs qui avaient demandé au Prophète: "Qui fait descendre ce Coran sur toi?" Il leur répondit: "Gabriel". Eux reprirent: "Nous sommes ennemis de Gabriel, car c'est lui qui faisait descendre sur nous des restrictions, et puisque nous sommes contre lui, nous ne croyons pas à un livre apporté par lui". Dieu, dans le verset cité plus haut, leur répond que c'est sur l'ordre de Dieu que Gabriel a fait descendre le Coran sur Son Prophète et non pas sur une décision personnelle de ce dernier, et qu'enfin le Coran est la parole divine en laquelle il faut croire, et non la parole de Gabriel.

Il est clair que les Juifs s'opposaient à un être céleste, chargé de transmettre la Révélation divine, et distinct de Moise ou de Mohammad; ils ne s'opposaient ni à l'esprit très pur de Moise, ni à celui de Mohammad.

Ce même Coran qui, dans ce verset, attribue la descente du Coran sur le cœur de Mohammad à Gabriel, dans un autre verset, l'attribue à l'Esprit Saint. "L'Esprit fidèle est descendu avec lui (le Coran) sur ton cœur" (Coran, XXVI, 193). Le rapprochement des deux versets nous indique que l'Esprit Saint (ou Esprit fidèle) n'est autre que Gabriel.

Dieu Très-Haut décrit ailleurs l'agent de la Révélation comme suit: "... Ceci est la Parole d'un noble Messager (Gabriel) doué de force auprès du Maître du Trône inébranlable, obéi autant que fidèle. Votre compagnon n'est pas un possédé! Il l’a vu à l'horizon lumineux.

Il n'est pas avare du mystère" (Coran, LXXXI, 19-24). Ces versets signifient que Gabriel fait partie des anges proches de Dieu, qu'il possède une grande puissance et autorité et qu'il est fidèle.

A un autre endroit, le Seigneur décrit ces mêmes anges proches du Trône, ces anges généreux, de la manière suivante: "Ceux qui portent le Trône et ceux qui se tiennent autour célèbrent les louanges de leur Seigneur. Ils croient en Lui, ils implorent Son pardon pour les croyants" (Coran, XL, 7). Ce verset nous montre que les anges "rapprochés"sont des êtres indépendants, autonomes, doués d'intelligence et de volonté, car les attributs qu'on leur prête, telles que la foi en Dieu, l’imploration du pardon pour les autres, ne peuvent se concevoir qu'en leur reconnaissant une existence indépendante, une intelligence et une volonté.

L'Eternel dit encore de ces anges rapprochés: "Le Messie n'a pas trouvé indigne de lui d'être serviteur de Dieu; non plus que Ses Anges qui sont proches de Dieu. Dieu rassemblera bientôt devant Lui ceux qui refusent de L'adorer, et ceux qui s'enorgueillissent... Un châtiment douloureux est préparé pour ceux qui se sont détournés et qui se sont enorgueillis" (Coran, IV, 172-173).

Il est clair que ni le Messie ni les anges rapprochés ne commettent de pécher, mais s'ils se laissent aller au péché et refusent l'obéissance qu'ils doivent au Seigneur, ce verset les menace des tourments du jour de la Résurrection. La menace de supplices suppose une prévarication, ce qui exige autonomie, volonté et intelligence.

D'après les versets cités, on comprend que l'agent de la Révélation, l'Esprit fidèle, appelé encore Gabriel, est un ange céleste doué d'une existence, d'une volonté indépendantes.

De plus, suivant le verset 21 de la sourate LXXXI, le porteur de la Révélation est "obéi" et digne de confiance. Par conséquent, Gabriel a un rôle de commandement dans le monde supérieur et a sous ses ordres un groupe d'anges qui lui sont inférieurs. La Révélation, ou du moins certains versets coraniques étaient parfois transmis au Prophète par l'intermédiaire de ces anges. Les versets de la sourate "Le Front sévère", y fait allusion: « Ceci est, en vérité, un Rappel. Quiconque le veut s'en souviendra. Il est contenu dans des feuilles vénérées, exaltées, purifiées, entre les mains de scribes nobles et purs » (Coran, LXXX, 11-16)

3-Les anges et les démons

   D’après l’explication donnée plus haut, les anges seraient les forces naturelles qui poussent l’homme au bonheur et au bien, alors que les démons ne seraient que les forces naturelles qui l’entraînent au mal et au malheur. Mais l’enseignement du Coran est tout autre. Selon le Coran, les anges et les démons sont des êtres inaccessibles à nos sens, mais cependant doués d’existence, d’intelligence et de volonté indépendantes.

    D’après plusieurs versets dont nous venons de parler, les anges sont des êtres autonomes, ayant la foi et auteurs d’actes conscients et volontaires. Beaucoup d’autres versets coraniques confirment cette opinion. Quant aux démons, le refus de Satan de se prosterner devant Adam, et le dialogue entre Dieu et Satan sont racontés à plusieurs reprises dans le Coran. Iblis, une fois proscrit de la présence du Très-Haut, déclare :

«  Par Ta puissance ! Je les égarerai tous, à l’exception de ceux d’entre eux qui sont Tes fidèles serviteur ». Et l’Eternel lui répond : « La Vérité ! Je dis la Vérité ! Je remplirai la Géhenne avec toi, et tous ceux qui t’auront suivi » (Coran, XXXVIII, 82-85).

   Il est clair qu’un châtiment ne se conçoit que si l’auteur du crime est doué d’intelligence. A un autre endroit, le Très-Haut déclare, en réponse à la menace de Satan adressée aux humains :

« Iblis a réalisé ses intentions à leur égard, ils l’ont donc suivi, à l’exception d’un groupe de croyants » (Coran, XXXIV, 20). On voit qu’ici le Tout-puissant attribue l’intention volontaire à Satan.

   Ailleurs, il dit encore : « Lorsque le décret aura été décidé, le Démon dira : «  Dieu vous a certainement fait une promesse vraie, tandis que je vous ai fait une promesse que je n’ai pas tenue. Quel pouvoir avais-je sur vous, sinon celui (seulement) de vous appeler ?

Vous m’avez répondu. Ne me blâmez donc pas, blâmez-vous vous-mêmes » (Coran, XIV, 22). Le blâme et le reproche sont aussi des faits qui émanent seulement des êtres qui sont doués de volonté et d’intelligence.

 Les versets cités et d’autres qui contiennent des idées semblables attribuent à Satan des qualités et des états qui exigent de l’existence, de la volonté et de l’intelligence indépendantes, alors qu’on ne peut attribuer celles-ci aux forces naturelles privées de ces qualités.

Les Djinns: II existe des versets coraniques semblables aux versets cités jusqu'ici, voire encore plus nombreux et explicites à propos des Djinns. Dieu Très-Haut dit des enfants qui refusent d'obéir à l'invitation de leurs parents à croire en Dieu, et prennent la religion pour une superstition et des mythes hérités des anciens peuples: "Voilà ceux contre lesquels la Parole s'est réalisée comme elle s'était déjà réalisée contre les communautés de Djinns, et contre les communautés d'hommes qui ont vécu avant eux: voilà les perdants" (Coran, Al 'Ahqaf, 18). D'après ce verset les Djinns comme les hommes constituent de différents peuples, ont des devoirs, naissent et meurent.

Ailleurs, II dit encore: "Lorsque Nous avons amené devant toi une troupe de Djinns pour qu'ils écoutent le Coran et qu'ils furent présents, ils dirent: "Ecoutez en silence!" et, quand ce fut terminé, ils retournèrent en avertisseurs auprès de leur peuple. Ils dirent: "O notre peuple! Nous venons d'entendre la lecture d'un Livre révélé après Moïse: il confirme les précédents; il guide vers la Vérité et vers un chemin droit. O notre peuple! Répondez à l'Apôtre de Dieu! Croyez en lui! Dieu vous pardonnera une partie de vos péchés et il vous préservera d'un châtiment douloureux". Celui qui ne répond pas l'Apôtre de Dieu ne peut réduire Dieu à l'impuissance sur la terre. Il n'y a pas de maître en dehors de Lui. - Voici des hommes manifestement égarés!" (Coran. XLVI. 29-32Ï.

Ces versets établissent clairement l'existence des Djinns, comme celle d'une espèce d'êtres doués, comme l'homme, d'une autonomie d'existence, de volonté et d'intelligence, et ayant des devoirs. On rencontre encore dans le Coran, parmi ceux qui parlent de la Résurrection, certains versets qui affirment la même chose, encore plus explicites que ceux que nous avons cités.

4 • l’ 'appel de la conscience

D'après l'explication donnée plus haut, la mission prophétique consiste à répondre positivement à l'appel de la conscience invitant l'homme à réaliser une réforme générale. Mais le Coran s'oppose à cette interprétation, car le Très-Haut déclare: "Par une âme! Comme Il l’a bien modelée, en lui inspirant Son libertinage et Sa piété » (Coran, XCI, 7-8).

D'après ces versets tout homme discerne le bien et le mal, la bonté et la laideur de ses actes, grâce à sa conscience; l'appel à la perfection réside au fond de son être. Certains l'écoutent et se sauvent; d'autres le dédaignent et s'avancent vers leur malheur. C'est pourquoi le Seigneur dit: "Heureux celui qui purifie (son âme)! Mais celui qui la corrompt est perdu"! (Coran, XCI, 9-10). Si la vocation prophétique n'était autre que cet appel de la conscience, qui est commun à tous les êtres humains, alors tous seraient prophètes, tandis que le Très-Haut n'a donné cette mission qu'à certains d'entre eux, ainsi qu'il le dit lui-même: "Ils disent, lorsqu'un Signe leur parvient: «Nous ne croirons pas, tant que nous ne recevrons pas un don semblable à celui qui a été accordé aux prophètes de Dieu». - Dieu sait où placer Son message - " (Coran, VI, 124).

Ce verset nous dit que les incroyants mettaient comme condition à leur foi que la mission prophétique soit rendue universelle en sorte qu'eux aussi en jouissent. Mais Dieu rejetant leur demande déclare qu'une telle dignité est réservée à certains.

5 - A propos de la seconde explication

Comme nous l'avons dit à propos de la première explication, nous ne cherchons pas pour l'instant à démontrer la vérité de l'appel de l'Islam, ni l'authenticité de la mission du Prophète, nous ne faisons que montrer que la seconde explication, elle aussi, n'est pas conforme aux affirmations coraniques. Car selon cette explication, les croyances que les prophètes ont enseignées aux hommes ne sont que des superstitions, imposées par la politique religieuse de l'époque, aux peuples dépourvus de culture et de science. C'est évidemment avec une intention droite que les hommes, craignant un Dieu qui réprime sévèrement les péchés au Jour du jugement dernier, et aspirant à un paradis promis aux justes au Jour du jugement, observaient les commandements religieux.

La vie des autres prophètes n'est pas très bien connue; mais celle de notre Prophète est tout à fait claire. Quiconque étudie avec attention la vie du Prophète, ne doutera pas un instant qu'il croyait lui-même fermement en sa mission céleste, en toute confiance.

Si l'histoire des croyances religieuses était l'histoire de superstitions, tant de preuves et d'arguments, invoqués par le Coran, à l'appui des croyances islamiques, de même que les raisons alléguées pour affirmer l'existence du Créateur, ainsi que le monothéisme, les attributs divins et d'autres croyances relatives à la mission prophétique et au Jugement dernier, n'auraient aucun sens.

D- Que dit le Coran concernant le sens de la Révélation et de la Prophétie?

Ce qui ressort du Coran c'est que ce livre céleste est le résultat d'une Révélation reçue par le Prophète, et que la Révélation est une sorte de discours céleste, immatériel, qu'on ne peut saisir par le moyen des sens ou de la réflexion rationnelle, mais seulement par une autre sorte d'intelligence, donnée seulement à certains par la volonté divine, intelligence qui seule comprend les préceptes de l'Invisible, au delà des sens et de la raison, par la Révélation et l'enseignement divin. Le fait de recevoir la Révélation, c'est ce qu'on appelle la Prophétie.

Pour clarifier cela, nous sommes obligés de donner les explications suivantes:

1 - Tendance vers une fin, en général, et chez l’homme

Au début du présent ouvrage, au cours d'une longue discussion, nous notions que les différentes espèces d'êtres de notre monde, tant les vivants que les non vivants, poursuivent chacune un but, dès le début de leur existence. Chaque espèce est pourvue, de par sa constitution, de facultés qui sont à l'origine de l'activité propre à cette espèce. C'est cette activité qui la conduit à son but et son achèvement, comme le dit Très-Haut: "Notre Seigneur est celui qui a donné à chaque être sa forme et qui l'a ensuite dirigée" (Coran, Ta'Ha, 50). Il dit dans un autre verset: "(II) crée et forme harmonieusement les hommes; II fixe leurs destins et les dirige" (Coran, LXXXVII, 2-3).

De même on a fait remarquer que le genre humain n'est pas exclu de cette loi de finalité universelle et qu'il poursuit dans son existence un but vers lequel il s'oriente, grâce à des facultés appropriées

Sa perfection et son bonheur consistent à rejoindre cette fin; son malheur et son désespoir proviennent de ce qu'il n'atteint pas sa fin. L'homme se dirige vers sa fin, en étant guidé par la création. Le Très-Haut déclare en particulier au sujet de l'homme: "Nous avons créé l'homme pour l'éprouver, d'une goutte de sperme et de mélanges. Nous lui avons donné l'ouie et la vue. Nous l'avons dirigé sur le chemin droit, qu'il soit reconnaissant, ou qu'il soit ingrat" (Coran, LXXVI, 2-3).

Et ailleurs: "Comment Dieu l’a-t-ll créé? D'une goutte de sperme. Il l'a créé et II a fixé son destin; puis  Il a rendu son chemin facile" (Coran, LXXX, 18-19-20).

