L’étude et la connaissance du Coran sont aussi essentielles pour toute personne instruite que pour les croyants. Elles sont particulièrement utiles pour les chercheurs intéressés par les sciences humaines puisque ce Livre intervient effectivement non seulement dans les destinées des sociétés musulmans mais également dans celles de l’humanité toute entière.
Un bref aperçu historique suffira à étayer notre affirmation, celle qu’aucun Livre n’a influencé les sociétés humaines autant que ne le fit le Saint Coran. Son étude est essentielle pour tout Musulman puisqu’il est la principale source et le fondement de la croyance et de la pensée religieuse.
Tout ce qui donne un sens, une essence et une sacralité à sa vie se trouve dans le Livre Saint.
Le Coran n’est pas comme d’autres livres religieux qui se contentent de discuter des problèmes de l’existence de Dieu et de la création en termes énigmatiques, ni comme ceux qui se limitent à offrir des conseils et des recommandations morales, laissant ceux qui croient en eux aller rechercher la voie divine dans d’autres sources. Contrairement à ces livres, le Coran formule à la fois les principes de la foi et les idées et données essentielles pour le croyant. De même, il expose les principes des valeurs morales et éthiques servant à la vie sociale et familiale. Il délaisse la tache d’expliquer, d’interpréter et parfois celle de l’ijthad et de l’application des principes (Usul) aux questions secondaires (furu) pour êtres traitées avec l’aide de l’ijtihad et la Sunna. De ce fait, l’utilisation de toute autre source est dépendante de la connaissance antérieure du Coran. Il demeure le seul critère et la seule mesure pour juger les autres sources, c’est-à-dire que nous devons juger les hadiths et la Sunna à la lumière du Coran et nous ne pouvons les accepter que s’ils s’accordent avec le Livre Saint.
Après le Coran, quatre autres livres tiennent une grande importance et sont perçus par les Musulmans chiites comme étant des sources sacrées et authentiques, il s’agit d’Al-Kafi, Man la yahduruhul fagih, at-Tahdhib et al-Istibsar. Il a également d’autres sources, telles Nahj al-Balagha et as-Sahifa as-Sajjadiya. Tous ces ouvrages sont cependant secondaires par rapport au Coran, et leur authenticité n’est pas aussi absolue. Un hadith d’al-Kafi ne peut être jugé véridique que s’il est conforme au Coran et pour autant digne de confiance que ses termes s’accordent avec les enseignements de Livre révélé. Le prophète (SAW) et les Imams infaillibles avaient affirmé que leurs traditions doivent être examinées à la lumière du Coran ; si elles n’y coïncident pas, elles doivent être jugées fausses et rejetées puisqu’ils n’ont rien dit pouvant aller contre les enseignements du noble Livre.
Pour une profonde compréhension de tout livre, il est nécessaire de l’étudier de trois manières différentes :
IL s’agit de déterminer tout d’abord dans quelle mesure la relation d’un auteur à un livre est authentique. Si nous voulons par exemple savoir si le Diwan de Hafiz est bien de cet auteur, nous examinons tous les manuscrits existants afin de relever ce qui est apocryphe.
La première étape consiste donc à comparer les manuscrits pour distinguer ce qui est authentique de ce qui ne l’est pas. Mais selon quels critères juge-t-on qu’un manuscrit l’est ou non ? Par quelle logique l’authenticité d’un ouvrage peut-elle être affirmée ou niée ?
Le Coran, pour sa part, est absolument dépourvu de tous ces critères appliqués aux livres de ce monde. Il est considéré comme étant un livre exceptionnel et ce, depuis des temps très anciens. Aucun autre livre n’a gardé ce caractère authentique malgré son existence depuis plus de mille ans. Aucun n’a pu prétendre que telle ou telle sourate était douteuse ou bien que tel ou tel verset se trouvait dans tel manuscrit mais manquait dans un autre. Le Coran se situe au-dessus de toute étude de manuscrits. Il n’y a aucun doute sur le fait que tous les versets du Coran furent transmis à Muhammad ibn Abdullah (SAW) qui les communiqua en tant que Paroles miraculeuses de Dieu. Personne ne peut prétendre qu’il existe ou qu’il en a existé quelque part une autre version, et aucun orientaliste ayant étudié le Livre Saint ne réussit à trouver une quelconque omission ou ajout. Le Coran est absolument dépourvu de toutes ces formes d’investigation appliquées à des livres tels que la Bible, la Thora, l’Avesta ou le Shahnameh de Firdowsi ou le Gulistan de Sa’di.
De plus, outre le fait que le Coran est l’une des Ecritures célestes et est considéré par ses disciples comme étant la meilleure preuve de la prophétie de Muhammad (SAW) et l’un de ses miracles le plus prodigieux, le Coran, contrairement à la Thora, ne fut pas révélé en une seule fois et ne fut pas l’objet de difficultés ultérieures pour distinguer le vrai manuscrit. Les versets du Coran furent progressivement révélés tout au long de vingt-deux ans.
Dès le premier jour, les Musulmans mémorisèrent ses versets avec toute leur ardeur et ils les préservèrent. En ce temps-là, la société musulmane, ne sachant ni lire ni écrire, possédait une prodigieuse mémoire. Le message du Coran, si proche de leur sensibilité et de leur nature, s’imprégna dans leurs cœurs comme des gravures sur la pierre.
Sachant qu’il s’agissait de la Parole divine, ils la sacralisèrent. Ils ne pouvaient, dès lors, se permettre d’altérer ni de remplacer, même une lettre. Ils essayèrent de se rapprocher d’Allah, Exalté soit-Il, en récitant ses versets.
