Gendre, cousin, et fervent disciple du Prophète Mohammad, premier Imâm du chiisme et quatrième calife de l’islam sunnite, l’Imâm ’Alî a également laissé une œuvre importante et riche tant du point de vue spirituel que littéraire rassemblée dans Nahju-l-balâgha (en persan : Nahjo-l-balâgheh ou "La voie de l’éloquence"), ouvrage reconnu à la fois par les milieux chiites et une partie des écoles sunnites, notamment en ce qu’elle témoigne des extraordinaires richesses lexicales et stylistiques de la langue arabe.
Pour les chiites, ’Alî est considéré comme le successeur désigné par le Prophète Mohammad après sa mort. Cependant, son importance ne se situe pas seulement au niveau temporel mais également spirituel étant donné qu’il est également investi, aux côtés des onze autres Imâms reconnus par le chiisme duodécimain, d’une mission centrale consistant à dévoiler le sens caché et profond de l’ensemble des Révélations prophétiques aux fidèles qui, de par leur foi et leur recherche intellectuelle, se rendent capable de le recevoir.
Nous nous pencherons essentiellement ici sur sa pensée, son éthos spirituel et son héritage intellectuel, qui imprima une direction essentielle à la spiritualité chiite et traduit sa vocation, au-delà son rôle historique et politique, d’être le guide des âmes et l’éveilleur des consciences.
Eléments biographiques
Abû-l-Hasan ’Alî ibn Abî-Tâlib est né vers l’année 600 à la Mecque, soit environ dix ans avant le début de la Révélation prophétique. Son père, Abû Tâlib, était lui-même l’oncle du Prophète Mohammad. Dès son enfance, ’Alî quitta le foyer familial pour suivre ce dernier et épousa sa première fille, Fâtima, qui lui donna deux fils qui devinrent eux-mêmes deux Imâms vénérés du chiisme : Hassan et Hossein. Il fait donc partie de Ahl al-Bayt ("les gens de la Maison", c’est-à-dire des proches du Prophète) dont l’importance spirituelle en Islam est immense. [1]
Il est considéré comme étant l’un des premiers, avec la première épouse du Prophète Khadija, a avoir cru en la mission divine de Mohammad et à se convertir à la nouvelle religion révélée. Tout au long de son existence, il fut un compagnon intime du Prophète et l’accompagna dans ses multiples pérégrinations à Médine, ou encore combattit à ses côtés lors de nombreuses batailles, dont la plus fameuse reste celle de Uhud.
Selon les chiites, il aurait été désigné par le Prophète lui-même comme son successeur. Cette position fut rejetée par la future communauté sunnite, qui désigna Abû Bakr comme premier calife après la mort de Mohammad, malgré les protestations des partisans (shî’a) d’ ’Alî. Ces derniers faisaient notamment valoir le lien privilégié ayant existé entre ’Alî et le Prophète, et tiennent pour acquis que ce dernier l’aurait même, au travers d’allusions répétées, désigné comme son successeur. [2] Au sein même de ce groupe, une faction s’insurgea contre le fait qu’’Alî n’ait pas davantage cherché à faire valoir ses droits à la succession, et cessèrent de lui apporter leur appui : on les nomma par la suite les "Kharidjites", c’est-à-dire ceux qui sortent (du rang des partisans d’ ’Alî). Peu après, cette scission interne se transforma en opposition ouverte et les "sortants" engagèrent une lutte effrénée contre ’Alî, lutte qui se solda par son assassinat en 661 dans le mihrab de la mosquée de Koufa, alors qu’il était en train de diriger la prière.
Très proche du Prophète, il fut fortement influencé par ses enseignements. Le Prophète le tenait par ailleurs en haute estime et le considérait comme un véritable guide spirituel menant à la connaissance de la sagesse prophétique. Dans ce sens, le Prophète Mohammad aurait déclaré : "Je suis la cité de la connaissance et ’Alî est la porte de cette cité". [3] En outre, dans son Mustadrak, Nîshâbûrî [4] indique que le Prophète aurait affirmé à son sujet : "’Alî est avec le Coran et le Coran est avec ’Alî. Ils ne se sépareront que lors de leur retour au hawd (piscine du paradis)", ou encore "Véritablement, ’Alî vient de moi et je viens de lui, il est le walî (maître spirituel) de tout croyant venant après moi". [5] Prolongeant les enseignements du Prophète, l’Imâm ’Alî eut par la suite un rôle central dans le développement de la jurisprudence (fiqh), la théologie (kalâm), l’exégèse coranique (tafsîr) et la rhétorique (balâgha). Plusieurs titres lui ont été donnés dont l’Imâm (guide, ou "celui qui se tient en avant"), al-Sâdiq (le véridique, le sincère), ou encore al-Murtadha (l’élu). Avec ses onze descendants, il est considéré par les chiites comme infaillible. Il est également défini comme qutb ou "pôle spirituel", et se situe au sommet de nombreuses chaînes spirituelles (salâsil) de divers ordres mystiques et soufis.