2 - Privilège de l'homme sur le chemin de la vie

Le privilège des êtres animés par rapport aux non animés consiste en ce que l'activité des êtres animés est consciente; ils agissent en connaissance de cause. Et bien que l'homme ait en partage le type d'activité consciente des autres êtres animés, il compte encore un privilège par rapport à eux, qui consiste en ce qu'il est doué de raison et d'intelligence. Il ne se met pas à agir dès que la possibilité s'en présente, mais il évalue le positif et le négatif, les avantages et les désavantages de l'action; si l'avantage prédomine, il passe à l'action; si le désavantage prévaut, il s'en abstient.

En tout ce qu'il accomplit, il suit le discernement de sa raison. Si la raison discerne un intérêt exempt de préjudice elle ordonnera d'agir. Si elle discerne un pur préjudice, ou même seulement un certain désavantage, elle ordonnera de s'abstenir d'agir. Bien entendu, nous entendons par jugement et ordre de la raison, le discernement de la nécessité d'agir ou de s'abstenir d'agir; mars l'invitation à agir ou à s'abstenir d'agir, ou vouloir effectivement l'un ou l'autre est en réalité le fait de l'affection et des sentiments, et c'est sur ce vouloir que la raison exerce son entendement et confirme ou infirme l'intérêt pur et simple d'une action. Certes comme ce discernement est relatif et conventionnel, la compréhension, le jugement et le commandement le seront aussi. (Prêtez-y suffisamment attention).

3 - En quel sens l'espèce humaine est-elle sociale?

Il n'y a point de doute que l'homme soit, dans sa vie extérieure, un être social, qu'il vive continuellement en société, collectivement, et que les hommes s'entraident pour subvenir à leurs besoins. Mais est-ce de par sa nature originelle que l'homme désire associer ses propres activités à celles des autres, et prendre sa part du résultat des efforts de la société, selon le rang qu'il occupe?

Ce que nous constatons c'est que la nature humaine a des besoins, ainsi que des affections et des sentiments, et qu'elle se sert de ses propres facultés pour les satisfaire, sans être consciente, à ce niveau, des besoins et des désirs des autres.

L'homme, pour satisfaire ses besoins se sert de toute chose; et utilise les corps simples ou composés de la terre pour atteindre ce but. Il se sert de toutes sortes de plantes et d'arbres, des feuilles, des fruits et même des tiges et des racines, ainsi que des différentes espèces d'animaux et leurs produits dérivés. Il met tout cela à son service, pour remédier à ses imperfections. Un tel homme, qui se sert de tout ce qu'il trouve pour son propre intérêt adoptera-t-il une autre attitude à l'égard de ses semblables pour les respecter, les aider d'un cœur sincère, et renoncer pour leur bien à une partie de ses intérêts? Non, bien sûr, jamais.

Par contre, l'homme se rend compte d’une part de ses propres besoins infinis qu'il ne pourra jamais satisfaire à lui tout seul, et de ce qu'il pourrait subvenir à une partie de ces besoins grâce à l'aide de ses semblables. Il est conscient d'autre part que les autres hommes possèdent les mêmes facultés, les mêmes désirs et les mêmes tendances qu'il a lui-même, et que, tout comme il défend ses propres intérêts, eux aussi les défendent pareillement.

De ce fait, il est contraint à la solidarité sociale, et consent à renoncer à une part de ses intérêts pour satisfaire les besoins de ses semblables, tout comme il reçoit une certaine partie du fruit du travail des autres pour satisfaire ses propres besoins. En réalité, il s'engage dans un commerce d'échanges publics toujours en marche, où l'on vend toutes sortes de remèdes aux besoins vitaux.

Par conséquent, le produit du travail social s'amasse, et chacun y prend une part, selon sa valeur sociale, c'est-à-dire en rapport avec la valeur du travail qu'il fournit à la société; et c'est ainsi que chacun satisfait à ses besoins.

De ce que l'on vient de dire, il ressort que la nature primordiale de l'homme, qui recherche ses propres intérêts, exige de mettre les autres au service de ces intérêts personnels et d'exploiter leur travail. Ce n'est que par nécessité et contrainte que l'homme consent à la solidarité. L'étude de la mentalité des enfants nous éclaire beaucoup à ce sujet, car l'enfant exige tout ce qui lui plaît, de manière intempestive, appuyant ses désirs de cris et de pleurs. Ce n'est que peu à peu, quand il fait son entrée dans la scène sociale et se familiarise avec la société, qu'il renonce partiellement à ses exigences, pour y renoncer tout à fait lorsqu'il fait pleinement partie de la société.

Une autre preuve de cet état de choses consiste en ce que l'homme qui accède à un pouvoir dépassant celui des autres délaisse sans façon la solidarité sociale et ses devoirs pour mettre les hommes à son service et s'approprier le produit de leur travail, sans contrepartie. Dieu Très-Haut, faisant allusion à une telle solidarité dit: "C'est Nous qui avons réparti entre eux leur nourriture dans la vie de ce monde. C'est Nous qui élevons de quelques degrés, certains d'entre eux au-dessus des autres afin qu'ils se réduisent, l'un et l'autre, en servitude" (Coran, XLIII, 32).

Ce verset fait allusion à la réalité de la solidarité sociale dans laquelle chacun a une supériorité sur les autres dans un domaine quelconque de la vie, et dans laquelle, par conséquent, les individus diffèrent les uns des autres selon leur rang, chacun dominant les autres en ce qu'il a de supérieur et dirigeant leurs activités dans le sens de ses propres intérêts. Les individus sont par conséquent liés les uns aux autres dans la société comme la trame et la chaîne d'une étoffe.

Le Très-Haut dit dans un autre verset: "L'homme est vraiment très injuste" (Coran, XIV, 34). "...il est injuste et ignorant" (Coran, XXXIII, 72). Ces versets font allusion à l'instinct naturel de l'homme qui l'incite à outrepasser ses droits pour mettre les autres à son service et à s'accaparer de leurs biens.

4 - L'apparition des conflits et la nécessité d'une loi

Bien que l'homme, mis en contact avec ses semblables, soit nécessairement contraint d'accepter une solidarité sociale et de sacrifier pour ce faire, une partie de sa liberté d'action, pour en sauvegarder une autre, la seule constitution d'une société solidaire, du fait du déséquilibre et de l'énorme différence dans les facultés spirituelles et physiques des hommes, ne saurait remédier à elle seule à toutes les difficultés.

         Du fait de l'opposition des intérêts de ses membres, cette même société, constituée dans le but de régler les différends, devient la cause principale de toutes sortes de corruptions et de conflits.

C'est pour cela qu'il faut de toute nécessité établir des règles communes,acceptées et respectées par tous les membres de la société II est clair, en effet, que même pour un échange limité, celui-ci ne saurait avoir lieu sans l'existence de conventions communes entre le vendeur et l'acheteur. Par conséquent il faut que soient établies des lois entre individus, dont l'observance préserve la société de la décomposition et assure les intérêts des citoyens. La création qui oriente les espèces vers leur fin et leur bonheur, conduit également l'homme à une loi qui garantit le bonheur social.

Dieu Très-Haut déclare: "Comment Dieu l’a t’Il créé? D'une goutte de sperme. Il l'a créé et II a fixé son destin; puis II a rendu son chemin facile" (Coran, LXXX, 18-20).

Faciliter le chemin qui conduit à la vie, pour l'homme qui, par nature, doit vivre en société, consiste à mettre à la disposition de l'homme, des lois et des règlements.

5 - La raison ne suffit pas pour orienter l'homme vers la loi

Cette orientation, quels qu'en soient les moyens et le but, sera le fait de la création, car c'est cette même réalité de la création qui a créé l'homme, lui a assigné comme fin le bonheur, et a déterminé l'orientation de toute chose vers une fin, dont l'orientation de l'homme fait partie.

Il ne saurait évidemment y avoir d'erreur ni de contradiction dans l'œuvre de la création, et si éventuellement une cause n'y atteint pas son but ou en est déviée, ce n'est pas cette cause qui en est responsable, mais l'influence d'une ou plusieurs autres causes sur la première qui neutralisent ou font dévier son effet. Sans l'interférences d'autres causes il n'y aurait ni contradiction, ni erreur, ni même déviation de la part d'aucune cause.

De cela il ressort que l'orientation vers une loi, destinée à régler les conflits, n'est pas le fait de la raison. Car c'est cette même raison qui pousse aux conflits; c'est cette même raison qui engendre en l'homme l'instinct de domination, de préservation des intérêts propres à l'exclusion des autres et d'absolue liberté d'action, et qui n'admet que par contrainte une société équilibrée, du fait de l'existence de rivaux. Or, il est évident que dans la création, il ne saurait exister une force produisant deux effets contradictoires, la provocation dé conflits et le règlement des conflits.

Les innombrables dérogations aux lois qui se produisent tous les jours et sont considérées comme des péchés, proviennent toutes de personnes douées de raison, sans quoi elles ne seraient pas considérées comme péchés. Si la raison orientait l'homme vers les lois destinées à résoudre les conflits et n'était pas par instinct portée à l'infraction, elle n'approuverait pas ces infractions en question, mais bien au contraire les empêcherait.

L'agent essentiel des infractions réside dans le fait que la raison n'admet une société juste et ne respecte les lois qui garantissent la justice sociale, que par contrainte et en considération des rivaux qui l'importunent en empêchant sa totale liberté d'action; sans l'existence de tels rivaux, il n'y aurait pas de raison de respecter la solidarité et la justice sociales.

Les contrevenants aux lois sont ou ceux qui ont un pouvoir supérieur au pouvoir exécutif de la loi et dérogent hardiment à celle-ci, ou ceux qui échappent au pouvoir exécutif, du fait de leur éloignement ou de la négligence des surveillants, ou ceux qui se donnent des excuses pour faire apparaître leurs fautes comme légales, ou ceux qui abusent de la naïveté et de la misère de leurs victimes. De toute façon il s'agit de gens qui n'ont en face d'eux aucun rival importun, ou s'ils en ont un, celui-ci est impuissant et sans effet. Il est clair qu'en ce cas la raison ne commandera pas, et ne fera rien pour entraver la liberté absolue d'action, donnant libre cours à l'instinct de domination.

Ainsi donc la raison est impuissante à orienter l'homme vers une loi qui assure et garantisse les intérêts sociaux, en même temps qu'elle sauvegarde les intérêts privés de manière équitable Car la raison ne commande,  le respect de la loi dans la société, que lorsqu'il y a un rival qui la gêne, mais là où personne ne gêne sa liberté absolue, elle ne saurait commander le respect de la loi, elle commande plutôt le contraire.

Le Très-Haut dit: "L'homme est rebelle dès qu'il se voit dans l'aisance" (Coran, XCVI, 6-7).

Fait partie de cette aisance, le fait de n'avoir pas besoin de solidarité et de loi pour assurer ses propres intérêts.

6 - Seule la Révélation est apte à guider l'homme

De ce que nous avons dit plus haut, il ressort que l'homme, tout comme les autres créatures, poursuit comme fin le bonheur; et comme il est obligé par nature de vivre en société pour subvenir aux nécessités de cette nature, son bonheur et son malheur seront inséparables du bonheur et du malheur de la société. Il doit de toute manière faire partie d'une cellule sociale, et rechercher son bonheur personnel en liaison avec le bonheur de la société.

Il nous est apparu que seule une loi commune peut assurer directement le bonheur de la société et en même temps le bonheur individuel, de manière équitable.

Nous sommes enfin arrivés à la conclusion que l'homme, tout comme les antres espèces, doit être, dirigé par la création vers le bonheur de l'espèce et vers tout ce qui peut faciliter ce dernier. Le bonheur de l'homme est inclus dans celui de sa société, et partant, c'est par la création qu'il doit être dirigé vers cette loi commune. De plus, il a paru certain que la raison humaine ne suffisait pas à elle seule, à diriger l'homme vers cette loi, car la raison ne commande pas toujours la solidarité avec les autres et la justice sociale.

Il faut en conclure qu'il doit de toute nécessité exister pour le genre humain une autre sorte de compréhension que la compréhension par la raison, par laquelle la création assure la direction de l'homme. Nous connaissons cette voie de l'entendement humain, différente de la voie de la raison: c'est une voie de compréhension dont certains ont parlé, connus sous le nom de "prophètes" ou "envoyés de Dieu", voie qu'ils ont appelée "Révélation céleste", et qu'ils ont invoquée comme preuve de leur mission et de leur véracité.

Le Très-Haut déclare: "Les hommes formaient une seule communauté.

Dieu a envoyé les prophètes pour leur apporter la bonne nouvelle et pour les avertir. Il fit ainsi descendre le Livre avec la Vérité pour juger entre les hommes et trancher leurs différends" (Coran, II, 213). Il dit ailleurs: "Nous t'avons inspire comme Nous avions inspiré Noé et les prophètes venus après lui. Nous avions inspiré Abraham, Isaac, Jacob, les Tribus, Jésus, Job, Jonas, Aaron, Salomon et Nous avions donné des Psaumes à David" (Coran, IV, 163). Et encore: "Nous avons inspiré les prophètes: ils annoncent la bonne nouvelle; et ils avertissent les hommes, afin qu'après la venue des prophètes, les hommes n'aient aucun argument à opposer à Dieu" (Coran, IV, 165).

Comme on le voit, le premier verset considère la Révélation et la Prophétie comme les seuls moyens pour trancher les différends entre les hommes; le second verset présente la Révélation et la mission prophétique comme l'unique argument définitif adressé aux hommes, ce qui suppose que la raison ne suffise pas à montrer le bon chemin et à poser un jugement définitif. Autrement dit, si des prophètes n'étaient pas envoyés, si les lois divines n'étaient pas diffusées, et si les hommes commettaient l'injustice et le mal, à supposer qu'ils n'aient que la raison pour déceler le mal de l'injustice et de la corruption, ils ne seraient pas responsables devant le Seigneur.

7 - Objection et réponse

Objection: Vous avez, sous prétexte que la raison ne peut pas empêcher l'homme de déroger aux lois, supprimé le rôle législatif de la raison, ou, selon l'expression du Coran, son rôle de guide de l'humanité vers le bonheur de l'espèce et vous avez confié cette tâche à la Révélation et à la mission prophétique, alors que les lois et les règlements issus de la Révélation ne peuvent rien faire non plus, impuissants qu'ils sont à empêcher les infractions. Bien plutôt, les violations de la loi religieuse ne font qu'augmenter en nombre, et l'attachement de l'homme à ces lois que diminuer.

