«Commence par le Pèlerinage, car
le Pèlerinage est une obligation. S'il reste un excédent [sur la somme désignée
par le testament] dépense-le pour accomplir des Prières surérogatoires.»
Lorsque Abû Hanîfah a entendu parler de ce jugement, il est revenu sur ce qu'il
avait proposé.»
Abû-l-Qâçim al-Baghr a rapporté dans "Musnad Abî Hanîfah" :
«Al-Hassan ibn Ziyâd a dit qu'il a entendu poser à Abî Hanîfah cette question :
"Qui est le plus savant de tous ceux que tu as vus ?" et qu'Abû Hanîfah a
répondu : "Ja'far ibn Muhammad [l'Imam al-Çâdiq]...
En effet, lorsqu'al-Mançûr l'a convoqué, il m'a écrit: "O Abâ Hanîfah ! Les
gens sont séduits par Ja'far ibn Muhammad. Prépare donc pour moi des questions
difficiles à résoudre." Je lui ai préparé quarante questions. Puis Abû Ja'far
al-Mançûr (le calife abbasside) m'a fait venir alors qu'il se sentait
embarrassé. Je me suis rendu chez lui, et j'ai vu Ja'far [al-Çâdiq] assis à sa
droite. Lorsque je l'ai regardé, il m'a inspiré beaucoup plus de respect que ne
m'en a inspiré Abû Ja'far. Je l'ai salué, et il m'a répondu. Je me suis assis.
Puis il [le calife] s'est adressé à lui en disant : "O Abâ 'Abdullâh ! Voici Abû
Hanîfah." Il a répondu : "Oui, je le connais." Puis il [le calife] s'est tourné
vers moi et m'a dit : "O Abâ Hanîfah ! Pose tes questions à Abî Abdullah." Je me
suis mis à lui poser les questions les unes après les autres, et il me répondait
en disant : «Vous dites ceci, les Médinois disent cela, et nous disons ceci.
Peut-être sommes-nous d'accord avec vous, peut-être sommes-nous d'accord avec
eux, et peut-être sommes-nous en désaccord avec tous les deux. J'ai fini de
poser les quarante questions, auxquelles il a répondu sans faux pas." Et Abû
Hanîfah de conclure :" "Le plus savant des
gens est celui qui en connaît le mieux les différends."»
Ces deux anecdotes nous montrent comment doivent être l'objectivité et la
méthodologie scientifiques dans le dialogue, la présentation des questions et la
recherche de la Vérité. L'imam Abû Hanîfah était un grand Savant et un mujtahid
à toute épreuve, pourtant il n'a pas hésité un instant à revenir sur son avis
lorsqu'on lui a montré un jugement plus conforme à la Chari'ah que le sien,
d'une part, et à reconnaître d'autre part l'érudition et les mérites de l'Imam
Ja'far al-Çâdiq Úáíå ÇáÓáÇãalors que le calife
abbasside avait voulu l'opposer à celui-ci et en faire un adversaire ou un
rival. Tout vrai Musulman se doit avant tout de mettre devant lui la Vérité, et
de s'y plier en oubliant sa fierté personnelle, qui en fait n'a pas à en
souffrir, loin de là. Cette façon de voir les choses et de les discuter est
celle que l'Islam a préconisée et dont il a fait la base de la recherche de la
Vérité. Que tous les Savants et chercheurs la suivent et s'y conforment, et la
Communauté musulmane deviendrait une Nation unique, comme nous l'a indiqué le
Saint Coran.
Le meilleur exemple de cette façon de penser objective et constructive est
l'attitude du grand imam d'al-Azhar, le Chaykh Mahmud al-Chaltût, qui a décrété
à l'intention des adeptes des quatre Ecoles juridiques sunnites, à savoir les
Hanafites, les Hanbalites, les Mâlikites et les Châfi'îtes, la licéité du fait
de suivre l'Ecole juridique chi'ite imâmite au même titre que les autres Ecoles
juridiques musulmanes.
Son successeur à la tête d'al-Azhar, le Docteur Muhammad Muhammad al-Fahhâm a
fait de même.