Au-delà de sa dimension historique, l’Imâm [6] est une figure religieuse et mystique centrale de la piété chiite en ce qu’il est le dépositaire de vérités ésotériques concernant le sens profond de l’ensemble des révélations prophétiques faites à l’homme. [7] Nous touchons ici à un aspect essentiel du chiisme selon lequel au-delà de la lettre de la Révélation apportée par le Prophète Mohammad, il existe également un sens caché et secret que tout croyant doit chercher à saisir. Cependant, incapable de réaliser seul cette entreprise, le fidèle à besoin d’un guide pour l’initier à ses significations cachées. Ce rôle est assumé par l’Imâm [8], à la fois pôle et guide personnel de chaque croyant lui permettant d’établir un lien avec son Créateur. [9] Dans ce sens, de nombreux commentateurs chiites l’ont défini comme la "face" (wajh) par laquelle Dieu se révèle à l’homme. L’Imâm a donc une double dimension : il faut ainsi distinguer les Douze Imâms qui se sont incarnés dans l’histoire, de l’Imâm dans sa dimension métaphysique, en tant que guide invisible et personnel présent dans le cœur de chaque croyant.
Après la prophétie de Mohammad (nubûwwa ou nobovvat en persan), il inaugure l’entrée dans le cycle de la walâya (ou velâyat en persan, l’Imâm étant lui-même qualifié d’ "ami" (walî) de Dieu) devant aboutir à révéler "l’ésotérique de la prophétie" (bâtin al-nubûwwa). L’Imâm est ainsi une sorte de "Coran parlant" qui en explicite les significations profondes et sans qui la Révélation serait condamnée à demeurer dans le domaine du monde sensible et à rester en quelque sorte lettre morte. [10]
A l’instar des Imâms qui lui ont succédé, ’Alî a transmis de nombreux enseignements sous formes de sermons, citations et lettres, qui ont été en partie compilés dans Nahju-l-balâgha. Ces écrits sont strictement basés sur le Coran et ce que lui a transmis le Prophète de son vivant. Dans le sermon 38 de cet ouvrage, il insiste également sur la continuité de sa mission avant et après la mort du Prophète : "Ma mission est la même qu’au temps du Prophète. Je m’efforcerai d’éradiquer l’impiété et l’injustice, jusqu’à établir un règne de justice et de vérité, - un régime humain et divin".
La voix de l’éloquence nous dévoile les aspects principaux de la pensée spirituelle de l’Imâm ’Alî, fruit de réflexions très vastes touchant des domaines aussi divers que la théologie, la cosmogonie, la morale ou encore l’analyse des problèmes de société et des questions relatives à l’organisation de la communauté musulmane après la mort du Prophète.
Les multiples sermons, lettres et aphorismes composant cet ouvrage ont été rassemblés par Al-Sharîf al-Râdî, grand érudit musulman de Bagdad, à la fin du Xe siècle, qui sélectionna par la suite ceux ayant les plus hautes qualités littéraires. [11] Il n’est donc en aucun cas exhaustif. En outre, sa compilation ne contient pas les noms des transmetteurs des sermons et paroles rassemblées, et al-Râdî n’a pas non plus évoqué ses sources étant donné qu’elles étaient connues à l’époque et que son but était essentiellement d’édifier et d’inspirer la masse des croyants, et non d’authentifier des manuscrits historiques. Bien qu’il soit considéré comme parfaitement authentique par les chiites, le contenu de cet ouvrage ne figure pas dans leurs livres de hadîths incluant généralement les dires et gestes du Prophète et des Imâms. Ces derniers ne le considèrent pas moins comme une source précieuse d’explicitation de certains passages du Coran ou paroles du Prophète. La question de l’authenticité de cet ouvrage a néanmoins été l’objet de nombreuses controverses, notamment en milieu sunnite. Malgré ces divergences, la qualité exceptionnelle du style et la finesse de l’expression l’a conduit à être considéré comme un modèle d’éloquence (balâgha) et un monument littéraire par une grande partie des théologiens musulmans.