Bien plus, il faut noter qu’au temps de la Révélation, le prophète (SAW) engagea des scribes chargés de transcrire le Coran, connus sous l’appellation « les scribes de la Révélation ». C’est des mérites du Coran que d’avoir été transmis sans aucunes altération ni changement de la Parole de Dieu, et cela est dû en partie au fait d’avoir été transcrit dès le début.
Une autre raison explique la popularité de Saint Livre parmi les gens, il s’agit de son extraordinaire et exceptionnelle dimension artistique et littéraire dont l’éloquence favorisa la mémorisation. Mais contrairement aux textes littéraires comme le Iwan de Hafiz ou les poèmes de Rumi, que les admirateurs cherchent à plagier, personne ne peut se permettre d’imiter le Texte sacré ; le Coran ayant déclaré dans un de ses versets :
« Si (Muhammad) Nous avait attribué quelques propos (inexacts), Nous l’aurions, certes, saisi par la main droite et lui aurions sectionné l’aorte… » (Al-Haqqat : 44-46)
La gravité de ce péché, telle que décrite par le Coran, marqua fortement les esprits et demeura un sévère empêchement à entreprendre un pas dans ce sens. Avant même que toutes sortes d’altérations puissent intervenir, ses versets furent souvent répétés, à tel point qu’il fut impossible d’ôter, d’ajouter ou d’altérer un seul mot du Coran. C’est la raison pour laquelle il n’est nul besoin de discuter de son authenticité. Cependant, il semble utile de rappeler qu’à cause de la rapide expansion du domaine de l’islam et de la distance qui séparait certaines régions de Médine, centre où se trouvaient les huffadh et les compagnons du Prophète, le danger d’altération du Coran a existé. Mais une prompte dextérité et une attention soutenue de la part des Musulmans éloignèrent ce danger. Avec l’aide des compagnons et des huffaz, ils firent en sorte d’écarter toutes tentatives, voulues ou non, d’altérer la Parole divine et distribuèrent des copies approuvées du Coran à toutes les contrées nouvellement soumises à l’Islam.
Au cours de cette étape, il serait essentiel de comprendre, à propos du Livre étudié :
Le premier groupe de ces questions concerne la vision de l’homme et l’univers, la vie et la mort, etc.… En terme de philosophe islamique, il traite de al-hikmat al-nadhariyyah (Sagesse théorique). Le second volet concerne plutôt la perspective du futur de l’humanité et c’est en ces sens qu’il s’agit d’un message.
Nous pouvons nous poser ce genre de questions à propos de tous les livres, que ce soit à propos du traité médical d’Ibn Sina ou du Gulistan de Sa’di. Concernant le Coran, nous devons nous attacher à analyser à quelle sorte de problèmes il s’attaque et de quelle façon il les traite. Quel argument utilise-t-il et quelle est son approche ? Le Coran, en tant que défenseur et protecteur de la foi et porteur d’un message religieux, considère-t-il la raison comme rivale à ses enseignements ? Se retire-t-il dans une attitude défensive vis-à-vis d’elle ou bien la juge-t-il comme un support et un allié pour la préservation de la foi ? Ces questions et des centaines d’autres soulevées lors de l’étude analytique nous aident à comprendre le Coran.
Après la vérification de l’authenticité d’un livre et l’analyse de son contenu, nous passons à l’étape de savoir si les idées avancées par l’auteur sont originales ou bien empruntées à d’autres ouvrages. Il s’agit donc d’étudier les sources de la pensée de tel ou tel auteur et pour cela, cette dernière devra être totalement comprise sinon le résultat serait faussé, comme celui qui entreprendrait une étude comparative des idées d’Ibn Sina et d’Aristote sans qu’au préalable, les deux auteurs aient été étudiés à fond.
Le résultat d’une telle étude où les similitudes et les différences seraient notées, serait superficiel. Pour entreprendre une étude comparative, une connaissance large et profonde de la pensée des auteurs en question est exigée.
Pour l’étude et la compréhension du Coran, une étude analytique doit être suivie par un examen comparatif et historique. Le contenu du Coran devrait être comparé à d’autres ouvrages contemporains, et notamment aux livres religieux. Pour mener à bien cette étude, il est indispensable de prendre en compte les conditions de vie de l’environnement de la péninsule arabique ; comme par exemple le nombre de personnes instruites vivant à la Mecque à cette époque. C’est alors que nous pouvons estimer l’influence exercée par d’autres livres et la production de cette influence sur le Coran, mais aussi si la manière empruntée à d’autres livres fut utilisée de manière original ou non, ou même si elle ne fut pas plutôt rectifiée et clarifiée.
Notre étude du Coran nous affirme qu’il bénéficie de trois traits particuliers : le premier concerne l’absolue authenticité de sa source. Sans avoir besoin de le comparer à d’autres manuscrits, il est évident que les versets que nous récitons à l’heure actuelle sont exactement les mêmes que ceux révélés à Muhammad (SAW) ; le second trait concerne son contenu : son enseignement demeure original et n’a été emprunté à aucune source, l’analyse de son contenu aide à le prouver. Le troisième trait concerne son identité divine : son enseignement fut révélé au prophète (SAW) à partir d’un monde qui transcende son esprit et sa pensée. Le prophète ne fut que le dépositaire de cette révélation et de ce message. En réalité, l’étude des sources du Coran et la confirmation de son originalité dépendant de son analyse. C’est pourquoi nous nous pencherons, dans les pages suivantes, sur cette forme d’étude en exposant les sujets traités et les questions discutées, quelles sont les questions prioritaires et comment celles-ci sont abordées. Si nous, pourrons alors confirmer la troisième caractéristique, celle de la nature divine du Coran, soit le fait qu’il est un miracle divin.