Nous reproduisons ci-après le texte du décret (Fatwa) que chacun de ces deux
recteurs d'al-Azhar a émis à cet égard :
Le décret émis par Son Eminence, Chaykh al-Azhar, indiquant la légalité du culte
selon l'Ecole juridique chi'ite imâmite:
«On a demandé à Son Eminence : "Certaines gens pensent que le Musulman doit, en
vue de l'exécution correcte de son adoration et de ses affaires sociales, imiter
l'une des quatre Ecoles juridiques connues. Or l'Ecole juridique chi'ite imâmite
et l'Ecole juridique chi'ite zaydite ne figurent pas parmi elles [les quatre
Ecoles]. Est-ce que Votre Eminence est d'accord avec ce fait en général et
interdit l'imitation de l'Ecole juridique chi'ite imâmite duodécimaine par
exemple ?"
Son Eminence a répondu :
«1- L'Islam n'oblige personne à suivre une
Ecole juridique en particulier.
Il stipule seulement que "tout Musulman a le droit, tout d'abord, de
suivre n'importe laquelle des Ecoles juridiques transmises correctement et dont
les Statuts sont transcrits dans leurs livres propres à elles.
Et quelqu'un qui suivait déjà l'une de ces Ecoles peut, sans aucun
embarras, passer à une autre Ecole, n'importe laquelle."
«2- L'Ecole juridique Jâ'farite, connue sous l'appellation de "Chiisme
imâmite duodécimain", est un Math-hab [une Ecole juridique islamique] que l'on
peut légalement imiter, comme n'importe laquelle des autres Ecoles juridiques
sunnites. Les Musulmans doivent donc le savoir, et se débarrasser d'un esprit de
corps injuste envers des Ecoles juridiques spécifiques. Car ni la Religion
d'Allah, ni Sa Chari'ah n'appartiennent à une Ecole juridique en particulier, ni
ne sont réservées à une Ecole juridique en particulier. Toutes comptent des
mujtahid acceptés par Allah, et quiconque n'est pas à même de parvenir à un
jugement personnel et à l'Ijtihâd peut légalement les imiter et appliquer ce qui
est décidé dans leur Jurisprudence [Fiqh], et ce aussi bien dans les actes de
piété ['Ibâdât] que dans les transactions [Mu'âmalât].»
Mahmud Chaltût
Le défunt Docteur Muhammad Muhammad al-Fahhâm, lui aussi recteur d'al-Azhar de
son époque, a commenté le décret de son prédécesseur, l'imam Mahmud Chaltût,
dans les termes suivants : «Que la
Miséricorde d'Allah soit sur Chaykh Mahmud Chaltût qui s'est occupé d'une noble
tâche en promulguant sa fatwa [décret religieux] franche et courageuse qui l'a
immortalisé, et qui déclare légal le fait de se conformer au Math-hab [l'Ecole
juridique] chi'ite imâmite en tant que Math-hab jurisprudentiel islamique fondé
sur le Livre et la Sunna, ainsi que sur une argumentation juste. Qu'Allah
couronne de succès l'action de tous ceux qui agissent de la même façon et qui
s'efforcent de faire connaître les uns aux autres les Frères de la Foi islamique
vraie.» «Dis : Agissez ! Allah verra
vos actions, ainsi que le Prophète et les Croyants.». «Notre
dernière Prière de Demande est : Louanges à Allah, Seigneur des mondes.»
Muhammad Muhammad al-Fahhâm
Les penseurs, les Savants, les écrivains, les tenants de l'Appel islamique,
ainsi que tous ceux qui se soucient sincèrement du sort de la Ummah ont le
devoir de s'opposer à ces tentatives de division des Musulmans et d'appeler tous
les adeptes de La Vraie Religion à s'unir, à resserrer leurs rangs, à reléguer à
l'arrière-plan les différends législatifs et idéologiques qui peuvent être
réduits par une référence répétée et systématique aux Sources de la Chari'ah par
un raisonnement et une argumentation scientifique et objective.