De nombreux écrits rassemblés dans La voie de l’éloquence insistent sur le rôle central de l’intellect (’aql) dans la compréhension et l’assimilation de la substance sacrée de la religion. L’intellect n’est pas ici synonyme de stricte rationalité, mais doit être davantage compris comme un "esprit intellectuel" s’appliquant également à des domaines tels que la morale ou la sensibilité esthétique. [12] Il existe une harmonie indéfectible entre la Révélation et l’intellect : ce dernier doit en effet s’efforcer, en luttant contre les inclinations de l’âme (nafs) [13] au travers de la connaissance de soi et du monde qui l’entoure, à saisir l’esprit et le sens profond du message prophétique. Le texte en soi est silencieux, et il revient à l’intellect de le faire parler et d’en révéler les différents niveaux de significations. L’Imâm ’Alî évoque ainsi que l’un des buts de la Révélation est de dévoiler les "trésors cachés de l’intellect" (dafâ’in al-’uqûl). La relation intime existant entre recherche intellectuelle personnelle et Révélation apparaît alors plus clairement : en effet, sa vérité profonde ne peut être saisie que par l’intellect, et parallèlement, toutes les possibilités et "trésors cachés" de l’intellect ne peuvent être mis à jour qu’au travers de la méditation incessante du contenu de la Révélation.
Sa compréhension est cependant étroitement liée à un mode d’être particulier : afin d’accéder aux sens cachés des messages prophétiques, il faut se "polir" le cœur de tout vices obscurcissant la vision interne et empêchant de saisir la vérité, et ce au travers d’une pratique continuelle du dhikr ou mémoration de Dieu, qui seule permet de dompter l’âme et conduit à l’oubli de son propre ego.
Le dhikr ou l’évocation constante de Dieu [14] fait en apparence référence à un ensemble de pratiques consistant notamment en la répétition d’un ou plusieurs des 99 noms de Dieu. Il renvoie en réalité à toute une philosophie de l’être selon laquelle les hautes connaissances divines sont supposées présentes dans la nature de l’homme, les tourments de l’existence terrestre lui ayant fait peu à peu perdre le souvenir de ce savoir originel. [15] La pratique du dhikr vise dès lors à faire réapparaître à la conscience ces connaissances enfouies, tel un miroir qu’il faut nettoyer pour qu’il puisse refléter de nouveaux les vérités d’en Haut. On voit dès lors se profiler l’idée de "souvenir" également impliquée par la notion de dhikr. Il est donc à la fois une forme de méditation et une pratique visant à la purification de l’esprit, tout en étant également une louange et une glorification de Dieu. Par l’invocation constante de Ses noms, la "rouille" de l’oubli s’efface progressivement et les hautes connaissances divines peuvent de nouveau se refléter dans le cœur du croyant. [16] Le cœur "poli" par le dhikr pourra également déchiffrer tous les signes et "voir" la présence de Dieu partout, dans chaque chose et chaque être. Dans ce sens, cette pratique est intimement liée à la quête et à la pratique de la justice dont la mise en œuvre dépasse ici la stricte sphère sociale.
La notion de justice est également centrale dans l’œuvre de l’Imâm ’Alî, et revêt une dimension sociale mais également sacrée et spirituelle. Elle est "ce qui met tout à sa bonne place" et en premier lieu l’âme, étant donné que la majorité des injustices vient de ses excès. La justice fait partie de la nature originelle oubliée de l’homme évoquée précédemment, qu’il doit à nouveau "rendre présent" à lui-même en éduquant son âme à lutter contre ses penchants. La première injustice devient dès lors celle que l’homme commet contre sa propre âme en suivant ses bas instincts. Par conséquent, la première étape de l’établissement de la justice consiste en une lutte pour rééduquer sa propre âme (mujâhadat al-nafs), étant donné que celui qui n’a pas purifié son propre être et établi la justice au sein de lui-même ne pourra être juste vis-à-vis d’autrui. La quête de la justice est donc d’abord personnelle, et se double de celle de sa première nature oubliée depuis la chute de l’âme dans le corps. Au final, la recherche de la justice doit mener à une véritable identification avec ce qui est juste, et non à seulement faire ce qui est juste. L’Imâm n’appelle donc pas l’homme à faire le bien mais à être juste dans tout son être.