Réponse: Indiquer la voie est une chose, la mise en pratique de cette voie par les hommes en est une autre. Ce qui incombe à la création du point de vue de l'orientation de toute chose vers sa fin, c'est qu'elle dirige l'humanité, de quelque manière, vers une loi qui garantisse son bonheur, et non pas qu'elle empêche toute violation de la loi où qu'elle oblige l'homme à respecter la loi.

Si nous avons considéré les violations de la loi n'entravant aucunement la liberté, comme un signe d'insuffisance de la raison, ce n'était pas parce que celle-ci n'empêchait pas l'action, mais simplement parce que la raison n'ordonne rien à ce sujet et n'invite pas l'homme à respecter la solidarité sociale et la loi. Son appel à l'action se fait par nécessité, du fait qu'elle se voit confrontée à un obstacle à sa liberté et juge la liberté d'action en l'occurrence plus dommageable qu'utile. Il est clair qu'un tel arbitre, là où il n'y a pas d'obstacle à la liberté d'action, n'interdira pas l'infraction impliquant la liberté, ni ne commandera d'observer la loi qui entrave la liberté.

Puisque la raison n'ordonne pas de respecter la loi dans tous les domaines, elle ne saurait suffire pour diriger continuellement l'homme, alors que la Révélation commande d'observance de la loi dans toute sa généralité, sans aucune exception ni interruption. Elle confie le commandement à Dieu Unique qui grâce à Sa Toute-puissance et Son Omniscience, surveille l'homme en toute circons­tance et, sans la moindre discrimination, récompense l'acte vertueux et punit l'acte mauvais.

Le Très-Haut déclare: "Le jugement n'appartient qu'à Dieu" (Coran, XII, 40) et encore: "Celui qui aura fait le poids d'un atome de bien, le verra; celui qui aura fait le poids d'un atome de mal, le verra" (Coran, XCIX, 7-8), et autre part: "Le Jour de- la Résurrection, Dieu distinguera les uns des autres: les croyants, les Juifs, les Sabéens, les Chrétiens, les Mages et les Polythéistes. Dieu est témoin de toute chose" (Coran, XXII, 17). "Ne savent-ils pas (les uits) que Dieu connaît ce qu'ils cachent et ce qu'ils divulguent?" (Coran, II, 77), "Dieu voit parfaitement toute chose" (Coran, XXXIII, 52).

Il s'ensuit de ces versets que la religion révélée est plus puissante à empêcher les fautes que les lois ordinaires déterminées par l'homme. Car l'ultime moyen dont disposent les lois humaines pour empêcher les fautes c'est de charger des gardiens de l'ordre de contrôler les actions extérieures des hommes, et de déterminer une peine pour les contrevenants, qui ne sera appliquée que si la loi est suffisamment puissante et que le crime est connu.

La religion révélée, quant à elle, possède elle aussi des contrôleurs des actes extérieurs humains, tout comme les législations humaines. Deuxièmement, grâce à l'instauration du principe de la "commanderie du bien et de l'interdiction du mal" elle charge tous les hommes sans exception de contrôler les actions de leurs semblables, et de veiller à la juste exécution des lois. Troisièmement cela fait partie des croyances religieuses que les actes humains, tant bons que mauvais, sont notés pour le Jour du jugement dernier. Quatrièmement, et surtout, le Seigneur de l'Univers et des êtres humains, présent en tout temps, en tout lieu et en toute circonstance, veille sur les actes humains.

En ce qui concerne les châtiments, outre les peines prévues en ce monde par la religion comme par les autres lois humaines, il y aura les sanctions au jour de la Résurrection, sans aucune discrimination ni exception.

Le Très-Haut a dit: "O vous qui croyez! Obéissez à Dieu! Obéissez au Prophète et à ceux d'entre vous qui détiennent l'autorité" (Coran, IV, 59), et encore: "les croyants et les croyantes sont amis les uns des autres. Ils ordonnent ce, qui est convenable, ils interdisent ce qui est blâmable" (Coran, IX, 71), et autre part: "Des gardiens veillent sur vous: de nobles scribes qui savent ce que vous faites" (Coran, LXXXII, 10-12); et encore: "Ton Seigneur est le Gardien vigilant de toute chose" (Coran, XXXIV, 21).

Autre objection: D'après ce que l'on vient de dire, la raison ne commande pas toujours de respecter la loi et d'éviter de lui contrevenir. Or cela contredit ce que prétendent certains récits traditionnels, remontant aux Saints Imams de la Famille du Prophète, selon lesquels Dieu Très-Haut dispose de deux critères pour juger Ses sujets: un critère extérieur, à savoir le Prophète, et un critère intérieur, à savoir la raison humaine. Car selon ce que nous avons dit, la raison, sinon dans tous, du moins dans la plupart des cas, ne porte pas de jugement sur la faute, en sorte que son jugement n'a pas valeur de critère définitif.

Réponse: L'œuvre de la raison pratique humaine, sans nulle exception, c'est d'attirer l'homme à ce qui lui profite, et de l'éloigner de ce qui lui nuit. L'homme, cet être avide d'intérêt et de domination, n'accepte la solidarité et la collaboration que par contrainte, une contrainte qui a sa source dans la force de résistance des hommes qu'il veut librement exploiter, ou dans le pouvoir de ceux qui sont chargés de punir les contrevenants.

Si personne ne l'y contraint, la raison ne commandera pas l'obligation de respecter la loi ou d'éviter sa violation.

Mais si la contrainte procède du commandement divin, et si (comme la Révélation l'exige) la surveillance des actes et la rétribution du bien et du mal appartiennent sans aucune exception à Dieu, un Dieu exempt de toute inattention, de toute ignorance, un Dieu Tout-puissant, alors la raison ne préférera aucune nécessité au commandement, bien au contraire, elle ordonnera toujours ce que la Révélation a ordonné. Dieu Très-Haut dit: "Qui donc se tient auprès de chaque homme comme témoin de ce qu'il fait?" (Coran, XIII, 33), et ailleurs: "Un gardien se tient auprès de chaque âme" (Coran, LXXXVI, 4), et encore: "Tout homme est tenu pour responsable de ce qu'il a accompli" (Coran, LXXIV, 38).

8 - La Révélation est préservée de l'erreur.

D'après ce que nous avons dit, la Révélation et l'enseignement des règles de la vie sociale de l'homme par la Révélation, font partie intégrante du plan de la création. Or, nous avons vu que la création ne commet jamais d'erreur dans son œuvre. Par conséquent les préceptes de la religion révélée qui parviennent aux humains par la voie de la Révélation, ne sont déformés par aucune faute ni erreur au long de ce parcours. Le Très-Haut dit: "... (Dieu) connaît parfaitement le mystère; mais II ne montre à personne le secret de Son mystère, sauf à celui qu'il agrée comme prophète. Il le fait accompagner de gardiens placés devant et derrière lui" (Coran, LXXII, 26-27).

C'est pour cela que les prophètes et les envoyés de Dieu doivent nécessairement être infaillibles et impeccables: ils ne commettent d'erreur ni en apprenant les enseignements inspirés de l'au-delà, ni en retenant ce qu'ils ont reçu, ni en transmettant ce qu'ils ont appris et gardé, parce qu'ils collaborent avec la création dont ils sont des instruments, pour l'orientation de toutes choses vers leur fin. S'ils commettaient des erreurs dans la réception, la conservation ou la communication de la Révélation, s'ils la trahissaient sous l'effet de la tentation du diable ou des passions, ou s'ils péchaient, ce qui mettrait nécessairement une contradiction entre ce qu'ils prêchent et ce qu'ils font, dans tous ces cas, la création aurait commis une faute dans son orientation de toutes choses vers leur fin, ce qui est impossible.

Le Très-Haut dit: "La voie droite appartient à Dieu; certains s'en détachent..." (Coran, XXVII, 9).

9 — Nous ne connaissons pas la réalité de la Révélation

De nos réflexions précédentes, il ressort que l'orientation de la vie humaine vers le bonheur de l'espèce, qu'il incombe à la création d'enseigner, ne peut être donnée à l'homme par la voie de la raison. Il doit exister une autre voie de connaissance que la réflexion rationnelle, voie par laquelle l'homme perçoit ses devoirs spécifiques: cette voie, nous l'appelons la Révélation.

Bien entendu cela ne fait qu’exiger l'existence d'un tel entendement chez certains membres de l'espèce humaine, et non pas chez tous. Si l'on considère que la réception de la Révélation requiert une intelligence dénuée de toute souillure, et que les êtres humains diffèrent beaucoup du point de vue constance, équilibre de pensée et pureté d'âme, aussi bien que du point de vue des qualités opposées, il faut reconnaître que ce don de la Révélation ne se réalise dans les hommes que rarement;c'est pourquoi le Coran se contente d'appeler un certain nombre d'humains "prophètes" et "envoyés de Dieu" sans préciser leur nombre ni les citer tous nommément. Il cite seulement   les noms d'une vingtaine d'entre eux. (Adam, Noé, Hermès, Houd, Salih. Abraham, Lot, Ismaël, Alyasa'a, Zol-Kefl, Elias, Jonas, Isaac, Jacob, Joseph, Shoaïb, Moïse, Aaron, David, Salomon, Job, Zacharie, Jean, Ismaël le sincère en sa promesse, Jésus, Mohammad)

Dépourvus comme nous sommes d'un tel don, n'ayant par conséquent aucune expérience de la Révélation, celle-ci nous reste inconnue. Nous ne faisons que voir ou entendre certains de ses effets, comme le Coran, ou certaines de ses caractéristiques, par la voie de la prophétie.

Malgré tout, on ne saurait affirmer que ces caractéristiques se limitent à celles que nous avons vues et reçues. Il se pourrait que la Note:

Révélation ait d'autres traits, d'autres modalités qui ne nous ont pas été dites.

10 — La modalité de la Révélation du Coran

Ce que le Coran déclare en bref au sujet de sa Révélation, c'est qu'elle s'est faite sous la forme d'une parole prononcée, et que Dieu Très-Haut a parlé à Son Prophète. Celui-ci a écouté, non seulement avec l'ouïe, mais avec tout son être.

Dieu Très-Haut dit: "II n'a pas été donné à un mortel que Dieu lui parle si ce n'est par inspiration ou derrière un voile ou bien encore, en lui envoyant un Messager à qui est révélé, avec Sa permission, ce qu'il veut. — II est très haut et sage —. Nous t'avons ainsi révélé un Esprit qui provient de notre Commandement. Tu ne connaissais ni le Livre, ni la foi. Nous en avons fait une lumière, grâce à laquelle Nous dirigeons qui Nous voulons parmi Nos serviteurs. Tu diriges les hommes dans la voie droite" (Coran, XLI'I, 51-52).

Du fait de la négation contenue dans la première partie de ce verset, et que l'inspiration n'y est pas attribuée à une origine quelconque, et que, dans la troisième partie du verset, on l'attribue à un messager, on a distingué trois modalités de communication de la parole divine :

1-         La parole divine, sans aucun intermédiaire entre Dieu et l’homme.

2-                             La parole divine entendue de derrière un voile, à l'exemple dubuisson du Sanâï: Moïse entendait la voix de Dieu, mais commeprovenant de la proximité du buisson.

3-                             La parole divine, portée et transmise par un ange à l'homme; alors c'est la parole de l'ange qui est entendue, comme transmettantla parole du Très-Haut.

La deuxième partie du verset nous fait entendre que le Coran a été révélé au Prophète de cette dernière manière; par conséquent, la Révélation du Coran s'est faite sous le mode d'une parole, d'un discours.

Dieu dit encore: "L'Esprit fidèle est descendu avec lui (Le Coran) sur ton cœur  pour que tu sois au nombre des avertisseurs -c'est une Révélation en langue arabe claire" (Coran, XXVI, 193-195)

1"Dis: "Qui est l'ennemi de Gabriel?"... - C'est lui qui a fait descendre (le Livre) sur ton coeur..." (Coran, II, 97).

Il s'ensuit que le Coran, ou du moins une partie du Coran, a été transmis par l'Ange de la Révélation, par Gabriel ou l'Esprit fidèle, et que le Prophète a reçu le Coran, de l'Ange de la Révélation, dans son âme, de tout son être, et non seulement par l'ouïe.

Le Coran dit: "II révéla à Son serviteur ce qu'il lui révéla. Le cœur  n'a pas inventé ce qu'il a vu. Allez-vous donc élever des doutes sur ce qu'il voit?" (Coran. LIII, 10, 11, 12)

"Un Prophète envoyé par Dieu, récite des feuillets purifiés contenant des Ecritures immuables" (Coran, XCVIII, 2). Dans ce verset la Révélation est faite par la lecture des feuillets.

Nous faisons remarquer en terminant qu'il existe encore de nombreuses autres questions et explications données par le Coran, concernant les diverses sortes de révélations, leurs caractères et leurs particularités, que le présent ouvrage, en raison de la brièveté que nous voulons lui conserver, n'a pas la possibilité de traiter.

QUATRIEME PARTIE

Rapports du Coran et des sciences

A)- Le Coran exalte les sciences et encourage l'humanité à les étudier.

B)- Les sciences que le Coran invite à étudier.

C)- Les sciences rattachées directement au Coran

D)- Les sciences dont le Coran est à l'origine.

A)- Le Coran exalte les sciences et encourage l'humanité à les étudier

L'exaltation de la science par le Coran n'a de pareil en aucun autre Livre révélé. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler que le Coran appelle, l'époque de la barbarie arabe, c'est-à-dire l'époque préislamique, "l'époque de l'ignorance".

Le Coran parle des sciences dans des centaines de versets, la plupart du temps pour les exalter.