La compréhension du Coran nécessite certaines exigences préliminaires comme la connaissance de la langue arabe et de l’histoire de l’Islam. En effet, contrairement à la Bible et à la Torah, le Coran fut révélé de façon progressive tout au long d’une période de vingt-deux ans de la vie du prophète, période assez tumultueuse de l’histoire de l’Islam. Chaque verset du Coran se rapporte à un fait historique et doit, de ce fait être compris à la lumière des conditions de sa révélation (sha’n-nuzul). Cependant, le sens du verset n’est pas limité à celle-ci, au contraire, mais la connaissance des conditions particulière de sa révélation aide à sa compréhension. Il est également indispensable de connaître les paroles du prophète (SAW). D’après le Coran lui-même, il est l’interprète par excellence du Livre révélé :
« (C’étaient des hommes) apportant des preuves et les Ecritures » (An-Nahl :44) et « C’est Lui qui a envoyé chez les incultes un prophète issu d’eux qui leur récite ses versets, les purifie, leur enseigne le livre et la sagesse bien qu’ils aient été antérieurement dans une évidente aberration » (Al-Jumiu’a :2).
Le Coran affirme que le prophète (SAW) est lui-même l’exégète et l’interprète du Coran. Tout ce qui nous est en est parvenu nous aide à comprendre le Livre Saint. Pour les chiites qui croient en l’infaillibilité des Imams (as) et que le prophète (SAW) a transmis son savoir à ses successeurs spirituels (awsiya), les récits véridiques qui nous sont transmis par les Imam (as) ont le même degré d’authentique que ceux du prophète (SAW). Et ainsi, les récits des Imams nous sont d’un grand secours pour la compréhension du Coran.
Par ailleurs, nous devons constamment remarquer, lors de l’étude du Livre révélé, que ses verset constituent un tout unique et intégral, une structure cohérente et unifiée ; si nous voulons comprendre isolément un verset nous n’adoptons pas la bonne méthode bien qu’il soit parfois possible de saisir son sens de cette façon, car d’une manière générale, les versets s’expliquent les uns les autres. Tous les illustres commentateurs ont approuvé cette méthode, ainsi que les Imams infaillibles. Le Coran a une manière spécifique d’aborder certains sujets similaires. Par exemple, nous pouvons noter la distinction entre les versets muhkamat et les versets mutashabihat (ambigus) desquels les gens commun ont une conception bien particulière. Certains croient que les muhkamat sont des versets om les questions sont traitées clairement et simplement et les mutashabihat sont celles qui sont énigmatiques et secrètes. A partir de là, les gens se limitent à vivre selon les versets muhkamat, pensant que les autres sont difficiles à saisir.
Mais la question doit être soulevée. Quelle est la philosophie sous-jacente à l’existence des versets mutashabihat ? Pourquoi le Coran comporte-t-il des versets incompréhensibles ? La réponse est simple : ni les versets muhkamat ne signifient qu’ils sont clairs et simples, ni les versets mutashabihat n’impliquent qu’ils sont énigmatiques. Y aurait-il des versets obscurs dans le Coran ?
Le Coran le nie en tout cas, affirmant qu’il s’agit d’un livre clair et compréhensible, et dont les versets guident vers la voie divine et apportent la lumière. Seulement, certaines questions traitées se rapportent au monde métaphysique et transcendent, qui ne peut être exprimé en langage ordinaire. Comme le dit Sheik ash- Shabistari :
« Tout comme on peut enfermer les sens dans une lettre, on ne peut enfermer la mer infinie dans un récipient ».
Puisque la langue du Coran est la même que celle utilisée par les gens, il était inévitable que les termes utilisés pour les thèmes les plus sublimes soient les mêmes que ceux que nous, humains, utilisons pour les choses terrestres. Cependant, afin d’éviter toute confusion à propos de certains problèmes, certains versets furent exposés de manière à être compris en se référent à d’autres. Il n’y a pas d’autre issue. Par exemple, le Coran a voulu aborder la réalité de « la vision d’Allah par le cœur » c’est-à-dire le fait d’être témoin de la présence divine par l’intermédiaire de son propre cœur.
« Le jour de la Résurrection il y aura des visages resplendissants, contemplant leur Seigneur » (Al- Qiyama, 22-23).
Le Coran utilise ici un terme qui se rapporte à la vue parce qu’il n’existe pas d’autre terme pouvant exprimer l’idée voulue. Mais pour nous éviter toute confusion ou doute, il précise ailleurs :
« Il est inaccessible aux regards, alors qu’ils Lui sont accessibles. Il est l’impondérable, le Bien informé » (Al-An’am, 103).
Ce second verset nous fait distinguer les deux sens dégagés du même terme. Pour éviter toute confusion entre les sens terrestre et céleste, le Coran nous demande de vérifier les mutashabihat avec le muhkamat.
« C’est Lui qui t’a révélé le livre contenant des versets parachevés - qui en sont la base- et des versets ambigus » (Al-Imran, 7).
Le Coran indique donc que certains versets ne peuvent comporter de significations autres que ce qu’ils affirment. Ils sont la « mère » du Livre (umm al-Kitab). Tout comme la mère est refuge de ses enfants ou la cité cosmopolite (umm al-qura) le pivot des petites villes, les versets muhkamat sont l’axe des versets mutashabihat. Ces dernières doivent être méditées et comprises à la lumière des premières, sinon toute interprétation est invalide.
Au cours de l’analyse du Coran, la première question que l’on pourrait se poser serait de savoir si le Coran peut être étudié et compris. Fut-il révélé pour être étudié ou juste pour être lu et récité en vue d’obtenir la récompense et la rémission de ses péchés ? Poser cette question n’est pas totalement superflu puisque sont apparus du courant de pensée, responsables du déclin des Musulmans, mettant en cause la possibilité de comprendre le Livre Saint.