Au niveau de la communauté, l’Etat a pour tâche principale de faire régner la justice, d’assurer la paix sociale, de défendre les opprimés et de permettre à tous de vivre selon les enseignements du Prophète. Cependant, l’appareil gouvernemental ne doit en aucun cas devenir un but en soi ou un moyen de réaliser des ambitions personnelles. Afin d’être préservé de toute corruption ou tentation d’abus de pouvoir, le gouverneur doit s’efforcer de se conformer à des vertus humaines comme la compassion ou l’impartialité conçues comme étant autant de reflets des attributs divins, tout en gardant à l’esprit qu’il n’est rien devant la justice absolue du Créateur - ceci devant l’inciter à être perpétuellement humble et à se considérer comme un "serviteur" et non comme un homme de pouvoir. Par conséquent, la justice doit non seulement conduire à établir une société juste, mais également à se rapprocher du divin et de ses attributs en enracinant en chacun l’ihsân, vertu qui consiste à "adorer Dieu comme si tu le voyais, car si tu ne le vois pas, Lui te voit". [17]
Ces enseignements ont fait l’objet de nombreuses réflexions et études en milieu chiite. Le commentaire le plus connu de cet ouvrage est celui d’Ibn Abû al-Hadîd al-Mu’tazilî (XIIIe siècle), mais il fut également commenté par des penseurs et théologiens tels que Muhammad Bâqir ibn Muhammad Taqî Majlisî, Habîbollah Khû’î, ou encore Abû Bakral Jawharî. Il connut également une certaine diffusion en milieu sunnite, notamment grâce au Sheikh égyptien Mohamed ’Abduh, haute figure de l’Université Al-Azhar du Caire, qui étudia cet ouvrage en profondeur et décida par la suite de le publier en Egypte accompagné d’un court commentaire rédigé de sa main.
Son authenticité fut cependant remise en question par plusieurs théologiens sunnites, dont Ibn Khallikân au XIIIe siècle. De façon générale, en milieu sunnite, les opinions concernant ces écrits divergent, certains considérant qu’elle est une fabrication partielle (notamment concernant la partie critiquant les trois premiers califes), d’autres, comme Ibn Taymiya ou Yusuf al-Nabahânî, totale, alors que d’autres reconnaissent son authenticité. Certains commentaires ont d’ailleurs été rédigés par des sunnites qui, s’ils s’opposent souvent sur l’authenticité de certains passages, n’en admettent pas moins unanimement la valeur littéraire et rhétorique de l’ouvrage. Hors de la sphère musulmane, des chrétiens libanais tels que George Jordac ou encore Polos Salmah tiennent cet ouvrage en haute estime.
Au cours des derniers siècles, de nombreux érudits chiites se sont également efforcés de prouver l’authenticité de cet ouvrage en retrouvant les chaînes de transmission et l’origine des sources sur lesquelles al-Râdî s’était appuyé. [18] Au-delà de l’ensemble de ces polémiques, Henry Corbin invite le lecteur à ne pas se perdre dans les querelles d’authentification qui, outre leurs motifs bien souvent idéologiques, tendent à évaluer cette œuvre exclusivement à l’aune de son historicité et de la validité de ses sources. Face à cette approche réductrice, il se fait l’apôtre de l’adoption d’une démarche phénoménologique permettant d’en saisir la l’esprit, la beauté, ainsi que la portée spirituelle indéniable qui ne peuvent être réfutés par aucun argument ni preuves historiques.
La voie de l’éloquence présente un horizon de pensée très vaste ayant une portée théologique, sociale et morale, tout en dévoilant une vision de la spiritualité où la religion et la foi sont inséparables de l’action. Véritable miroir de la spiritualité chiite, cet ouvrage révèle ses plus profondes aspirations et sa dimension fondamentalement initiatique, selon laquelle le respect de la loi religieuse littérale (sharî’a) ne prend son sens que si elle conduit le croyant vers la haqîqa, c’est-à-dire la religion spirituelle intérieure menant à la découverte du sens caché des Révélations. Le sens de l’existence se convertit donc, pour chaque croyant, en un cheminement vers la connaissance de soi au travers de l’Imâm, prélude nécessaire à la connaissance du Créateur et au retour de l’âme à sa patrie originelle. Il invite aussi à changer les regards et à percevoir la réalité extérieure non comme un ensemble de données matérielles, mais comme un phénomène à déchiffrer ; un lieu perpétuel d’épiphanie pour qui saura en percevoir les signes.