Le Très-Haut, parlant des faveurs dont 11 a gratifié les hommes, dit: "II lui a enseigné ce qu'il ignorait" (Coran, XCVI, 5), et autre part: "Dieu placera sur des degrés élevés ceux d'entre vous qui croient et ceux qui auront reçu la Science" (Coran, LVIII, 11), et enfin: "... Dis: "Ceux qui savent et les ignorants sont-ils égaux?" -Les hommes doués d'intelligence sont les seuls qui réfléchissent" (Coran, XXXIX, 9).

Il existe de très nombreux versets coraniques sur ce thème, ainsi que des traditions (dits) prophétiques ou d'autres remontant aux Saints Imams.

B)- Les sciences que le Coran invite à étudier

Le Coran, dans d'innombrables versets (qu'en raison de leur grand nombre nous nous abstenons de citer) exhorte l'humanité à méditer sur les signes des cieux et des «astres brillants, sur leur étonnante variété et sur l'ordre stable qui les régit.

Il invite les humains à réfléchir sur la création de la terre, de la mer, des montagnes, des déserts et de toutes les merveilles cachées dans les entrailles de la terre, de même que sur la révolution du jour et de la nuit, et des saisons.

Le Coran nous encourage à méditer sur la merveilleuse création des plantes et la régularité qui y règne, sur l'apparition des différents animaux et leurs multiples effets sur l'environnement.

Le Coran nous invite encore à réfléchir sur la création de l'homme, sur les secrets de sa constitution, et par-dessus tout, sur l'âme et son monde intérieur, sur ses rapports avec le monde supérieur, sur les régions de la terre et les sociétés humaines du passé, la situation des différents peuples, leur histoire, leurs traditions.

C'est ainsi que le Livre révélé invite les hommes à étudier les sciences naturelles, les mathématiques, la philosophie, les arts littéraires et enfin, toutes les disciplines qui sont à la portée de la pensée humaine, et dont l'acquisition favorisent le progrès de l'humanité et son bonheur.

Certes le Coran conseille d'apprendre ces sciences, à condition que l'on prenne pour guide la vérité et une juste conception du monde qui comporte au premier chef la connaissance de Dieu. Car une science qui se contente de divertir l'homme, le détourne de la connaissance de la Vérité. Selon le Coran, cette sorte de science est à placer au même rang que l'ignorance. Le Très-Haut dit:"Ils connaissent un aspect de la vie de ce monde et ils sont indifférents à la vie future" (Coran, XXX, 7) et encore: "N'as-tu pas vu celui qui prend sa passion pour divinité? Dieu l'égaré sciemment; il met un sceau sur ses oreilles et sur son cœur, il place un bandeau sur ses yeux. Qui donc, en dehors de Dieu le dirigera?"... (Coran, XLV, 123).

Le Coran, tout en exhortant à apprendre les différentes sciences est lui-même l'auteur d'un enseignement complet en matière de théologie, de morale et de droits islamiques.

C)- Les sciences rattachées directement au Coran

Les Musulmans ont développé des sciences ayant pour objet le Coran lui-même. La genèse de ces sciences se situe aux premiers jours de la révélation du Coran. Elles sont progressivement arrivées à maturité, tout en se purifiant, pour ensuite atteindre leur perfection. Finalement, des érudits ont composé d innombrables ouvrages les concernant.

Parmi les sciences qui traitent de la lettre du Coran, on trouve la phonétique et la lecture qui concernent la prononciation des lettres et ses variations dans les mots arabes, simples ou composés, telles que l'élision de certaines lettres, leur transformation en d'autres lettres, la règle des pauses et du commencement etc.…

Une autre science s'occupe des sept lectures bien connues du Coran, et d'une autre triple lecture, des lectures des Compagnons du Prophète et des cas rares et exceptionnels.

     Un autre art s'occupe du nombre des sourates, des versets, des mots et des lettres, et recense les versets, les mots et les lettres du Coran tout entier.

Un autre art a pour objet la calligraphie propre au Coran, et sa différence par rapport à la graphie courante de la langue arabe.

Les sciences qui traitent du sens du Coran sont: la science concernant le sens des versets en général: le sens littéral et le sens spirituel ou "ta'vil", l'exotérique et l'ésotérique, l'évident et l'allégorique, l'abrogeant et l'abrogé.

Une autre science concerne les versets et les commandements; il s'agit en fait d'une des branches du droit islamique.

Une autre science discute le sens des différents versets, et est appelé exégèse du Coran; dans la deuxième partie du présent ouvrage, on a parlé de l'exégèse coranique et des différentes catégories d'exégètes.

Les savants et les érudits musulmans ont produit d'innombrables ouvrages dans chacune des sciences coraniques.

D)- Les sciences dont le Coran est à l'origine

Les sciences religieuses, que l'on enseigne de nos jours chez les Musulmans, remontent à l'avènement du Prophète et à la descente du Livre révélé, qui est accompagné des connaissances théologiques et des lois religieuses.

Du fait que le califat avait interdit la mise par écrit des traditions, ces sciences ne se propagèrent que de manière désordonnée, au cours du premier siècle de l'Hégire,, chez les Compagnons du Prophète, et les compagnons des Compagnons. Seul un petit nombre avait composé quelques ouvrages succincts de droit islamique, d'exégèse coranique et de traditions; la majorité des Musulmans ne recevait qu'un renseignement oral qu'elle apprenait par cœur.

Dès le début du second siècle de l'Hégire, grâce l'abolition de la dite interdiction, on commença à mettre par écrit les traditions, puis à traiter des différentes sciences, c'est ainsi que naquirent la science des traditions et des généalogies, la science des principes du droit et de la jurisprudence islamique et la théologie scolastique. Bien que la philosophie s'infiltrât tout d'abord dans le milieu islamique, sous la forme de traductions des ouvrages grecques en arabe et qu'elle se répandit un certain temps sous sa forme grecque, la philosophie subit rapidement l'influence de son nouveau milieu, en sorte qu'elle se modifia tant dans son contenu que dans sa forme. A preuve, le fait que dans les questions concernant Dieu, dans la philosophie telle qu'elle existe actuellement chez les Musulmans, on ne trouve aucune preuve ou argument qui ne s'appuie sur une citation du Coran ou de récits traditionnels.

Ceci s'applique aussi bien aux sciences littéraires arabes, car si la grammaire, la rhétorique, la prosodie, la lexicologie ou l'étymologie traitent en soi de la langue arabe, c'est incontestablement le chef-d'oeuvre révélé, le Coran, qui a incité la communauté islamique, à forger et classer les principes et les régi s de telles sciences. C'était le Coran qui attirait l'attention par le charme de son éloquence et son style attrayant. C'est pour avoir une idée claire des termes, des tournures, et des significations des mots, de la rhétorique et de figures de style du Coran que les Musulmans se trouvèrent dans la nécessité de connaître leurs règles générales, à l'aide de cas semblables qu'ils connaissaient dans la langue arabe, et de tirer des conclusions de cette confrontation. C'est ainsi que naquirent et se développèrent la grammaire, la lexicologie et les trois branches de la rhétorique.

On raconte qu'Ibn Abbâs, l'un des Compagnons exégètes du Prophète, expliquait les versets coraniques à l'aide de la poésie arabe, et préconisait de recueillir et d'apprendre par coeur les poèmes arabes. Il disait: "La poésie est le divan, l'ouvre poétique arabe". Ce fut ainsi que l'on recueillit la prose et la poésie arabes, au point que le célèbre savant chi'ite Khalil Ibn Ahmad de Bassora, écrit un vocabulaire intitulé "Kitâb Al-Ayn" et créa la science de la prosodie en étudiant la métrique de la poésie arabe et que d'autres auteurs ont également rédigé des ouvrages dans ces deux domaines. L'histoire, en Islam, est également issue de la science des traditions. Elle a tout d'abord commencé par l'histoire des prophètes et des communautés religieuses, ainsi que de la vie de notre Prophète, puis on y a ajouté l'histoire des débuts de l'Islam, et ensuite l'histoire universelle, de telle sorte que des historiens tels que Tabari, Mass'oudi, Ya'qoubi et Vaqédi ont composé des livres d'histoire.

On peut dire sans crainte de se tromper que le facteur capital ayant conduit les Musulmans à étudier les sciences rationnelles, des sciences physiques jusqu'aux mathématiques, tout d'abord sous forme de traductions et ensuite de manière indépendante et originale, était le stimulant culturel que le Coran avait mis dans l'esprit des Musulmans.

Au début, c'était le califat, instauré à cette époque-là chez les Arabes, qui animait les diverses activités scientifiques. On traduisit alors ce qui concernait les sciences rationnelles, du grec, du syriaque, et sanscrites en arabe, en sorte que ces sciences furent mises à la portée de tous les Musulmans, dans le monde entier, lesquels composaient maintenant différents peuples et nations. De jour en jour le domaine des recherches, leur précision et leurs méthodes augmentaient et se perfectionnaient.

Bien entendu, l'immense civilisation islamique, qui peu après l’émigration et la mort du Prophète, conquit et gouverna un grand million d'adeptes en son sein, est un des effets les plus illustres, les plus évidents du Coran. Bien qu'au nom du chiisme, nous reprochions certaines négligences aux califes et aux rois qui ont gouverné cet empire, négligences dans l'explicitation des vérités spirituelles de la religion et dans l'application des lois, il est certain que le rayonnement de l'Islam dans le monde entier, est dû au Coran. Cela va sans dire qu'une telle évolution, qui représente un des chaînons de l'histoire universelle, exerça incontestablement une influence sur les événements ultérieurs. C'est pourquoi le Coran est l'une des causes de l'évolution actuelle et du progrès culturel du monde.

Certes pour expliciter ce point et l'importance qui est le sien, il faudrait d'avantage d'analyses, mais la brièveté du présent ouvrage nous en empêche.

CINQUIEME PARTIE

L’ordre de descente du Coran et  sa diffusion dans le mode.

a-  Selon quel ordre le Coran a-t-il été révélé?

b- Suite du paragraphe précédent.

c-  Les circonstances de la révélation du Coran.

d- La méthode à suivre pour étudier de telles circonstances.

e-  L'ordre de descente des sourates du Coran.

f-   Réflexions sur une tradition et certaines autres traditions.

g-  Le Coran réuni sous forme d'une œuvre  unique.

h-  Après la mort du Prophète.

i-   Le soin accordé par les Musulmans au Coran.

j-   Le Coran est préservé de toute altération.

k-  La lecture du Coran, sa mémorisation et sa transmission.

1-  Les catégories de lecteurs du Coran.

m-    Les sept lecteurs du Coran.

n- Le nombre des versets coraniques.

o- Le titre des sourates coraniques.

p- L'orthographe et la vocalisation du Coran.

a)- Selon quel ordre le   Coran a-t-il été révélé?

Les chapitres et les versets coraniques n'ont pas été révélés en une seule fois. Outre le témoignage catégorique de l'histoire, attestant la descente graduelle du Coran, au long des 23 années de la mission du Prophète, le contenu des versets coraniques, eux-mêmes confirment le fait. Le Très-Haut dit: "Nous avons fragmenté cette Lecture pour que tu la récites lentement aux hommes. Nous l'avons réellement fait descendre" (Coran, XVII, 106).

Dans le Coran on distingue des versets abrogeant et abrogés, et d'autres touchant des événements qui ne peuvent pas s'être passés en un même temps de telle sorte que les versets les concernant aient pu être révélés d'un seul coup.

De même, les sourates et les versets n'ont pas été révélés dans l'ordre qu'ils ont dans le Livre, à savoir, d'abord la sourate "La Fatiha", puis la sourate "La Vache", "La Famille de 'Imran", "Les Femmes", "La Table servie", et ainsi de suite.

En plus du témoignage formel de l'histoire, le contenu même des versets montre que certaines sourates s'accordent avec les premiers temps de la prédiction du Prophète, comme les sourates "Le Caillot de sang" et "Le Calame", alors qu'elles se trouvent à la fin du Coran, tandis que d'autres sourates et versets dont le contenu s'accorde avec les événements d'après l'Hégire et de la fin de l'existence terrestre du Prophète, comme les sourates "La Vache", "La Famille de 'Imran", "Les Femmes", "Le Butin", "l'Immunité", sont placées au début du Coran.

Ces différences de contenu manifestent clairement que les sourates et les versets coraniques ont été révélés en parfait accord avec les événements et les nécessités survenus tout au long de la mission prophétique.

A titre d'exemple, les sourates et les versets concernant seulement l'appel lancé aux idolâtres à embrasser l'Islam, s accordent parfaitement avec la période d'avant l'Hégire,alors que le Prophète était tout occupé à prêcher aux idolâtres à La Mecque, alors que les versets relatifs à la guerre sainte et aux préceptes religieux ont été révélés après l'Hégire, après l'installation de la communauté islamique à Médine (Yathrib), et après les progrès faits par l'Islam, puisqu'ils s'accordent avec de telles circonstances.

b)-Suite du paragraphe précédent

D'après ce que l'on vient de dire, les sourates et les versets coraniques se répartissent selon le lieu et le temps de leur descente, et selon les conditions de leur révélation, de la manière suivante:

1—  Certaines sourates ou certains versets sont dits mecquois, et d'autres médinois. Les passages du Coran révélés avant l'Hégire sont considérés comme mecquois; la plupart des sourates, en particulier les sourates brèves, sont rangées dans cette catégorie. Tandis que les sourates descendues après l'Hégire s'appellent médinoises, même si elles ont été révélées hors de Médine, voire même à La Mecque.

2—              Certaines sourates et versets ont été révélés en voyage, d'autres en ville. De même on répartit les sourates et versets selon qu'ils sont descendus de nuit ou de jour, en temps de paix ou de guerre, sur la terre ou au ciel, dans la solitude ou au milieu des gens.Nous parlerons au paragraphe suivant de l'intérêt à connaître ces répartitions.