Trois ou quatre siècles plut tôt, un groupe de Shiite a considéré que le Coran n’était pas une preuve (hujja) et parmi les quatre sources légales de la législation (fiqh), le Coran, la Sunna, la raison et le consensus, ils ne reconnaissaient qu’un seul. Considérant l’ijma, ils déclarèrent qu’il fait partie de la tradition sunnite et qu’ils ne pouvaient s’y référer. Concernant la raison, ils maintinrent que celle-ci peut être dans l’erreur et à propos du Coran, ils jugèrent qu’il est tellement élevé et sublime q’un humble humain ne peut prétendre à le comprendre. Seuls le prophète et les Imams jouissent du privilège d’y accéder. Nous, simples humains, n’avons le droit que de le réciter. Ce groupe, dénommé Akhbârîs, considère les hadiths et les traditions comme la seule source autorisée du fiqh. Certains peuvent même s’étonner que dans quelques-uns de leurs ouvrages, seuls les versets auxquels sont rattachés de hadiths est cités.
Une telle attitude constitue un véritable injuste envers le Coran. Une société qui néglige son Livre divin ne suit évidement pas le chemin qu’il a tracé. D’autres groupes ont également vu la nécessité d’éloigner le Coran de la compréhension du commun des gens. Les Acharites considèrent que sa connaissance n’implique pas la méditation de ses versets mais de les prendre à la lettre, n’en retirant que leur signification apparente. Il est évident qu’une telle lecture ne peut qu’entraîner des erreurs et de graves déviations, car expliquer le sens des versets sans faire appel à la raison mène à l’adoption d’interprétations simplistes et superficielles de ces versets et à de croyances erronées comme par exemple, la personnification d’Allah le Tout- puissant ou d’autres mythes similaires, tels la possibilité de voir Allah le Très- Haut et de Lui parler, etc.…
A l’opposé de ses groupes qui abandonnèrent de fait le Coran, une autre tendance fit du Livre Saint un moyen de parvenir à ses propres buts, en interprétant ses versets en fonction de ses intérêts et en imputant au Coran des questions qui ne s’y trouvent pas. En répons à ceux qui contestaient leur lecture, les adeptes de cette tendance avançaient qu’ils étaient les seuls à pouvoir saisir le sens ésotérique des versets coraniques.
Les Ismaélites connus également sous l’appellation de Batinis, et de Sufis. La majorité des Ismaélites se trouve en Inde, il y en a, en faible nombre, en Iran. Ils fondèrent un empire en Egypte, le califat fatimide.
Bien que croyant en l’infaillibilité de six Imams, ils ont, par rapport aux Shiites duodécimains, plus éloignés que les Sunnites qui eux, ne croient pas en l’Imamat, car les croyances ésotériques ont secrété de multiples déviations tant au niveau pratique qu’au niveau intellectuel et spirituel.
Quant aux Sufis, ils ont également déformé le sens de versets coranique en fonction de leurs propres croyances. Nous citerons en exemple le verset où Ibrahim (as) se montre à sacrifier son fils Ismaeil qui, lui aussi ; accepte le Vouloir divin :
« Lorsqu’il fut en âge d’accompagner (son père), celui-ci lui dit : Mon cher fils, j’ai vu en songe que je t’immolais. Qu’en penses-tu ? – Père, dit l’enfant, exécuté l’ordre que tu as reçu. Tu verras, s’il plaît à Dieu, que je suis de ceux qui supportent (l’épreuve) » (As-Safat, 102).
Il s’agit de souligner, dans ce verset, la soumission totale au Décret divin. Pour la même raison, le père et le fils sont prêts à exécuter le commandement, stoppé par la Volonté de Dieu. Cet incident est interprété par les Sufis qui voient dans Ibrahim la raison et dans Ismail l’âme. Il s’agirait, pour eux, d’une allégorie où la raison essaie d’étouffer l’âme humaine.
Une telle interprétation ne peut être que gratuite et déviée car basée sur des caprices personnels mais le Prophète (SAW) avait dit à ce sujet : « celui qui interprète le Coran selon son opinion doit s’attendre à retrouver sa place en enfer ».
Le Coran, face à l’attitude rigide des Akhbârîs et celle frivole des Batinis, offre une voie médiane, qui est celle de la réflexion et de la méditation saine. Il recommande d’entreprendre une étude sincère et désintéressée de ses versets, non seulement aux croyants mais aussi à tous ceux qui le rejettent. Il réclame la méditation et non le parti pris d’avance : « Ne méditent-ils pas le Coran ? (Auraient-ils) des cœurs cadenassés ? » (Muhammad, 24) et « (Voici) un Livre béni que Nous te révélons pour qu’on réfléchisse sur ses versets et pour que les hommes doués d’intelligence méditent (son contenu) » (Sad, 29).
Le Coran, immensément fructueux, prodigue des bienfaits. Il ne s’agit pas de le déposer sur une étagère mais l’étudier. De nombreux versets incitent les humains à le comprendre sans toutefois tomber dans l’interprétation personnelle et capricieuse. Si nous essayons de comprendre le Coran de façon honnête et objective, il n’est pas nécessaire que nous arrivions à résoudre tous les problèmes qu’il expose. En ce sens, le Coran est comme la nature. Dans la nature, de nombreux mystères ne sont pas encore expliqués mais peuvent l’être dans l’avenir. De plus, en étudiant la nature l’homme doit accorder sa pensée à la nature et non l’expliquer comme bon lui semble. Il en est de même pour le Coran qui ne fut pas révélé pour une période donnée, sinon ses systèmes auraient été dévoilés et il aurait perdu tout son attrait et son influence. En réalité, le désir de le comprendre et de découvrir les nouvelles dimensions qu’il révèle demeure toujours vivace.