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Il a tiré l’univers du néant, l’a forgé de rien, sans effort intellectuel, ni expérience acquise, ni mouvement actué, ni hésitation ou préméditation.
Il fixa le terme des choses, en harmonisa les divergences, percevant leurs limites, leurs fins, leurs semblables et leurs aspects.
Puis il dégagea les espaces, les distances, les voies et les cours cosmiques et il fit couler les eaux aux vagues houleuses et hautes ; il les fit charger sur les ailes des vents furieux et de la tempête déchaînée.
Puis il ordonna aux vents de renvoyer les eaux, de les brider et de les dompter. L’air s’y livra passage et les eaux s’y déversèrent.
Il créa ensuite un vent stérile en permanence, violent, d’origine lointaine qu’il chargea de faire mouvoir l’eau haute, de soulever les vagues des mers. Ces vents agitèrent fortement les eaux, les dispersèrent dans l’espace et les remuèrent avec fougue.
Puis de ces vagues démontées et écumantes, élevées dans l’air libre et le Cosmos ouvert, il façonna sept cieux dont le plus bas est formé des vapeurs condensées des vagues et le plus haut d’un toit inaccessible et d’une voûte sublime qui flottent sans support ni jointures.
Il orna alors les galaxies d’astres et d’étoiles brillantes. Dans un firmament constellé et mouvant, Dieu fit graviter un soleil éclatant et une lune scintillante.
Puis Dieu dégagea les hauts cieux qu’il peupla d’anges de toutes catégories ; les uns se prosternant sans s’agenouiller, d’autres s’agenouillant sans se dresser, d’autres en rangs impacts ou rendant hommage à Dieu sans se lasser ; ils ne sont pas assujettis au sommeil, à la distraction des esprits, à la lassitude des corps ou à l’inadvertance de l’oubli.
Les uns sont dépositaires et confidents de ses révélations, porte-parole auprès de ses messagers, exécutants de ses décrets et ordres ; d’autres sont protecteurs de ses adorateurs, ou gardiens des portes des paradis.
Quelques-uns ont les pieds fixés dans les profondeurs des terres tandis que leur tête traverse le firmament supérieur ; leurs corps émergent hors de tout espace ; leurs épaules s’adaptent aux piliers du Trône.
N’osant fixer le regard sur le Trône, ils ont les ailes pliées autour, les voiles de la gloire et les rideaux de la puissance dressés entre eux et leurs inférieurs.
Ils ne conçoivent guère Dieu sous une forme visible, ne lui appliquent aucunement les attributs contingents, ne les délimitent nullement et ne lui reconnaissent pas de pair.
(Traduction de l’arabe au français revue et corrigée par Dr. Sayyid Attia Abul Naga in Nahju-l-balagha (La voie de l’éloquence), édition bilingue Ansariyan in 4e Ed., 2002.)
[1] Le contenu de cette expression diffère pour les sunnites et les chiites. Dans la doctrine chiite, l’Ahl al-Bayt est en général composé du Prophète Mohammad, de sa fille Fâtima, et des douze Imâms. Ils sont également parfois surnommés les « quatorze immaculés » (tchâhârdah ma’sûm) et font l’objet de dévotions particulières. Ce « plérôme des quatorze » a également nourri les réflexions de nombreux théosophes, notamment dans le domaine de la cosmologie.
[2] Les partisans de ‘Alî ont donc été nommés les "shi’ites", terme dérivant du mot "shî’a" signifiant le parti, la faction, et donc par extension "les partisans d’‘Alî". Au sein même de ce groupe, une faction s’insurgea contre le fait que ce dernier n’ait pas davantage cherché à faire valoir ses droits à la succession, et cessèrent de lui apporter leur appui : on les appela par la suite les « Kharidjites », c’est-à-dire ceux qui sortent (du rang des partisans d’ ‘Alî).
[3] "ana madînatu-l-’ilm wa ’Alî bâbuhâ", hadîth cité dans Nîshâbûrî, Mustadrak.