3—              Certaines sourates ont été révélées à deux reprises; on a dit que la sourate "La Fatiha" est descendue deux fois, une fois à La Mecque, et une seconde fois à Médine. Certains versets    sont descendus plusieurs fois, par exemple le verset: "Quel est donc celui des bienfaits de votre Seigneur que, tous deux, vous nierez?" répété trente fois dans la sourate "Le Miséricordieux" et les deux versets:"... mais la plupart des hommes ne sont pas croyants" et "Ton Seigneur est, en vérité, le Tout-puissant, le Miséricordieux", répétés à  huit  reprises,  dans  la  sourate  "Les  poètes".   Parfois  nous rencontrons un verset répété dans plusieurs sourates, par exemple le verset: "Ils disent: quand sera réalisée cette promesse, si vous dites la vérité", qui paraît dans six sourates.

De même, il y a des versets qui figurent au complet dans une sourate, et de manière partielle dans une autre, par exemple le verset: "II n'y a de Dieu que Lui: le Vivant, celui qui subsiste par Lui-même!" qui figure au commencement de la sourate "La Famille de 'Imran" au complet, et partiellement dans la sourate "La Vache". Parmi l'ensemble des versets que l'on a appelés "les versets du Trône du Seigneur", mais la majorité des versets n'ont été révélés qu'une seule fois.

En tous cas de telles différences entre les versets Coraniques sont l'effet des circonstances et des nécessités qui ont parfois entraîné la répétition d'une phrase comme un leitmotiv.

Une autre différence est celle qui existe entre les sourates longues et les sourates brèves, entre les versets longs et les versets brefs. Ainsi la sourate "L'Abondance" est la plus courte des sourates, et la sourate "La Vache"la plus longue, tout comme le verset: "Une verdure éternelle formera leur parure" est le plus court des versets coraniques, et le verset "La Religion", verset 282 de la sourate "La Vache", composé de plus de trente propositions, le plus long.

Toutes ces différences proviennent des nécessités de l'expression; ainsi, il arrive quelquefois qu'une différence survienne entre deux versets conjoints tels les versets 30 et 31 de la sourate "Celui qui est revêtu d'un manteau", dont le premier ne contient qu'une seule proposition alors que le deuxième en compte plus de quinze.

Une autre différence concerne la prolixité et la concision des versets, ainsi qu'il apparaît en comparant les sourates "L'Aurore" et la "Nuit" avec les sourates "La Vache" et "La Table servie". La plupart des sourates mecquoises sont d'un style concis tandis que la majorité des sourates médinoises sont marquées par la prolixité.

C'est pour cette raison qu'on a dit que les premiers versets révélés au Prophète, étaient la sourate "Le Caillot de sang", ou les cinq premiers versets de cette sourate, et le dernier verset descendu, le verset: "Redoutez un jour durant lequel vous reviendrez à Dieu; un jour où chaque homme recevra le prix de ses actes; un jour où personne ne sera lésé" (Coran, II, 281).

c)- Les circonstances de la révélation du Coran

Comme on vient de le dire, nombre de versets et de sourates concernent des événements survenus durant la mission du Prophète, telles que les sourates "La Vache", "Le Rassemblement" et "Les Coursiers rapides". Certaines sourates et certains versets ont été révélés pour expliciter les commandements et les lois islamiques, telles que les sourates "Les Femmes", "Le Butin", "La Répudiation", etc.…

Ces circonstances qui avaient exigé la révélation d'une sourate ou d'un verset s'appellent «les circonstances de la Révélation». Les connaître nous aide dans une certaine mesure à éclaircir le motif de la descente du verset, ainsi que son contenu en relation avec ce motif.

C'est pour cela qu'aux premiers temps de l'Islam, nombre des traditionnistes parmi les Compagnons du Prophète et les disciples des Compagnons, ont rassemblé des traditions concernant les circonstances de la révélation des versets. Ils ont transmis d'innombrables récits à ce sujet.

Les récits rapportés par les Sunnites sont très nombreux et se comptent par milliers; ceux transmis par les Chi'ites sont peu nombreux, ne dépassant pas quelques centaines. Bien entendu tous ces récits ne sont pas sûrs: beaucoup d'entre eux sont de faible crédibilité. La critique des traditions et une étude approfondie à leur sujet, nous rendent  pessimistes.

Tout d'abord, beaucoup de récits manifestent que le rapporteur ne met pas les versets en rapport avec telle circonstance pour l'avoir entendue et apprise par cœur, mais il raconte une histoire, et ensuite cite quelques versets qui lui conviennent. Par conséquent, les causes de la révélation des versets, signalées dans le récit, sont le résultat d'un essai théorique et subjectif d'explication. Ce ne sont pas des causes réelles connues par l'observation et une transmission objective.

La preuve de ce que nous venons de dire, c'est que dans ces récits traditionnels, on rencontre beaucoup de contradictions. Dans de nombreux cas, on a cité, pour un même verset, de nombreux versets coraniques, plusieurs causes de révélation contradictoires, incapables de s'accorder entre elles. Parfois même les causes rapportées par un rapporteur véridique tel que Ibn Abbâs au sujet d'un verset, ne s'accordent pas avec ce que disent d'autres traditionnistes.

L'apparition de tels récits contradictoires et faux ne peut être le résultat que d'une seule des probabilités suivantes: ou bien ces causes de la révélation des versets sont théoriques et n'ont pas vraiment été rapportées de bouche à oreille, et chacun des rapporteurs de ces récits contradictoires, les ont mises en relation avec une histoire qui leur convenait, différente de l'histoire transmise par un autre rapporteur; ou bien, celui qui a transmis deux récits contradictoires hésite entre deux opinions, et rapporte tantôt l'une tantôt l'autre, ou" bien il faut dire que tous les récits ou certains d'entre eux ne sont que des contrefaçons.

L'analyse de telles probabilités fait perdre leur crédibilité aux récits concernant les causes de la révélation des versets. Aussi bien, établir l'authenticité d'un récit par l'étude de sa chaîne de transmetteurs ne sert à rien. Car l'exactitude d'une chaîne ne fait que supprimer ou amoindrir la probabilité que les transmetteurs d'un récit aient menti, mais la possibilité d'une contrefaçon au départ demeure.

Deuxièmement, on sait, sur la base de traditions, qu'à l'aube de l'Islam, le califat empêchait l'enregistrement des récits, et que leur mise par écrit était sévèrement interdite. On confisquait tout feuillet ou tablette contenant un récit, partout où l'on en trouvait un, et on le jetait au feu. Cette interdiction dura environ 90 ans jusqu'à la fin du premier siècle de l'Hégire.

Cela donna aux traditionnistes et aux narrateurs une liberté exagérée, de sorte que les modifications partielles survenues à chaque transmission d'un récit s'accumulèrent au point d'en faire perdre le sujet essentiel. Si l'on considère des récits transmis par différentes voies, la vérité de ce fait apparaîtra très clairement. L'on rencontre quelquefois des récits transmis par plusieurs rapporteurs qui n'ont rien de commun. Bien sûr une telle transmission des récits traditionnels ôte aux récits des causes de la révélation des versets toute crédibilité, ou tout au moins l'amoindrit considérablement Surtout si on y ajoute les falsifications et les interférences des Juifs et des hypocrites, qu'on ne connaissait pas comme tels; ces récits, alors, perdent tout crédit.

d)- La méthode à suivre pour étudier les circonstances de la révélation du Coran

Comme on l'a dit plus haut, toute tradition doit être confirmée par le Coran pour être valide. C'est pourquoi il faut comparer chaque tradition au texte coranique, comme l'enseignent de nombreuses traditions remontant au Prophète et aux Saints Imams.

Par conséquent, si le récit des conditions de la descente d'un verset   ne   se   présente   pas   sous   forme  d'un   récit  répété  ou indubitablement authentique, il faut le confronter au verset en question. Ce n'est que si le contenu du verset et son contexte s’harmonisent avec ce récit que l’on peut faire confiance en ce dernier. Bref, il faut confirmer le récit par le verset qui le concerne, et non pas faire dépendre le verset du récit.

De la sorte, si de nombreux récits concernant les conditions de descente des versets perdent toute valeur, ce qui en reste reprend au contraire de l'intérêt En principe, cependant, les objectifs élevés du Coran, à savoir les connaissances universelles et éternelles (comme nous allons le voir), n'ont nul besoin de récits traditionnels ni de récits des conditions de leur révélation, pour permettre de tirer parti des versets.

e)- L'ordre de descente des sourates

Comme on le sait, les sourates et les versets coraniques n'ont pas été enregistrés dans le Coran selon l'ordre de leur révélation.

Les anciens théologiens islamiques, surtout sunnites, s'appuyaient sur des traditions pour déterminer l'ordre de détente des sourates et des versets. Entre autres, un récit remontant à Ibn Abbâs raconte que: "Le début de chaque sourate révélée à La Mecque était écrit sur place, ensuite le Très-Haut y ajoutait ce qu'il voulait

Le premier passage descendu du Coran est:

1-     "Lis au nom de ton Seigneur qui a créé".

2-     Puis "Noun".

3-    "   "O Toi qui es enveloppé d'un manteau!".4.    "   "O Toi qui est revêtu d'un manteau!".

5-               "   "La puissance d'Abou Lahab s'est évanouie...".

6-               "   "Lorsque le soleil sera couvert des ténèbres".

7-               "   "Loue le nom du Seigneur, du Dieu Très-Haut".

8-               "   "Par la nuit quand elle étend ses ombres".

9-               "   "L'Aube".

10-        "   "La clarté du jour".

11-        "   "La Dilatation".

12-        "   "L'Instant".

13-        "   "Les Coursiers rapides".

14-        "   "L'Abondance".

15-  "

"La Rivalité.

16- "

"Le Nécessaire".

17-  "

"Les Incrédules".

18-  "

"L'Eléphant".

19-  "

"L'Aurore".

20-  "

"Les Hommes".

21-  "

"L'Unité".

22-  "

"L'Etoile".

23-  "

"Il s'est renfrogné".

24-  "

"Le Décret".

25-  "

"Le Soleil".

26-  "

"Les Signes célestes".

27-  "

"Le Figuier".

28-  "

"Les Quraïch".

29-  "

"Celle qui fracasse".

30-  "

"Non! Je jure par le Jour de la Résurrection

31-  "

"Le Calomniateur".

32-  "

"Les Envoyés".

33-  "

"Qaf".

34-  "

"La Cité".

35-  "

"L'Astre Nocturne"

36- "

"La Lune".

37-  "

"Cad".

38-  "

"Al-A'araf".

39-  "

"Les Djinns".

40-  "

"Yacine"

41-  "

"La Loi".

42-  "

"Le Créateur".

43-  "

"Marie".

44-  "

"Ta.Ha".

45-   "

"Celle qui est inéluctable".

46-  "

"Les Poètes".

47-  "

"Les Fourmis".

48-  "

"Le Récit".

49-  "

"Le Voyage Nocturne".

50-  "

"Jonas".

51-  "

"Houd".

52- "

"Joseph".

53-         "   "Al Hijr".

54-         "   "Les Troupeaux".

55-         "   "Ceux qui sont placés en rang".

56-         "   "Luqman".

57-         "   "Les Saba' ".

58-         "   "Les Groupes".

59-         "   "Celui qui pardonne".

60-         "   "La Prosternation".

61-         "   "Le Conseil".

62-         "   "L'Ornement".

63-         "   "La Fumée".

64-         "   "Celle qui est agenouillée".

65-         "   "Al 'Ahqaf'.

66-         "   "Ceux qui se déplacent rapidement".

67-         "   "L'Enveloppé".

68-         "   "La Caverne".

69-         "   "Les Abeilles".

70-         "   "Noé".

71-         "   "Abraham".

72-         "   "Les Prophètes".

73-         "   "Les Croyants".

74-         "   "L'Adoration".

75-         "   "Le Mont".

76-         "   "La Royauté".

77-         "   "Celle qui doit venir".

78-         "   "Les Ordres".

79-         "   "La Grande nouvelle".

80-         "   "Ceux qui arrachent".

81-         "   "La Rupture du ciel".

82-         "   "L'Ouverture".

83-         "   "Les Romains".

84-         "   "L'Araignée".

85-         "   "Les Fraudeurs".

Telles sont les sourates que Dieu fit descendre à La Mecque Puis, il fit descendre les sourates qui suivent à Médine:

86-"La Vache".

87- Puis "Le Butin".

88-           "  "La Famille de 'Imran".

89-    "  "Les Factions".

90-    "  "L'Epreuve".

91-    "  "Les Femmes".

92-    "  "Le Tremblement".

93-    "  "Le Fer".

94-    "  "La Plainte".

95-    "  "Le Tonnerre".

96-    "  "Le Miséricordieux".

97-    "  "L'Homme".

98-    "  "La Répudiation".

99-    "  "La preuve décisive".

100-    "  "Le Rassemblement".

101-    "  "Le Secours".

102-    "  "La Lumière".

103-    "  "Le Pèlerinage".

104-    "  "Les Hypocrites".

105-    "  "La Discussion".

106-    "  "Les Appartements prives".

107-    "  "L'Interdiction".

108-    "  "Le Vendredi".

109-    "  "La Duperie réciproque".

110-    "  "Le Rang".111-" "La Victoire".112- " "La Table servie".

113 – ‘’   L’Immunité

114 – ‘’ Mohammad.

F) - Réflexions sur une tradition et certaines autres traditions

La tradition remontant à Ibn Abbâs, dont on a parlé plus haut, cite 113 sourates, sans mentionner la sourate "Al Fatiha".

Une autre tradition remontant à Beyhaghi, qui l'avait reçue de Akramah, compte 111 sourates et ne cite pas les trois sourates: Al-Fâtiha, Al-A'araf et la Délibération.

Mais Beyhaghi rapporte aussi la tradition d'Ibn Abbâs, en y comptant toutes les 114 sourates; toutefois, les deux récits de Beyhaghi   considèrent   la   sourate   "Les   Fraudeurs"   comme médinoise, au contraire du précédent récit qui la considère comme mecquoise, et d'autre part, l'ordre que ces deux récits attribuent aux sourates mecquoises et médinoises est différent de celui adopté par le précédent récit.