Les adeptes avertis de toutes les Ecoles juridiques islamiques savent combien
certains recueils de hadith sont truffés de tels faux hadiths - qu'on appelle
"intrus" (Madsûsât). Le Prophète lui-même, conscient de ce danger pernicieux qui
menaçait déjà la Ummah, en a averti les Musulmans lors de son Prône d'Adieu :
«Ceux qui m'attribuent faussement des hadith se
sont multipliés et se multiplieront encore. Quiconque m'attribue faussement des
hadiths aura un siège de feu. Si on vous raconte un hadith qui m'est attribué,
soumettez-le au Coran et à ma Tradition. S'il s'avère conforme au Livre d'Allah,
adoptez-le, et rejetez tout ce qui contredit le Livre d'Allah et ma Tradition.»
Chaykh 'Abbâs al-Qommî, "Safinat al-Bihâr", "Bâb al-Kithb", p. 474.
Puisque nous connaissons tous ces vérités évidentes, nous devons nous interroger
sur les raisons qui conduisent certains à publier -en cette période délicate-
des livres et à distribuer des bulletins et des brochures qui sèment la
division, incitent à la discorde, accusent d'impiété d'autres Musulmans et
provoquent la haine et l'animosité, oubliant et ignorant délibérément cet autre
avertissement du Prophète :
«Vous n'entrerez pas dans le Paradis tant que vous
n'aurez pas eu la Foi, et vous n'aurez pas la Foi avant de vous aimer
mutuellement. Je vous indique donc quelque chose qui vous conduit à vous aimer
mutuellement : répandez la paix entre vous.»
Dieu Ìá ÌáÇáåa dit:
«Attachez-vous tous, fortement, au Pacte d'Allah ; ne
vous divisez pas ; souvenez-vous des Bienfaits d'Allah : Allah a établi la
concorde en vos coeurs ; vous êtes, par Sa Grâce, devenus Frères alors que vous
étiez des ennemis les uns pour les autres. Vous étiez au bord d'un abîme de feu,
et Il vous a sauvés. Voici comment Allah vous explique Ses Signes. Peut-être
serez-vous bien dirigés. Puissiez vous former une Communauté dont les membres
appellent les hommes au Bien, leur ordonnent ce qui est convenable et leur
interdisent ce qui est blâmable : voilà ceux qui seront heureux ! Ne soyez pas
comme ceux qui se sont divisés et qui se sont opposés les uns aux autres après
que les preuves décisives leur sont parvenues. Voilà ceux auxquels un terrible
Châtiment est destiné.» (Sourate Âle 'Imrân, 3 : 103-105)
«Acquitte-toi des obligations de la Religion en vrai
Croyant et selon la nature qu'Allah a donnée aux hommes en les créant. Il n'y a
pas de changement dans la Création d'Allah. Voici la Religion immuable ; mais la
plupart des hommes ne savent rien. Revenez repentants vers Allah ; craignez-Le ;
acquittez-vous de la Prière ; ne soyez pas au nombre des polythéistes ni de ceux
qui ont divisé leur Religion et qui ont formé des sectes, chaque fraction se
réjouissant de ce qu'elle détient.» (Sourate al-Rûm, 30 : 31)
«Quel que soit le sujet de votre désaccord, le
jugement appartient à Allah. Tel est Allah, mon Seigneur ! Je me confie à Lui !
Je reviens repentant vers Lui !» (Sourate al-Chûrâ, 42 : 10)
«O vous qui croyez ! Obéissez à Allah! Obéissez au
Prophète et à ceux d'entre vous qui détiennent l'autorité. Portez vos différends
devant Allah et devant le Prophète -si vous croyez en Allah et au Jour Dernier-
c'est mieux ainsi, c'est le meilleur arrangement.» (Sourate al-Nisâ', 4 :
59)
«Cette Communauté qui est la vôtre est vraiment une
Communauté unique. Je suis votre Seigneur! Craignez-Moi donc !» (Sourate
al-Mu'minûn, 23 : 52)
«Obéissez à Allah et à Son Prophète ; ne vous
querellez pas, sinon vous fléchiriez et votre force s'affaisserait. Soyez
patients, Allah est avec ceux qui sont patients.» (Sourate al-Anfâl, 8 :
46)
Le Saint Coran met donc devant nous les éléments de la réunification de la
Ummah, qui sont :
1- Allah est Unique, il faut donc affirmer
Son Unicité et L'adorer.