[4] Hakîm al-Nîshâbûrî était un érudit musulman qui rédigea Al-Mustradrak ’alaa al-Sahîhain rassemblant et attestant l’authenticité de nombreux hadîths au début du XIe siècle.
[5] "inna ’Alî minnî wa anâ minhu", ibid.
[6] La notion d’Imâm fait ici référence à l’ensemble des Douze Imâms reconnus par les chiites duodécimains.
[7] En effet, selon le Coran, l’ensemble des révélations prophétiques sont reconnues et considérées de manière égale : "Le Messager a cru en ce qu’on a fait descendre vers lui venant de son Seigneur, et aussi les croyants : tous ont cru en Allah, en Ses anges, à Ses livres et en Ses messagers (en disant) : "Nous ne faisons aucune distinction entre Ses messagers". Et ils ont dit : "Nous avons entendu et obéi. Seigneur, nous implorons Ton pardon. C’est à Toi que sera le retour", (2:285).
[8] Les Imâms sont au nombre de douze pour les chiites duodécimains majoritaires en Iran et en Irak, et de sept pour les ismaéliens qui sont davantage présents en Inde, au Pakistan, en Syrie ou au Yémen.
[9] "Il symbolise la réalité essentielle de l’homme, son Alter Ego spirituel, d’où la sentence "Celui qui meurt sans connaître son Imâm (c’est-à-dire sans connaître son Soi), meurt de la mort des inconscients", in Daryush Shayegan, Henry Corbin, la topographie spirituelle de l’Islam iranien, Editions de la différence, 1990. Il a également une fonction hiérophanique et est le " "pôle du monde" ou "pôles des pôles" sans lequel l’existence terrestre ne pourrait subsister un instant de plus", Ibid.
[10] Si le Prophète à "fait descendre" (tanzîl) le Coran, l’Imâm a pour rôle de reconduire le croyant à sa signification première et originelle, qui se situe à un niveau ésotérique (ta’wîl) dont le nom vient de la racine arabe "awwala" et implique l’idée de reconduire, ou de faire remonter quelque chose à son origine. Sans les Imâms, la Révélation serait donc confinée à son sens littéral et extérieur, et les croyants se limiteraient à en suivre aveuglément la "lettre" sans en comprendre le sens profond.
[11] L’ordre n’est donc en aucun cas chronologique et de nombreux sermons ne sont en réalité que des fragments de discours beaucoup plus longs.
[12] L’intellect ne doit pas être confondu avec la raison qui n’en constitue qu’un des modes. Il comporte une dimension rationnelle mais également spirituelle dont la Révélation révélera à l’homme toute la profondeur. L’intellect est donc ici conçu comme l’organe capable d’accéder à la vision des réalités transcendantes, alors que la raison est de nature discursive et ne recourre qu’à la logique en se limitant à la formulation de concepts de ces réalités.
[13] Il s’agit avant tout de combattre ses caprices et son individualisme, ou l’ensemble des penchants susceptibles de l’éloigner de la connaissance évoqués dans le Coran sous le terme de hawâ. Il ne faut donc pas combattre l’âme en elle-même mais rediriger son énergie pour en faire un auxiliaire de l’intellect dans la recherche de la connaissance.
[14] En réalité, le terme dhikr est d’une infinie complexité : il renferme les notions d’évocation, de souvenir, de glorification, d’incantation, de récitation…
[15] Ces connaissances innées auraient été insufflées à l’homme par le souffle divin qui a "soufflé" en lui son âme : "Puis il lui donna sa forme parfaite et lui insuffla de son esprit" (Coran, 32:9).
[16] Dans Nahj-ul-Balagha, l’Imâm ’Alî décrit le dhikr comme un "polissage pour les cœurs" (jilâ’an lil’qulûb) grâce auquel on "entend après avoir été sourd, voit après avoir été aveugle".
[17] D’après un Hadîth de Gabriel, paroles du Prophète Mohammad interrogé par l’ange Gabriel.
[18] Nous pouvons notamment citer Masâdir Nahj-ul-balâgha wa asâniduh (Les sources de la Voie de l’Eloquence et ses preuves d’authenticité) par ’Abd al-Zahrâ al-Husaynî al-Khâtib, ou encore Madârik Nahj-ul-balâgha (Les sources documentaires de La Voie de l’Eloquence) par ’Abdallah Ni’ma réfutant l’argument de certains alléguant qu’al-Râdî lui-même en serait l’auteur.