Une autre tradition, remontant à Ali Ibn Abi Talhah dit que les sourates La Vache, La Famille de 'Imran,La Table servie,Le Butin, L'Immunité, Le Pèlerinage, La Lumière, Les Factions, La Preuve décisive, La Victoire, Le Fer, La Discussion, Le Rassemblement, l'Epreuve,Le Rang, Les Fraudeurs, La Répudiation l’Interdiction, L'Aurore,La Nuit,Le Décret,Le Tremblement,Le Secours, ont été révélées à Médine, les autres sourates ayant été révélées à La Mecque.

Cette tradition entend seulement distinguer les sourates mecquoises des médinoises, sans tenir compte de l'ordre des sourates, sinon les sourates "La Table servie" et "L'Immunité" devraient être rangées plus loin.

Par ailleurs, elle considère les sourates "L'Aurore", "La Nuit", "Le Décret" comme médinoises, alors que les traditions citées précédemment les considéraient comme mecquoises. De même, elle compte les sourates "Le Tonnerre", "Le Miséricordieux", "L'Homme", "Le Vendredi", "Les Appartements privés" parmi les sourates mecquoises alors que les autres traditions les considéraient comme médinoises.

Dans une autre tradition remontant à Ghatâdah, celui-ci prétend que les sourates coraniques, descendues à Médine sont:La Vache La Famille de 'Imran. Le Tonnerre, L Abeille, Le Pèlerinage. La Lumière, Le Miséricordieux, La Discussion, Les Femmes. La Table servie, L'Immunité, Les Factions, Mohammad, La Victoire, Les Appartements prives, Le Fer, L'Epreuve,Le Rang,Le Vendredi,Le Rassemblement, Les Hypocrites, Les Fraudeurs, La Répudiation, I. Interdiction jusqu'au treizième verset, Le Tremblement et Le Secours. Les autres sourates auraient été révélées à La Mecque.

Ce récit contredit les traditions précédemment citées et en particulier, la tradition rapportée par ce même Ghatâdah concernant les sourates "Les Fraudeurs", "L'Homme" et "Le Culte pur"

Ce que l'on peut dire à propos de ces récits, c'est qu'ils ne sont absolument pas dignes de confiance, car ils n'ont ni la valeur de traditions religieuses, ni celle de récits historiques.

Pour être des traditions religieuses, ces récits devraient remonter au Prophète, alors qu'ils ne le font pas, et de plus, on ne sait pas si Ibn Abbâs a reçu l'ordre des sourates du Prophète lui-même ou d'autres qui nous sont inconnus, ou si cet ordre est le fruit d'un effort personnel d'explication, il est valable seulement pour Ibn Abbâs lui-même.

Du point de vue de la valeur de ces récits comme récits historiques, il faut observer qu'Ibn Abbâs n'a été contemporain de la vie du Prophète que pour une courte période et qu'il n'a, bien entendu, pas été témoin direct de la descente de tant de sourates coraniques. A supposer que l'ordre des sourates qu'il propose ne soit pas le résultat d'un effort personnel d'explication, mais qu'il l'ait reçu d'autres sources, sa narration n'est qu'une relation dépourvue de toute référence, et par conséquent sans valeur historique.

De plus, de tels récits, à supposer qu'ils soient authentiques, ne remontent de toute façon qu'à un seul rapporteur. Or, comme on l'a démontré à propos de la science des principes, de tels récits, sauf s'ils concernent des préceptes canoniques, n'ont pas de valeur.

Ainsi donc, d'après ce que l'on vient de dire, le seul moyen pour déterminer l'ordre des sourates coraniques, et leur appartenance à l'époque mecquoise ou médinoise, consiste à réfléchir sur leur contenu et à les confronter aux circonstances datant d'avant ou d'après l'Hégire. Cette méthode permet de déterminer jusqu'à un certain point l'ordre des sourates et leur appartenance à l'époque mecquoise ou médinoise. Ainsi, le contenu des sourates "L'Homme", "Les Fraudeurs", "Les Coursiers rapides", atteste leur descente à l'époque médinoise, quoique certaines traditions les attribuent à l'époque mecquoise.

g)- Le Coran réuni sous forme d'une œuvre unique

 Le Coran d'avant la mort du Prophète

Le Coran qui était révélé sourate par sourate et verset par verset, obtint vite, grâce à sa rhétorique extraordinaire, une grande renommée parmi les Arabes, épris de rhétorique et d'éloquence.

Cette réputation croissait de jour en jour: pour entendre quelques versets, les Arabes venaient de loin chez le Prophète, l'écoutaient citer quelques versets et les apprenaient par cœur.

Par ailleurs, les notables de La Mecque, les hauts dignitaires qoréichites, idolâtres et ennemis jurés de l'Islam, tentaient l'impossible pour empêcher le peuple de se rendre chez le Prophète, attribuant le Coran à la magie.

Malgré tout, profitant de l'obscurité nocturne, ils venaient à l'insu de leurs parents et des leurs, aux alentours de la maison du Prophète et s'asseyaient dans un coin pour écouter le Prophète réciter le Livre du Très-Haut.

Naturellement, du fait que les Musulmans reconnaissaient le Coran comme la Parole de Dieu et l'unique document de leur religion et qu'ils étaient tenus de réciter, dans leurs prières canoniques, la sourate 'Al Fatiha", et quelques autres versets, et du fait aussi que le Prophète avait la mission de leur enseigner le Coran et les préceptes islamiques, ils mettaient le plus grand soin à apprendre et à retenir les versets et les sourates coraniques.

Cette manière de faire prit une allure plus organisée et systématique, après l'émigration du Prophète à Médine et l'institution d'une société islamique indépendante. Sur l'ordre du Prophète, un nombre assez considérable de ses Compagnons avaient assumé la charge de réciter le Coran et d'apprendre et enseigner les préceptes coraniques qui descendaient jour après jour et se complétaient mutuellement. Conformément au commandement formel du Coran, ces gens-là étaient même dispensés de prendre part au DJihad.

Comme la majorité des Compagnons du Prophète, en particulier ceux qui avaient émigré de La Mecque à Médine, étaient analphabètes, le Prophète donna l'ordre à des prisonniers de guerre juifs, d'enseigner l'écriture d'alors, qui était très simple et facile. Ainsi prit naissance un groupe de lettrés.

Ceux qui, parmi eux, s'adonnaient à la lecture du Coran, apprenaient celui-ci par cœur, enregistrant ainsi versets et sourates, s'appelaient les "lecteurs" ou "récitants". A ce groupe appartenaient les 40 ou 70 lecteurs, massacrés ensemble au cours de la guerre du "puits de Mo'ounah".

Les   versets   descendus   jusqu'alors   ou   ceux   descendus progressivement par la suite, étaient inscrits sur des tablettes, des omoplates de chameaux, des feuilles de dattiers etc.…

Il est en tout cas indubitable que la plupart des sourates coraniques étaient bien connues des Musulmans avant même la mort du Prophète. Des dizaines, voire des centaines de traditions, transmises tant par les Sunnites que les Chi'ites, au sujet de la prédication du Prophète et de ses Compagnons, avant la mort du Prophète, ainsi qu'au sujet des prières canoniques et la manière de lire et de réciter le Coran, citent le nom de ces sourates.

De même, les titres donnés aux groupes de sourates, aux débuts de l'Islam, tels que "les sourates longues", "moyennes", "aux phrases redoublées", "détaillées", figurent dans de nombreuses traditions, remontant au vivant du Prophète.

h)- Le Coran après la mort du Prophète

Après la mon du Prophète, Ali qui, selon le témoignage formel du Prophète, était l'homme qui connaissait le mieux le Coran, s'enferma chez lui et réunit le Coran en un couvre unique, selon l'ordre de la révélation des versets et des sourates (1). Environ six mois après la mort du Prophète, il eut achevé la tâche. Il chargea ensuite le Coran sur un chameau et le présenta à tout le peuple musulman (2).

Un peu plus d'un an après la mort du Prophète (3) eut lieu la guerre de Yamâmah dans laquelle périrent soixante-dix récitants du Coran. Le califat, de peur d'une nouvelle guerre qui ferait disparaître le reste des récitants et par conséquent le Coran lui-même, eut l'idée de recueillir les sourates et les versets coraniques en un seul ouvrage.

Sur ordre du califat, et sous la direction immédiate de Zeyd IbnThâbet, un groupe de récitants du Coran, Compagnons du Prophète, recueillirent les versets et les sourates du Coran qui étaient écrites sur des tablettes, des feuilles de dattiers et des omoplates de chameau et se trouvaient dans la maison de l'Envoyé du Très-Haut, pour les réunir en un seul livre. Puis ils en envoyèrent des copies dans les différentes régions du monde de l'Islam.

Après quelques temps, sous le troisième calife (4), on avertit celui-ci qu'à la suite d'inattentions et de négligences dans la lecture et la mise par écrit du Coran, étaient apparues différentes versions, en sorte que le Livre divin était gravement menace de changements et de déviations.

Pour prévenir un tel danger, le califat commanda d'emprunter l'exemplaire du Coran qui avait été écrit sur ordre du premier calife et était conservé chez Hafsah, l'épouse du Prophète et fille du second calife. Puis il ordonna que cinq récitants parmi les Compagnons du Prophète, dont Zeyd Ibn Thâbet, qui avait dirigé la confection du premier livre, prennent cet exemplaire comme référence pour écrire d'autres manuscrits. Il commanda de ramasser les autres exemplaires dispersés dans la communauté musulmane et de les envoyer à Médine. Sur ordre du calife on jeta au feu tous les exemplaires qui parvenaient à Médine (ou, comme le prétendent certains historiens, on les faisait bouillir).

Enfin, on recopia quelques exemplaires a partir du manuscrit conservé par Hafsah, dont l'un fut conservé à Médine, un autre envoyé à La Mecque, un autre à Damas, un autre à Koufa et un dernier à Bassorah. On a dit que, de plus,*on envoya un exemplaire au Yémen et un autre à Bahreyn. Ces exemplaires sont appelés le Coran de l'Imam, et constituent la base des autres manuscrits.

La seule différence (5) dans l'ordre des sourates entre ces exemplaires-ci et l'exemplaire de base, consiste en ce que dans ce dernier la sourate "l'Immunité" figure au milieu des sourates dites "me'in" et la sourate "le Butin" au milieu de la sourate "l'Introduction", alors que dans l'exemplaire de l'Imam, les sourates "l'Immunité" et "le Butin" se trouvent insérées ensemble entre "Al A'araf" et "Jonas".

  

i)- Le soin accordé par les Musulmans au Coran

Comme nous l'avons dit plus haut, quand on rassembla le Coran pour la première et pour la seconde fois, les sourates et les versets étaient entre les mains du peuple musulman, lequel faisait de son mieux pour les conserver. Un nombre important de Compagnons et de leurs disciples, récitants du Coran, n'avaient d'autre occupation que celle-là. On réunit le Coran, en un seul volume, sous les yeux de tous. Les Musulmans acceptèrent unanimement l'exemplaire que l'on avait ainsi établi et mis à leur disposition. Ils se mirent alors à le reproduire, sans aucune contestation.

Dans la rédaction d'Othman (la seconde rédaction), on voulut enregistrer le verset "... ceux qui thésaurisent l'or et l'argent..." (Sourate l'Immunité, verset 34) sans la lettre "Vav" (et), mais on l'empêcha, et Obay Ibn Ka'ab (1), l'un des Compagnons menaça les scribes et jura qu'il les ferait périr par le sabre s'ils supprimaient ce "Vav". Finalement on conserva la lettre contestée.

Le second calife (2), au temps de son califat, cita un jour la phrase: "Ceux qui sont venus les premiers parmi les émigrés et les auxiliaires du Prophète et ceux qui les ont suivis dans le bien..." (Sourate l'Immunité, verset 100) sans la lettre "Vav" (et). On le lui reprocha vivement, et finalement on obligea le calife à réciter le verset, en gardant la lettre "Vav".

Bien que Ali eût lui-même et avant tout autre recueilli le Coran selon l'ordre de révélation des sourates, et qu'il l'eût montré à la foule, laquelle ne l'accepta pas, et bien qu'on ne l'eût pas invité à prendre part au travail des deux premières rédactions, Ali ne fit preuve d'aucune opposition. Il accepta l'exemplaire courant du Coran, et durant toute sa vie, même sous son califat, il ne le contesta en rien.

De même les Imams de la Famille du Prophète, ses successeurs et descendants, n'ont jamais dit le moindre mot de contestation concernant la validité du Coran,même auprès de leurs disciples plus inhumes. Au contraire ils s'y sont toujours référés, recommandant aux Chi'ites de suivre la lecture courante du Coran (3)-. On peut dire, sans crainte de se tromper, que le silence d’Ali, malgré le fait que le Coran  courant  différât  du  sien dans l'ordre adopté pour les sourates, était dû à l'opinion des membres de la Famille, selon laquelle toute exégèse valable du Coran doit se faire par le Coran lui-même, et que d'après une telle méthode, l'ordre des sourates et des versets, selon leur appartenance à l'époque mecquoise ou médinoise, n'influe en rien sur les enseignements sublimes du Coran.

Car pour commenter un verset quelconque, on doit prendre en considération l'ensemble des versets coraniques: un discours qui est universel et éternel ne doit en effet pas être influencé par les particularités de temps et de lieu et par les circonstances de la descente des versets.

Certes de telles considérations aident à éclaircir la date de l'apparition des diverses connaissances, des préceptes, des histoires racontées à propos de la descente des versets, de même que l'évolution de l'Islam au cours des 24 années de la mission du Prophète, etc.…

Mais, la sauvegarde de l'unité de l'Islam (qui était toujours visée en premier par les saints Imams) importait plus que d" connaître ces points particuliers.

j)- Le Coran est préservé de toute altération

L'histoire du Coran, depuis sa révélation jusqu'à nos jours, est parfaitement claire. Les sourates et les versets coraniques étaient dès le début sur les lèvres de tous les Musulmans et passèrent ainsi de bouche à oreille.

Nous savons tous que le Coran que nous avons à notre disposition est le même qui est descendu progressivement, il y a plus de quatorze siècles, sur le Prophète.

