EDUCATION DES ENFANTS (2) TENIR SA PAROLE


ان الله لا يخلف الميعاد
«Certes Dieu ne trahit pas sa parole»
Sourate Le tonnerre, verset 31

De l’importance du respect de l’engagement

On rapporte cette anecdote concernant l’Imam Sajjad paix sur lui. Un esclave que l’Imam avait récemment affranchi s’était enrichi suite à son activité économique. L’Imam Sajjad paix sur lui était alors dans le besoin. Il emprunta de son ex-esclave dix mille dirhams jusqu’à ce qu’il puisse les lui rembourser. L’esclave lui demanda alors une caution en vertu de quoi l’Imam lui donna un fil tiré de sa tunique et lui dit : « ceci est ma caution, jusqu’au remboursement de la dette ». L’ex esclave plaça la caution dans un petit coffre. Peu de temps s’écoula que l’Imam apporta le montant du prêt à son propriétaire et lui dit : « ton argent est prêt. Donne moi la caution ». Il dit : « j’ai perdu le fil de ta tunique ». L’Imam répondit alors : « Dans ce cas, ne récupère pas ta créance car il ne faut pas prendre les engagements de personnes comme nous à la légère ». L’affranchi s’est vu contraint de chercher le petit coffre. Il le trouva, en sortit le fil et le donna à l’Imam, qui en retour lui donna l’argent, prit le fil et le jeta immédiatement.

عن جعفر بن محمد عليه السلام : اذا اومى احد من المسلمين الى احد من اهل الحرب فهو امان

On rapporte de l’Imam Sadiq paix sur lui : « s’il l’un d’entre les musulmans accorde sa protection à l’un des ennemis, ce dernier est en sécurité (auprès des musulmans)» (mustadrak al-wasail, t.2, p.250)

Dans un pays où les gens respectent leur parole, les relations économiques, sociales et politiques sont fondées sur la confiance et permet aux gens d’établir des relations humaines et nobles. Au contraire, un peuple qui ne se livrerait qu’à la trahison et à l’infidélité, dépenserait essentiellement son énergie en querelles et en conflit, et se verrait privé de toute relation de confiance au niveau familial et social.

عن علي بن ابي طالب عليه السلام: و الخلف يوجب المقت عند الله والناس

A ce sujet, l’Imam Ali paix sur lui dit dans le recueil de ses paroles intitulé La Voie de l’Eloquence : « le non respect de la parole et de l’engagement suscite la colère de Dieu et des gens »

Un environnement sain, condition d’une éducation fructueuse

Il est clair qu’une bonne éducation requiert avant tout de placer l’enfant dans un environnement sain, dénué de mensonge, d’infidélité, de vulgarité ou de pêchés. La famille est l’environnement le plus immédiat de l’enfant, par conséquent, la responsabilité d’éduquer l’enfant revient avant tout à la famille. La famille est en quelque sorte « la première école » des enfants, qui imitent et s’inspirent pour leur comportement de celui de leurs parents et des autres membres de la famille.

On rapporte du messager de Dieu paix sur lui et sa famille : « aimez vos enfants et soyez indulgents et gentils avec eux, et si vous leur promettez quelque chose, exécutez vous car ils (vos enfants) vous voient comme si c’était vous qui les nourrissiez » (Wasa’il, t.2, p.126).

On rapporte encore de Abu al-Hassan paix sur lui : « si vous donnez votre parole à vos enfants, tenez parole car ils pensent que c’est vous qui les nourrissez. Et Dieu n’exècre rien de plus que l’injustice envers les femmes et les enfants ». (Usul al-Kafi, t.6, p.50)

Alors que l’attention suffisante aux sentiments innés de l’être humain, tel l’amour de soi ou le besoin sexuel, est un pilier de son épanouissement, le respect de la parole fait partie des fondements sans lesquels l’adulte en puissance qu’est l’enfant ne pourra que s’orienter vers des comportement nuisibles et dommageables, à la fois pour lui-même, pour les autres et pour la société dans son ensemble.

C’est pourquoi les parents doivent absolument tenir la parole qu’ils donnent à leurs enfants et doivent éviter de les flouer en leur donnant de fausses promesses. Par exemple, certains pourraient être tentés de promettre à leur enfant, devenu turbulent, d’aller ensemble au parc d’attractions afin de le calmer, tout en sachant qu’ils ne pourront pas remplir leur engagement. La leçon qu’en tirerait inéluctablement l’enfant est que l’on peut arriver à ses fins à disant des mensonges et en trompant la confiance des autres. Le cerveau de l’enfant enregistre tout ce qu’il voit et entend, tel une caméra, et utilisera ces données pour sa vie future. Bien souvent, l’enfant n’oubliera jamais ce dont il a été témoin d’actions viles et détestables, qui auraient été commis par ses parents ou ses maîtres d’école, comme le mensonge ou la tricherie.