Cette idée fut soulignée par le prophète (SAW) et les Imams (as). Le prophète (SAW) avait dit :
« Le Coran est semblable au soleil et à la lune, comme eux, il est en mouvement perpétuel » et « le Coran a une apparence éloquente et un intérieur profond ».
Dans Uyun akhbar ar-Rida (as), on rapporte qu’une question fut posée à l’Imam as Sadiq (as) à propos du Coran, dont la nouveauté et la fraîcheur augmentent au fur et à mesure qu’il est récité. Il répondit : « Car le Coran n’est pas réservé à une époque ni à un peuple particulier ». Ayant été révélé pour tous les âges et tous les temps, il est ainsi composé qu’en dépit des changements survenus sur le plan de la connaissance, il continue à prodiguer des enseignements et des idées pouvant satisfaire les besoins de toute époque.
Il est bien évident que si nous voulons étudier tout le contenu du Coran, cela demanderait d’user des tonnes de papier. Nous nous contenterons, dans cet article, de discuter des thèmes généraux puis de quelques sujets particuliers.
Le Coran a traité d’un groupe nombre de sujets mais en insistant sur certains, comme par exemple l’univers et son Créateur. Nous devons comprendre comment le Coran conçoit Allah. S’agit-il d’une conception philosophique ou gnostique ? Traite-t-il de ce sujet comme le font la bible et la Thora, comme dans les livres des religions hindous ou bien en a-t-il une conception particulière et indépendante ?
Concernant l’univers et la création, le Coran les considère-t-il comme le produit d’un jeu futile ou bien basés sur une vérité cohérente ? Considère-t-il l’univers en mouvement régi par des lois et des principes ou bien n’est-il qu’un phénomène chaotique où rien ne semble être la cause de quoi que ce soit ? Parmi les sujets généraux traités par le Coran se trouve celui de l’être humain. La conception coranique de l’être humain mérite d’être analysée.
S’agit-il d’une vision optimiste et positive ou pessimiste et négative ?
L’homme est-il pour le Coran, un être méprisable ou bien un créature digne et noble ?
Concernant la société humaine, nous devons savoir si le Coran la juge-t-il prioritaire à l’individu ou bien si elle lui est subordonnée. Les sociétés sont-elles, pour le Coran, soumises à des lois qui gouvernent leur vie te leur mort, leur avancée ou leur déclin, ou bien ces attributs ne concernent-ils que les être humains ? Sa conception de l’histoire nécessite de même d’être clarifiée. Quel est le pont de vue du Coran concernant l’histoire ? Quelles sont les forces qui contrôlent la dynamique du processus historique ? Dans quelles mesures l’individu peut-il exercer une influence sur ce processus ? Le Coran traite encore de nombreux autres sujets comme par exemple quelle idée se fait-il de lui-même, comment présente-t-il le prophète, comment voit-il le croyant (mu’min) et quelles en sont les caractéristiques.
La première et la plus importante qualité que le Coran s’accorde à lui-même est que l’ensemble de ses mots et phrases constituent la Parole d’Allah. Il annonce clairement que le prophète n’en est pas l’auteur, son rôle a consisté à transmettre ce qui lui fut révélé par le truchement de Ruh al-Qudus (Gabriel), avec la permission d’Allah. Il expose sa propre mission qui consiste à guider l’humanité et à la sortir des ténèbres vers la lumière :
« Un livre que Nous te communiquons pour que tu fasses sortir, avec la permission de leur Seigneur, les gens des ténèbres vers la lumière, vers la voie ( de Dieu) Tout Puissant et digne de louange » (Ibrahim,1).
Les ténèbres de l’ignorance font assurément partie des vices desquels le Coran libère l’humanité pour la conduire à la lumière de savoir et de la sagesse. Cependant, si l’ignorance était la seule a en fait partie, les philosophes auraient pu accomplir la tache. Il en existe d’autres et bien plus dangereux, que la science est incapable d’enrayer, comme par exemple la cupidité, l’égoïsme, la soumission à ses propres désirs et autres vices individuels. D’autres concernant plutôt la société, tels l’oppression et la discrimination. En arabe, le terme dulmun (injuste) dérive de la même racine que dulmun (obscurité), indiquant que l’injustice est une forme d’obscurité sociale et spirituelle. La responsabilité et la mission du Coran consistent à lutter contre toutes ces formes de ténèbres.
Les exégètes soulignent qu’à chaque fois que le Coran mentionne l’obscurité, il le fait au pluriel, adh-dhulumat, alors que la lumière, an-nur, est au singulier, expliquant que le terme adh-dhulumat inclut toutes les formes, toutes les voies menant à l’obscurité, alors que an-Nur signifie la seule voie juste, celle de la droiture ; les voies de la déviation et la perversion sont évidement nombreuses.
« Dieu est la fondé de pouvoir de ceux qui croient. Il les fait sortir des ténèbres vers la lumière. Quant aux mécréants, leurs mandataires sont les démons qui les tireront de la lumière pour les plonger dans les ténèbres. Ceux-là sont voués au feu pour l’éternité » (al-Baqarah, 257).
Ainsi, le Coran détermine sa mission : briser les chaînes de l’ignorance, de la perdition, de la corruption sociale et morale ou, en d’autres termes, guider l’humanité en direction de la justice, la bonté et la lumière.