S'il en est ainsi, le Coran n'a pas besoin de l'Histoire pour prouver son authenticité et sa crédibilité, bien que son histoire, il est vrai, en donne l'évidence. Car un livre qui, s'appuyant sur son texte même, se considère comme la Parole divine et qui, appelant ses ennemis à discuter, estime que les humains aussi bien que les djinns sont incapables d'en produire un semblable. Un tel livre n'a pas

Besoin d'autre argument, ni de témoignage que lui-même pour prouver qu'il est la Parole divine, exempte de toute altération ou contrefaçon et qu'il  est bien maintenant tel qu'il était jadis.

Pour démontrer son authenticité, il n'a besoin de la reconnaissance et de la confirmation d'aucun être humain ni d'aucune autorité.

La preuve la plus incontestable de ce que le Coran que nous avons à notre disposition est bien celui qui est descendu, il y a plus de 14 siècles, sur le Prophète, et de ce qu'il n'a subi nul changement, ni altération, tient dans le fait que les privilèges et caractéristiques du Coran, tels que le Coran lui-même les exprime, valent encore aujourd'hui aussi bien que dans le passé.

Le Coran dit: "Je suis la lumière et le guide, je conduis l'homme à la vérité, à la réalité spirituelle. Je suis un livre qui exprime deux choses et j'explicite tout ce dont l'homme a besoin pour vivre et que sa nature humaine exige. Je suis la Parole divine. Si vous prétendez que je suis la parole d'un autre que Dieu, que les hommes et les djinns se réunissent pour produire une œuvre pareille au Coran, ou apporter un livre semblable, écrit par un autre que le Prophète, qui soit comme lui illettré, ne sachant ni lire ni écrire, élevé dans un milieu d'ignorance, orphelin privé d'éducateur. Qu'ils cherchent dans cet ouvrage, comme en toute œuvre humaine, des contradictions ou des différences de style, des enseignements ou des préceptes contradictoires.

Ces caractéristiques et ces privilèges du Coran demeurent inchangés. Comme guide vers la réalité spirituelle et la vérité, ce même Coran, que nous avons encore aujourd'hui, propose, en langage clair, toute une conception du monde fondée sur les arguments rationnels les plus stricts et représentant la garantie la plus sûre de bonheur humain. Il invite l'homme, en toute bienveillance et clairvoyance, à croire en cette conception du monde.

En ce qui concerne l'expression de tous les besoins humains, le Coran, avec le réalisme qui lui est propre, établit le monothéisme comme croyance fondamentale et en fait dériver toutes les autres croyances, sans rien négliger.

Parmi celles-ci, il faut considérer les conceptions morales que le Coran explique une a une Viennent ensuite les actes individuels et sociaux de l’hommes. Le Coran énonce tous les devoirs des hommes correspondant à leur nature, telle qu’elle a été créée. Il en explique ces détails et les particularités, les mettant en relation avec la tradition du Prophète.

De l’ensemble du Livre et de la vaste tradition religieuse islamique, en toute son étonnante étendue, résulte une religion qui embrasse toutes les subtilités et les finesses de la vie privée et publique, et qui juge avec fermeté sans commettre la moindre contradiction dans les détails des questions traitées.

La simple représentation en imagination de la liste des questions traitées par cette religion dépasse les possibilités des juristes les plus expérimentés, y réfléchiraient-ils durant toute leur vie.

En ce qui concerne la merveilleuse expression coranique, bien que le style extraordinaire du Coran appartienne à cette même langue arabe de l’époque de haute éloquence du peuple arabe, unique dans l’histoire des langues, cette langue, qui avait cours lors des premières conquêtes musulmanes au premier siècle de l’Hégire disparut par la suite au contact des langues étrangères. La langue arabe parlée d’aujourd’hui, tout comme les autres langues, est tout à fait étrangère à la langue éloquente de ce temps-là.

Mais le Coran n’est pas seulement sans égal ni pareil de par son style ; ses aspects spirituels aussi bien que ses particularités verbales défient toute comparaison.

Ceux qui connaissent l’arabe et qui ont étudié la poésie et la prose arabe ne sauraient mettre en doute que la langue coranique est particulièrement éloquente et attrayante et que sa beauté laisse l’homme stupéfait, incapable de la décrire. Ce n’est ni de la poésie, ni de la prose, mais une langue qui les dépasse toutes les deux, d’un attrait bien supérieur à la poésie, tout en gardant l’aisance de la prose. Une phrase du Coran citée par un orateur d’hier ou d’aujourd’hui dans son discours est comme une lampe au milieu d’une sombre galerie qu’elle éclaire toute entière.

L’in comparabilité du Coran dans ses aspects spirituels, non verbaux, elle aussi demeure inchangée. L’immense système des connaissances religieuses et morales, des lois pratiques individuelles et sociales de l’Islam dont les généralités sont contenues dans le Coran, ainsi que son se sans faille ni contradiction dépassant les facultés humaines, notamment les facultés de quelqu'un qui se trouverait dans les mêmes conditions que le Prophète de l'Islam.

La révélation progressive, au long de vingt-trois années, d'un ouvrage pareil au Coran dont les parties qui se correspondent et s'équilibrent, concernents des circonstances tout à fait différentes. Les unes étant descendues dans le repos et la tranquillité, les autres dans la crainte et l'insécurité, en temps de paix ou de guerre, dans la solitude ou dans la société parmi les hommes, en voyage ou en ville, et cela, sourate après sourate, verset après verset, sans aucune contradiction, une telle révélation est impossible.

Bref, toutes les caractéristiques du Coran du Prophète se retrouvent dans le Coran actuel, en sorte qu'aucune contrefaçon ni altération n'a affecté le Coran.

D'ailleurs le Très-Haut Lui-même a affirmé l'inviolabilité du Coran, quand II a dit: "Nous avons fait descendre le Rappel; Nous en sommes les gardiens" (Coran, XV, 9). Il a dit autre part: "Certains ne croient pas au Rappel qui leur est parvenu: voici cependant, un Livre précieux. L'erreur ne s'y glisse de nulle part. C'est une Révélation d'un Seigneur sage et digne de louange" (Coran, XLI, 41-42).

Selon ces versets, et surtout du fait qu'il est le rappel de Dieu et le guide pour atteindre les connaissances véritables, le Coran est doué d'immunité divine, Dieu le préservant de toute altération.

Grâce à cette même promesse divine (concernant la sauvegarde du Coran) le Coran a été protégé contre toute atteinte durant quatorze siècles, malgré des centaines, des milliers, voire des millions d'adversaires. Il est le seul Livre céleste à être demeuré si longtemps inaltéré parmi les humains.

k- La lecture du Coran, sa mémorisation et sa transmission

Comme nous l'avons signalé plus d'une fois, au temps du Prophète un groupe bien organisé s'occupait, à Médine, de réciter et d'enseigner le Coran. Ils écoutaient au fur et à mesure les versets qui descendaient et étaient récités par le Prophète. De temps en temps ils récitaient à leur tour les versets en présence de l'Envoyé du Très-Haut.

Certains   jouissaient   d'une   autorité   particulière   pour l'enseignement du Coran, d'autres apprenaient la lecture du Coran auprès d'eux, se référant à leurs maîtres dans leur manière de réciter; et retenant en général par cœur ce qu'ils avaient appris.

Bien entendu les circonstances d'alors exigeaient une telle mémorisation et transmission des versets, car récriture courante de ce temps-là était l'écriture koufique, laquelle n'avait pas de signes diacritiques, en sorte que l'on pouvait prononcer chaque mot de plusieurs manières.

En outre, le commun des gens étant analphabète, il n'y avait pas d'autre moyen pour conserver la Parole divine que de l'apprendre par cœur. Cette méthode devient une tradition suivie aux époques ultérieures.

I- Les catégories de lecteurs du Coran

La première catégorie de lecteurs était composée des Compagnons mêmes du Prophète, qui de son vivant déjà apprenaient et enseignaient le Coran. Certains d'entre eux avaient rassemblé tout le Coran. Parmi eux il y avait une femme nommée Varghah, fille d'Abdullah Ibn Harêth. On entend par "rassembler" le Coran, le fait attribué à quatre personnes parmi les Compagnons, et parfois à cinq, à six ou plus, d'apprendre et de retenir le Coran par cœur, et non la composition ou la mise en ordre des sourates et des versets, sinon rien n'aurait justifié le double rassemblement du Coran, sous deux formes différentes, sous le premier et le troisième califes. Par ailleurs, ce que certains ont prétendu, concernant le fait que le Prophète aurait indiqué lui-même le lieu de chaque sourate et de chaque verset, est nié par presque toutes les traditions.

D'après ce que certains savants ont écrit, plusieurs membres de cette catégorie étaient plus réputés que les autres pour leur lecture et leur enseignement du Coran, tels Othman, Ali Abi Ibn Ka'ab, Zeyd Ibn Thâbet, Abdollâh-Ibn Mas’Oud. Abou Moussa Ache Ari.

La seconde catégorie était composée de leurs disciples et des disciples des Compagnons dont les plus connus vivaient à La Mecque et à Médine, à Koufa, à Bassorah et à Damas, où ils dirigeaient des cercles d'enseignement du Coran. Bien entendu dans ces cinq villes, on utilisait la version othmanienne du Coran qui y existait,

A La Mecque il y avait Obayd-Ibn O'mayr, Atâ ibn Abi-Ryâh, Tawouss  Modjâhid,   Akramah, Ibn Abi Malikah etc…

A Médine, Ibn-Mossayèb, Orvah, Sûlème, Omar-Ibn Abd-AI-Aziz, Solaymân-Ibn Ya^sâr, Atâ-ibn Yassâr, Mu'âdh Ghâri, Ab-dollâhlbn A aradj, Ibn Shahâb Zohari, Mosslème-Ibn Djandah et Zayd Ibn Aslam.

A Koufa, Alghamah, Assvad, Massrough, Obaydah, Amr-Ibn Charohhil, Hâreth-Ibn Gheyth, RahVi-lbn Kheytham, Amr-Ibn Meymoun, Abou Abdor Rahman Sollami, Zar-Ibn Habaych, Obayd-Ibn Fadhlah, Said-lbn Djahayr, Nakha'ï et Cha'abi.

A Bassorah, Abou Alyah, Abou-Rédjâ, Nassr-Ibn Assème,Yahyâ-Ibn   Ya'amar,   Hassan       Bassri         et   Ibn-Syrine et Ghatadah.  

Et enfin, à  Damas, Moghayrah-Ibn Chahâb, compagnons d'Othman et calife Ibn Sa'ad, compagnons d'Abou Darda'a, l'un des Compagnons du Prophète.

La troisième catégorie, qui coïncide plus ou moins avec la première moitié du deuxième siècle de l'Hégire, se compose d'un groupe d'illustres maîtres en lecture du Coran, qui avaient appris cet art auprès de la seconde catégorie, à savoir:

A La Mecque, Abdollâh Ibn Khathir(l'un des sept lecteurs), Hamid-ïbn Ghayth A'aradj et Mohammaa-Ibn Abi Mahiss,

A Médine, Abou-Dja'afar Yazid-Ibn Gha'agha'a, Cheybab-Ibn Nassâh et Nâfé'a-Ibn Na"ïm (l'un des sept lecteurs).

A Koufah, Yahyâ-Ibn Vaththâb, Assème-Ibn Abi-AI- Nadjvad (l'un des sept lecteurs), Solaymân A'amache, Hamzah (l'un des sept) et Kassâ"i (l'un des sept).

A Bassorah,   Abdollâh-Ibn Abi Ishâgh, Issâ-Ibn Amr, Abou Omar, Ibn Alâ (l'un des sept), Assème Djahdari et   Ya'aqoub ~ Hazrami.

A Damas, Abdollâh~Ibn Amer (l'un des sept), Atyyah-Ibn Gheyth Kéîâby, Ismaël ibn   Abdollâh Ibn Mohâdjir, Yahyâ-Ibn Hareth et Chorayb-Ibn Yazid Hazrami.

La quatrième catégorie est composée de disciples de la troisième catégorie, tels qu'Ibn-Ayyâch, Hafs, Khalaf etc..

Nous parlerons de certains d'entre eux, au paragraphe suivant.

La cinquième catégorie comporte des dialecticiens et des écrivains. D'après ce que l'on raconte, le premier lecteur du Coran à avoir écrit, était Abou-Obayd Ghassème-Ibn Salâm. Après lui, il y eut Ahmad-Ibn Djobayr de Koufah, ensuite Ismaël-Ibn Ishâgh le malékite, l'un des compagnons de Ghâloune le traditionniste; après lui, il y eut, Abou Dja'afar-îbn Djarir Tabari, Dâdjauni, et enfin Modjâhid.

Après eux, le champ de la discussion et de la recherche s'étend. C'est alors que Dâni, Châtébi et d'autres semblables se mettent à rédiger de nombreux traités, tant en vers qu'en prose.

m- Les sept lecteurs du Coran

Sept lecteurs du Coran appartenant à la troisième catégorie jouissaient d'une grande renommée et passaient pour des autorités en la matière, éclipsant les autres recitants. Parmi leurs nombreux disciples ou "rapporteurs", il s'en distinguait deux pour chacun d'eux.

Les sept lecteurs et leurs rapporteurs étaient:

1-        Ibn Kathir (1) de La Mecque et ses rapporteurs sont Ghonbôl et Bézi avec un intermédiaire.

2-        Nafi'a (2) de Médine et ses rapporteurs sont Ghâloune. et Varche.

3-        Assème  (3)  de  Koufa  et  ses  rapporteurs sont Abou-Bakr Cha'aba-Ibn   Ayyâche   et   Hafs.   Le  Coran  qui  est  à présent universellement connu et adopté, provient de la lecture d'Assème, rapportée par Hafs.

4-        Hamzah (4) de Koufa et ses rapporteurs sont Khalaf et Khallâd avec un intermédiaire.

5-        Kassâ*i (5) de Koufa et ses rapporteurs sont Douri et AbulHareth.

6-        Abou-Amr Ibn Alâ (6) de Bassorah et ses rapporteurs sont Douri et Saussi, avec un intermédiaire.