Une seule phrase pour une révolution culturelle !

Il existe des exemples historiques illustrant tristement cette réalité. Afin de conquérir le califat, Mu’awiya ibn Sufiyan, maudit soit-il, s’est livré à la calomnie envers l’Imam des musulmans, le 4ème calife, Ali ibn Abi Talib paix sur lui. En tant que gouverneur du pays de Sham (Syrie, Liban, Palestine), Mu’awiya ordonna aux orateurs (khutaba) des mosquées, aux maîtres d’école et à tous les leaders d’opinion de la société de cette province du territoire islamique, de se livrer à la calomnie du calife légitime en l’accusant de ne pas faire sa prière et de s’être dévier de la voie droite.

Cette calomnie devint une tradition sous le califat de Mu’awiya maudit soit-il, tant et si bien que cette habitude désolante était considérée par les habitants de cette province comme un devoir religieux dont ils s’acquittaient à chaque prière. Lorsqu’ Omar ibn Abd al-Aziz, qui bien que membre de la famille ommayade connaissait la vérité de la Famille prophétique, arriva au pouvoir, il s’évertua à déraciner de l’esprit des gens l’habitude qu’ils avaient pris de maudire l’Imam Ali ibn Abi Talib paix sur lui. Sagement, il ramena d’abord à sa cause les ministres ainsi que les généraux d’armée, puis ordonna à l’ensemble des hauts fonctionnaires du califat islamique d’interdire la malédiction et toute calomnie sur Ali ibn Abi Talib paix sur lui et de punir tout contrevenant. De cette façon, ses multiples efforts donnèrent leur fruit : en défendant Ali et en écartant le dangereux complot initié par Mu’awiya maudit soit il à l’encontre de la légitimité du califat islamique, il réussit à conquérir les coeurs et acquit pour cela une réputation et une affection sincère auprès de son peuple. Or la décision de ‘Omar ibn Abd el Aziz résulte d’une phrase qu’il entendit de son maître lorsqu’il étudiait, encore enfant, à la Médine. Comme le reste des ommayades, ‘Omar blasphémait sur Ali lors de la prière collective. Il raconte lui-même : « Je me rendis auprès de lui (son tuteur ‘Ubeyd Allah ibn Abd Allah) un jour et il prolongea sa prière. J’attendais debout qu’il la finisse. Quand sa prière fut terminée, il me regarda et me dit : « quand as-tu appris que Dieu était en colère contre les gens de Badr et de l’allégeance de Rizwan1 après qu’il en fut satisfait ? » Je répondis que je n’avais jamais entendu cela. Il dit: « qu’en est-il alors de ce que l’on me rapporte de ton comportement vis-à-vis de Ali ? » Je fis alors mes excuses auprès de Dieu, de mon tuteur et j’abandonnais définitivement cette pratique (Kamil ibn Athir, t.5, p.17). Voilà en somme le dialogue à l’origine de la révolution culturelle que ‘Omar ibn Abd al Aziz lança dans les pays islamiques lors de son califat, visant à réformer l’image déformée que l’opinion publique avait progressivement acquise de l’Imam Ali ibn Abi Talib paix sur lui.

Conclusion

On peut en conclure que tout ce dont est témoin l’enfant dès son plus jeune âge est une graine qui mûrit progressivement et trouve à s’épanouir lors de l’âge adulte sur la scène individuelle et sociale. Ainsi, la bonne éducation d’une personne vient des efforts continus des parents lorsque cette dernière était enfant. Il appartient donc aux parents, ainsi qu’aux enseignants, d’accorder la plus grande importance à leur devoir d’éducation en montrant à leurs enfants ou élèves, dès leur plus jeune âge, le bon exemple. A ce titre, le respect de la parole est une condition sine qua non pour parfaire les autres étapes d’une éducation réussie.

1. Il s’agit d’une allégeance contracté par le saint Prophète l’an 6 de l’hégire de la part de ses compagnons, dont l’Imam Ali ibn Abi Talib, avant la bataille d’Hudaibiya, afin qu’il se batte jusqu’à la mort voir le verset suivant:

لقد رضى اللَّه عن المؤمنين اذ يبايعونك تحت الشجرة