La question se pose sur la manière d’acquérir une familiarité avec le langage du Coran et sa récitation. Certains pensent que sa récitation consiste à le lire pour obtenir le pardon sans nécessairement comprendre le sens de ses versets, comme ceux qui « achèvent » la récitation des dizaines de fois. Si nous demandons à l’un d’eux de nous expliquer ce qu’il a compris, il en sera incapable. La lecture du Coran en vue de comprendre son sens est nécessaire, il ne s’agit pas uniquement d’obtenir le pardon.
Pour comprendre le Coran, il faut remplir certaines exigences. Alors que d’autres livres sont lus pour acquérir des connaissances qui, souvent exigent un effort de la raison et des facultés intellectuelles, le Coran doit être étudié dans le but de s’auto éduquer. Il l’exprime d’ailleurs lui-même :
« Un livre béni que Nous te révélons pour qu’on réfléchisse sur ses versets et pour que les hommes doués d’intelligence méditent (son contenu) » (Sad, 29)
L’une de ses fonctions est d’enseigner et d’éduquer. Pour ce faire, le Coran s’adresse à la raison en termes logiques et déductifs. Il utilise également un autre langage qui s’adresse cette fois au cœur. C’est le langage de la sensibilité. Quiconque voudrait connaître et se familiariser avec le Coran doit apprécier et profiter de ces deux langages, ensemble, car toute séparation entre eux ne peut que mener à l’erreur et à la mésinterprétation.
Ce que nous, appelons cœur n’est que la sensibilité profonde et immense qui gît au fond de l’être humain. C’est ce qu’on appelle aussi la sensation d’être c’est-à-dire la sensation d’appartenir à l’existence et à l’Etre absolu. Quiconque sait parler avec le langage du cœur, lorsqu’il s’adresse aux êtres humains, peut faire vibrer les profondeurs de leur être et de leur existence ; la raison n’est plus alors la seule à être influencée mais l’existence dans sa totalité. Pour illustrer notre propos, prenons en exemple la musique. La s’adresse, sous toutes ses formes, à la sensibilité de l’homme. Elle le plonge dans un univers particuliers de sensation variant en fonction des mélodies.
La sensibilité et l’instinct le plus noble de l’homme sont sa sensibilité religieuse et sa nature innée de la recherche de Dieu. Le Coran s’adresse à cette noble et sublime sensibilité. Il nous recommande de le lire avec une voix mélodieuse et agréable. C’est par cette voix céleste que le Coran s’adresse à la nature innée de l’homme et qu’il l’attire à lui. En parlant de lui-même, le Coran dit qu’il use de deux langages, celui de la logique et de la déduction, et celui des sensations et de l’amour ; car il n’est pas uniquement une nourriture pour la raison et l’intellect mais une nourriture pour l’âme aussi.
Le Coran insiste sur sa propre mélodie car elle exerce une grande influence sur la sensibilité de l’homme. Il demande aux croyants de passer certaines nuits à le psalmodier et de le réciter au cours de leurs prières. Il s’adresse au prophète :
« Ô toi qui t’es enveloppé (dans les vêtements) Lève-toi (pour prier) seulement une partie de la nuit » (al-muzzammil, 1-2).
Lève toi et demande la protection d’Allah ! Psalmodie le Coran au cours de ta prière ; la psalmodie implique de na pas hâter sa lecture afin que les mots ne s’enchevêtrent pas, ce qui risque de nuire à sa compréhension, et ne pas le lire très lentement au point de ne plus avoir conscience de la liaison entre les mots.
C’est à cause de la mélodie du Coran que les Musulmans parvinrent à garder leur courage, à demeurer fermes et sincères et à purifier leur intérieur. L’appel du Coran réussit, en un temps très court, à transformer les esprits rigides et creux de la péninsule arabique en fermes et croyants. Ces derniers parvinrent à faire face aux plus puissantes autorités de leur époque. Les Musulmans ne pensaient pas que le Coran était un simple livre d’instruction, mais plutôt une nourriture pour l’âme, une source de force et de foi. Au cours des nuits ils le récitaient, avec une intention sincère, et demandaient la protection de leur Seigneur, et pendant les jours ils se jetaient sur leurs ennemis tels des lions féroces.
La vie du messager d’Allah (SAW) illustre notre propos. Il brandit le Coran, tout seul et sans appui, il mena sa révolution en s’appuyant sur lui, il lui apprêta une armée et des munitions et il parvint finalement à faire plier et à soumettre l’adversaire, attirant un à un les membres de son armée ennemie, qui s’inclinèrent devant le message d’Allah ; ainsi, la promesse d’Allah fut exécutée.
Lorsque le Coran décrit son langage comme étant celui du cœur, il veut indiquer qu’il s’agit du cœur qu’il tend à polir et éduquer par ses versets. Ce langage cet différent de la musique qui alimente parfois les désirs et instincts humains, il est celui qui fit des nomades du déserts des combattants desquels il fut dit : « Ils portèrent leur clairvoyance au bout de leurs épées ». Ceux-là ne prenaient pas en compte leurs intérêts personnels, et bien qu’ils n’aient pat été infaillibles ils représentaient l’expression « debout la nuit pour prier et en état de jeune le jour ». Ils étaient constamment en profonde relation avec l’Etre, passant leur nuit dans l’adoration et leur jour dans le djihad.
Le Coran en tant que Livre s’adressant au cœur et à l’âme, incite à la tristesse, fait couler les larmes et trembler les cœurs. Cette particularité s’applique également à ceux qui croient dans les autres Livres :
« Ceux à qui Nous avions donné l’Ecriture antérieurement y croient lorsqu’on la leur récite, ils s’écrient Nous y croyons ! C’est la vérité émanant de notre Seigneur. Nous étions avant (cette révélation) des (gens) soumis » (Al-Qasas, 52-53).