7-        ïbn Amer (7) et ses rapporteurs sont Hécham et Ibn Dhakvân moyennant un intermédiaire (8).

Egaux en réputation aux sept lecteurs étaient les trois lecteurs: Abou-Dja'afar (9), Ya'aqoub (10) et Khalaf (11).

On a rapporté d'autres lectures, telles que celles rapportées par divers Compagnons du Prophète, ou certaines lectures rares qui n'ont pas été reconnues, et également diverses lectures remontant aux Imams de la Famille du Prophète, mais on a rapporté des traditions des Imams préconisant de suivre les lectures communes bien connues.

L'universalité des théologiens sunnites reconnaît les sept lectures comme jouissant de chaînes de transmetteurs continues; certains d'entre eux entendent même par le dit prophétique: "Le Coran est descendu en sept (12) lettres", les sept lectures, à savoir les sept lectures bien connues, mais non pas "continues"

Zarkachi, dans son ouvrage, Borhan, écrit qu'il est vrai que les sept lectures ont été rapportées par une chaîne continue de transmetteurs, mais qu'il est douteux qu'elles remontent jusqu'au Prophète. Car la chaîne de transmetteurs de ces lectures figure dans le livre même de lecture et toutes ces traditions ne sont rapportées chaque fois que par un seul rapporteur.

Macqui, lui, déclare dans son livre: "Celui qui pense que c'est la lecture des lecteurs tels que Nâfi, Assème etc.. qui est signifiée par les sept lettres citées dans une tradition remontant au Prophète, commet une grave erreur, car une telle opinion suppose que toute lecture autre que celle des sept lecteurs ne soit pas reconnue en tant que lecture du Coran, ce qui est une grave erreur. Car les anciens théologiens qui ont réuni les lectures, tels que Abou-Abid, Ghâssem-Ibn Salâm, Abou-Hatam de Sadjestân, Abou-Dja'afar Tabari, Ismaël Cadi ont cité bien d'autres lecteurs que ces sept".

Vers l'an 200 de l'Hégire, les habitants de Bassorah suivaient la lecture d'Abou-Amr et de Ya'aqoub, ceux de Koufa, la lecture de Hamzah et d'Asseme, ceux de Damas celle d'Ibn-Amer, ceux de La Mecque celle d'Ibn-Kathir, ceux de Médine la lecture de Nâff. On respecta quelque temps cette manière de faire, jusqu'à ce qu'en l'an 300 de l'Hégire, Ibn Modjâhid remplaça le nom de Ya'aqoub par celui de Kassâ'ï.

La raison de l'attachement des Musulmans à la lecture des Sept, alors qu'il existait de nombreux lecteurs aussi bons voire meilleurs qu'eux, réside en ce que les rapporteurs de traditions remontant aux imams de narrateurs étaient devenus très nombreux, en sorte qu'on ne parvenait plus à recueillir ni conserver tant de traditions de lectures différentes. On finit par choisir certains lecteurs dont la lecture s'accordait avec l'orthographe du Coran et était plus facile à retenir.

En égard aux cinq Corans envoyés par Othman à La Mecque, Médine, Koufa, Bassorah et Damas, on choisit cinq lecteurs dans chacune de ces cinq villes et on adopta leur lecture.

C'est pourquoi Ibn-Djobayr, tout comme Ibn-Modjâhid, ont cité cinq lecteurs de ces cinq villes, dans leurs ouvrages consacrés aux lectures du Coran.

Plus tard, Ibn-Modjâhid et d'autres, prenant en considération les deux autres Corans qu'Othman avait envoyés au Yémen et à Bahrayn (les Corans d'Othman sont donc au nombre de sept), choisissent sept lecteurs.

Comme on ne savait pas ce qui était advenu des Corans envoyés au Yémen et à Bahrayn. on choisit deux lecteurs de Koufa pour parvenir au nombre fixé: on les ajouta aux cinq lecteurs précédemment choisis, en sorte qu'on arriva à sept lecteurs.

Ce nombre s'accordant avec celui cité dans le récit prophétique "Le Coran a été révélé en sept lettres", ceux qui n'étaient pas au courant de la vérité des faits crurent de bonne foi que le Prophète entendait pas ces "sept lettres" les sept lectures.

Quoiqu'il en soit, est digne de confiance, une lecture dont la chaîne de transmetteurs est authentique, une lecture conforme aux règles de la langue arabe et à l'orthographe du Coran (c'est la fin de ce que Macqui a écrit).

Ghérâb, dans son Mathâni écrit: "S'accrocher uniquement à la lecture des sept, n'est fondé ni sur une tradition, ni sur un récit. Ce sont seulement certains d'entre les derniers traditionnistes qui ont recueilli et propagé ces sept lectures, alors s'est répandu l'opinion que les autres lectures ne sont pas valables, alors que personne n'a jamais dit cela".

Notes:

1)- Abdollâh ibn Kathir de La Mecque avaii appris la lecture du Coran dAbdollâh Ibn Sâèb, Compagnon du Prophète, Modjâhid l'a apprise du trinc des Croyants. Ali; il est mon en 120 de rHégire à La Mecque.

2j- Najïa Ibn Abdor Rahman Ibn Naiin d'Isphahan, de Médine. appris la lecture de Yazid ibn Gha'âgha'â et Abou-Meymonah Mowlâ de Omm-al-Salamah, la Mère des Croyants; il est mort en 159 ou 160. à Médine.     à

3}-Assème Ibn Abi-al-Nadjvad de Koufa, Mowlâ de Bani-Djazimah, a appris la lecture d"Abdor Rahman Sollami. du Prince des Croyants Ali. et également de Sa'ad-Ibn Ayass Cheybâni et Zar-Ibn llobayeh: il est mort en 127-129 de l'Hégire, à Koufa.

4)-Hamzah-Ibn Habib Tamimi. de Koufa. juriste et lecteur; il a appris la lecture d'Assème et d'A 'amach, de Sabiî. de Munsour Ibn Moa'tamar, et aussi du sixième Imam et de ses compagnons; c 'était un auteur fécond, le premier à écrire sur les "termes allégoriques" du Coran. Il est mon en 156 de l'Hégire.

5)- Ali Ibn Hamzah Ibn Abdollâh. Ibn Firouz de Fars, de Koufa. de Baghdâd, l'un des maîtres de la grammaire et de la lecture du Coran. Il enseigna la littérature à deux califes abbâssides A/nîn et Ma'moun. Il apprit la grammaire chez Jonas le grammairien et*Kha/îl-Ibn Ahmad le grammairien, et la lecture chez Hamzah et Cha'abab. Il mourut en 179-193 aux environs de Rey, au cours d'un voyage qu'il fit en compagnie de Haroun, le calife abbâsside, à destination de Touss.

6)- Abou-Amr Zahbân-Ibn A/â de Bassorah, de Baghdâd, un des hommes de lettres les plus illustres de son temps et maître en lecture du Coran; il avait appris la lecture du Coran des disciples des Compagnons du Prophète; il est mort en 154-159, à Koufa.

7)- Abdollâh Ibn Amer, chafcite de Damas - d'après l'itqan -, il apprit la lecture d'Abou Darda'a Compagnon, et des compagnons d'Othman; il mourut en 118, à Damas.

8)- On n'est pas unanime sur le nom des sept lecteurs. Nous les avons cités d'après Fltqan.

9)- Abou Dja'afar, Yazid Ibn Gha'âgha'â de'Médine, Mowlâ de Omm-al-Salamah, la Mère des Croyants; il apprit la lecture chez Abdollâh Ibn Ayyâch Makhzoumi Ibn Abbâs, et Abou Horayrah; il cite le Prophète, II est mort en 128-133 à Médine.

10)- Ya'aqoûb Ibn Ishâgh de Bassorah, Hazrami, l'un des maîtres du droit islamique et de littérature; il apprit la lecture chez Salâm-Ibn Solaymân, d'Assème, de Salma, du Prince des Croyants Ali; il mourut en 205.

H)- Khalaf-Ibn Héchâm Bazzâz, l'une des grandes autorités en lecture, et rapporteur de la lecture de Hamzah; il apprit la lecture chez Mâlik-Ibn Anass, Hamâd-Ibn Zeyd et Abou Avânah; il mourut en 229.

12)- Bihâr, volume du Coran, l'Introduction de Sâff, Itqân de Soyoûti, volume I, p. 47.

n- Le nombre des versets du Coran

Le nombre des versets coraniques remonte à l'époque du Saint Prophète. Ce nombre est quelquefois précisé dans les traditions prophétiques. Certaines de ces traditions citent des versets avec leur numérotation, comme par exemple, dix versets de la sourate "La Famille de 'Imran". On tient même du Prophète le nombre de versets de certaines sourates, comme les sept versets de "La Fâtiha" et les 30 versets de la sourate "La Royauté"

Quant à l'ensemble des versets coraniques, les opinions sont partagées en six:

Certains ont dit que le nombre total des versets est de six mille, d'autres en dénombrent six mille deux cent quatre, six mille deux cent quatorze, six mille deux cent dix-neuf, six mille deux cent vingt-cinq ou six mille deux cent trente-six.

De ces six opinions, deux viennent des lecteurs de Médine, les quatre autres provenant des lecteurs des quatre autres villes qui possédaient le Coran d'Othman, à savoir La Mecque, Koufa, Bassorah, et Damas.

Les partisans de chacune de ces six opinions se réclament, par des traditions, du temps des Compagnons, et attribuent leur opinion au Prophète en sorte qu'ils considèrent le nombre total des versets comme fixe et arrêté.

Les Médinois se partagent en deux opinions: Tune provenant d'Abou-Dja'afar,Yazid-Ibn Gha'âgha'â et Cheybat-Ibn Nassâh, l'autre d'Isma'ël-Ibn Dja'afar-Ibn Abi-Kathir le Compagnon.

Le nombre des versets adoptés par les Mecquois provient d'Ibn-Kathir, celui des habitants de Koufa, provient de Hamzah, de Kassâf et de Khalaf; Hamzah l'a reçu d'Ibn-Abi-Layli, par Abou-Abdor-Rahmân Sollami et d'Ali; le nombre adopté par les habitants de Bassorah, provint d'Assème-Ibn Adjâdj Djahdari; celui des Syriens provient d'Ibn-Dhakvân et Héchâm-Ibn Ammâr, et est attribué à Abou-Dardâ

Bien sûr la différence du nombre total des versets est dû à la différence en nombre des versets des différentes sourates; on a fait encore d'autres comptes relatifs au nombre des lettres, des mots, des sourates coraniques, qui ne nous intéressent pas ici.

o- Le titre des sourates du Coran

La répartition du Coran en sourates, de même que sa répartition en versets, provient du Coran même. Le Très-Haut parle dans plusieurs passages du Livre, de "sourates", tout comme il parle de "versets". Par exemple: "Voici une sourate que Nous avons révélée" (Sourate la Lumière, verset 1), "Lorsqu'une Sourate est révélée..." (Sourate l'Immunité, verset 86), etc..

L'appellation des sourates se rapporte parfois à un nom cité dans la sourate, ou à un sujet qui y est traité, par exemple les sourates "La Vache", "La Famille de 'Imran", "Le Voyage Nocturne", "Le Culte pur". C'est ainsi que l'on trouve écrit en tête des sourates des Corans très anciens, par exemple la phrase: "Une sourate où on parle de la Vache" ou "une sourate où on parle de la Famille de "Imran".

Il arrive quelquefois que l'on cite la première phrase d'une sourate pour désigner cette dernière, comme par exemple la sourate: "Lis au nom de ton Seigneur", la sourate: "Nous l'avons fait descendre", ou la sourate: "Les infidèles, n'ont pas été..." etc.

Quelquefois on définit la sourate par son caractère, comme par exemple la sourate "L'Introduction du Livre", la sourate "La Mère du Livre et les sept versets réitérés", la sourate "L'Unité", la sourate "L'Attribution au Seigneur" etc..

De telles manières de procéder, on le voit d'après les ouvres dont nous disposons, remontent à l'aube de l'Islam et même aux traditions prophétiques. Au temps du Prophète lui-même on donnait des titres aux sourates, comme par exemple les sourates "La Vache", "La Famille de 'Imran", "Houd", "Celle qui est inéluctable". On peut donc dire que nombre de ces titres sont apparus au temps du Prophète, grâce à la répétition et à l'emploi fréquent; ils n'ont rien à voir avec une décision légale.

p- L'écriture et la prononciation des lettres finales des termes coraniques

Au temps du Prophète et au cours des deux premiers siècles de l'Islam, le Coran s'écrivait en écriture koufique. L'imprécision de cette écriture avait exigé l'institution des mémorisateurs, des transmetteurs et des lecteurs du Coran. Malgré cela, on ne parvint pas à éliminer toutes les difficultés: seuls les récitants et ceux qui apprenaient le Coran par cœur connaissaient la prononciation correcte du Coran. La lecture correcte du Coran n'était pas accessible à tous ceux qui voulaient le lire.

C'est pour cela que vers la fin du premier siècle, Abou-Al-Asvad Doé l'un des compagnons d'Ali, sur le conseil de ce dernier et sur ordre du calife omayyade, Abd-al-Malek, introduit des signes diacritiques des lettres dans sa grammaire arabe. Ainsi l'ambiguïté de cette écriture disparut jusqu'à un certain point.

Mais, les difficultés n'étaient pas tout à fait résolues, jusqu'à ce que Khalil-Ibn Ahmad, le célèbre grammairien et théoricien de la prosodie, eût introduit des signes dans le but de prononcer correctement les lettres, à savoir: le mad (le signe mis sur la lettre a pour la rallonger), la réduplication, les signes des voyelles brèves a, i, u, l'absence de voyelle, les terminaisons des trois cas des déclinaisons etc…

Ainsi la prononciation se trouva facilitée et libérée de toute équivoque.

Auparavant on signalait la prononciation par des points: pour le a bref, on mettait un point sur la lettre initiale des mots, pour le i bref, on mettait un point sous cette même lettre, pour le u bref on mettait un point à la fin du mot, mais cette manière de faire augmentait quelquefois l'équivoque.

Fin