2- Le But de la Religion est l'intégrité et la conformité avec la nature
bonne qu'Allah a donnée aux hommes lorsqu'Il les a créés.
3- La Ummah doit concentrer ses efforts et ses énergies sur l'Appel à
l'Islam et sur la fondation d'une Nation qui ordonne le Bien, interdit le Mal,
et qui porte le Message d'Allah à l'humanité:
«Puissiez vous former une Communauté dont les membres
appellent les hommes au Bien, leur ordonnent ce qui est convenable et leur
interdisent ce qui est blâmable...»
Le Saint Coran attire notre attention sur les principales causes de nos
différends et nous en propose les solutions de principe. Ainsi, il nous explique
que :
A- Il faut se référer au Livre d'Allah et à la Sunna de Son Prophète pour
trancher les différends législatifs et idéologiques :
«Portez vos différends devant Allah et devant le
Prophète...» «Quel que soit le sujet de votre
désaccord, le jugement appartient à Allah.»
Et le Saint Coran nous interdit d'ériger notre différend législatif et
idéologique en une cause de division, de différence, d'hostilité et de scission
de la Ummah :
«... Ne vous querellez pas, sinon vous fléchiriez et
votre force s'affaisserait.»
B- En ce qui concerne les questions de nature politique ou sociale que le Tuteur
légal détermine, et dont il supervise l'exécution, il faut faire confiance à
celui-ci, lui obéir et s'y référer, afin que les positions et les avis ne
s'opposent pas, que les attitudes politiques et sociales ne divergent pas et que
la Ummah adopte une position politique et sociale unique : «Obéissez
à Allah ! Obéissez au Prophète et à ceux d'entre vous qui détiennent
l'autorité...» tant que le Tuteur respecte les Statuts de la
Chari'ah et qu'il réalise l'intérêt de la Ummah.
Or les Musulmans ont, aujourd'hui, entre les mains le Livre d'Allah, dans lequel
«l'erreur ne se glisse de nulle part» et que la déviation n'a pas pu altérer, et
qu'a apporté le Messager d'Allah :
«Nous avons fait descendre le Rappel ; Nous en sommes
les Gardiens.»
Et ils sont unanimement d'accord sur ce fait, auquel ils croient tous
profondément. Ils sont tous monothéistes au
sens islamique du terme, et croient en Allah, L'Un, L'Unique, et L'Impénétrable,
comme Il Se décrit dans le Noble Coran. Ils sont également tous unanimement
d'accord pour croire à leur Prophète Muhammad ibn ‘Abdullah. Ils ont tous une
seule et même Qiblah -direction vers laquelle ils se tournent pour prier. Ils
sont tous d'accord sur les obligations islamiques : la Prière, le Jeûne, le
Hajj, le Jihâd, la Zakat, la Commanderie du Bien et l'Interdiction du Mal, etc.
De même, ils sont tous d'accord sur l'interdiction des grands péchés tels que
l'adultère, la consommation d'alcool, la sodomie, les jeux de hasards, le vol,
l'assassinat, le mensonge, le gain illicite, etc.
Ainsi, il n'y a pas entre eux de différends relatifs aux Fondements et aux bases
de la Foi qui font d'eux une seule Nation. Au contraire, ils sont d'accord sur
ces Fondements.
C'est pourquoi, pour résoudre les questions litigieuses relevant de l'Ijtihâd et
les points de vues scientifiques divergents, ils peuvent et doivent se référer
au Livre d'Allah et à la partie établie et incontestable de la Sunna du
Prophète, car le Messager d'Allah leur a montré la Voie à suivre en pareil cas :
«Je vous ai laissés sur "al-Mahajjah al-Baydhâ'" [le
Chemin Lumineux] dont la nuit est aussi claire que le jour. Quiconque s'en
écartera après moi périra.»
Article proposé par TINJIS