Dans un autre verset, le Coran affirme qu’au sein des Ahl al-Kitab, les Chrétiens sont plus proches des Musulmans que les Juifs ou les idolâtres. Il décrit ainsi un groupe de Chrétiens ayant cru et devenus Musulmans :
« Lorsqu’ils entendent (la récitation) de ce qui a été révélé à l’Envoyé, on voit leurs yeux déborder de larmes, par suite de la vérité qu’ils y reconnaissent ; ils disent : Seigneur, nous croyons ! Inscris-nous au nombre des témoins ! » (Al-Ma’ida, 83).
« Dieu a révélé les paroles les plus belles (en) un livre dont les (versets) se ressemblent et se répètent. La peau de ceux qui craignent Dieu se crispe, au souvenir de Dieu » (Az-Zumar, 23).
Dans ce verset et dans d’autres, le Coran indique clairement qu’il n’est pas seulement un livre renfermant des connaissances et des analyses, mais qu’au même moment où il utilise les arguments logiques faisant appel à l’intellect, il s’adresse aux sensibilités les plus subtiles de l’âme humaine.
Un autre point notre attention pour la compréhension du Coran. Il s’agit de savoir) qui il s’adresse. Nous y trouvons des expressions telles que « la voie juste pour ceux qui craignent Allah’, « la voie juste et la bonne nouvelle pour ceux qui croient » ou « pour mettre en garde celui qui est vivant ».
La question peut être posée : de quelle bonne voie ont besoin ceux qui sont déjà guidés, les pieux et les justes ? Par ailleurs, le Coran se décrit lui-même en ces termes :
« Ce Coran est seulement un rappel adressé aux mondes. Vous connaîtrez (la véracité) de ce qu’il annonce dans quelque temps » (Sad, 87-88).
Donc, fut-il révélé pour tous les gens ou seulement pour les croyants ?
En réalité, nous pouvons affirmer que le Coran interpelle l’humanité entière, quiconque s’en rapproche peut être sauvé. Quant aux versets qui interpellent les croyants et les pieux, ils désignent ceux que le Coran va attirer vers lui, par opposition à ceux qui vont s’en éloigner en fin de compte.
Le Coran ne se considère pas réservé à une classe particulière au sein de la société humaine ni ne prétend défendre les intérêts d’une classe contre une autre. Il affirme être un Livre révélé pour établir la justice. A propos des messagers, il précise :
« (Par leur intermédiaire) Nous avons révélé l’Ecriture ; Nous avons fait descendre la balance pour que les hommes observent l’équité… » (Al-Hadid, 25).
Le Coran veut instaurer la justice pour toutes les sociétés humaines et non pour une classe ou un peuple au détriment des autres. Contrairement aux idéologies nationalistes, il n’attire pas les gens en excitant leurs appartenances tribales ou nationales et contrairement au marxisme, il ne s’appuie pas sur le profit et l’intérêt inhérents à l’âme humaine pour les mener dans ce sens, car le Coran, lui, croit en sa conscience intrinsèque. C’est sur la base de son potentiel moral et sa nature attirée par le vrai et la justice que l’homme peut aller vers le progrès. Ainsi, le message communiqué par le Prophète de l’Islam ne s’adresse pas aux ouvriers ou aux paysans, aux démunis ou aux opprimés. Le Coran s’adresse à tous, oppresseurs et opprimés, et les incite à suivre le chemin du vrai.
Le Prophète Mussa communiqua le message divin à la fois à Banu Israël et à Pharaon, les invitant à croire en Dieu et à suivre son chemin. De même, Muhammad (SAW) exposa son message à la fois aux chefs de Quraysh et à Abu Dharr et Ammar.
Le Coran cite de nombreux exemples où l’individu se révolte contre lui-même et retrouve le chemin du repentir. Il ne fait doute que le repentir de ceux qui avaient dans le luxe et l’opulence est plus difficile que celui des démunis et des opprimés, ces dernières étant enclins, de par leur situation, à la voie de la justice, alors que les premiers devraient au préalable se débarrasser de leurs profits et privilèges.
Il affirme aussi que ses adeptes sont ceux qui ont la conscience claire te pur. Ils le sont à cause de leur amour inné de la vérité et de la justice et non pas à cause de leurs penchants ou intérêt matériels.
Nous devons savoir si, pour le Coran, la raison constitue un appuie ou, comme disent les juristes, une autorité (hujja). Les êtres humains doivent-ils respecter les jugements de la raison et agir conformément à eux ? Et s’ils le font et commettent parfois des erreurs, Dieu leur accordera-t-Il Son pardon ou non ? Et s’ils ne le font pas, les châtiera-t-Il ?
Pour l’Islam, il est clairement établi que la raison est une autorité et un appui. Les savants l’ont reconnu dès le début, mise à part une faible minorité, comme l’une des quatre sources de la jurisprudence.
Puisque le Coran est notre objet d’étude, retournons à lui pour chercher les preuves qui démontrent que la raison constitue une autorité. Le Coran le confirme de plusieurs manières. Soixante-dix versets indiquent la nécessité de réfléchir à propos de certaines questions.
« Au regard de Dieu, les pires des bêtes sont celles qui sont sourdes et muettes et qui ne raisonnent pas » (Al-Anfal, 22).
Il est évident qu’il ne s’agit pas ici des sourds et des muets organiquement, mais de ceux qui refusent d’entendre la vérité et de la reconnaître par leur parole. Ceux qui ne raisonnent pas sont ceux qui ne profitent pas de leur réflexion. Ceux-là, ils ne méritent pas d’être appelés êtres humains.
Dans un autre verset, évoquant l’Unicité, le Coran dit :
« Alors qu’il n’appartient à aucune âme d’avoir la foi, sans la permission, de Dieu » Il poursuit : « qui accablera d’opprobre ceux qui raisonnent pas ? » (Yunus, 100).
Dans ces deux versets cités en exemples, le Coran invite à utiliser la raison. Dans d’autres, il confirme son autorité nécessaire et demande, par exemple, à l’adversaire, une preuve rationnelle :
« Dis-leur : apportez votre preuve si vous êtes véridiques ! » (Al-Baqara, 111) et veut démontre qu’il reconnaît l’autorité de la raison. A un autre endroit, il utilise un argument logique pour prouver l’Unicité de l’Etre : « S’il y avait d’autres divinités que Dieu dans (le ciel et la terre), ces derniers eussent été dans le chaos » (Al-anbiya, 22).
Le Coran soutient donc le rôle de la raison et réfute le point de vue de certaines religions qui clament que la foi et la raison sont incompatibles et que, pour croire, il faut s’appuyer sur la sensibilité de cœur.
Le Coran approuve l’autorité de la raison puisqu’il définit de nombreux problèmes en termes de relations de causes à effets. Cette loi de la causalité qu’il utilise est un des fondements de la pensée rationnelle. Bien qu’il parle de Dieu, du Tout Puissant, comme le Créateur du système de la cause à n’effet, et que Sa parole transcende les limites de la causalité, le Coran n’évite pas de mentionner la cause et l’effet des phénomènes de ce monde, intégrant les faits et les événements dans le cadre de cette loi.
« Dieu, en effet, ne modifie nullement l’état d’un peuple, tant que les individus (qui le composent) ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes » (Ar-Ra’d, 11).
« Que de cités Nous avons fait périr – pour leur injustice – (et qui subsistent encore) affaissées sur elles –mêmes ; que de puits comblés, que de palais (puissamment) édifiés (sont maintenant déserts) Ne voyagent-ils pas sur la terre pour avoir des cœurs aptes à comprendre et des oreilles aptes à entendre ? » (Al-Hajj, 45-46).
Le Coran invite les Musulmans à étudier les conditions et les circonstances de la grandeur et de la chute des sociétés passées pour en tirer des leçons. Si elles avaient vécu au hasard, accidentellement, l’étude deviendrait inutile. L’insistance du Coran à relier les effets aux causes dans le déroulement de l’histoire montre la place qu’il accorde à la raison, en utilisant une de ses méthodes et en appelant à l’étudier pour en tirer des leçons.
Un autre argument prouvant que le Coran admet l’autorité de la raison est qu’il exprime toujours le pourquoi des lois et préceptes divins ; les savants des usul (fondements de la loi) soutiennent que les bénéfices et les dommages causés par les actes humains font partie des causes qui sous-tendent les lois et les commandements. Par exemple, lorsqu’à un endroit, le Coran ordonne l’accomplissement de la prière, il explique, à un autre, la philosophie de cet acte d’adoration :
« En vérité, la prière empêche (de se livrer à) la turpitude et (de commettre des abominations » (Al-Ankabut, 45).
Il évoque les effets spirituels de la prière et explique comment elle élève l’homme. Ailleurs, il cite le jeune, l’ordonne et dit : « Il vous a été prescrit de jeunet à l’instar de ceux qui vous ont précédés, afin que vous soyez en état de piété » (al-baqara, 183).
De même, pour les autres commandements, tels que la Zakat ou le djihad, le Coran explique leur nécessité, que ce soit pour les individus ou pour la société. En ce sens, le Coran, sans nier la nature transcendante des commandements divins, montre leur dimension terrestre et demande aux hommes d’y réfléchir et de les comprendre afin de ne pas les imaginer comme étant basés sur des notions occultes et dépassant l’entendement humain.
Tout en affirmant l’importance de la raison, le Coran en combat les déviations qu’elles peuvent susciter. Il est nécessaire, pour expliquer cette question, d’exposer quelques idées préalables :
L’esprit humain peut, à maintes reprises, tomber dans l’erreur, tout comme le peuvent les sens et les sentiments.
En ce qui concerne la raison, l’homme peut bien détruire une question, arriver à une conclusion et s’apercevoir que sa déduction était fausse. Nous nous posons alors la question : faut-il supprimer le rôle de la raison à cause de telles erreurs de ou bien nos faut-il trouver des moyens qui empêchent la raison de succomber à l’erreur ? Alors que les sophistes approuvent l’idée de la suppression du rôle de la raison dans l’argumentation, de nombreux philosophes ont cherché les moyens de l’empêcher à commettre des erreurs. Ils obtinrent quelques résultats avec la logique formelle (Aristote) et la logique générale (Bacon, Descartes). Cependant, certains seraient bien compris surpris de constater que le Coran a exposé certains principes pour prévenir les erreurs du raisonnement.
Parmi les nombreuses sources d’erreur mentionnées dans le Coran, il a celle qui consiste à prendre l’hypothèses et la conjecture pour de le certitude. Si l’homme admet le principe de n’être convaincu que par la certitude, il ne peut tomber dans l’erreur. C’est ce que confirme le Coran à plusieurs reprises de la conjecture et de l’hypothèse. S’dressant au prophète (SAW), le Coran dit :
« Si tu suivais les avis de la plupart de ceux qui vivent sur terre, ils te feraient perdre le chemin de Dieu, car ils ne suivent que des conjectures et des suppositions » (al-An’am, 116) et aussi :
« N’accuse pas sans connaissance de causes » (al-Isra, 36).
C’est la première fois qu’une telle recommandation est adressée à l’humanité, la mettant en garde contre une telle erreur.
La deuxième source d’erreur relative aux affaires sociales est l’imitation. Certains font confiance et acceptent toutes les croyances courantes de leur société. Ils les admettent parce que leurs ancêtre y ont cru.